Le musée Benaki propose souvent des expositions temporaires de qualité. Aussi un jour que nous passons par là notre regard est-il attiré par cette affiche sur la grille du musée. Oui, il faudra que nous revenions voir cela. Du vingt-cinq septembre au dix-sept novembre? Ce sera fait le trois octobre.
Le verbe “philéo” signifie “aimer” et le “xénos” est l’étranger, par conséquent la “philoxénia” est le regard positif que l’on porte sur l’étranger, qui a entraîné chez les Grecs, depuis la plus haute antiquité à l’époque des Mycéniens et de la Guerre de Troie dans les descriptions d’Homère, et jusqu’à nos jours et de cela je suis personnellement témoin, un impérieux devoir d’hospitalité et d’accueil du voyageur. L’affiche dit “Η τέχνη της φιλοξενίας”, ce qui se traduit textuellement par “L’art de la sympathie pour l’étranger”, mais que l’affiche, bilingue, traduit par “Rituals of hospitality”. Rites… je préférerais “L’art de l’hospitalité”. Le sous-titre dit “Plateaux peints du dix-neuvième siècle provenant de Grèce et de Turquie”.
Commençons par deux plateaux métalliques qui représentent Constantinople, la future Istanbul. Sur le premier, c’est la célèbre Mosquée Bleue, ou mosquée de Sultanahmet, avec au premier plan l’obélisque de Théodose, sur l’Hippodrome. Sur le second, c’est une vue générale de la ville, avec ses deux ponts sur la Corne d’Or, en arrière-plan la mer de Marmara, on voit sur la rive où nous sommes la Tour de Galata et sur l’autre rive les grandes mosquées et le palais de Topkapi. Ces deux plateaux, qui datent de la fin du dix-neuvième siècle, étaient destinés au marché ottoman. Il est expliqué que le fond vert émeraude est à la mode et se retrouve sur une majorité de plateaux. L’ornementation fleurie est tout à fait dans le goût oriental.
Le sujet de cette ville est récurrent. Cela reflète la fierté de ces habitants de la reine des villes, et il s’agit aussi, bien souvent, de montrer combien elle est grande et belle. Paris a un obélisque égyptien? Nous avons notre obélisque de Théodose. On est fier de représenter le moderne pont de Galata. De modernes bateaux à vapeur font partie du décor. Ces sujets, d’ailleurs, ne sont pas la décoration des seuls plateaux, ils sont très à la mode dans les fresques de plafonds, en papier peint pour les murs, etc.
Ces deux autres plateaux métalliques à fond vert sont également destinés au marché ottoman, avec de même cette ornementation fleurie sur le pourtour. Cette fois-ci, ce sont des villes étrangères qui sont représentées, sur le premier qui est postérieur à 1893 on voit Dresde, sur le second c’est bien sûr notre Tour Eiffel parisienne, il est donc postérieur à l’Exposition Universelle de 1889. Il y a un intérêt très vif pour l’étranger, pour les grandes villes dont parle l’actualité. En outre, si au début la facture des plateaux était rudimentaire, avec des poignées soudées, en cette fin de siècle elles sont rivetées ou vissées, et les têtes des rivets sont laissées apparentes. Constantinople s’ouvre à la modernité, une classe moyenne est en train d’émerger, les quartiers chics de la rive nord de la Corne d’Or s’équipent de l’électricité, du tramway, de lignes téléphoniques, les Grands Magasins parisiens y ont leur succursale, le Bon Marché, le Louvre, qui proposent à la clientèle les “nouveautés” des pays occidentaux. Aussi les techniques de décoration de plateaux sont modernes, impression ou décalcomanie en couleurs.
On sait qu’il y a des interprétations de l’Islam qui interdisent la représentation humaine. Ce n’est pas toujours le cas, puisque nombre de miniatures persanes (et musulmanes) représentent des personnages, mais il est notable qu’ici il n’y a strictement personne dans les rues, ni à Dresde, ni à Paris. Tout comme précédemment en plein jour personne ne franchit les ponts de Constantinople.
Les vues des plateaux précédents sont certes réinterprétées, mais elles sont en gros réalistes en ce sens que l’on peut reconnaître précisément de quels endroits il s’agit. Ici, on voit des pyramides, on est en Égypte, mais ce ne sont pas des pyramides précises, ce kiosque dans le désert copié je ne sais où, ou complètement imaginé, a été transporté arbitrairement à leur pied. Également pour le marché ottoman, il n’est que vaguement situé entre le milieu et la fin du dix-neuvième siècle.
