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20 juillet 2016 3 20 /07 /juillet /2016 23:59

Il faut d’abord considérer que la tranchée creusée par les soldats peut se trouver n’importe où, et pas seulement sur la ligne de front. Rien ne dit que c’est une tranchée profonde pour combattants, plutôt qu’une tranchée superficielle pour feuillées militaires ou pour enterrer les déchets d’un repas.

 

D’autre part, puisque ce nombre, 451066, est le produit d’au moins quatre chiffres, on doit commencer par le décomposer en facteurs premiers. Je ne me rappelle plus dans quelle classe j’avais appris cette opération arithmétique, mais ce qui est sûr c’est que c’était au niveau de ce qui est aujourd’hui le collège. C’est donc à la portée de tout un chacun, très rares étant ceux qui n’ont pas atteint ce niveau d’études. On trouve ainsi:

2 x 7 x 11 x 29 x 101 = 451 066

– Le premier élément, le quantième du mois, est le plus facile. C’est le dernier jour d’un mois, ce ne peut être qu’un 28 février, ou un 29 février bissextile, ou un 30, ou un 31. Ici, on retient donc 29. Et comme, pendant la Première Guerre Mondiale, il n’y a eu qu’une année bissextile (divisible par 4), il s’agit donc du 29 février 1916.

– Le deuxième élément, c’est la longueur de la pertuisane; cette longue arme (que portent les gardes suisses du Vatican) mesure plus de deux mètres. Un pied mesure environ trente centimètres. La longueur, en pieds, de la pertuisane est donc d’environ 7 pieds (0,30x7=2,10m).

– Restent deux éléments et trois chiffres, 2, 11, 101. Ou bien le troisième élément est 2x11=22 et le quatrième est 101, ou bien le troisième élément est 11 et le quatrième 101x2=202. Puisque l’un et l’autre éléments sont la MOITIÉ de l’âge du capitaine et la MOITIÉ du temps où le soldat est resté enterré, dans le premier cas la bataille a eu lieu 202 ans avant 1916, dans le second cas 404 ans avant 1916. Or en 1714 il y avait belle lurette que les pertuisanes ne s’utilisaient plus à la guerre. Il faut donc admettre que le chef de guerre n’avait que 22 ans et que la bataille avait eu lieu en 1916-404=1512.

 

Et voilà, c’était la BATAILLE DE RAVENNE, où GASTON DE FOIX a été tué alors qu’il n’avait que 22 ans. Il était né en décembre 1489, il meurt en avril 1512. Le problème était posé juste avant que je publie mon article sur la “Colonne des Français”, cela aurait un peu trop aidé sur le plan historique. Mais, de toute façon, pas sur le plan arithmétique!

___________________________________

 

LISTE DES GAGNANTS

Eh bien, à vrai dire, j'avais préparé cette rubrique, mais personne n'a répondu au problème. Personne n'a-t-il lu l'énoncé? Ou personne n'a-t-il tenté d'y réfléchir? Ou personne n'a-t-il trouvé la solution? Je l'ignore, mais ma liste de gagnants reste vierge à l'heure de la clôture (j'ai publié la question le 16 juillet à 23h55, je publie la réponse le 20 à 23h59).

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20 juillet 2016 3 20 /07 /juillet /2016 23:55
Ravenne 16 : Port de Classe et colonne des Français. 22 mai 2013

Classe, j’en ai parlé à propos de la basilique Sant’Apollinare in Classe (mon article Ravenne 08), et à propos des mosaïques provenant du complexe conventuel San Severo (mes articles Ravenne 14 et Ravenne 15). C’était le port de Ravenne dans l’Antiquité, quand l’empereur Auguste, au début du premier siècle de notre ère, en a fait la base de sa flotte militaire. Plus tard, en l’an 400, l’empereur Honorius (le père de Galla Placidia) transfère de Milan à Ravenne la capitale de l’Empire Romain d’Occident, et Classe devient donc le port de la capitale. L’importance de Classe se maintient quand, du sixième au huitième siècle, l’Empire Byzantin fait de Ravenne le siège de l’Exarchat d’Italie. Tout port, c’est logique, amène par nature des populations diverses; mais quand ce port bénéficie d’une telle importance, il attire encore plus de monde. Les fouilles, ici, ont révélé que Classe avait été une ville cosmopolite, dans les habitations on a mis au jour des monnaies, des objets du quotidien ou de culte prouvant que ceux qui y avaient vécu et travaillé venaient de Syrie, d’Égypte, d’Espagne, de Germanie, et évidemment d’ailleurs en Italie, de Grèce, de Constantinople. Une visite passionnante s’annonce.

Ravenne 16 : Port de Classe et colonne des Français. 22 mai 2013
Ravenne 16 : Port de Classe et colonne des Français. 22 mai 2013

Une visite passionnante? Non! Pas de visite. Sur la grille, toute une série d’interdictions. La pire pour nous, “Vietato l’ingresso ai non addetti ai lavori”. Entrée interdite à qui n’est pas impliqué dans les travaux. C’est que l’année dernière, le 2 juillet 2012, une bombe non explosée de la Seconde Guerre Mondiale a été trouvée sur le site. Accès interdit à toute personne jusqu’à ce que l’on fasse exploser cette bombe avec toutes les protections nécessaires le 2 septembre. Comme nous le constatons aujourd’hui, le site n’a pas été rouvert le 3 septembre, et j’ai lu quelque part qu’il restera fermé tant que dureront les fouilles, pour préserver les matériaux archéologiques mis au jour et gardés sur place en attente d’examen et de transfert. Un grand panneau nous informe que l’on procède à la restauration et à la conservation du parc archéologique du port antique de Classe. Eh bien tant pis, passons notre chemin…

Ravenne 16 : Port de Classe et colonne des Français. 22 mai 2013
Ravenne 16 : Port de Classe et colonne des Français. 22 mai 2013

Cette colonne dressée sur le bord d’une petite route près du fleuve Ronco dans la campagne près de Ravenne, c’est la Colonne des Français érigée en 1557. L’une des inscriptions appelle le passant à regarder, et évoque le sang qui a taché cette terre dans l’affrontement de l’armée française et de l’armée espagnole. Le célèbre chevalier Bayard a participé aux combats, qui ont fait plus de vingt mille morts. Il écrit “Si le roi a gagné la bataille, les pauvres gentilshommes l’ont bien perdue”. Dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand cite également ce même Bayard: “Nonobstant toute l'artillerie tirée par les Espagnols, les Français marchaient toujours, dit le Loyal serviteur; depuis que Dieu créa ciel et terre, ne fut un plus cruel ne plus dur assaut entre Français et Espagnols. Ils se reposaient les uns devant les autres pour reprendre leur haleine; puis, baissant la vue, ils recommençaient de plus belle en criant: France et Espagne! Il ne resta de tant de guerriers que quelques chevaliers, qui alors affranchis de la gloire endossèrent le froc”.

 

Mais de quoi donc s’agit-il? Marignan 1515, assassinat de Henri IV 1610, Austerlitz 2 décembre 1805, oui, mais on parle assez peu de la bataille de Ravenne en 1512. Depuis quelque temps, le roi de France Louis XII est parti à la conquête de l’Italie. Le pape décide de réagir pour l’arrêter. Le 11 avril 1512, c’est le dimanche de Pâques. L’armée de Louis XII, commandée par Gaston de Foix, affronte la Lega Santa, la Sainte Ligue du pape Jules II dans laquelle se battent principalement des Espagnols, mais aussi des Italiens et des Grecs du Royaume de Naples. L’artillerie du duc de Ferrare qui se bat du côté des Français, un armement alors considéré comme très moderne (même si, en 1453, une soixantaine d’années plus tôt, c’est aussi l’artillerie qui avait permis au sultan Mehmet II de prendre Constantinople et de mettre fin à l’Empire Byzantin), leur donnera finalement la victoire.

 

Outre Bayard, d’autres célébrités participaient à la bataille, comme l’Arioste, ce poète italien, qui a décrit son vécu de l’événement, ou encore La Palisse, dont on a tiré le nom commun une lapalissade. Sur son tombeau (il a été tué à Pavie en 1525, mais enterré dans le Bourbonnais, dans son château) était écrit “Hélas s'il n'était pas mort, il ferait encore envie”, qui a été interprété comme “S’il n’était pas mort, il serait encore en vie”… une vraie lapalissade!

 

L’autre jour, j’avais posé un petit problème. J’en publie la solution tout de suite, mais dans un article séparé. Vous pourrez y voir aussi si mes lecteurs ont été nombreux à trouver la solution Et je clos ici à la fois mon seizième article sur Ravenne et notre séjour dans la ville. Nous poursuivons notre route vers la France et partons pour Parme.

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16 juillet 2016 6 16 /07 /juillet /2016 23:55

Cela ne m’arrive jamais de poser des problèmes, mais une fois n’est pas coutume, j’interromps (brièvement) la publication de mes articles sur Ravenne car je voudrais poser à mes fidèles lecteurs le petit problème suivant. À moi, on me l’a posé alors que j’étais élève en classe de seconde. Oui, bien de l’eau a passé sous les ponts depuis ce temps-là. Considérant mon visage aujourd’hui, Mac Mahon s’écrierait de nouveau “Que d’eau! Que d’eau!”. Tant pis pour moi… Ce problème, le voici (solution après publication de mon prochain article):

 

Le dernier jour d’un certain mois de la guerre de 1914-1918, des soldats creusant une tranchée mirent au jour le corps d’un soldat de l’ancien temps ayant à ses côtés sa vieille pertuisane. On sait que si l’on multiplie:

1/ le quantième du mois de la découverte du corps, par

2/ la longueur, mesurée en pieds, de la pertuisane, par

3/ la moitié du temps où le soldat est resté sous terre, par

4/ la moitié de l’âge du capitaine commandant à la bataille où le soldat a été tué,

on obtient 451 066.

La question: quelle était cette bataille et qui était le capitaine y commandant.

 

N. B.: s’il vous plaît, si vous trouvez la réponse, NE LA PUBLIEZ PAS CI-DESSOUS, ne cliquez pas sur “commenter cet article”, pour laisser les autres chercher un petit peu!!! Mais vous pouvez me la communiquer directement. Comment? Sur la droite de l’écran, à la dernière ligne de la rubrique “Présentation”, vous cliquez sur “contact”.

 

En donnant la réponse (dans 4 jours), je publierai les noms des gagnants. N’oubliez donc pas, en répondant, d’indiquer sous quel nom, ou sous quel pseudo, vous souhaitez apparaître si votre réponse est gagnante.

 

Les prix distribués aux gagnants? Euh… Généreusement, j’offre l’honneur d’apparaître dans la liste des gagnants!!!

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15 juillet 2016 5 15 /07 /juillet /2016 23:55
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Pour en finir avec les mosaïques de Ravenne, en guise de conclusion, nous voici au TAMO, abréviation de “Tutta l’Avventura del Mosaico”, titre qu’il me semble inutile de traduire. C’est une sorte de musée de la mosaïque, avec une exposition intitulée “Mosaici tra Inferno e Paradiso”, c’est-à-dire “Mosaïques entre Enfer et Paradis” en référence à la Divine Comédie de Dante, avec ses trois livres l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, parce que les vingt-et-une œuvres exposées sont inspirées de Dante. Ce musée est installé dans l’église (quatorzième siècle) et le monastère de San Nicolò. Désaffectés, cela va sans dire.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Le musée commence dans la nef de l’église. Avant de montrer ce qui y est exposé, on peut déjà admirer ce qui reste de fresques bien abîmées sur les murs, mais de toute beauté.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Ce qui remonte le plus loin dans le temps, c’est cette mosaïque de sol du quatrième siècle avant Jésus-Christ qui provient de l’île sicilienne de Mozia (voir mon article Mozia, daté 21 août 2010). Elle est faite de galets de rivière liés par du mortier de calcaire mêlé de fines particules. Cette méthode de mosaïque de galets est rare.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Sur ma photo montrant la nef de l’église, on a pu voir au sol de grandes plaques. Ce sont de somptueux tapis de mosaïques. