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25 juillet 2017 2 25 /07 /juillet /2017 23:55

Le musée archéologique d’Izmir couvre toute l’histoire, depuis l’âge du bronze jusqu’à l’époque contemporaine. D’autre part, il ne se limite pas à des objets recueillis sur ou sous le sol de Smyrne / Izmir, mais dans toute la région. Je vais donc essayer de rendre compte de tout cela, et ce n’est pas toujours facile, parce que malgré la présence de panneaux explicatifs détaillés et très clairs qui donnent des informations générales, les notices objet par objet sont très succinctes, et parfois absentes…

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Commençons par les pierres qui sont situées dans la cour à l’extérieur des bâtiments, et qui ne disposent d’absolument aucune explication. Par exemple, cette inscription, qui est à coup sûr antique, mais de quand? Je lis: “Dionysiklès, fils de Metrodoros, prêtre de Dionysos, a commencé la prêtrise comme prytane d’Alexandre”. S’il s’agit d’Alexandre le Grand, alors nous sommes dans la seconde moitié du quatrième siècle avant Jésus-Christ. Mais est-ce cet Alexandre-là?

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Entre ces deux serpents, je vois une inscription en caractères grecs qui est en trop mauvais état pour que moi qui ne suis pas bon (moi qui suis nul) en épigraphie, je puisse la déchiffrer, toutefois le graphisme semble indiquer qu’ils sont antiques, et alors ils symbolisent le monde d’en-bas, le monde des enfers. Ils peuvent aussi être les attributs du dieu médecin Asclépios car souvent, quand des malades vont le consulter et dorment dans son temple, s’ils voient en rêve un serpent venir sur l’endroit malade ou blessé, ils sont guéris en se réveillant. Mais je ne peux affirmer de façon péremptoire qu’ils sont antiques…

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

J’aime beaucoup cette tête de taureau que je trouve très belle, mais ce sujet qui est assez classique dans l’antiquité, tête vivante ou bucrane, se trouve aussi parfois dans la sculpture byzantine. Doute ici aussi.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Quant à ces hommes en ligne, qui semblent porter des vêtements romains, ils peuvent aussi bien être les apôtres, sculptés par exemple sur un sarcophage paléochrétien, que des magistrats de l’Empire. Je pencherais plutôt pour la première solution, sans aucune certitude. Il serait instructif de savoir où cette pierre a été trouvée, car si c’est dans un cimetière du cinquième siècle de notre ère, par exemple, il n’y a plus aucun doute.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Très souvent, dans des monastères, nous avons vu des paons. Parce que, quasiment depuis le début de la diffusion du christianisme, on croyait que la chair du paon était imputrescible, cet animal a souvent été pris comme symbole d’immortalité de l’âme. Je sais bien que dans l’antiquité le paon était l’animal d’Héra, mais dans ce cas il n’y en a qu’un. Ces deux-là, buvant à la source de la vie, sont chrétiens. Resterait à déterminer de quel siècle date cette pierre.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Le blason, et avec cette forme, n’existait pas dans l’antiquité. Ce bas-relief est donc postérieur. En outre, l’un des blasons représente les clés de saint Pierre surmontées d’une tiare, ce qui est de toute évidence le blason de la papauté de Rome. Exposé en ce lieu, il nous situe à l’époque de l’Empire Latin de Constantinople, après la quatrième croisade dévoyée de 1204, et avant le bref rétablissement de l’Empire Byzantin puis la conquête de l’Empire Ottoman. Sous les armoiries papales, un peu à droite, ce lion pourrait être celui de saint Marc, donc le blason de Venise. Les autres blasons, je ne les identifie pas.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette remarquable dentelle de pierre, sans l’aide des archéologues, je ne saurais la dater. Ne comportant aucun motif humain ou animal, et riche d’une profusion d’ornements qui ne laissent aucun espace sans sculpture, je serais tenté d’y voir une œuvre de musulmans, et donc je la situerais dans la période ottomane, mais là encore mes arguments de non spécialiste sont bien minces.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ici, en revanche, les choses sont claires. D’une part la forme de cette pierre indique une stèle funéraire. D’autre part, ces inscriptions utilisent l’alphabet arménien. Et enfin sans être capable de lire un seul mot de cet alphabet, je lis la date de 1850. Beaucoup d’Arméniens vivaient dans l’Empire Ottoman, au même titre que les Grecs. Et 1850, c’est soixante-cinq ans avant le génocide de 1915. Quel que soit le nombre de tués, tout massacre est une abomination, mais le terme de génocide ne peut être utilisé lorsque les crimes ne portent que sur un nombre restreint d’individus, puisque ce mot signifie le meurtre d’une “race”.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ah, ici, je n’ai nul besoin de notice, depuis notre séjour à Lesbos. J’y ai appris à reconnaître ces originaux chapiteaux éoliens: voir mes articles du présent blog Lesbos 16 : Archéologie dans l’ouest de l’île, et Lesbos 26 : Agia Paraskevi.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ce très beau bas-relief en marbre représente, nous dit une notice (car désormais nous sommes dans le bâtiment du musée et il y a –souvent, pas toujours– des explications), Dionysos rendant visite à l’acteur athénien Icarios. Il provient d’Éphèse et date de l’époque romaine. On sait, bien sûr, que Dionysos est le dieu protecteur du théâtre, et c’est pourquoi il honore de sa visite un grand acteur. Derrière lui à droite, on voit des satyres qui font partie de sa suite, et qui jouent de la double flûte. Icarios est l’homme qui est couché, à gauche, et on peut penser que c’est sa femme qui est penchée sur lui dans cette position familière, tandis qu’un esclave, nu, se prosterne devant le dieu, ou peut-être lui tient le bas de son vêtement. Une chose est curieuse, Dionysos est tantôt représenté d’âge mûr, avec une très longue barbe, comme sur ce bas-relief, et tantôt au contraire, le plus souvent, comme un jeune homme au corps assez peu viril. Je n’ai pas souvenir d’une seule statue, dans aucun musée, où Dionysos serait encore jeune, mais avec un corps plus viril et des gestes moins lascifs, un juste milieu, en fait.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ici, nous avons beau être à l’intérieur du musée, on laisse le visiteur se débrouiller avec ce qu’il voit. Je ne donnerai pas de date, quoique le style soit un peu le même que pour Dionysos et Icarios, ce qui ferait dater ce marbre de l’époque romaine lui aussi. Quant au sujet, je suggère qu’il pourrait bien s’agir de Philoctète dont le pied a été cruellement mordu par l’animal qui est sous sa main gauche. La plaie va s’infecter, l’odeur va être épouvantable, et Ulysse va pousser l’armée des Achéens à l’abandonner seul sur l’île de Limnos. Nous avons vu la caverne où Philoctète a passé les dix années de la guerre de Troie, je la montre dans mon article de ce blog Les Cabires et Philoctète à Limnos.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ce bas-relief n’a rien à voir avec les deux qui précèdent, puisqu’il représente la ville de Smyrne, future Izmir, au dix-neuvième siècle.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Et puisque ce bas-relief nous a fait revenir à l’époque contemporaine, allons jusqu’en 1931 avec cet autographe d’Atatürk. Une petite étiquette retranscrit ses mots, que j’ai très soigneusement recopiés en respectant les i avec point et les ı sans point, les ş avec cédille et les s sans cédille, pour soumettre ce texte au traducteur de Google. Lequel traducteur n’a strictement rien compris et m’a sorti un charabia incompréhensible. Alors tant pis, je m’en passerai, mais si un de mes lecteurs comprend le turc, cela peut l’intéresser, je transcris ce texte ci-dessous (et dans ce cas, je lui serai très reconnaissant s’il m’adresse la traduction en français: je la recopierai ici et je citerai bien entendu son nom):

 

Atatürk Izmir’i ziyareti sırasında 3 şubat 1931’de Ayavukla Kilisesi’ ndeki müzeyi gezmiş ve müzenin hatıra defterine “Izmir Asarı Atika Müzesini gezdim. Büyük himmet ve dikkatle istifadeli bir hale getirilmiş, memnun oldum” şeklinde yazmıştır.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Après cette incursion dans le presque contemporain, repartons à l’autre bout de la ligne du temps pour les antiquités archéologiques de cette région. Nous sommes au début de l’âge du bronze. Le premier de ces objets est un pot de cérémonie de forme très étudiée, le second une aiguière apparemment plus simple mais qui témoigne d’un souci esthétique quand on considère ces bourrelets en forme de vagues sur son flanc, et pour le troisième le musée nous dit que c’est un “teapot”, une théière; je préférerais dire un pot à infusions, car le thé en Asie Mineure à l’âge du bronze… j’ai de sérieux doutes!

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Si je ne présentais qu’un seul objet, ce serait celui-là! Cette figurine d’ours provient de Liman Tepe, une cité antique située sur l’actuelle municipalité d’Urla, au sud-ouest d’Izmir, près de la côte sur la route de Çeşme. Cette ville avait un port, aujourd’hui sous la mer, remontant à 2500 avant Jésus-Christ. On y a identifié sept niveaux successifs d’occupation humaine, le premier correspondant aux époques classique et archaïque, et le septième plongeant jusqu’au quatrième millénaire avant Jésus-Christ. Sans compter que certains objets découverts datent du sixième millénaire. Tout cela fait de Liman Tepe, non seulement le plus ancien site d’Anatolie occidentale, mais celui qui a joui de la plus longue occupation sans interruption. Concernant cette adorable figurine d’ours, on nous dit seulement “early bronze age”, c’est-à-dire le bronze ancien, le début de l’âge du bronze, sans préciser dans quelle couche il a été trouvé, ce qui peut aller de la couche sept (quatrième millénaire) à la couche quatre (fin du troisième millénaire).