La naissance suivie du développement de la photographie a créé un regain d’intérêt pour le portrait, et l’ouverture sur le monde, la diffusion de la presse, donnent au public une meilleure connaissance des grands de ce monde et de leurs visages. L’art des plateaux décorés en subit nécessairement l’influence. En ce dix-neuvième siècle, la Grèce a acquis son indépendance au détriment de l’Empire Ottoman. Beaucoup de territoires de populations grecques, de langue grecque, de religion orthodoxe, sont encore sous domination turque, mais la progression de l’indépendance est en marche. Aussi ne peut-on s’étonner que les sujets philhellènes se répandent en Grèce. Plus surprenant, mais pourtant bien réel, est leur développement également dans l’Empire Ottoman. Autre sujet en lien avec ces changements politiques, la représentation du roi de Grèce, de sa femme, des princes héritiers. Ici, c’est sur des assiettes.
La première représente la reine Amalia, née Amélie d’Oldenbourg qui en 1836 a épousé le roi Othon Premier de Grèce, le premier roi depuis l’indépendance. La seconde assiette a été éditée pour célébrer le mariage du roi Georges Premier de Grèce avec Olga Constantinovna, grande-duchesse de Russie. Au-dessus du buste des mariés, il est écrit “Ils se sont mariés le 15 octobre 1867”. Au-dessus d’eux, flottent deux rubans: “Unité des populations grecques” et “Ma force, l’amour du peuple”. En-dessous, un autre ruban dit “Que Dieu garde le couple royal”. Et puis tout autour, dans des cercles formés par des lauriers entrecroisés, je lis “Attique, Phtiotide, Eubée, Cyclades, Sporades, Acarnanie, Étolie, Parnasse, Psara, Thrace, Rhodes, Chypre, Patmos, Cos, Mytilène, Chios, Samos, Crète, Macédoine, Thessalie, Épire, Péloponnèse, Sept-Îles [=îles Ioniennes]”. Au dos de l’assiette figurent les noms de Grezos et Argyropoulos, marchands de l’île de Syros (une Cyclade de l’ouest), et Poulou, marchand de Smyrne. Le graphisme est inspiré de modèles enregistrés en 1869 à Cardiff et en 1870 à Liverpool, nous sommes donc dans les années 1870 où beaucoup des territoires nommés ci-dessus ne sont pas encore rattachés à la couronne de Grèce, ce qui signifie qu’il faut voir dans cette assiette une représentation militante pour l’ἔνωσις, c’est-à-dire l’union. Le mot était employé pour exprimer la réunion en un seul pays de toutes les terres qui, historiquement, avaient été grecques. Aujourd’hui, toutes les terres citées sont intégrées à la Grèce, même si une partie de la Macédoine constitue un état indépendant (ARYM, Ancienne République Yougoslave de Macédoine), et si une partie de la Thrace est rattachée à la Turquie d’Europe.
Revenons à des plateaux métalliques. Ces deux-là sont destinés au marché grec. Le premier représente le prince héritier (diadoque) Constantin, né en 1864 et qui règnera de 1913 à 1917 mais devra abdiquer, et reviendra sur le trône de 1920 à 1922 avant de mourir en 1923. Le plateau indiquant le titre de diadoque est postérieur à 1884, année où le prince, majeur depuis ses seize ans, reçoit officiellement le titre.
La princesse Sophie, qui est représentée sur le plateau de ma seconde photo, s’est mariée avec le diadoque Constantin (ce qui explique que, sur le plateau, elle soit nommée diadoque alors que cette princesse prussienne fille du kaiser Frédéric III n’est en rien héritière du trône de Grèce) en 1889. Le plateau est donc postérieur à cette date.
Les plateaux représentent aussi souvent des étrangers qui figurent en tête de l’actualité. Par exemple Élizabeth, dite Sissi, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, réputée plus belle femme régnante du monde. Elle a en outre des liens étroits avec la Grèce puisqu’elle s’est fait construire un palais, l’Achilleion, sur l’île de Corfou, qu’elle adore, et qu’elle a appris la langue grecque: à ce sujet, voir sur ce blog mon article intitulé Corfou (encore), et daté du 14 au 16 décembre 2010. Toutefois, il n’est pas question encore de ce palais, puisqu’elle le fera bâtir en 1890-1891, alors qu’elle a cinquante-trois ans, et qu’elle avait découvert Corfou en 1862 à vingt-quatre ans, car ce plateau date des années qui suivent 1855, quand Sissi a dix-sept à vingt ans.
