29 octobre 2011
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Voilà, c’est fait, nous avons quitté notre chère Chania. Nous sommes partis vers le sud pour voir, non loin de la côte de la Mer de Libye, le monastère de Preveli. En chemin nous avons fait une halte sur un parking aménagé parce que nous venions de traverser dans la montagne une gorge d’une splendeur à couper le souffle, la gorge de Kourtaliotis. Dans la gorge, la route était coincée entre le mur de roche et le précipice, pas question de s’arrêter, d’autant plus que la route tourne et vire. Dommage, nous n’avions pas le temps d’entreprendre une randonnée pour aller voir de plus près les endroits les plus spectaculaires, et je me suis limité à faire trois cents mètres le long du rail de sécurité pour prendre ces quelques photos. Mais sachez, chers lecteurs, qu’il vaut la peine de prévoir le temps de la promenade. Sur la première photo on distingue Natacha, au pied du camping-car, en train de se demander si nous devons sacrifier Preveli à la randonnée, ou la randonnée à Preveli.
Ce monastère de Preveli est établi sur deux sites, Kato Preveli (le Preveli d’en bas) dédié au Prodromos, l’Avant-Coureur, autrement dit saint Jean-Baptiste, et Piso Preveli (le Preveli de l’arrière), où le S de Piso ne doit pas se prononcer Z, mais S (comme s’il y avait deux S en français), dédié à Jean Théologos, Parole de Dieu, autrement dit saint Jean l’Évangéliste. Nous voici à Kato Preveli, qui a été édifié à la fin du seizième siècle par un fermier du nom de Prévélis. Lorsqu’en 1866 les Crétois se sont révoltés contre le pouvoir ottoman, les conjurés, dont l'higoumène du monastère était un sympathisant, ont trouvé refuge ici. Les ayant découverts, les Turcs ont complètement détruit le monastère, qui a été reconstruit dans les années qui ont suivi. Les années passent, et arrive la Seconde Guerre Mondiale. Les Nazis investissent l’île. La Résistance s’organise. Des partisans, suivant le lit du fleuve, échappent à l’occupant et trouvent refuge au monastère, soins pour les blessés, coopération. Des soldats anglais et néo-zélandais s’y établissent également. Les Nazis découvrent le monastère et ne font pas de quartier. Les hommes, résistants, militaires, religieux, n’ont pas été les seuls à souffrir de la violence de l’ennemi, le monastère sera lui aussi détruit. C’était en 1941. Cette fois-ci, on ne le relèvera pas et seul restera Piso Preveli, trois kilomètres plus loin.
Sur ce court trajet nous avons l’occasion de nous arrêter parce que, au sommet de la falaise et dans un site splendide, nous apercevons une sorte de jardin avec un monument et des statues. Et en effet, il y a bien un vaste espace entretenu devant un monument à la Liberté. Et, représentation inaccoutumée, on voit un religieux armé, faisant le pendant d’un soldat. Un panneau dit, en grec et en anglais : "Ce monument est un soutien pour l’idéologie, pour la mémoire et pour la communication de l’amitié et de la paix, dédié à la résistance de notre peuple, dédié à tous les pays qui croient et combattent pour l’idéal de la démocratie et de la liberté".
Je m’attarde un peu à parler de ce lieu, parce que je le trouve important. Deux dalles de marbre ont été gravées, portant chacune –en grec et en anglais– une phrase prononcée par un homme qui a vécu au monastère les événements dramatiques de 1941. Sur la première, signée Phillip G. Pool, capitaine anglais de la Royal Navy, on peut lire : "L’amitié entre pays ne peut pas durer toujours. Toutefois, la gratitude de peuples (anglais, australien, néo-zélandais), qui ont trouvé de l’aide grâce à la supériorité et à l’esprit chrétien de leur co-peuple (l’abbé Agathaggelos Laggouvardos, les moines du saint monastère de Preveli, ainsi que les citoyens des environs) et ont été sauvés de la catastrophe, doit être pour toujours".
L’autre phrase gravée dans la pierre est de Michael M. Papadakis, avocat : "Dans cette sainte demeure de la nation et de l’orthodoxie, plus de cinq mille personnes sont passées, ont mangé, ont dormi, ont trouvé de l’aide. Beaucoup d’entre eux se sont échappés vers le Moyen Orient après l’envoi de deux sous-marins avec la grande coopération du courageux abbé Agathaggelos Laggouvardos".
Nous voici enfin à Piso Preveli. Dès l’entrée, une plaque de marbre dit que c’est le courageux abbé Melchisédech qui, lors de la révolution simultanée avec celle de la Grèce du continent, le 25 mai 1821, fut le premier à lever le drapeau de la révolution contre les Turcs, et qu’il fut mortellement blessé lors d’une bataille le 5 février 1823. Une seconde plaque évoque l’abbé Laggouvardos et l’aide qu’il a apportée à des personnes qui ont pu fuir vers le monde libre malgré les féroces représailles menées contre les moines, conformément à ce que l’on a lu au Monument de la Liberté. Une troisième plaque posée au-dessus d’une fontaine dit que cette fontaine a été offerte par Geoff et Beryl Edwards en perpétuel souvenir du courage des Grecs de cette région.
Malheureusement, si l’on peut visiter l’église du monastère, on ne peut y prendre de photos. Dans ces conditions, je ne peux commenter ici des icônes ou une architecture que je ne peux montrer. Il en va de même du petit musée, intéressant au demeurant, qui présente de vieux manuscrits, des objets liturgiques, nombre d’icônes anciennes.
Les bâtiments du monastère portent une inscription MONKS QUARTERS PLS DO NOT APROACH (avec un seul P, je reproduis la faute d’orthographe), soit Quartiers des moines. Prière de ne pas approcher. Je me contente donc de ces deux photos avec le zoom en position téléobjectif, pour garder mes distances. Tout cela est un peu frustrant.
Reste cependant cette fontaine dont on peut s’approcher, et on peut voir aussi, dans un enclos en contrebas, un daim qui se cache derrière un rocher, et un paon qui se pavane. En fait, devant toutes ces interdictions et limitations, les visiteurs ne savent pas trop où aller ni que faire. On voit errer des dames enroulées dans de grands châles imprimés, en longues jupes de Gitanes, ce sont les personnes dont, à l’entrée, on a trouvé les épaules un peu trop dénudées, la robe un peu trop courte, et que l’on a ainsi revêtues de ces accessoires appartenant au monastère. À me lire, on le comprend, j’ai été intéressé par la visite du musée, par la lecture de l’histoire du monastère, et j’ai été un peu déçu de toutes les limitations. Alors nous repartons et nous nous rendons, plus loin à l’est sur cette côte sud, à Agia Galini, baignée par la Mer de Libye. Nous nous installons pour la nuit au camping.