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21 juillet 2017 5 21 /07 /juillet /2017 23:55

Nous avions la Turquie à notre programme. Une autre année, je ne sais quand. Un grand voyage dans toutes les parties de l’Anatolie. Pour l’instant, nous étions à Chios, la prochaine étape était Samos, et il y avait plusieurs autres îles grecques à visiter jusqu’à Rhodes. Et puis est survenu un problème technique. En effet, parce que les bouteilles de propane pour l’alimentation de notre gazinière, de notre chauffe-eau, du chauffage en hiver, et du réfrigérateur-congélateur lorsque nous ne roulons pas (utilisation du 12 volts de la batterie) et ne sommes pas connectés au 220 volts (mais il n’y a aucun camping dans ces îles), sont différentes dans chaque pays et sont, d’autre part, dans certains pays trop grandes pour entrer dans le compartiment qui leur est réservé sur notre camping-car, nous avions fait installer, avant notre départ de France, un système au GPL dont la bonbonne est de même taille qu’une bouteille française de butane ou de propane, qui convient sans modification à tous nos appareils, et qui se recharge à la pompe comme n’importe quel véhicule équipé pour ce type de carburant.

 

Mais le problème que nous n’avions pas prévu, c’est que dans toutes ces îles de l’est de la mer Égée, il n’y a que deux pompes à GPL, l’une dans le sud de Lesbos, et l’autre à Rhodes. Vu la chaleur, nous pouvons nous doucher à l’eau froide, nous n’avons pas besoin de cuisiner et nous disposons d’un petit réchaud Camping-Gaz pour le café du matin, pour réchauffer éventuellement une conserve, mais le gros problème c’est de ne plus avoir de réfrigérateur par une chaleur qui oscille selon les endroits entre 35 et 42 degrés, et voilà que notre réserve de gaz clignote en rouge. Il est urgent de faire le plein. Deux solutions, la première consiste à revenir à Lesbos, la seconde à passer en Turquie où il y a partout des pompes à GPL. Chios est si près de la côte turque que le ferry est incomparablement moins cher que celui qui nous mènerait à Lesbos, et puis c’est l’occasion de jeter un coup d’œil sur cette ville d’Izmir, ex-Smyrne. OK, nous allons à Izmir.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Ce ferry Chios-Izmir est, de toutes façons, sans réservation, mais nous n’avions pas songé à réserver. Or il est bien petit. Il suffit de voir les sièges passagers, sur le pont supérieur, pour imaginer que la place est réduite pour les véhicules sur le pont inférieur.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Dire que la place est réduite, c’est un euphémisme. Un tout petit nombre de voitures sous les sièges des passagers, et notre maison sur roues, trop haute pour entrer, occupe tout le reste, autant en longueur qu’en largeur. Et avec un chausse-pied, on arrive à la caser.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Adieu, Chios. Ou plutôt à bientôt, puisque nous reviendrons dans cette île avant de nous embarquer vers Samos. La ville de Chios n’est pas très originale, et sans être déplaisante elle n’a pas un charme particulier. Mais en nous éloignant, en voyant du bateau la ligne basse de son front de mer, on en a une fausse idée parce que le centre, vu de plus près, vaut mieux que cela. Durant tout notre séjour, nous ne nous étions pas doutés de son aspect quand on la voyait de ce côté-là.

 

Nous sommes partis pour un aller-retour en Turquie, peut-être deux ou trois jours. Mais écrasés de chaleur, installés dans un vrai camping avec connexion électrique, ce qui nous permet d’utiliser notre climatisation qui ne fonctionne pas sur le 12 volts, disposant sur place d’un service de lingerie qui nous épargne de courir en ville avec nos ballots de linge à la recherche d’une blanchisserie ou d’une laverie en self-service, nous resterons finalement deux semaines, du 5 au 20 août. Et puis il y a des choses à voir, même si ici nous faisons un peu relâche de nos activités culturelles.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

En outre, au camping nous avons des amis. Non seulement il y a un coq et des poules qui se baladent partout, mais il y a des chats qui nous font mille amitiés et qui veulent sans cesse entrer dans le camping-car, où nous les admettons volontiers le jour mais ne souhaitons pas les garder la nuit. Soudain, nous avons entendu l’un d’entre eux faisant une sarabande sur le toit de notre auvent: il avait grimpé dans un arbre, et avait ensuite sauté d’une branche. Une autre fois, il a réussi à entrer: au lieu de sauter sur l’auvent, il a sauté sur le toit, puis est passé par un lanterneau en déchirant la moustiquaire qui le ferme. Laissant un peu de lait dans une soucoupe devant la porte du camping-car, nous avons également eu la visite d’un hérisson. Quand je dis qu’au camping nous avons des amis!