Autre célébrité étrangère, l’empereur Napoléon III. Ce plateau date des alentours de 1862 et provient (mais le musée fait suivre cette origine d’un point d’interrogation entre parenthèses) d’Europe du Nord. Les événements de France, avec la chute de la monarchie en 1848, la brève république dont le “prince président” se proclame empereur par le coup d’état de 1852, et puis la participation en premier plan à la guerre de Crimée, aux côtés de l’Empire Ottoman contre la Russie, ont un grand retentissement. Il n’est donc nullement étonnant que l’empereur soit un sujet fréquent.
Le troisième plateau est beaucoup plus ancien, il remonte au début du siècle, dans les années 1820. On suppose qu’il était destiné au marché grec. Philhellène, Byron s’était fait confectionner un magnifique uniforme rouge avant de s’embarquer pour l’île de Céphalonie (dont je parle dans un article daté du 8 au 10 février 2011), il paie des soldats, finance des navires, se rend sur le continent à Missolonghi assiégée par les Turcs, où il meurt de la fièvre des marais en 1824 (cf. mon article Missolonghi, daté des 14 et 15 janvier 2011). C’est lui que ce plateau représente, sanglé dans son uniforme rouge, à la tête d’un régiment grec, acclamé par la foule qui le considère comme le libérateur.
Les personnalités représentées sur les plateaux ne sont pas toutes liées au monde de la politique, rois et reines ou bienfaiteurs de l’indépendance. Si ces plateaux étaient à la mode de nos jours, on n’y représenterait sans doute pas des rappeurs parce que les amateurs de cette musique ne sont pas les clients de ces objets décoratifs bourgeois, mais on pourrait y voir Montserrat Caballé dans le costume d’un rôle qui l’a rendue célèbre, ou Andrea Bocelli, ou encore un chanteur comme Charles Aznavour. Les plateaux métalliques ci-dessus représentent deux célèbres chanteuses d’opéra, des sopranos, et ils étaient destinés au marché grec. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant, car si l’on considère à quelle vitesse, aujourd’hui, sont vendus les billets pour des concerts au Mégaro Mousikis, la salle de concerts et d’opéra d’Athènes, on comprend que ce goût musical des Grecs ne peut pas dater d’hier, qu’il est bien ancré depuis longtemps dans l’âme des Grecs. Le premier, qui est des environs de 1867, représente Christina Nilsson dans le costume de son rôle de Marguerite, dans Faust. Le second, que l’on situe de façon imprécise entre les années 1840 et les années 1860, représente Jenny Lind, surnommée le Rossignol suédois, dans la robe de La Sonnambula, de Bellini.
Le musée a présenté ce plateau sur une reproduction de l’affiche annonçant le spectacle qu’il évoque. Les Britanniques Gilbert (1836-1911) et Sullivan (1842-1900) sont un librettiste et un compositeur qui ont collaboré à la création de nombreuses opérettes, dont l’une des plus connues est The Mikado. C’est elle, donc, qui fait l’objet de cette affiche, ainsi que de ce plateau destiné au marché grec dont on nous dit qu’il date des années 1880; mais la première du spectacle ayant eu lieu à Londres en 1885, il faut le situer dans la deuxième moitié des années 1880. De nos jours encore, cette opérette est très populaire outre-Manche, j’ai des amis qui m’en ont parlé, mais je dois avouer ne pas l’avoir du tout en tête. Je crois cependant que cette scène représente Yum-Yum et ses deux sœurs, Peep-Bo et Pitti-Sing, revenant de l’école.
Parfois, le modèle est anonyme, comme sur ce plateau métallique créé pour être vendu à la fois sur le marché ottoman et sur le marché grec. Il date de la première moitié du dix-neuvième siècle et représente une jeune beauté à la coiffure orientale.
En Occident, l’orientalisme fait fureur. Il n’est que de penser aux Odalisques de Delacroix, aux Baigneuses d’Ingres, ou à la littérature (Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem; Lamartine, Voyage en Orient; Nerval, Voyage en Orient; Flaubert, Voyage en Orient; Gautier, Constantinople). Les voyageurs racontent ce qu’ils ont vu, mais aussi ce qu’ils ont fantasmé car l’intérêt est bien souvent centré sur ce que l’homme ne voit pas, le harem et la beauté, la sensualité orientales. Les femmes sont entourées de mystère, et donc idéalisées. Ces deux plateaux métalliques datés d’après 1872, avec ces femmes du harem, proviennent de Russie et étaient destinés au marché de Perse.