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Les deux photos ci-dessus montrent du matériel de guerre ou de chasse (c’est un peu la même chose, non?). Ces pierres taillées de ce début de l’âge du bronze sont destinées à être utilisées avec une fronde et si l’objectif est touché par l’une des pointes de la pierre, l’efficacité n’en est que plus grande. Sur la seconde photo, ce sont de traditionnelles pointes de flèches qui, elles, sont plus tardives, du milieu de l’âge du bronze.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette pierre est, elle aussi, du milieu de l’âge du bronze. Mais quand la notice se contente de dire qu’elle est dentelée, cela je suis capable de le voir. Mais on ne nous dit pas son usage. Est-ce une scie? Un couteau? Ou peut-être autre chose à quoi je ne pense pas.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Pour ce rhyton, au contraire, c’est la datation qui fait défaut. En revanche, il est longuement expliqué ce que mes lecteurs savent bien, qu’un rhyton est un vase destiné aux libations, avec un orifice de remplissage et un autre par lequel on verse au dieu la libation de vin ou de sang des victimes. La forme de ce rhyton en tête de bélier ou autre animal cornu me plaît bien. Pour revenir au problème de datation, en le comparant à d’autres vus ailleurs et en tenant compte de son style élaboré, je le situerais bien vers la fin de l’âge du bronze, aux alentours de l’ère mycénienne. D’ailleurs, il faut noter que, de l’Italie à l’Anatolie en passant par l’Égypte et par Chypre, sans compter la Crète et divers endroits de Grèce, on a retrouvé des fragments de poteries mycéniennes dans plus de soixante-dix sites. Raison de plus de ne pas me gêner pour faire de cet objet un rhyton mycénien!

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Pour cette coupe en forme de kylix, il est dit qu’elle est de la fin de l’âge du bronze. Et en effet, les dessins qui la décorent sont typiques de cette époque.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Et puis il y a ces deux flasques qui, du fait que leur datation ne peut être réalisée de façon très précise, sont plus ou moins contemporaines: pour la première, le musée dit fin de l’âge du bronze, et pour la seconde il la situe au deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Cette dernière provient de Panaztepe, au nord de la baie d’Izmir, à l’embouchure de l’Hermos (aujourd’hui le Gediz). Les fouilles ont révélé à Panaztepe deux sites de peuplement incluant chacun sa nécropole.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

C’est l’époque de la Guerre de Troie. Nous sommes au douzième siècle avant Jésus-Christ. Cette tasse sur trépied, avec son anse, est joliment décorée. Comme dans les îles de l’Égée, comme en Crète, nous sommes ici sur une côte, et sa civilisation est étroitement liée à la mer, aussi les dessins sont-ils fréquemment en rapport avec la mer, poissons, coquillages, oiseaux de mer, en formes de vagues. Et puis cette relation à la mer fait que les productions de l’extérieur peuvent se retrouver en Anatolie occidentale, comme les productions d’ici peuvent se retrouver ailleurs dans le monde mycénien. Et même, sans qu’il y ait importation, l’art et la technique s’inspirent souvent d’autres régions. Quand je repense aux céramiques crétoises d’Héraklion, par exemple, ou aux céramiques du musée préhistorique de Santorin, je trouve des similitudes frappantes dans le style de leur décoration.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Aucune indication n’est donnée concernant cette poterie qui conviendrait bien comme jardinière sur un balcon! On n’est clairement plus à l’époque mycénienne, les dessins sont géométriques, ce qui me laisse supposer que cette poterie est protogéométrique (dixième siècle avant Jésus-Christ), ou au plus tard du début de l’époque géométrique.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Pour ces sujets de mes deux photos, le musée dit que ce sont des cavaliers. Je les rapproche donc, quoique –ou plutôt parce que– ils sont très différents. Le premier est si grossier que je me demande comment les archéologues ont pu identifier un cavalier dans cet objet informe. Il est du huitième siècle avant Jésus-Christ. Au contraire le second, qui est du sixième siècle (daté 540 avant Jésus-Christ), est bien reconnaissable, et les traces de peinture représentent même un cheval pie. Hormis la taille du cavalier, un peu trop grand par rapport à la taille de sa monture, cette statuette est excellente.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Les archéologues turcs ont la preuve que Renault et Mercédès peuvent bien se targuer d’être les plus anciennes marques de voitures au monde, elles sont toutes deux battues à plate couture par Peugeot dont ce lion ornait le capot d’un char du septième ou du sixième siècle avant Jésus-Christ. Ah, je dois être sérieux? Ah bon? Eh bien, ce lion en bronze devait être une applique décorative sur un meuble ou un coffre. Une influence orientalisante est manifeste dans son style.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ma première photo ci-dessus représente un lébès, c’est-à-dire une sorte de chaudron ventru de taille moyenne. On le pose généralement sur un trépied pour cuire des aliments, mais ici il comporte son propre pied tourné. Quand j’essaie de voir de près dans la vitrine, il me semble que le lébès n’est pas solidaire du pied colonne, ce qui laisse penser que, plus traditionnellement, pour cuisiner on le pose directement sur les braises, ou sur un trépied métallique, et que ce haut pied n’est que pour la présentation sur la table. Une sorte de dessous de plat, en somme. Il est daté 625-590 avant Jésus-Christ.