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Mais commençons par l’antiquité. Les fouilles menées depuis 1989 ont mis au jour des objets prouvant l’occupation du site d’Izmir, l’ancienne Smyrne, depuis le début de l’âge du bronze, vers 3000 avant Jésus-Christ, tandis qu’un sceau hittite du douzième siècle avant Jésus-Christ est une importante indication sur l’habitat du lieu à cette époque. Les villes au plan en damier, les rues se coupant à angle droit et déterminant des quadrilatères égaux sont dites de plan hippodamien; mais Hippodamos a vécu de 498 à 408 avant Jésus-Christ, et un panneau vu dans le musée archéologique dit que Smyrne, au septième siècle avant Jésus-Christ, était construite sur des rues orientées nord-sud et est-ouest, les façades regardant le sud. Autrement dit, une ville de plan hippodamien avant Hippodamos.

 

Ci-dessus, cette pièce de monnaie que j’ai photographiée au musée numismatique d’Athènes en octobre 2011 représente la Tychè de Smyrne, c’est-à-dire sa destinée, avec les murailles de la ville comme symbole sur sa tête. La légende attribue au peuple des Amazones, ces femmes n’admettant les hommes que pour se reproduire et menant une existence guerrière, l’origine lointaine de la ville, en passant par une autre ville d’Asie Mineure, Éphèse. C’est Strabon, dans sa Géographie, livre XIV, qui nous le raconte: “Smyrna était l'Amazone qui avait un moment régné sur Éphèse, et ville et habitants avaient retenu son nom […]. Ajoutons que l'un des quartiers ou faubourgs d'Éphèse portait plus spécialement le nom de Smyrna […]. Mais les Smyrnéens voulurent se séparer des Éphésiens: ils se dirigèrent alors en armes vers la partie de la côte où s'élève aujourd'hui la ville de Smyrne et que les Lélèges occupaient, en expulsèrent ce peuple et bâtirent Palæo-Smyrna, à vingt stades de distance de l'emplacement de la ville actuelle”.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Le même jour, j’avais pris cette photo au musée numismatique d’Athènes. Pour la légende, le musée se contente d’un mot en grec, un mot en anglais: Όμήρειον, Homerian. Ce serait donc Homère qui serait représenté assis. Le seul problème, c’est que sur le droite je lis “Smyrne”, et sur la gauche “Diogène”. C’est la pièce elle-même qui parle, pas le musée. Elle ne peut donc pas se tromper. Je n’ai pas la berlue, je crois que c’est lisible, il est écrit ΔΙΟΓΕΝΗΣ. Diogène de Smyrne est un philosophe qui a vécu à Smyrne, à cheval sur le cinquième et le quatrième siècles avant Jésus-Christ. Cela dit, il est vrai que Smyrne, comme Chios (comme je le racontais dans mon article Chios, l’île du mastic. Chora) et plusieurs autres villes, se dit le berceau du poète. Choiseul-Gouffier, dans son Voyage pittoresque de la Grèce publié en 1782, écrit que Smyrne “était l’une des villes qui revendiquaient l’honneur d’avoir vu naître Homère […]. Leurs monnaies portaient son image, comme s’ils eussent reconnu pour souverain le génie qui les honorait”.

 

J’insère ici quelques points marquants de l’histoire de Smyrne après l’antiquité. C’est en direction du nord, en partant de l’Arabie, que les Arabes convertis à l’Islam par Mahomet ont entamé leurs conquêtes et les conversions d’autres peuples. Dès le septième siècle, en 672 (alors que l’Hégire est de 622), Muhammad ibn Abdullah et son armée s’emparent de Smyrne. Signalons ensuite un terrible tremblement de terre destructeur en 1025, et une terrible famine qui a décimé la population. Puis en 1071 Çaka bey, l’un des grands chefs militaires du sultan turc Alpaslan, atteint les rives occidentales de l’Anatolie et prend Smyrne. Il y établit sa flotte et de là il conquiert les îles de Chios, Samos et Lesbos. À partir de 1094, Alexis Comnène aidé des Croisés repousse les Turcs vers l’intérieur de l’Anatolie, jusqu’à ce qu’en 1300 ils reviennent s’installer là et y restent jusqu’à nos jours.