“Beauté endormie”, tel est le titre donné par le musée. On nous dit que c’est une huile sur métal datée 1811-1830, provenant d’Allemagne (Stockmann, Braunschweig), mais je vois cette œuvre enchâssée dans un cadre rectangulaire, je ne sais donc pas s’il s’agit d’un plateau, ou d’un tableau. Un tableau sur métal, c’est rare, mais un plateau complètement plat et sans poignées, encadré, cela l’est aussi… Et cette image est aussi issue de l’imaginaire oriental.
Voici un sujet totalement différent. Ce plateau métallique de 1798 en provenance des Pays-Bas représente une allégorie du commerce. On distingue Mercure, le dieu protecteur des marchands, avec son caducée, et près du petit cours d’eau à gauche, Neptune le dieu de la mer avec son trident. Le musée pense que ce cours d’eau est l’Ij ou l’Amstel, mais cette interprétation est étonnante car ce mince filet d’eau sortant d’une conduite en terre cuite n’évoque que difficilement un fleuve, et d’autre part la mer est si proche que je ne vois pas pourquoi le dieu de la mer serait près d’une rivière. La mer, c’est donc la Mer du Nord, et il faut comprendre, paraît-il, que les cargos que l’on décharge appartiennent à la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales.
Retour sur une assiette. Elle provient de France, est décorée par le procédé d’impression-transfert, et date des alentours de 1878. Au-dessus du dessin, il est écrit “Exposition universelle”. Dans cette seconde moitié de siècle, les expositions universelles en France ont eu lieu à Paris en 1867, 1878, 1889. Il s’agit donc de celle de 1878. Le présentoir porte l’inscription “FABRIQUE CARTES À JOUER”. Et le camelot qui fait la propagande de sa fabrique dit “C’est drôle, il n’y a que Mrs les Grecs qui m’achètent ma marchandise”. Et en effet, les clients que l’on voit sont des moustachus en fustanelle. Pour le musée, l’intention est de souligner la présence grecque à l’exposition universelle de 1867. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette interprétation. D’une part à cette époque l’industrie était largement assez réactive pour être capable de mettre sur le marché dès 1878 une assiette évoquant un événement de l’année, plutôt que le même événement vieux de onze ans. Mais de plus, en quoi une faïencerie française aurait-elle intérêt à signaler que la Grèce est présente à l’exposition, sur une assiette destinée au marché français? Et surtout en présentant les Grecs en costume traditionnel qui n’était plus porté que dans les campagnes ou les îles perdues, dans les fêtes folkloriques, et par la garde du palais royal? Je crois bien plutôt que c’est gentiment ironique. En 1861, un coup d’état oblige le roi Othon et la reine Amalia à fuir et à abdiquer. Ce roi issu de la dynastie des rois de Bavière est remplacé par Georges Premier, un roi issu de la dynastie danoise. Un référendum avait donné 94,19 pour cent de voix à un fils de la reine d’Angleterre mais les grandes puissances s’étaient opposées à ce qu’un membre d’une famille régnante monte sur ce trône. J’ai lu un livre intitulé Faillites grecques: une fatalité historique? un peu ardu mais passionnant, de Nicolas Bloudanis, un économiste grec qui montre comment la Grèce, dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, ne cesse d’augmenter sa dette nationale, les emprunts passant directement dans la poche de la classe politique complètement corrompue. Dans ces conditions, je pense que Mrs les Grecs s’intéressent aux cartes à jouer ou bien parce qu’ils n’ont rien de plus sérieux à faire, ou peut-être parce qu’ils vont jouer au poker le prochain roi ou la prochaine constitution. Ou parce qu’ils espèrent gagner gros en défiant les pays riches dans une grande partie de cartes.
Tout à l’heure, parlant d’un plateau représentant la Tour Eiffel, je disais que des grands magasins français avaient à Constantinople une succursale. Ci-dessus, on voit une publicité du Bon Marché qui se trouve Grand-Rue dans le quartier européen de Pera. D’ailleurs, tout est rédigé en langue française. En bas, il est dit “Seuls représentants de la Maison Christofle et Cie”, la célèbre argenterie. On peut imaginer, bien sûr, puisque c’est la grande mode, que l’on peut trouver dans ce magasin un joli choix de plateaux décorés.
