Aujourd’hui, demain et dimanche, au nouveau parc des expositions près de l’aéroport de Fiumicino, Rome célèbre le cheval dans ce ROMACAVALLI qui est à la fois un salon du cheval avec présentation de chevaux, d’élevages, de races, avec stands d’accessoires, avec concours d’obstacles, jeux divers, et une belle fête qui se conclut chaque soir par un spectacle. Tout ce que l’Italie compte de cavaliers est appelé à participer, comme les carabiniers ou le service des forêts.
Ce cheval était en présentation. Son propriétaire l’a fait tourner et retourner dans le petit enclos pour faire apprécier ses qualités. Je suis incapable de juger si c’est un bon cheval, mais je lui trouve l’air bien sympa.
En nous promenant dans les stands, nous découvrons toutes sortes de choses, comme ce système qui sert à quoi ? Sans doute pour chevaux amateurs de drogues pour leur permettre de sniffer tout en courant. Il y a aussi des camions qui sont de véritables monstres, derrière la cabine il y a une partie camping-car ultra luxueuse, avec salle de douche en acajou, chambre à coucher, puis une petite porte donne sur une galerie qui surplombe la partie arrière aménagée en van. Il est ainsi possible d’aller voir comment vont les chevaux sans descendre parmi eux. Mais au bout de la galerie, un escalier permet aussi d’accéder à eux sans passer par l’extérieur. On raconte qu’un client qui avait demandé au vendeur de Rolls combien il y avait de chevaux sous le capot s’était vu répondre "Many enough, Sir". Le vendeur de ce camion, à la question du prix, m’a répondu "Suffisamment cher", calquant son attitude sur celle de son collègue de chez Rolls. Je n’en sais donc pas plus. Et je n’en montre pas la photo, parce que de l’extérieur c’est un gros et beau camion, mais sans plus.
J’ai regardé quelques minutes un concours d’obstacles, mais le niveau des cavaliers ne m’a pas paru époustouflant, alors j’ai pensé avoir d’autres occasions d’assister à des concours hippiques et j’ai préféré aller dans d’autres pavillons. Natacha et moi nous sommes retrouvés ici, attirés par la même chose. Une présentation de diverses races de chevaux, non pas individuellement dans un petit enclos, mais par élevages, dans le manège improvisé. Ici, un splendide cheval de poste. Cet homme qui mène le cheval porte une chemise propre, un gilet à l’écusson de l’élevage, il est correct, mais ce qui est décevant c’est que pour d’autres présentations n’a pas été respectée la tradition d’un certain niveau de tenue dans ce genre de manifestation. Certains groupes de chevaux étaient amenés par des personnes en tenues disparates, jeans troués, cheveux crasseux pas peignés depuis quinze jours, vêtements couverts de taches, etc. Sans doute suis-je trop traditionaliste, mais je préfère plus de soin pour plus de respect vis-à-vis du public.
Il y a eu aussi des chevaux attelés. L’un des cochers a même fait preuve d’une habileté extraordinaire, menant son cheval bride abattue avec une précision diabolique, virant au ras des tribunes. Il est surprenant que le bouillant peuple italien, expansif, bruyant, communicatif, extraverti, manifeste assez peu son enthousiasme pour les performances. Ce n’est pas parce que j’ai assisté aujourd’hui à ces présentations puis au gala (dont je vais parler par la suite) que je peux généraliser, bien sûr. Il faudrait que j’assiste à des représentations théâtrales, à des concerts, à divers spectacles pour savoir si c’est une attitude générale, un usage différent du nôtre. Mais j’ai été étonné, aujourd’hui, de la faiblesse d’applaudissements fort peu nourris la plupart du temps. Et je dis cela parce que, au contraire, ce cocher a été applaudi. Modérément, mais applaudi. Pas les autres.
Nous sommes ensuite restés assez longtemps à regarder des équipes de deux ou trois cow-boys qui devaient faire entrer ces taurillons dans l’enclos. Ici, ils en placent quatre, bravo, parce que la plupart des concurrents se donnaient beaucoup de mal, et au bout du compte pas un seul bovin ne pénétrait. Ou parfois un tout au plus. Ces taurillons ont fort bien compris ce que l’on attend d’eux, et ils se disent que si les hommes veulent exercer sur eux leur volonté de puissance très nietzschéenne, eh bien eux aussi ils ont le droit d’exprimer leur résistance à la volonté, et ils se massent dans le coin opposé en un tas compact.
Beaucoup de mouvement. Plus statique est cette exposition sur un mur de panneaux. Ce sont des dessins, des schémas, des esquisses de Léonard de Vinci. Non seulement c’est intéressant, mais en outre mon dernier lycée ayant été à la gloire de Léonard de Vinci je ne peux manquer ici de l’évoquer. Près de ce panneau, une étiquette découpée de travers dit que ce sont des études de cavaliers au galop et autres figures (1503-1505), qui sont conservées à Windsor.