 

Venons-en à une époque plus récente, avec Belon qui, dans un livre intitulé Les observations de plusieurs singularités et choses mémorables trouvées en Grèce, Asie, Judée, Égypte, Arabie et autres pays étranges, publié à Anvers en 1555, sans avoir débarqué à Smyrne, nous en dit: “Nous avions la ville nommée le Smyrne à main gauche, qui est pour le jour d’hui l’une des villes la plus riche, et du plus grand trafic de marchandise de tout le pays de Natolie, qui avait anciennement nom Smyrna”. Ce qu’il appelle Natolie, c’est bien évidemment l’Anatolie, mais il est curieux qu’un homme cultivé du seizième siècle ignore le grec, car le mot, substantif du verbe ana-tellô qui signifie se lever, désigne tout simplement le Levant, cette grande terre “à l’est” de la Grèce.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Mais revenons à Choiseul-Gouffier un peu plus de deux siècles plus tard. Cette Vue de Smyrne est tirée de son livre. Après avoir évoqué Homère, plus loin il parle de la ville telle qu’il l’a vue en cette fin de dix-huitième siècle: “On n’est point frappé, en arrivant à Smyrne, comme on l’est à Amsterdam ou à Bordeaux, de cet extérieur de richesse et de magnificence que produit un grand commerce: les sujets du Grand Seigneur, occupés d’augmenter leurs fortunes, s’occupent encore plus soigneusement de la cacher; et toujours tremblants, ils n’osent en jouir dans la crainte de la perdre. Le danger presque continuel des incendies et des tremblements de terre est un nouveau motif qui les empêche d’élever de grands édifices, et toutes les maisons sont construites en bois, excepté les mosquées, les bézestins [= grands marchés] et quelques caravansérails; mais pour apprécier la ville de Smyrne, il faut arrêter ses regards sur l’étendue et la sûreté de son port, il faut compter cette foule de navires de toutes les nations qui, toujours en mouvement, toujours remplacés, font de cette échelle le marché le plus fréquenté du Levant et l’entrepôt du commerce de l’Asie Mineure”.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Quelques décennies plus tard, en 1845, Konstantinos P. Kaldis réalise cette gravure, que j’ai photographiée au musée Benaki d’Athènes le 10 novembre 2011. Or entre ces deux dates, la Correspondance d’Orient 1830-1831, de Joseph-François Michaud, donne une image de la ville qui est très différente. “La ville de Smyrne se divise en deux parties ou deux grands quartiers, la ville basse et la ville haute. La première est habitée par les Turcs et les Juifs; la seconde par les Grecs, les Arméniens et les Francs. La ville basse renferme d’assez beaux édifices, des maisons assez bien bâties; là sont les marchés, les bazars, les boutiques […]. De toutes les rues que j’ai visitées, je ne puis vous en citer que deux qui méritent d’être remarquées, et qui aient un nom, c’est la rue Franque et la rue des Roses. Je ne vous parlerai pas de ces rues étroites et tortueuses, de tous ces passages obscurs, de ces allées couvertes, au milieu desquelles je me suis égaré plusieurs fois […]. Beaucoup de rues n’ont jamais été pavées; celles qu’on a pavées sont si mal entretenues qu’on a de la peine à y marcher: une voiture traverserait plutôt le lit d’un torrent que la plus belle rue de la cité. Aussi n’a-t-on jamais vu de voitures à Smyrne. Strabon, qui se plaignait que la ville ancienne n’eût point d’égouts, en trouverait presque partout dans la ville nouvelle. Des excavations qu’on rencontre souvent sur son chemin, et que personne ne s’occupe de fermer, laissent échapper des exhalaisons infectes. Dans beaucoup de rues, on voit un ruisseau fangeux, ou plutôt un égout découvert, avec un trottoir de chaque côté. Les chameaux, les chevaux et les ânes qui font les transports passent dans le ruisseau; il arrive souvent qu’un chameau, chargé de ses deux ballots ou de quelques bois de construction, occupe à lui seul tout l’espace de la rue. À l’approche de ces animaux, il faut fuir et se mettre à l’écart, comme à l’approche d’un pacha et de son escorte menaçante. Ajoutez à cela qu’on étouffe dans les rues populeuses, et que l’air y est partout corrompu ou fétide”. Et Michaud de continuer ainsi pendant des pages et des pages. Les autres voyageurs sont-ils aveugles, ou trop indulgents? Ou est-ce Michaud qui voit tout d’un œil trop critique?

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Encore un peu plus tard, “fin du dix-neuvième siècle” dit de façon imprécise la notice, ce plateau métallique destiné au marché ottoman porte le titre Vue de Smyrne, depuis le port. Je l’avais photographié le 3 octobre 2013 à l’exposition intitulée Philoxénia au musée Benaki d’Athènes.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