 

À peu près contemporaine du lébès, ou légèrement postérieure, cette coupe à fruits est de 600-550 avant Jésus-Christ. Sa décoration, comme sa forme, sont simples mais ne manquent pas d’élégance.

 

Cette grande coupe à deux anses se situe dans la fin de la fourchette de la coupe à fruits, soit 560-550 avant Jésus-Christ. Ce chien (ou ce loup? Ce lion?) nous montre que la transition est faite, nous ne sommes plus à l’époque géométrique.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette femme à corps d’oiseau est bien sûr une sirène. Elle constitue un rhyton du sixième siècle avant Jésus-Christ, nous dit-on. Il est clair que le remplissage se fait par l’orifice au sommet de la tête, mais j’ai beau observer avec soin, nulle part je ne vois par où pourrait s’effectuer la libation. Aussi, je me le demande: est-ce bien un rhyton, ou plutôt un vase à parfum? C’est du culot de ma part, moi qui ne suis pas spécialiste, de mettre en doute l’interprétation faite par le musée, et donc, je suppose, par des archéologues, mais un objet destiné à un usage précis doit pouvoir remplir sa fonction. Peut-être alors l’orifice se trouve-t-il en-dessous.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Elle est également du sixième siècle avant Jésus-Christ, cette tête grimaçante, seulement qualifiée de “terre cuite architecturale” par le musée. C’est certainement, en effet, une acrotère, mais avec ce regard terrible et cette chevelure de serpents, il n’y a aucun doute: c’est une tête de Gorgone, c'est Méduse.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

“Garde à vous!” a ordonné l’officier. Quelle position rigide pour ces trois figurines de femmes en faïence! Sans compter que leur nudité ne cadre guère avec cette attitude, et d’ailleurs cet ordre semble déplaire grandement à celle de droite, qui fait une sale tête. Elles sont de 600-550 avant Jésus-Christ. On nous dit que ces figurines trouvées à Smyrne sont de style phénicien.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Avec sa forme ventrue, ce petit pot est un aryballe, c’est-à-dire un vase à parfum ou à huile parfumée dont s’oignent le corps par coquetterie les femmes, et après le sport les hommes. Il remonte au quatrième quart du sixième siècle avant Jésus-Christ. Ce n'est pas par sexisme que je fais cette différence, mais parce qu'elle est la simple réalité de cette époque.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette terre cuite du quatrième siècle avant Jésus-Christ est la représentation, assez rare, d’un bébé dans son berceau. Avec des biberons (mon article Amphipolis. 19 et 21 août 2012) et un pot de chambre pour enfant (mon article Athènes : bibliothèque d’Hadrien et ancienne agora. Jeudi 27 octobre 2011), sans compter les jouets, poupées et autres, vus un peu partout, nous avons un peu une image du décor de l’enfance dans l’antiquité.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Trouvé à Smyrne, ce satyre en train de danser est plus récent, puisqu’il est des alentours de quatre cents avant Jésus-Christ. Les satyres, qui font partie de la suite de Dionysos comme je le disais tout à l’heure à propos d’un grand marbre en bas-relief, se déplacent en jouant de la musique et en dansant, souvent sous l’emprise des vapeurs de l’ébriété et d’une forte excitation sexuelle.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Et puis nous arrivons à l’époque hellénistique, qui commence à la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ, à la mort d’Alexandre en 323. C’est de cette première époque hellénistique que date cette tête de Déméter en bronze, trouvée au fond de la mer, au large de Bodrum, l’antique Halicarnasse, en face de l’île de Cos.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette belle tête de jeune fille située dans une très large fourchette hellénistique, entre 300 et 30 avant Jésus-Christ, est de type, nous dit en anglais le musée, “nun of Isis”. Une “nun”, autant que je sache, est une religieuse de couvent. Je me jette sur mon grand Oxford English Dictionary qui, lui-même, définit la nun comme une femme qui a fait des vœux, généralement de pauvreté, et mène une vie monastique. Il y a quelques autres sens, se rapportant à des oiseaux ou à des insectes. Le mot n’est pas utilisé à tort par le musée pour désigner une prêtresse, parce que les prêtresses d’Isis étaient représentées avec un voile sur la tête. Ou bien Isis est vue “à l’égyptienne”, elle aime son frère et mari Osiris et allaite son fils Horus, ou bien “à la grecque”, elle est assimilée à Déméter, une déesse de la nature qui a donné le blé aux hommes. Elle n’est pas, comme Aphrodite, une déesse de l’amour physique, qui a dans ses temples des prostituées sacrées. Mais, lorsqu’elle est assimilée à Déméter, les Grecs (et Smyrne était peuplée de Grecs ioniens) lui vouent un culte à mystères, comme pour Déméter à Éleusis, et alors il y a des cérémonies d’initiation. Si les archéologues lient cette tête de jeune fille à Isis, c’est qu’elle a dû être trouvée dans un sanctuaire de la déesse (ce qui est dit, c’est qu’elle vient de Milas, l’antique Mylasa, au sud-ouest de l’Anatolie, dans l’arrière-pays du golfe entre les presqu’îles de Didymes et de Bodrum), et il y a alors toutes les chances pour que cette “nonne d’Isis” soit une initiée à son culte.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Avec sa courte tunique, quand je l’ai vue, cette statue a tout de suite évoqué pour moi Artémis. Hé non! C’est, paraît-il, une Amazone du quatrième siècle avant Jésus-Christ. Il est vrai qu’elle n’est pas accompagnée de son habituelle biche ou de son chien, mais comme elle n’a plus de bras on ne peut voir si elle portait un arc. Sa ligne est belle et élégante, c’est indéniable, mais des guerrières Amazones devait émaner une impression de force et d’énergie, elles devaient être moins graciles.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette femme qui porte une longue tunique moulante qu’elle drape sur ses hanches en la roulant, est du deuxième siècle avant Jésus-Christ. Nous sommes loin de l’extraordinaire beauté des marbres de l’époque classique.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Du deuxième siècle avant Jésus-Christ elles aussi, ces deux jeunes filles ont été trouvées, est-il dit, dans le bouleutérion, c’est-à-dire la salle de l’assemblée, le sénat. Dans cette société patriarcale où seuls les hommes ont la qualité de citoyens, j’aurais aimé savoir quelle était leur raison d’être. Peut-être comme bienfaitrices de la cité.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Plus petite, cette représentation d’Éros n’est pas une statue, mais une figurine. Elle est du premier siècle avant Jésus-Christ. Dans mon article sur le musée archéologique de Chios, je disais que les productions de figurines de cette île étaient à classer dans la même catégorie de haute qualité que celles de Smyrne, Pergame, Myrina ou Cnide. Celle-ci vient de Myrina…