Passant d’un pavillon à un autre sur la passerelle haute, nous avons vu des préparatifs, avec service de sécurité, qui semblaient annoncer quelque chose d’officiel. Curieux et badaud, j’ai voulu entraîner en bas Natacha, qui a pensé qu’elle serait tout aussi bien en haut. Je l’ai abandonnée alors et ai foncé vers l’escalier le plus proche, juste à temps pour prendre cette rangée d’un détachement d’honneur (sur l’original de ma photo, qui supporte l’agrandissement, on peut lire sur le tapis de selle les mots brodés en fil doré "Reparto d’Onore").
J’ai foncé derrière les chevaux et me suis posté au bout de l’allée, juste en face d’un cortège de voitures officielles qui arrivaient, et d’où est sorti ce Monsieur avec son écharpe tricolore. Hélas, je n’ai pas été capable de l’identifier. Nous écoutons la radio mais ne voyons jamais la télévision, de sorte qu’à part Berlusconi nous ne connaissons pas les personnalités politiques italiennes. J’ai bien demandé aux gardes de sécurité, mais ils ne m’ont pas répondu, se contentant de me regarder d’un air mauvais. Il faut dire que pour prendre mes photos, sans cesse je repassais devant eux, tandis qu’ils tentaient de me repousser derrière eux. Natacha, elle, l’a manqué et a regretté de ne pas m’avoir suivi…
Et voilà. J’arrête là mon tour de Romacavalli pour en venir à la conclusion de la journée par le gala. Le premier numéro était sans rapport avec les chevaux, mais très spectaculaire. Le principe de danse aérienne dans ou autour d’un drap n’est pas nouveau, mais cette danseuse était vraiment excellente. C’était extrêmement acrobatique et gracieux en même temps, léger.
Ce type d’exercice est traditionnel de la part des cavaliers de la puszta hongroise, debout sur un ou sur deux chevaux. C’est très acrobatique.
Ici, il s’agissait pour cet homme de blanc vêtu de se faire obéir rien qu’à la voix par de nombreux chevaux. Lui-même était à cheval, mais les autres chevaux étaient complètement libres, sans bride ni rien, et ils entraient les uns après les autres et devaient venir s’aligner, puis tourner tous ensemble en ligne. L’un d’entre eux a un peu renâclé, mais j’ai trouvé que l’intérêt de ce numéro était plutôt dans la beauté de ces chevaux, lancés crinière au vent, comme s’ils étaient sauvages.
Pendant le déroulement d’un autre numéro, il y a eu pour servir de décor ce char agricole et ces gens déguisés en paysans du dix-neuvième siècle. J’ai bien aimé.
Impressionnants ces chevaux frisons avec leur queue touffue et ces panaches de poils au bas des jambes. Pour ce numéro de cavalier médiéval, le choix de cette race de chevaux est judicieux, à mon avis. La vue de ce cheval et de ce guerrier était plus frappante que ce qu’ils ont fait.
Sur leurs chevaux lancés au galop à une vitesse incroyable, ces cavaliers se sont livrés à des exercices de voltige étourdissants. On n’avait même pas le temps de voir ce qu’ils faisaient, où ils étaient.
Il y a eu aussi des Français. De Camargue, sur de petits chevaux camarguais. Une école, je crois, car les cavaliers étaient très jeunes, une vingtaine d’années à peine, des garçons et des filles. Peut-être est-ce un effet de chauvinisme involontaire et inconscient, mais j’ai trouvé qu’ils étaient les meilleurs. Ils étaient moins rapides que les précédents, mais d’une précision extraordinaire. Ils touchaient le sol du pied exactement au rythme du cheval. Cette jeune fille s’est, d’un seul mouvement souple et sans hésitation, étendue sur le dos de sa monture, et s’y est maintenue sans bouger d’un centimètre, comme soudée à la selle, malgré le galop du cheval. Tous ont été aussi excellents, chevauchant dans toutes les positions tout en maîtrisant à la perfection leurs beaux petits Camarguais à la longue crinière flottante.
Mais le clou a été l’homme adulte, vraisemblablement le professeur. Mes photos ne rendent pas compte de son talent. Je n’ai pas réussi à saisir au vol son admirable virtuosité. Mais je tiens quand même à le montrer, pour l’applaudir dans mon blog. Il est capable, touchant du pied le sol près du flanc droit de son cheval, au rythme de seulement deux pas de galop, de toucher le sol près du flanc gauche, et l’instant d’après de se retrouver debout sur la croupe, ou chevauchant à l’envers, ou… je ne peux décrire cela. Il faudrait l’avoir vu pour le comprendre. Et je finis sur des images qui ne sont pas significatives, et en disant que je ne peux non plus décrire par des mots ce que j’ai vu. Mieux vaut donc me taire et clore là cet article.