1919-1922. Des événements terribles vont survenir dans cette grande ville prospère. Il y a un siècle, en 1821, a éclaté la Guerre d’Indépendance grecque, les Grecs de l’Empire Ottoman ont revendiqué, les armes à la main, de retrouver leur indépendance perdue à la fin du moyen-âge et au début de la Renaissance. Dès le quatorzième siècle les Turcs ont occupé des territoires grecs d’Anatolie et du nord de la Grèce continentale, en 1453 a eu lieu la chute de Constantinople, et les conquêtes turques se sont poursuivies. À partir de 1827 de vastes territoires sont ainsi redevenus libres, puis d’autres peu à peu, et les Guerres Balkaniques ont restitué à la Grèce indépendante la Crète et la plupart des territoires qui lui appartiennent aujourd’hui. C’est alors qu’a éclaté la Première Guerre Mondiale. Le roi Constantin Ier a pris le parti des Allemands, son premier ministre Venizelos a fait sécession et a créé à Thessalonique un gouvernement favorable aux Alliés, cela a permis à la Grèce, avec l’abdication du roi, de se trouver du côté des vainqueurs, et la Conférence de Paris, en 1919, considérant que Smyrne était grecque depuis l’antiquité et que sa population est en grande partie grecque, la rattache à la Grèce indépendante. Mais les Turcs ont du mal à admettre l’argument d’une occupation depuis un lointain passé car avant le onzième siècle ils n’étaient nulle part en Anatolie, et dès le 15 mai 1919 certains vont réagir. Sous la statue de cet homme avec un pistolet, la plaque dit “Première balle. En mémoire du journaliste Hasan Tahsin et d’autres martyrs qui ont ouvert le premier feu du combat national le 15 mai 1919. Ce monument a été réalisé par la nation, à l’appel de l’Association des Journalistes d’Izmir”.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

En ce 15 mai 1919, vingt mille soldats grecs investissent Smyrne. Cela donne aux Turcs de la ville et de toute l’Asie Mineure l’impression qu’ils vont être chassés. On vient de voir que Tahsin, et d’autres, prennent les armes, cela va être le début d’une nouvelle guerre gréco-turque. Tahsin tente d’assassiner le chef de l’armée grecque. Considérant que le sultan, signant cet armistice et, en 1920, le traité de Sèvres qui démembre l’Empire Ottoman et l’ampute de soixante-dix-sept pour cent de ses territoires, trahit sa patrie, le général Mustapha Kemal, celui qui deviendra Atatürk, prend la tête de cette guerre de reconquête nationale, dont une partie est donc contre la Grèce. Selon les Turcs, en se prétendant majoritaires à Smyrne, les Grecs mentent, les populations turques seraient nettement plus nombreuses. Dès son arrivée en mai 1919, l’armée grecque fait tirer sur des bâtiments turcs, et les Grecs s’attaquent dans la rue à des Turcs, simples civils, qui sont martyrisés et exécutés avec les dernières des cruautés. Les troupes grecques, rapidement, avancent et conquièrent des territoires pour assurer les arrières de Smyrne. C’est trop. La France et l’Italie signent des accords avec Mustapha Kemal et lui fournissent des armes. Ainsi lâchés, les Grecs demandent l’armistice, ce que refuse Mustapha Kemal qui se sent en position de force. Devant l’avancée turque, les populations grecques et arméniennes de l’arrière-pays refluent par dizaines de milliers vers Smyrne.

 

Quand l’armée turque entre dans la ville, c’est la panique. Les soldats turcs se vengent, et les tortures, les exécutions se multiplient. Et soudain, le 13 septembre 1922, la ville s’embrase. Accidentellement? C’est peu probable. Les Turcs responsables? C’est envisageable, mais sans doute auraient-ils épargné tous ces entrepôts, toutes ces installations portuaires qui leur auraient servi après la reconquête. Les Grecs? Les Arméniens? C’est une thèse très plausible, car depuis qu’Atatürk a repris le chemin de la victoire, Grecs et Arméniens ont systématiquement brûlé et détruit tous les lieux qu’ils étaient obligés d’abandonner. Poussés par le feu et par l’armée d’Atatürk, les Grecs et les Arméniens tentent de fuir, sur des barques, voire à la nage. Il en résulte des milliers de morts. La ville, ou plutôt ses cendres, sont aux mains des Turcs. Le traité de Lausanne, le 24 juillet 1923, confirme cette situation, et décide de l’échange de populations, les Grecs de Turquie doivent partir vers la Grèce, les Turcs de Grèce doivent partir vers la Turquie. Sauf pour les Grecs de Constantinople, et pour les Turcs de Thrace. Entre Turcs et Grecs, la discrimination ne se fait pas selon des critères ethniques, mais religieux: est considéré grec tout chrétien, et turc tout musulman. Un million six cent mille Grecs sont concernés, et trois cent quatre-vingt-cinq mille Turcs.