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Revenons aux grandes statues de marbre avec cette danseuse qui est datée entre 150 et 30 avant Jésus-Christ. Et comme pour la femme drapée de tout à l’heure, je répète que cette statue ne provoque pas spontanément l’admiration comme la Vénus de Milo ou l’Hermès d’Olympie. Elle a été trouvée à Pergame.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

En revanche, j’aime bien cette tête d’Hermès en bronze, pas très fouillée, mais plus expressive. Il est vrai que peut-être, si je voyais le corps, et si je voyais également les têtes des statues précédentes, mon jugement serait différent. Sa datation est vague, il est dit hellénistique, sans autre précision.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette tête d’Héraklès provenant de Pergame, elle, est plus précisément datée: entre 150 et 130 avant Jésus-Christ. Elle est assez expressive, avec ces lèvres serrées, avec ce regard pénétrant.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Comme c’était déjà le cas pour ces deux jeunes filles de tout à l’heure, c’est dans le bouleutérion qu’a été trouvée cette tête de jeune femme d’époque hellénistique.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Au début du deuxième siècle avant Jésus-Christ, Antiochus III (223-187), un descendant de Séleucos le diadoque d’Alexandre qui a régné sur l’Asie et a donné naissance à la dynastie des Séleucides, tente de reprendre des territoires qu’il a perdus au profit des Lagides. Rome, qui a commencé son expansion, Veut le stopper, et Smyrne se met du côté de Rome, préférant le tutorat de la lointaine Rome qui garantit l’autonomie, à la domination séleucide. Rome, reconnaissante, favorisera Smyrne. Le théâtre de Smyrne a été construit au deuxième siècle avant Jésus-Christ, et ce n’est pas un hasard. Il s’y est donné, bien sûr, des représentations théâtrales, il s’y est célébré des festivals sacrés, mais les Romains trouvent beaucoup plus intéressants les combats de gladiateurs entre hommes ou contre des animaux sauvages que les tragédies classiques, et cela explique que ces frises représentant des jeux du cirque aient décoré le théâtre. Quant au théâtre lui-même, il ne se visite pas, parce que des immeubles ont été construits dessus…

