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7 octobre 2009 3 07 /10 /octobre /2009 22:17

Vu l’impossibilité absolue de stationner avec notre engin dans la ville de Nice, nous descendons à pied du camping à la gare, ce qui n’a rien de terrible puisque cela se fait en 25 minutes, et nous prenons le train de Menton à Nice. On s’y retrouve aussi pour le prix. Six ou sept heures de parking, l’essence pour 80 kilomètres aller et retour, l’autoroute dans les deux sens, je suis bien sûr que cela se monte à plus des 18 Euros de billet de train aller et retour pour deux personnes. Sans compter la tranquillité, la liberté de regarder le paysage plutôt que de surveiller les autres véhicules, etc.

 

Je ne vais pas, une fois de plus, montrer les ruelles étroites qui sont le lot de tant de villes et villages de la Côte d’Azur et de la Provence. Je préfère ce monument dédié à Garibaldi, né dans cette ville en 1807 et l’un des acteurs déterminants de la Révolution italienne, en 1860. Le comté de Nice avait été occupé par les troupes françaises révolutionnaires, puis annexé en 1793, et ne retournera au roi de Sardaigne qu’à la chute de l’Empire, en 1814. Garibaldi est donc né Français. La même année que celle de l’unité italienne, 1860, au terme d’un plébiscite dont le résultat est indiscutable (25 743 voix pour et seulement 260 contre), Nice et la Savoie reviennent à la France. Pendant la guerre de 1870, Garibaldi et ses deux fils se battront dans les rangs français. Je ne raffole pas de ce genre de monuments, mais je trouve amusante cette idée de représenter l’Italie renaissante comme un bébé. En fait je ne sais pas si tel est le symbolisme de cette statue, mais en tous cas telle est mon interprétation, et elle me plaît.

 

Nous nous rendons au musée national dit du Message biblique Marc Chagall. Évidemment, les peintures et les vitraux de Chagall sont bien connus, mais je ne connaissais pas ses dessins. Natacha et moi étions déjà venus ici, mais je ne sais pas si les nombreux dessins exposés n’y étaient pas encore ou si, à l’époque, ils ne m’ont pas marqué, mais ils sont très amusants. Entre autres, seize esquisses de recherche destinées à illustrer les sept péchés capitaux. Parce que dans ce musée les photos sont autorisées, je peux en choisir deux ici, mais un peu au hasard parce que tous sont excellents. Ils ne sont pas légendés, mais ce sont visiblement la paresse et la luxure. Plus loin, sur des thèmes divers, il y a encore d’autres dessins du même tonneau.

 

Et puis il y a les tableaux. Celui que je présente ici s’intitule Nu au-dessus de Vitebsk. Vitebsk est la ville natale de Chagall (1887), où il a vécu et où après avoir passé quelques années à Paris il est retourné pour devenir en 1917 directeur de l’école des Beaux-Arts et commissaire des Beaux-Arts de la région. Mais désillusionné dans ce qu’il attendait de la révolution bolchévique, il part s’installer définitivement à Paris en 1922. Néanmoins, cette ville à laquelle il est toujours resté très attaché apparaîtra dans un grand nombre de ses œuvres, peintures, dessins, vitraux, mosaïques. Elle est située dans l’est de l’actuelle Biélorussie, mais avant 1917 elle faisait partie de l’Empire russe, puis après la Révolution d’Octobre elle est passée dans l’Union Soviétique, dans la République Socialiste Soviétique de Russie, et ce n’est qu’en 1939, lorsque le Pacte Germano-Soviétique a fait tomber l’est de la Pologne (avec Grodno, ville de Natacha) dans l’URSS, qu’une République Socialiste Soviétique de Biélorussie a été créée, réunissant en une seule entité l’est de la Pologne et l’ouest de la Russie.