 

Maintenant, on ne parlera plus de Smyrne, la cité qui va se reconstruire ici se nommera Izmir, en langue turque. Ce n’est pas évident à première vue, mais c’est en réalité le même nom, déformé par la langue turque.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

D’ailleurs, c’est facile, le turc. Je suis sûr que vous le parlez couramment. À condition de savoir:

– que le S avec une cédille (ş) se prononce CH comme dans cheval, coucher,

– que le E se prononce toujours É,

– que le O avec un tréma (ö) se prononce EU comme dans beurre, leur,

– que le U se prononce à peu près OU comme dans mou, clou

– que le C avec une cédille (ç) se prononce TCH,

Alors vous savez déjà comment dire un short, un maillot, un béret, un T-shirt, vous pourrez demander à l’institut de beauté une épilation, et si vous voulez occuper vos loisirs avec des travaux de couture, vous pourrez acheter des accessoires et des fermoirs ainsi que du textile. Pour le bricolage, vous achèterez du caoutchouc…

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Ah bon, vous devez vous rendre chez le notaire? C’est un peu loin, louez donc une bicyclette. Pour prendre des forces arrêtez-vous en passant à la charcuterie, mais attention! La Turquie est un pays musulman, dans cette charcuterie vous n’achèterez pas de porc. Il y a du saucisson pur bœuf, et puis on y fait un peu traiteur. Si vous avez mangé des amuse-gueule avec un bâtonnet pique-olive, ne le jetez pas par terre, mettez-le dans la boîte marquée cure-dents. Notez que si le U se prononce à peu près OU, en revanche lorsqu’il comporte un tréma (ü) il se prononce à peu près comme le U français de plume, rhume. Et voilà, vous y êtes, le notaire c’est là sur votre gauche, au numéro 14.

 

J’ai pris toutes ces photos d’enseignes (et bien d’autres! Mais je ne vais pas mettre ici toute ma collection, ce serait fastidieux) parce que j’ai la manie de lire, en me baladant, toutes les plaques de rues, les affiches publicitaires, les enseignes de boutiques. Cela me permet d’apprendre un peu, un tout petit peu, de vocabulaire, mais c’est aussi une très, très vieille habitude. J’avais –selon ce que mes parents m’ont souvent rappelé– trois ans et demi et, voyant tout le monde lire autour de moi, les adultes mais aussi ma sœur qui commençait à aller en classe, je voulais absolument savoir en faire autant, et dans la rue je ne cessais de demander ce qu’il y avait écrit ici… et ici?... et ici? C’était surtout ma grand-mère et ma tante Anne que je torturais de mes questions, auxquelles je me rappelle qu’elles répondaient avec une patience angélique. Maintenant, oui, oui, oui, je lis tout seul, et dans la rue ce sont les inscriptions en langue étrangère qui me fascinent, en France je trouve plus intéressant de regarder les gens, les paysages, les monuments que les panneaux publicitaires!

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Voyons un peu cette ville. Et tout d’abord, nous arrivons sur cette grande place de Konak. Au centre, un monument célèbre à Izmir, la Tour de l’Horloge (Saat Kulesi), offerte à la ville en 1901 par le sultan Abdülhamid. Cette place est un lieu de promenade comme on peut le voir sur cette photo avec les promeneurs, les enfants qui jouent, les gens assis sur les bancs publics.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Sur cette même place de Konak, se trouve cette jolie petite mosquée octogonale couverte d’un dôme circulaire, avec ses carreaux de faïence décorant chacune des faces. C’est la mosquée Yali de Konak.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Un peu plus loin, le monument à Mustapha Kemal Atatürk. Cet homme est très populaire en Turquie, et il y a de quoi. Au moment où son pays était dépecé, c’est lui qui a relevé la tête, c’est lui qui a redonné le courage de se battre, c’est lui qui a fait entrer la Turquie dans le modernisme. Sainte-Sophie avait été bâtie par les chrétiens, qui la réclamaient? Mais depuis Mehmet le Conquérant, en 1453, elle a été transformée en mosquée et les musulmans entendent la garder? Très bien, elle deviendra un musée, les deux communautés religieuses ne se jalouseront plus. Dans l’Empire Ottoman, on parlait turc, mais pour l’écrire on utilisait l’alphabet arabe, très mal adapté à cette langue altaïque: Mustapha Kemal adapte l’alphabet dit latin, et le rend obligatoire pour écrire le turc. Les Turcs sont, en grande majorité analphabètes? Il va tout faire pour combler ce retard. Comme en Occident au moyen-âge, on n’a pas de nom de famille en Turquie? Tout un chacun devra s’en créer un, et pour lui-même il choisit Atatürk. Et ainsi de suite. Ce grand homme, qui a fait de la Turquie gouvernée par un sultan qui était en même temps le calife des Croyants, une république laïque où les femmes sont les égales des hommes, doit se retourner dans sa tombe en voyant ce pays moderne qu’il a créé, gouverné aujourd’hui par un homme qui rend légal le port de signes religieux par les fonctionnaires de l’État dans l’exercice de leurs fonctions, qui déclare publiquement qu’il s’appuie sur le Coran pour affirmer que les femmes ne peuvent être considérées comme les égales des hommes, et ne tolère pas qu’une femme rie fort en public.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Le monument honore Mustapha Kemal, mais il est plus précisément représentatif de la reconquête. En dehors de bisiklet, d’aksesuar et de quelques autres mots (voir ci-dessus), je ne parle pas turc, mais j’ai un mini dictionnaire qui m’a permis de déchiffrer les quelques mots gravés sur le socle de la statue: “Ordular! Ilk hedefiniz Akdenizdir. Ileri!”, c’est-à-dire “Armée! Le premier objectif [c’est] la Méditerranée. En avant!” Mais plus bas, je lis “Büyük kurtarıcıya Izmirin minnet ve sükranı” (en respectant les I surmontés d’un point et ceux qui ne le sont pas), et il me manque le dernier mot… “Au grand sauveur d’Izmir, reconnaissance et…”. Mais on comprend l’intention générale. Car Mustapha Kemal, avant d’être cet administrateur hors pair du pays a fondé sa légitimité sur la reconquête d’Izmir et sur la fierté rendue à son pays.

