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19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 00:05

388 Rome, publicité

 

Nous prenons le métro pour aller visiter Saint Paul hors les Murs, ou San Paolo fuori le Mura. Mais dans les couloirs du métro, depuis quelques jours, une affiche attire mon regard. Aujourd’hui, je la prends en photo. Une claque pour le célèbre "truck crop" ?

 

389a Rome, S. Paolo fuori le Mura 

 Voilà, nous arrivons. On aperçoit, sur la droite de ma photo, le début de l’enseigne de MacDonald’s, aussi nous souvenant de l’avertissement donné par le film Big Size Me, voulons-nous dire STOP à nos désordres alimentaires en regardant cette affiche. La basilique de Saint-Paul, là tout près, va nous permettre de prier pour sauvegarder notre ligne.

 

389b Rome, St-Paul hors les Murs

 

La façade de la basilique et son porche donnent sur une vaste esplanade. Nous savons que les cimetières en tant que tels n’existaient pas dans l’Antiquité et que c’était le bord des routes, aux approches des villes, qui en tenaient lieu. Décapité non loin d’ici, saint Paul a été enterré près de la route d’Ostie, la Via Ostiensis, et l’emplacement a été signalé par un petit monument modeste. Et puis, comme pour les autres grands saints martyrs, l’empereur chrétien Constantin fit ériger une église à cet endroit, et le pape Sylvestre Premier (314-336), celui qui aurait baptisé Constantin (306-337), consacra la basilique en 324. Et puis les pèlerins affluèrent si nombreux que dès la fin du siècle il fallut songer à un agrandissement. Le terrain ne permettait pas d’allonger la nef, à moins d’aplanir une colline. Les moyens techniques ne manquaient pas, le coût ne pouvait être pris en considération s’agissant d’un si grand saint, mais vu l’urgence on a choisi la solution la plus simple : procéder à une extension dans l’autre sens et, sans toucher à la tombe, seulement faire pivoter l’autel au-dessus d’elle. Même principe qu’à Saint Laurent hors les Murs bien des siècles plus tard. La nouvelle basilique était achevée, gigantesque comme on peut la voir aujourd’hui, en 395.

 

Les Lombards puis les Sarrasins, déferlant sur Rome, pillèrent tout ce qu’ils pouvaient prendre, mais mon blog n’est pas un guide touristique et j’ai pris le parti depuis le début de ne pas donner le détail des réparations, aménagements, restructurations dont les monuments ont été l’objet. Je saute donc à pieds joints sur tous les travaux qui au cours des siècles ont embelli ou modifié la basilique pour en arriver au 15 juillet 1823, peu avant la mort du pape Pie VII. Stendhal nous dit que "quelques auteurs anciens rapportent que des cèdres furent envoyés du mont Liban pour la toiture de Saint-Paul. Le 15 juillet 1823, de malheureux ouvriers qui travaillaient à la couverture en plomb soutenue par ces poutres, y mirent le feu avec le réchaud qui servait pour leur travail. Ces pièces de bois énormes, desséchées depuis tant de siècles par un soleil ardent, tombant enflammées entre les colonnes, formèrent un foyer destructeur dont la chaleur les a fait éclater dans tous les sens. Ainsi cessa d’exister la basilique la plus ancienne non seulement de Rome, mais de la chrétienté tout entière. Elle avait duré quinze siècles. Lord Byron prétend, mais à tort, qu’une religion ne dure que deux mille ans. […] Léon XII a entrepris de reconstruire Saint-Paul. […] Après un siècle ou deux d’efforts inutiles, on renoncera au projet de refaire cette église, qui est d’ailleurs tout à fait inutile".

 

Stendhal ne mérite pas d’être mis sur le même plan qu’Élie, Jérémie ou Isaïe. C’est un mauvais prophète. La reconstruction radicale de la basilique, autant que possible identique à ce qu’elle avait été, fut menée tambour battant et achevée bien avant la fin du siècle, puisqu’elle a été inaugurée par Pie IX (1846-1878).