 

Ce tableau était profane, mais évidemment la plupart des tableaux traitent de sujets bibliques qui justifient le nom du musée. Tous sont si intéressants, si originaux aussi, influencés par l’art de l’icône orthodoxe, par les traditions juives, par les recherches pour le renouvellement des règles artistiques, que je ne sais que choisir de montrer. Ici, le sacrifice d’Isaac. Le corps d’Isaac s’abandonne, pour manifester la soumission de l’homme à Dieu. Derrière l’arbre, on aperçoit le bélier qui prendra la place du sacrifié. La religion juive interdisant la représentation de Dieu, Celui-ci est symbolisé par l’ange blanc, derrière l’ange bleu qui va arrêter le bras d’Abraham. En haut à droite, ces personnages préfigurent les malheurs annoncés du peuple juif, et parmi eux le Christ portant sa croix, qui n’est bien sûr pas le Fils de Dieu des chrétiens, mais qui symbolise le Juif sacrifié. Le tableau est séparé en deux parties par une diagonale, la moitié inférieure droite, rouge, jaune, brune, est celle du sacrifice et de la souffrance, et la moitié supérieure gauche, bleue, blanche, est celle de l’espoir et de la volonté divine.

 

Sans doute, dans l’espace de ce blog, n’est-il pas raisonnable de placer encore une autre image de Chagall, mais je ne résiste pas à la tentation. Il a consacré une série de cinq tableaux illustrant le Cantique des Cantiques, qu’il dédie à Vava, sa dernière femme. Je me suis suffisamment étendu sur le tableau précédent, je ne reviendrai pas sur ce goût pour les couleurs fortes, comme ce rouge, qui marque le feu de l’amour. J’ai déjà dit qu’il aimait à représenter sa chère ville de Vitebsk, que l’on peut reconnaître ici. J’évoque seulement à gauche l’ange qui joue de la trompette, Chagall aime beaucoup représenter les anges. Tout en bas, juste au milieu, un homme–sans doute un rabbin– tient en main un chandelier. En plein milieu, beaucoup plus grand que tous les autres personnages du tableau, se détachant en bleu et blanc sur tout ce rouge, le couple enlacé sur un cheval ailé. Bon, c’est vrai, j’exagère avec tout cela. J’arrête. Je ne parlerai même pas des vitraux de Chagall présentés ici.

 

Nous sommes restés très longtemps. Natacha de son côté, moi du mien, de temps à autre nous nous croisions parce que l’un et l’autre, après avoir fait le tour de l’exposition permanente et de l’exposition temporaire concernant l’amitié entre Marc Chagall et Blaise Cendrars, nous revenions sans cesse aux œuvres que nous préférions. Nous nous sommes quand même décidés à nous arracher au musée, et avons fait un petit tour en ville, descendant jusqu’à la Promenade des Anglais avant de retourner vers la gare. Le ballet incessant des avions m’a rappelé que Philippe, mon cher cousin qui habitait Nice, avait raconté qu’un ballet interminable de gigantesques camions avait aplani complètement une colline et transporté ces matériaux dans la mer pour créer de toutes pièces un aérodrome. Ce soir, le ciel s’est assombri, et nous avons même eu, en arrivant à Menton, quelques gouttes de pluie. J’ai eu envie de prendre cette photo à Nice avant de partir, les avions au sol, les nuages qui obscurcissent le ciel, l’avion qui s’apprête à atterrir, la mouette plus bas, la Méditerranée…

 

Et voilà. Nous avons repris notre train et sommes rentrés au camping de Menton. Un miracle que nous soyons arrivés vivants, car les conducteurs immatriculés 06 se lancent à bride abattue dans la montée, se jettent dans les virages en épingles à cheveux en déviant complètement sur la gauche sans savoir ce qui peut venir en face ou qui se déplace à pied sur la chaussée dépourvue de trottoir et de bas-côté. Et, ce qui n’arrange rien, la saison de la chasse est ouverte, peut-être ont-ils envie de placer nos têtes sur une plaque de bois au-dessus de leur cheminée en guise de trophée pour leur chasse 2009.

 

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