Les sujets de mode et de faits sociaux ne sont pas absents, et surtout à l’époque de ce plateau (vers 1815) quand la photographie n’existe pas encore, puisque c’est surtout elle qui va donner un élan au goût du portrait. Je disais que l’évolution des techniques avait, plus tard, amené des poignées rapportées fixées par rivets ou boulons. Ici, donc, les poignées sont simplement découpées. De même la mode du vert émeraude n’est pas encore là. Ce plateau métallique, intitulé Fête nuptiale, provient vraisemblablement de Russie.
Sujets de mode, disais-je? Pas seulement sur les plateaux. L’exposition montre aussi quelques planches de mode, comme celle-ci. Robes et accessoires. Cette page qui date du milieu du dix-neuvième siècle vient probablement de France: sans chauvinisme déplacé, chacun sait qu’à cette époque Paris était la capitale de la mode et que les élégantes de bien des pays, dont la Grèce, faisaient venir robes, chapeaux, manteaux et autres vêtements directement de Paris. Lorsque l’on n’en avait pas les moyens, on se faisait confectionner sur place des modèles trouvés dans ce genre de planches illustrées.
Puisque je parle de mode, je vais changer un peu de sujet, car l’exposition s’écarte maintenant de la présentation de plateaux métalliques et d’assiettes de faïence. Ce sont ici des sabots de hammam en bois fin dix-neuvième siècle, avec des inserts d’argent et de nacre. Il paraît que bien des plateaux (mais ici nous n’en verrons pas) présentent des accessoires destinés à des élégantes, et en particulier ce genre de chaussures parce qu’elles se rapportent à cette institution nationale qu’est le hammam dans la culture turque.
C’est pour les marchés grec et ottoman que ces jolies porcelaines ont été créées au milieu du dix-neuvième siècle. Elles portent la marque JP, il faut y voir la main de Jacob Petit, un porcelainier parisien qui fabriquait des beautés orientales vêtues de costumes polychromes qui, en fait, sont des flacons à parfum. On le voit, le goût de l’orientalisme ne se limite pas aux plateaux, à la peinture et à la littérature.
Ces deux aiguières et ce vase du dix-neuvième siècle sont des opalines de Beykoz, une région de la Turquie d’Asie, au débouché du Bosphore dans la Mer Noire. Le ventre en goutte d’eau est très caractéristique, tout comme la décoration florale. C’est depuis le dix-huitième siècle que Beykoz s’est spécialisée dans l’opaline et aussi le verre transparent.
C’est pour le marché ottoman et pour le marché grec qu’étaient fabriquées ces tasses de porcelaine. Tous les voyageurs (ou presque tous) insistent sur cette coutume des Turcs et des Grecs d’offrir le café comme signe de bienvenue, d’accueil. Les tasses à café traditionnelles n’ont pas d’anse, et sont servies dans des sur-tasses extérieures aux bords plus bas, pour que l’on puisse les prendre en main sans se brûler. La demande était telle que l’on importait la porcelaine de Saxe (à Meissen) et de Vienne, ces industries fabriquant des modèles spécifiques pour ces marchés, les décorant de motifs floraux et de dorures.
Les cristaux de Bohême étaient très à la mode dans toute l’Europe au dix-neuvième siècle, et tout particulièrement dans l’Empire Ottoman et dans l’État grec nouvellement indépendant. Cette coupe de cristal de Bohême bleu, décorée de fleurs et de dorures, a été créée au milieu ou à la fin du dix-neuvième siècle pour le marché ottoman.
Au dix-neuvième siècle, en Grèce comme en Turquie, le très important rituel de l’hospitalité faisait offrir aux hôtes le café, on l’a vu, mais aussi une pipe de tabac, des fruits au sirop et des sorbets. Et pour consommer cela il y avait des accessoires spécifiques, des cuillères d’argent souvent pendues sur un présentoir, comme sur ma photo ci-dessus.
Le très populaire Palais de Cristal de Londres, le Crystal Palace, avait été construit, en fer et en verre démontables, dans Hyde Park pour la toute première Exposition Universelle, en 1851. On le démontera après la fin de l’exposition, six mois plus tard, pour le remonter ailleurs agrandi, mais cette image datant de 1854 il est représenté sur son premier emplacement, alors qu’il abritait l’Exposition Universelle de 1851. Même si c’est peu lisible sur ma photo réduite pour publication ici, le premier stand à droite est celui de la Grèce, le suivant est celui d’Égypte et de Turquie, le dernier est celui de la Perse.