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cet animal menaçant avec ses crocs aigus n’a pas combattu dans le théâtre de Smyrne. Il était, de façon beaucoup plus pacifique, le bras d’un fauteuil du premier siècle avant Jésus-Christ.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Puisque j’ai, pour quelques instants, quitté les statues et figurines anthropomorphes, j’en profite pour glisser ici ce dé à jouer d’époque hellénistique. Comme on peut le constater, les dés n’ont guère évolué depuis plus de deux millénaires. Déjà à cette époque ils pouvaient être taillés dans la pierre comme ici, ou en os, chez nous à l’époque contemporaine on en a fait en verre, en ivoire, et maintenant en matière plastique, mais leur design n’a pas varié.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette statue de bronze d’un athlète en pleine course est de la toute fin de l’époque hellénistique, 50-30 avant Jésus-Christ. Et pour ce coureur, je retire toutes les critiques que j’ai émises précédemment sur la statuaire de cette époque. Le mouvement est parfaitement réaliste, la tête légèrement tournée pour porter le regard sur ses concurrents est expressive. J’aime beaucoup. C’est en face de l’antique Kyme, dans le golfe de Candarli (sur la côte turque, entre les îles de Lesbos et de Chios), qu’il a été repêché du fond de la mer. Les grandes statues de bronze sont extrêmement rares, d’une part parce que la mode des statues en bronze avait fait place depuis quelques siècles à celle des statues de marbre et on revient seulement à cette époque à la sculpture en bronze, et d’autre part parce que le bronze est utile pour fondre des canons et que les militaires ottomans, génois, vénitiens et autres francs trouvaient infiniment plus utiles et intéressants les canons que les athlètes courant ou les dieux païens. C’est pourquoi ceux que nous possédons proviennent quasiment toujours du fond de la mer, qui les a protégés, le grand Zeus ou Poséidon du musée archéologique national d’Athènes, l’Apollon du Pirée, les Guerriers de Riace, en Calabre.

 

Les vainqueurs des compétitions ne recevaient pas de médaille d’or ou autres objets de valeur, ils étaient honorés d’une couronne d’olivier. Toutefois, il n’était pas rare que la ville d’où ils étaient originaires fasse d’eux une statue, autant en hommage à leur victoire que pour s’honorer elle-même d’avoir donné naissance à un champion.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Nous quittons l’époque hellénistique, pour entrer dans l’époque dite romaine. Cléopâtre s’est suicidée, la puissance de Rome s’étend sur une grande part de l’ancien empire d’Alexandre. Je mets à profit ce changement d’époque pour quitter provisoirement les portraits. Ci-dessus, cette mosaïque –d’époque romaine, donc, mais c’est très vague puisque cela va de 30 avant Jésus-Christ au début du haut moyen-âge avec l’Empire Byzantin– provient de Phocée, aujourd’hui Foça, à l’extrême pointe nord du golfe de Smyrne / golfe d’Izmir. Elle n’est peut-être pas exceptionnelle, cette mosaïque, quoique très belle, mais je la montre parce qu’elle vient de Phocée: quand les journalistes, parlant de Marseille, l’appellent “la cité phocéenne” pour ne pas commettre de répétition, mais bien souvent sans savoir pourquoi ils lui donnent ce nom, ils font référence aux Grecs de Phocée qui, au sixième siècle avant Jésus-Christ, sont partis fonder une colonie, Massalia, sur ce rivage de la Méditerranée qui est aujourd’hui français.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Pour cet objet métallique, le musée ne dit rien de plus que “vase, époque romaine”. Vase, je le vois; époque romaine, c’est si vaste que cela ne veut presque rien dire. Mais quel est l’usage de ce genre de vase? Pour y mettre des fleurs? Pour pratiquer un rituel païen? Pour servir des mets ou des boissons?

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ici encore, “figurine d’époque romaine”. Il aurait été simple de dire que cette belle jeune femme accompagnée d’un enfant portant des ailes sur les épaules est à l’évidence la déesse Aphrodite et son fils le dieu Éros, le dieu de l’Amour.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

En réalité, pour toute une vitrine présentant à la fois l’Aphrodite précédente, ce masque et de nombreuses autres terres cuites, c’est une seule étiquette qui disait au pluriel “figurines d’époque romaine”. Et pour ce masque, je ne l’appellerais pas une figurine. Mais je ne crois pas qu’il ait pu être destiné au théâtre, parce que les yeux ne sont pas percés, et l’acteur n’aurait pu se diriger en scène à l’aveugle.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Ceci est un portrait. La mode est venue avec les empereurs romains, elle s’est répandue ensuite dans le monde qui était en contact, amical ou guerrier, avec l’Empire. Cette tête est “de type” Antiochus, ce qui veut dire que ce n’est pas Antiochus lui-même. La sculpture est datée entre 30 avant Jésus-Christ et 100 après. Lorsque l’on dit Antiochus, sans autre précision, c’est toujours au sujet d’un Séleucide, pas d’un roi de Commagène. Mais quel Antiochus? Car il y en a eu beaucoup et j’avoue ne pas connaître la représentation d’un Antiochus qui a pu devenir un type. Dans mon compte-rendu de visite de ce musée, il y a tant de circonstances où je dis que je ne sais pas ce qui est représenté, ou quel est le type, etc., que j’ai un peu honte, mais je présente néanmoins les œuvres qui m’ont plu, ou qui m’ont arrêté pour une raison quelconque, parce que même sans explication, ou avec une explication vague, je pense qu’elles sont intéressantes à regarder.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Je pourrais en dire autant pour cette tête de jeune homme au fin collier de barbe, car c’est entre parenthèses, et suivi d’un point d’interrogation, que le musée propose le nom de Germanicus. Il est le petit-fils de Marc-Antoine et d’Octavie, sœur de l’empereur Auguste, il est le neveu de l’empereur Tibère qui succède à Auguste, et il est le frère aîné de l’empereur Claude. C’est son cadet Claude qui assumera l’Empire en 41, car lui est mort jeune en l’an 19. Pour cette raison, le musée situe cette sculpture au début du premier siècle après Jésus-Christ. La statue a été trouvée dans les bains romains.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette tête qui, je trouve, manque de caractère, est celle d’un Hermès d’époque romaine. Elle n’est pas nettement sexuée, ce qui est fréquent pour Dionysos et parfois pour Apollon, mais rare pour Hermès.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Voilà maintenant une série de figurines de terre cuite du premier siècle après Jésus-Christ. Même en regardant de près la première figurine dans la vitrine, même ensuite en agrandissant au maximum ma photo en définition d’origine, je n’arrive pas bien à discerner si ce qu’elle porte sur la tête est un arrangement extrêmement sophistiqué et volumineux de sa chevelure, ou si c’est un couvre-chef original. Mais si c’est la deuxième solution, un couvre-chef, alors nul doute que les Ottomans s’en sont inspirés pour enrouler leurs turbans, parce que lorsque je regarde les portraits de Soliman le Magnifique, par exemple, je trouve une ressemblance frappante entre son turban et la coiffure de cette dame. Mais elle dévoile suffisamment de son anatomie pour que je ne risque pas de la confondre avec Soliman.

