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7 octobre 2017 6 07 /10 /octobre /2017 23:55
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

La “province” de Nisyros est, comme sa “capitale” Mandraki, pleine de charme et de naturel. Comme nous ne sommes passés qu’assez rapidement dans la plupart des bourgs de Nisyros, je vais centrer cette province sur Nikeia (ou, phonétiquement, Nikia), qui surplombe le volcan, et où nous avons passé un  petit moment en attendant de nous rendre à la fête religieuse qui sera le sujet de mon article Nisyros 07.

 

Comme dans toutes ces îles, les ruelles sont étroites, à la fois pour se protéger des rayons du soleil et par manque d’espace pour construire la ville. Les deux photos ci-dessus sont presque identiques, à part le fait que la seconde se trouve à une entrée, comme on peut le constater en voyant sur la gauche cette massive porte.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Beaucoup plus originales sont ces rues. Non pas parce qu’elles gravissent des marches, puisque la presque totalité de la Grèce, îles et continent, est constituée de montagnes; il faut bien construire sur les pentes. Mais ces arches de pierre qui enjambent les ruelles, quand ce ne sont pas des pergolas, c’est typique du lieu, et cela donne envie de se balader au hasard.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Au décor de la ville, j’ajoute cette porte. C’est une maison toute simple, mais on a encadré la porte avec des pierres de basalte (hé oui, on est sur un volcan), et pas avec un banal rectangle, mais avec cette élégante arche.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

La ville s’est construite en hauteur, sur le rebord du volcan, mais elle est surplombée par plusieurs sommets rocheux, dont celui de ma photo, et tout là-haut est allée se jucher une petite église toute blanche. C’est l’église du Prophète Élie (ναός Προφήτη Ηλία).

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Nous passions dans une rue où poussaient quelques plantes ornementales près du mur, quand je vois soudain sur une feuille un insecte inconnu de moi et richement vêtu de pourpre et d’or. Sans doute, ma foi, un rescapé de la cour des empereurs byzantins. Arguant de son droit à l’image, il voletait sans cesse, probablement dans le but de m’empêcher de le prendre en photo. Mais après un long moment de patience, j’ai enfin réussi à le surprendre. Pour mes lecteurs c’est sans doute banal et sans intérêt, mais cet animal singulier m’a frappé.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Nous arrivons sur cette place centrale. Je me répète, si je dis encore une fois le charme des lieux, mais comment faire autrement? Cette jolie petite place, nommée “Porta” (la Porte) quoiqu’il ne s’y trouve pas de porte, s’aligne sur la tradition de l’île en revêtant son sol de “calades”. Ici ce ne sont pas de délicats dessins floraux, l’artiste a voulu donner au lieu de l’importance, de la majesté en traçant d’imposantes figures géométriques. L’après-midi est déjà assez avancé, et… nous avons oublié de déjeuner. Nous nous asseyons à une table qu’un kafeneio (le καφενείο est un genre de café typiquement grec) a placées en terrasse, pour casser une petite croûte. Ce sera aussi agréable que le décor que nous avons sous les yeux.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Rapprochons-nous du fond de la place avec son église en haut des marches. Sur la droite, au-dessus de cette haute ouverture, est sculptée cette tête de lion. Et puis, sans être exceptionnel, son clocher mérite quand même d’être vu d’un peu plus près, avec ses deux aigles.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Comme on peut l’apercevoir par cette porte ouverte, on ne pénètre pas ici dans l’église, mais dans son enceinte. Un passage, une petite cour, et l’on a accès à divers bâtiments. Nous allons maintenant pénétrer dans l’église.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Cette salle ne ressemble absolument pas au narthex habituel des églises, mais elle en fait office, c’est une sorte d’antichambre de l’église proprement dite. Sur ce pilier, une fresque moderne représente sainte Théodora. Dans cette église orthodoxe, et coiffée de cette couronne impériale, je pense qu’il n’y a aucun doute sur l’identification de cette sainte, c’est cette impératrice qui a été régente de l’Empire Byzantin de 842 à 856, surtout célèbre pour avoir convoqué en 843 le concile qui mettra définitivement fin à l’iconoclasme. Il suffit d’avoir pénétré ne fût-ce qu’une seule fois dans une église orthodoxe pour avoir constaté avec quelle piété et quelle ferveur les fidèles viennent embrasser les icônes, et pour concevoir leur soulagement quand, enfin, la représentation de Dieu et des saints n’a plus été interdite. J’ai déjà publié des photos de sa représentation à Arta au sud de l’Épire, dans l’église qui porte son nom, ainsi qu’à Ravenne, en Italie, dans l’église San Vitale.

 

Il y a certes bien d’autres saintes Théodora ou Théodore, dont une autre impératrice couronnée, la femme de l’empereur Justinien. Elle a été fort influente, mais n’a jamais régné à titre personnel (ou en tant que régente), et son nom n’a donc pas marqué d’étape importante dans l’histoire, qu’elle soit politique ou religieuse. Ces deux impératrices, je les connais bien, ainsi que, comme ancien professeur de lettres, celle de Corneille, qui a écrit une tragédie intitulée Théodore, vierge et martyre, une œuvre qui n’eut aucun succès à son époque, et qui aujourd’hui n’est guère lue, guère représentée, et pas du tout étudiée en lycée. Mais j’ai voulu vérifier qu’il ne s’agissait pas, par hasard, d’une quatrième sainte du même nom, et je suis tombé sur une certaine sainte Théodora d’Alexandrie.

 

L’hagiographie de cette sainte est curieuse. Décrite avec sobriété sur le site Nominis de l’Église catholique, elle m’a donné envie d’aller voir dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, où cet auteur du treizième siècle fleurit généralement joliment les histoires. Théodora est une femme du temps de l’empereur Zénon (474-475 puis 476-491) vivant à Alexandrie avec un mari riche et pieux. Après avoir longtemps résisté à un séducteur, elle lui cède enfin mais très vite elle est prise de remords: “hélas! Hélas! J’ai perdu mon âme, j’ai détruit mon honneur!” et le mari, qui n'est pas au courant, ne comprend rien aux larmes de son épouse. Plus tard, elle a une idée pour se racheter: “Un jour, pendant que son mari était absent, elle se coupa les cheveux, revêtit un vêtement d’homme, et se rendit dans un couvent de moines, qui était à huit lieues d’Alexandrie. Là, elle demanda à être admise parmi les moines, et sa demande lui fut accordée. Interrogée sur son nom, elle dit qu’elle s’appelait Théodore”. Au monastère elle mène une vie sainte, de travail et de prière, et à Alexandrie son mari ignore ce qu’elle est devenue, suppose qu’elle a dû partir avec un autre homme.

 

Le temps passe. Elle est souvent chargée d’aller à Alexandrie, avec un chariot à deux bœufs, chercher de l’approvisionnement pour le monastère. “Mais un jour, comme elle revenait de la ville avec son attelage, elle reçut l’hospitalité dans une maison où une jeune fille s’approcha d’elle, et lui dit: Viens dormir avec moi! Le moine s’y étant refusé, la fille alla trouver un autre homme qui demeurait dans la maison. Et lorsque plus tard son ventre se trouva enflé et qu’on lui demanda de qui elle était enceinte, elle répondit: Du moine Théodore, qui a couché avec moi. L’enfant fut donc remis à l’abbé du monastère qui, après l’avoir placé sur les épaules de frère Théodore, accabla celui-ci de reproches et le chassa du monastère. Et pendant sept années, la sainte vécut à la porte du monastère, nourrissant l’enfant du lait du troupeau”. Enfin elle est pardonnée et réintègre sa cellule. Vient un jour où un moine l’entend, alors qu’elle est enfermée dans sa cellule avec son fils, lui dire que la fin de sa vie approche, et lui recommander de jeûner, de prier et de servir son prochain. “Ayant dit cela, Théodore rendit son âme au Seigneur et s’endormit doucement en lui. […] L’abbé courut à la cellule du moine défunt; et, en découvrant celui-ci, ils virent que c’était une femme; et l’abbé, ayant mandé le père de la jeune fille qui l’avait dénoncé, lui dit : L’amant de ta fille est mort! Puis, relevant le manteau du mort, il lui montra que c’était une femme”.

 

Telle fut la vie et la mort (en l’an 491) de cette Théodora, alias frère Théodore, justifiant sa canonisation. Cette Théodore, mariée et (très passagèrement) adultère, n’a bien évidemment rien à voir avec la vierge et martyre de Corneille, ni avec une quelconque impératrice. Et il ne peut être question d’elle, ainsi vêtue et couronnée, dans cette église. Mais sa vie rocambolesque a retenu mon attention.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014
Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Cette église est dédiée à la Présentation de la Vierge (ναός των Εισοδίων της Θεοτόκου, soit en mot à mot “église de l’entrée de celle qui a enfanté Dieu”). Il est surprenant de constater, après avoir vu, depuis la place, un bâtiment assez imposant, après avoir gravi ces marches montant vers un lieu de culte dont la surélévation domine le secteur, de se retrouver dans un espace plutôt réduit et qui ne ruisselle pas d’or et de sculptures, comme c’est souvent le cas, quoique les icônes de l’iconostase soient assez soignées (mais de petites dimensions en raison de l’exiguïté du panneau) et que la chaire, à gauche, comme le siège du métropolite, à droite, soient de belle facture.

Nisyros 02, Nikeia. Samedi 13 septembre 2014

Et voilà, c’est fini. Ce panonceau sur la porte annonce le musée ecclésiastique de l’église, mais nous sommes arrivés sur cette place en fin d’après-midi et, que nous nous soyons attablés ou non au kafeneio, nous ne pouvions qu’en trouver la porte fermée car la plupart des musées et sites de Grèce ferment à 15 heures. Je ne sais si mon petit tour, si bref, de Nikeia, justifiait un article à lui tout seul, mais comme nous nous sommes sentis bien dans cette petite ville j’ai eu envie de le dire…

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