 

À son sujet, Natacha m’a offert un livre passionnant –qu’elle m’a fait dédicacer par l’auteur lors d’une présentation publique. C’est un gros pavé de près de 550 pages, intitulé Kemal Atatürk, père fondateur de la Turquie. L’auteur, Alexandre Jevakhoff. L’éditeur, Tallandier. Il cerne à merveille la personnalité de l’homme, et il est rempli de faits et d’anecdotes. Par exemple, sur les femmes, j’y trouve cet extrait d’un discours: “Dans les villages mais aussi dans les villes et les bourgs, j'ai constaté que les yeux et les visages des femmes, nos camarades, sont complètement couverts. Particulièrement en cette période chaude de l'année, cette pratique, j'en suis sûr, leur crée de la peine et de l'angoisse. Mes amis! tout ceci résulte un peu de notre égoïsme. Nous devons être très honnêtes et attentionnés. Mais, chers camarades, nos femmes sont sensibles et réfléchies comme nous. Après nous être inspirés de leur moralité sacrée, leur avoir expliqué notre principe national et les avoir éclairées, l'égoïsme ne sera plus nécessaire. Qu'elles montrent leurs visages au monde et qu'elles regardent le monde avec attention. Il n'y a rien à craindre”. C’est donc un livre dont je recommande la lecture à toute personne s’intéressant à la Turquie ou à Atatürk.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Ailleurs, place Gundogdu, il y a cette cavalcade échevelée sur ce haut piédestal. Cette grande sculpture est intitulée Arbre de la République (Cumhuriyet Ağaçı).

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Puisque j’en suis aux sculptures, j’ajoute celle-ci, qui représente un squelette de navire. Je n’ai pas trouvé d’explication à son sujet. Ce peut être une pure œuvre d’art sans signification particulière, ce peut aussi être le symbole d’une équipée maritime, ou de la flotte ottomane, ou même de la flotte des Achéens menée par Agamemnon contre Troie.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Et puis, symboliquement, parce que nous sommes dans une cité maritime, j’ajoute une photo de la surface de la mer. Je suis souvent fasciné par le graphisme presque abstrait de la mer, il m’arrive souvent, en me promenant sur la côte ou depuis le bord d’un navire, d’en prendre des photos. Eh bien, en voilà une.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Nous n’avons pas visité grand-chose à Izmir. Lors de nos promenades en ville, nous avons surtout regardé autour de nous, observé la vie, observé les gens. En voilà quelques images. Il fait très chaud, ce sont les vacances, tous ceux qui sont en vacances cherchent la fraîcheur sur la grande promenade qui longe la mer. Il y a de l’herbe et quelques souffles d’air. Évidemment, cette longue ligne de bâtiments modernes n’est pas ce qu’il y a de plus plaisant, mais comme je l’ai dit tout à l’heure le grand incendie du 13 septembre 1922 a tout détruit. Il a fallu reconstruire en partant de zéro, ou presque. La troisième photo ci-dessus montre que de très rares bâtiments ont pu être sauvés.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Tout le monde n’est pas sur le front de mer à paresser dans l’herbe. Dans les rues commerçantes du centre, il y a beaucoup d’animation, et l’ambiance est plutôt sympathique.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Le hasard nous a fait croiser une manifestation, ou ce qui lui ressemble, mais… nous n’avons rien compris. Rien de ce que nous voyons ne semble se référer à la politique, et pourtant nous sommes en période électorale, comme en témoignent des affiches politiques un peu partout.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Le T-shirt (pardon: le tişört) blanc de l’homme qui porte un drapeau au milieu de la première ligne est marqué de l’inscription REVOLUTION, visible quand j’agrandis à l’écran ma photo originale, et sur certains drapeaux est représentée la tête d’un barbu qui pourrait être un politicien. Sur les drapeaux, je lis “Yenikapı Tiyatrosu”, et dans une rue j’ai remarqué une boutique portant cette même inscription. Selon mon petit dictionnaire, Tiyatrosu signifie “Théâtre”. Lorsque nous étions à Istanbul, fin 2012, j’ai appris le mot yeni qui signifie nouveau (Yeni Camii, c’est la nouvelle mosquée) et le mot kapı qui signifie porte, comme dans Topkapı, la Porte du Canon. Je suppose donc qu’il faut comprendre le Théâtre de la Nouvelle Porte, mais ces deux mots sont ici écrits sans séparation, et quand je mets Yenikapı Tiyatrosu dans le traducteur de Google, il me donne “Théâtre joué”. Rien à voir. De plus, sur cette devanture, on lit distinctement le nom du site Internet quand ma photo est en taille originale, www.yenikapitiyatrosu.com, et quand on se connecte à cette adresse on tombe sur une page en japonais, sans possibilité de passer à une autre langue. Un copier-coller du titre et du premier paragraphe dans le traducteur de Google donne un charabia horrible, d’où il ressort qu’il est question de carte de crédit pour femmes au foyer. Alors parti politique? Théâtre? Banque japonaise? Laissons-les défiler et poursuivons notre chemin!!!

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Le hasard de nos déambulations dans les rues d’Izmir nous a fait passer devant ce bâtiment où le drapeau français ne pouvait pas ne pas attirer notre attention. C’est l’Institut Français d’Izmir.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Dans la ruelle qui longe cet Institut français, le mur est revêtu d’une mosaïque. Cette mosaïque est investie de la mission de représenter la France. Il y a Jeanne d’Arc, c’est parfait pour la partie historique; en France, le FN s’est sans doute un peu trop accaparé son image à des fins politiques, mais à l’étranger elle reste une image forte sans référence partisane. Pour Paris, il y a la Tour Eiffel et le Moulin Rouge. Je suis beaucoup plus réservé quant à ce choix. Paris date de Lutèce, et la Tour Eiffel a beau être célèbre et remarquable techniquement, elle est un peu trop moderne pour être le symbole de Paris. Quant au Moulin Rouge… le gai Paris, les filles superbes montrant leurs fesses et agitant leurs plumes (et la plupart d’entre elles ne sont pas françaises), ce n’est pas vraiment l’image de la France. Mais je sais que le choix est difficile, car le Louvre est hyper célèbre, premier musée du monde, mais sa façade n’est pas très reconnaissable par les étrangers, Notre-Dame donnerait une image trop marquée religieuse dans un pays où l’on veut montrer qu’un État moderne se doit d’être laïque… Cependant j’ai beau être parisien et aimer passionnément ma ville, je répète à tous vents que la France n’est pas seulement Paris, et le monument le plus visité au monde est le Mont-Saint-Michel dont la silhouette est bien connue à l’étranger.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Nous avons pénétré dans les lieux. L’Institut français d’Izmir comporte un bar et restaurant tout à fait sympathique où nous nous sommes offert une petite consommation pour goûter un peu l’air du pays. La qualité de ce que nous avons mangé, la gentillesse du service, bravo, cela fait honneur à la France.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Nous nous sommes arrêtés pour voir cette mosquée Salepçioğlu, avec bibliothèque, école et medrese, construite à la toute fin du dix-neuvième siècle, de 1897 à 1904 mais dont une plaque informe que son origine historique remonte à 1323, quand l’Anatolie avait déjà été investie par les Turcs, mais cent trente ans avant qu’ils ne parviennent à prendre Constantinople et à installer l’Empire Ottoman à la place de l’Empire Byzantin. C’est le gouverneur d’Izmir, Kazım Dirik qui, en 1923, construit le minaret à l’emplacement de l’ancien. Récemment, de grands travaux de restauration ont été entrepris, laissant penser que la mosquée n’avait absolument pas été entretenue, parce que des photos présentées sur de grands panneaux montrent l’intérieur comme les façades en terriblement mauvais état.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Cette façade est en bien mauvais état, mais quoique nous n’ayons rien à faire là (il est indiqué, sur le papier que l’on voit affiché sur la porte –au secours, mon petit dictionnaire– que c’est un entrepôt d’emballages et de palettes), nous jetons un coup d’œil à l’intérieur, et l’homme qui est là nous accueille gentiment et nous dit d’entrer et de prendre toutes les photos que nous voulons. Je ne suis pas passionné par les palettes, mais cette voûte est impressionnante. Je ne vois pas bien pour quel genre de bâtiment civil elle a pu être construite, cela n’a rien non plus d’une mosquée, et je me demande si ce ne serait pas une ancienne église chrétienne, ce que ne démentirait pas la façade.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Sur ce bâtiment, à la gauche du portail, il y a une belle fontaine de marbre toute sculptée d’élégants décors. Sur le registre supérieur, on voit un grand nombre de bâtiments serrés les uns contre les autres, couverts de dômes pour les uns, de toits pointus pour d’autres, et puis le tout est dominé par de hauts minarets. J’aurais aimé avoir des explications, savoir s’il s’agit de Smyrne ou d’Istanbul, mais personne n’a pu répondre à mes questions.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014
Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Et enfin un petit tour dans une ville turque ne serait pas complet sans un passage par le marché. C’est un lieu toujours plein d’animation, où tout est intéressant, les marchandises, les vendeurs, les clients. Et comme Izmir ne fait pas partie des cités les plus visitées de Turquie, ce marché est beaucoup plus fait pour les autochtones que pour les touristes.

 

Je disais que notre séjour à Izmir était marqué par une pause dans nos activités culturelles. Je n’ai montré que quelques vues de sculptures publiques, d’animation dans les rues. Nous avons quand même visité le musée archéologique, si riche que je lui consacrerai un article à part. Excepté cela, nous repartons vers Çeşme pour nous embarquer vers Chios, d’où nous gagnerons Samos.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

En dehors du plein de GPL –c’était quand même le motif de cette traversée vers la Turquie– nous n’avons strictement rien visité de Çeşme. À défaut de photo prise par moi, je montre une gravure du port et de la ville par Jean-Baptiste Hilair que Choiseul-Gouffier publie dans son Voyage pittoresque de la Grèce. À l’époque de leur voyage, en 1776, les événements de la guerre russo-turque sont encore tout proches, il les raconte ainsi:

 

“Tchesmé est devenue célèbre de nos jours par la victoire des Russes qui y détruisirent l'armée navale des Turcs en 1770. Cette dernière, bien supérieure à celle de ses ennemis, était composée de vingt-cinq voiles, dont quinze grosses caravelles: l'armée Russe , sous les ordres de M. le Comte Alexis Orlow, n’était que de neuf vaisseaux de ligne et de six frégates. […] Les Russes jetèrent alors, dans le bâtiment ennemi, des artifices dont l'effet ne fut que trop prompt, puisque n'ayant pu s'en éloigner, le feu prit également aux deux vaisseaux qui sautèrent ensemble. Il ne se sauva que vingt-quatre Russes, parmi lesquels étaient l’amiral, son fils et le comte Théodore Orlow. […] Cet événement répandit un effroi général parmi les Turcs. Ils coupèrent aussitôt leurs câbles, et allèrent se jeter, par la plus détestable des manœuvres, dans le port de Tchesmé, où ils furent bientôt bloqués. Le 7 à minuit, cinq vaisseaux russes s’entraversèrent en face du port, et commencèrent une canonnade terrible, soutenue par le feu continuel d’une galiote à bombes; mais ils eurent bientôt recours à un moyen plus terrible et qui produisit tout son effet. Un brûlot alla mettre le feu à l’un des vaisseaux turcs; et un vent violent s’étant élevé au même instant, toute la flotte ottomane fut consumée, à l’exception de quelques  bâtiments, dont les Russes s’emparèrent avec leurs chaloupes et qu’ils parvinrent à préserver de l’incendie général. […] Tous les vaisseaux étaient en feu, et sautaient successivement, à mesure que les flammes gagnaient les poudres: la mer était couverte de malheureux, qui nageant à travers les débris et les flammes, essayaient de gagner le rivage: l’artillerie des vaisseaux turcs, qui se trouvait chargée, fut un nouveau moyen de destruction, et renversa presqu’entièrement la ville et le port de Tchesmé. […] De cette armée redoutable, […] il ne restait pas aux Turcs un seul canot”.

Izmir (Smyrne). Du 5 au 20 août 2014

Ces deux semaines ont passé sans que nous ayons le temps de nous en rendre compte. Il ne nous reste plus qu’à rembarquer notre camping-car sur ce ferry trop petit pour lui. À l’arrivée, des douaniers attendent les passagers avec des chiens renifleurs. Nous ne les intéressons pas le moins du monde, et regagnons le parking qui nous sert de résidence et que nous connaissons bien, et dès demain nous nous embarquons sur un autre ferry, un vrai, un gros, à destination de l’île de Samos. Mais, comme je l’ai annoncé tout à l’heure, mon prochain article sera consacré au musée archéologique d’Izmir.

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