 

389c Rome, St-Paul hors les Murs

 

Le ciborium s’élève à la croisée du transept, au-dessus de l’autel principal, lui-même dressé au-dessus de la tombe de saint Paul. Quand je dis la tombe, en fait on a fort maltraité les dépouilles de saint Pierre et de saint Paul. Les deux têtes ont été envoyées à San Giovanni in Laterano (Saint Jean de Latran), et les deux corps ont été partagés entre les basiliques de Saint Pierre au Vatican et de Saint Paul ici même. Le baldaquin, qui n’a pas été détruit par l’incendie, est l’original.

 

389d Rome, St-Paul hors les Murs

 

Pour cette photo, je suis allé tout au bout de la nef principale (il y a cinq nefs). Cela donne une idée de l’immensité de cette église, et cela permet aussi de voir les colonnes dont beaucoup, qui étaient antiques, ont éclaté dans l’incendie et ont été remplacées par d’autres en provenance d’une carrière sur le lac Majeur (du côté de Milan). Toujours Stendhal : "Pendant les vingt années qui ont précédé l’incendie, j’ai vu Saint-Paul tel que les richesses de tous les rois de la terre ne pourraient le rétablir. Le siècle des budgets et de la liberté ne peut plus être celui des beaux-arts ; une route en fer, un dépôt de mendicité, valent cent fois mieux que Saint-Paul. À la vérité, ces objets si utiles ne donnent pas la sensation du beau, d’où je conclus que la liberté est ennemie des beaux-arts. […] Autrefois, en entrant à Saint-Paul, on se trouvait comme au milieu d’une forêt de colonnes magnifiques ; on en comptait cent trente-deux, toutes antiques. […] Parmi les quarante colonnes de la nef du milieu, vingt-quatre, qui étaient d’ordre corinthien et d’un seul bloc de marbre violet, furent enlevées au mausolée d’Hadrien (maintenant château Saint-Ange). Combien ne vaudrait-il pas mieux pour nos plaisirs, en 1829, que ces colonnes fussent restées au mausolée d’Hadrien, qui serait la plus belle ruine du monde".

 

389e Rome, St-Paul hors les Murs

 

Procope, cet historien byzantin du sixième siècle (qui a donné son nom au plus ancien café de Paris, fréquenté par tant d’écrivains comme le café Greco de Rome, où a eu lieu notre dîner de mariage, à Natacha et à moi) constatait déjà, à son époque, que ces vingt-quatre colonnes avaient été transportées du mausolée d’Hadrien à la basilique.

 

389f Rome, St-Paul hors les Murs

 

Juste un petit coup d’œil au haut plafond à caissons. Un magnifique blason doré, avec une sculpture d’anges si fine, si légère…

 

389g1 Rome, St-Paul hors les Murs

 

La mosaïque de l’abside, comme le baldaquin, n’a heureusement pas souffert de la catastrophe de 1823. Autour du Christ on voit, de gauche à droite, saint Luc et saint Paul, puis saint Pierre et saint André. En dessous, les 24 vieillards de l’Apocalypse. Stendhal, toujours lui, estime que "les proportions colossales des vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse et des apôtres saint Pierre et saint Paul, qui entourent Jésus-Christ, équivalaient à ces mots : terreur et enfer éternel. Cette mosaïque est de l’année 440".

 

389g2 Rome, St-Paul hors les Murs

 

Bien que cette basilique ne soit pas la sienne, c’est sur saint Pierre que j’ai envie de zoomer, parce que je trouve intéressante sa tête sur cette mosaïque, avec son grand nez, sa grosse barbe grise et frisée, et puis la façon dont son bras nu sort du drapé du vêtement.

 

389h1 Rome, St-Paul hors les Murs

 

389h2 Rome, St-Paul hors les Murs

 

Nous voici au bas de la nef. La Porta Sacra est une lourde porte de bronze représentant des épisodes de la vie de saint Paul. Ici, sa décollation. Le texte dit qu’en l’année de grand jubilé 2000, cette porte a été ouverte par le pape Jean-Paul II et refermée par Monseigneur Etchegaray qui était, sauf erreur, président de la conférence des évêques de France, puis longtemps l'un des conseillers de Jean-Paul II et membre de la Curie Romaine. En tous cas un dignitaire français (avec un nom basque).

 

389i Rome, St-Paul hors les Murs

 

Sur cette autre porte, c’est saint Pierre qui est à l’honneur. Le Christ lui dit "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église et je te donnerai les clés du royaume des cieux".