 

La deuxième, je la trouve intéressante parce que l’on ne voit pas souvent, ainsi, des dames accompagnées de leurs enfants, la fille à sa droite (à gauche sur ma photo), et le garçon de l’autre côté.

 

Et puis la troisième, que tient-elle dans la main? C’est un objet sphérique, qui me fait penser à la fameuse pomme de discorde. Je me demande alors si ce ne serait pas la déesse Éris demandant à Pâris de choisir qui est la plus belle, entre les déesses Héra, Aphrodite et Athéna, en offrant cette pomme à celle de son choix. Et l’on sait la suite, Aphrodite lui avait promis l’amour de la plus belle des femmes s’il la choisissait, c’est ce qu’il a fait, et il a eu Hélène, qu’il a emmenée chez lui à Troie. Le mari trompé et dépossédé, Ménélas, a voulu se venger et la récupérer, d’où la Guerre de Troie. Je pense que le geste, le sourire un peu machiavélique (mot anachronique, puisque Machiavel a vécu à cheval sur le quinzième et le seizième siècle), correspondent bien à la légende d’Éris et de la pomme de discorde.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

“Stèle votive d’époque romaine”. C’est un peu court, car le sujet est très évident pour qui, comme moi, court d’un musée archéologique à l’autre dans le monde grec, que ce soit en Grèce, en Turquie, en Italie, mais peut-être pas pour les personnes qui ont une vie plus normale que moi!!! Une femme accompagnée de deux lions et tenant à la main un tambourin ne peut être que la déesse Cybèle.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

C’est d’Halicarnasse, la moderne Bodrum en face de l’île de Cos, que vient cette statue située dans la très large fourchette de 30 avant Jésus-Christ à 395 après. C’est, nous dit-on, la statue d’un prêtre. S’il était précisé dans quel sanctuaire il a été trouvé, nous saurions quel était le dieu ou la déesse qu’il servait. Je trouve intéressant de remarquer sa grande barbe, car ce n’était la mode ni pour les Grecs, ni pour les Romains. Les Grecs étaient souvent barbus, mais leur barbe n’était ni si longue, ni taillée ainsi au carré. Il y a eu des époques où les Romains étaient glabres, d’autres, à partir d’Hadrien, où la mode a changé, mais eux non plus n’ont jamais adopté une mode qui leur aurait fait porter une barbe comme ce prêtre. C’est pourquoi je trouve intéressant ce lien entre la barbe et la religion. Je pense aux prêtres orthodoxes, je pense aux juifs orthodoxes, je pense aux musulmans. Ces religions reposent toutes sur le “Livre”, la Bible, où l’on trouve, entre autres, le cas de Samson dont la force réside dans ses cheveux… mais les cheveux ne sont pas la barbe. À ce prix, je pourrais citer les sikhs qui portent généralement la barbe, mais ce sont les cheveux qu’ils ne doivent en aucun cas se couper. Et ce prêtre d’Halicarnasse, ce n’est sans doute pas un hasard, ou un choix personnel, s’il présente cette caractéristique.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Cette grande statue malheureusement très cassée, qui a été trouvée à Éphèse, représente, nous dit-on, Antinoüs en Androclès, et est datée entre 138 et 161 après Jésus-Christ. L’histoire d’Androclès est célèbre: cet esclave qui vivait en Afrique avait commis je ne sais quelle faute, il s’est enfui dans le désert. Là, il voit un lion qui s’était enfoncé une épine dans la patte et souffrait. Il s’est approché, a enlevé l’épine, a soigné la patte. Le lion l’a pris en affection. Des années plus tard, Androclès, retrouvé, est condamné à être donné en pâture aux fauves dans l’arène pour s’être ainsi sauvé de chez son maître. Il s’apprête à être déchiqueté quand on ouvre la grille à un lion que l’on a volontairement affamé, mais le lion est –hasard merveilleux– l’ami d’Androclès et vient lui lécher affectueusement les pieds. Apprenant la raison de cet apparent miracle, l’empereur gracie Androclès et lui offre le lion. Androclès, désormais, se promènera en ville accompagné de son lion tenu en laisse. Quant à Antinoüs, il est l’amant de l’empereur Hadrien. On le trouvera noyé dans le Nil en 130 de notre ère. Hadrien restera inconsolable de la mort de son favori, et mourra en 138.

 

Compte tenu de ce que je sais d’Androclès, d’Antinoüs et d’Hadrien, il y a bien des choses que je ne comprends pas. D’une part, je veux bien que ce soit Antinoüs, il est vrai qu’il y a une certaine ressemblance (une vague ressemblance) avec des statues clairement identifiées pour représenter Antinoüs. Mais je ne pense pas que l’on ait le droit d’être si affirmatif. D’autre part, qu’est-ce qui, dans cette statue très mutilée où l’on ne voit qu’un torse d’homme et un tronc d’arbre, et pas trace de lion, permet de dire qu’Antinoüs est représenté en Androclès? Et enfin, Hadrien a fait faire des statues de son amant, il l’a divinisé, mais après la mort d’Hadrien Antinoüs a été largement oublié, et je ne vois donc pas ce qui permet de dire qu’il s’agit à coup sûr d’Antinoüs si la statue a été réalisée après la mort d’Hadrien. Si elle l’avait été entre 130 et 138, les choses seraient toutes différentes.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Non, je ne me suis pas trompé, ce n’est pas deux fois la même photo, ou deux photos de la même statue. Mais ces deux Aphrodite d’époque romaine sont très semblables, par manque d’imagination, ou par manque de génie créateur, des sculpteurs. Ils copient. Quand on va visiter des musées archéologiques, que ce soit le Louvre ou ailleurs, on voit sans cesse “Copie romaine d’un original grec du XXXème siècle”, généralement cinquième ou quatrième siècle. La qualité de ces grands marbres est supérieure à la qualité des terres cuites de la même époque, parce que le modeleur d’une terre cuite (quand elle n’est pas simplement moulée pour être reproduite en de nombreux exemplaires) va vendre sa production à un coût très modéré, tandis que le commanditaire d’un grand marbre, qui va le payer très cher, va se montrer moins accommodant. Et puis l’exigence d’un travail physiquement plus dur, plus pénible, où les erreurs et les maladresses sont difficiles, voire impossibles, à rattraper, c’est Théophile Gautier qui l’écrit:

“Oui, l'œuvre sort plus belle

D'une forme au travail

          Rebelle,

Vers, marbre, onyx, émail. […]

 

Statuaire, repousse

L'argile que pétrit

          Le pouce

Quand flotte ailleurs l'esprit:

 

Lutte avec le carrare,

Avec le paros dur

          Et rare,

Gardiens du contour pur”.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014
Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Le musée archéologique d’Izmir, nous venons de voir qu’il balaie les périodes depuis l’âge du bronze jusqu’à l’époque romaine (j’excepte le petit texte autographe d’Atatürk). Il ne s’arrête pas là et présente quelques objets de l’époque byzantine. Dans le milieu religieux, on trouve par exemple ces objets de nacre, des croix découpées (en haut) ou gravées (en bas) dans un décor avec un saint.

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Très sobrement, le musée nous dit que nous voyons ici un cavalier (qui aurait cru que c’était une Aphrodite au bain?) d’époque byzantine (c’est-à-dire depuis la fin de l’Empire Romain d’Occident en 476, l’Empire Romain d’Orient se transformant de fait en Empire Byzantin) jusqu’à la conquête de Constantinople par Mehmet II et 1453. On situe donc ce cavalier quelque part dans ce millénaire. Guère plus de précision que pour les temps préhistoriques du néolithique!

Le musée archéologique d’Izmir. Mardi 12 août 2014

Pour finir, un objet daté de façon plus précise, le douzième siècle. Il s’agit d’un poids destiné à être suspendu à une balance. Souvent, pour garantir l’exactitude du poids, il est fondu en métal à l’effigie de l’impératrice. Le douzième siècle, c’est l’époque des Comnène, mais rien n’indique de quelle impératrice il pourrait s’agir, d’autant plus que je ne suis même pas sûr qu’il ne s’agisse pas d’un empereur.

 

Pour conclure, je vais me répéter: tout en souhaitant que la muséographie s’améliore en donnant plus de précisions sur le détail de ce que l’on voit (le détail, parce que les grands panneaux explicatifs sont nombreux, bilingues turc-anglais, et très clairs), ce musée archéologique d’Izmir est riche de très belles et très intéressantes collections et mérite vraiment la visite.

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commentaires

O
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T
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