 

389j1 Rome, Jean-Paul II

 

Tous les papes depuis saint Pierre étaient représentés en médaillons peints. Après l’incendie, ils ont été remplacés par des médaillons en mosaïque. Ici Jean-Paul II, le pape polonais de Cracovie. Une fois de plus j’appelle Stendhal ? Allons-y. "Dans la grande nef, sur le mur, au-dessus des colonnes, se trouvait la longue suite des portraits de tous les papes, et le peuple de Rome voyait avec inquiétude qu’il n’y avait plus de place pour le portrait du successeur de Pie VII. De là les bruits de la suppression du Saint-Siège. Le vénérable pontife, qui était presque un martyr aux yeux de ses sujets, touchait à ses derniers moments lorsque arriva l’incendie de Saint-Paul. Il eut lieu dans la nuit du 15 au 16 juillet 1823 ; cette même nuit, le pape, presque mourant, fut agité par un songe qui lui présentait sans cesse un grand malheur arrivé à l’Église de Rome. Il s’éveilla plusieurs fois en sursaut, et demanda s’il n’y avait rien de nouveau. Le lendemain, pour ne pas aggraver son état, on lui cacha l’incendie, et il est mort peu après sans l’avoir jamais su".

 

389j2 Rome, Benoît XVI

 

Lors de la reconstruction de la basilique, en refaisant le portrait des papes, on a utilisé tout le tour du transept en commençant à la droite de l’abside, et on a continué le long de la nef. Désormais, il y a de la place pour pas mal de papes encore. Ici, l’actuel Benoît XVI, qui bénéficie d’un petit projecteur spécial. C’est lui que nous avons vu, place Saint Pierre, le 6 décembre.

 

389k Rome, St-Paul hors les Murs

 

J’aime bien ce bénitier, dont le pied est plein d’humour. Cet enfant n’est pas un angelot, puisqu’il n’a pas d’ailes. C’est un gamin qui prend de l’eau dans le bénitier et qui en asperge un démon bien caractéristique, avec ses ailes nervurées façon chauve-souris, lequel tente de se protéger des gouttelettes avec son bras. Bien sûr, il y a une intention religieuse dans l’eau bénite qui repousse le Diable, mais il existe une façon sérieuse de traiter ce thème, et une façon amusante. Je préfère de loin la seconde.

 

389L Rome, St-Paul hors les Murs

 

Dans la sacristie, les murs ont dû être tous recouverts de fresques. Il n’en reste pas grand-chose. Ce fragment, tout de même, qui ne manque pas de beauté.

 

389m Rome, St-Paul hors les Murs

 

En arrivant, nous sommes entrés par l’ancienne façade, avant que la basilique ne tourne sur son axe pour s’agrandir à la fin du quatrième siècle. Maintenant, du côté de la "nouvelle" façade, dans le bas de l’église, on accède à ce magnifique cloître.

 

389n Rome, St-Paul hors les Murs

 

Rien ici, cependant, du recueillement, de la piété des cloîtres romans. Mais une double rangée de majestueuses colonnes, qui encadrent un jardin avec des parterres délimités par des buis tirés au cordeau et des palmiers élancés dans chacun des quatre parterres, et au centre une monumentale statue de saint Paul. C’est grand, c’est beau, sans aucun doute cela vaut le coup d’œil.

 

Mais je voudrais conclure notre visite à Saint-Paul hors les Murs par le jugement de Henry James en 1873, qui résume l’ensemble. "La basilique restaurée est incroyablement splendide. Elle a l’air d’un ultime effort pompeux du catholicisme formel ; il existe bien peu de symboles plus frappants de la dernière Rome, la Rome prédestinée à voir Victor-Emmanuel sur le Quirinal, la Rome des conciles avortés et des anathèmes inécoutés. L’église se dresse là, surprenante et inutile, sur son site plein de miasmes, avec un air de conscient défi, brillant manifeste d’une foi surabondante. L’intérieur est magnifique, et sa magnificence est dépourvue d’endroits miteux, –chose rare à Rome".

 

Et, avant de mettre le point final, trois photos de la boutique de vêtements "Diesel" qui donnent la clé de ma première photo. Mais peut-être tout était-il clair depuis le début si la même campagne publicitaire existe en France…

 

389o1 Diesel 

389o2 Diesel

 

389o3 Diesel

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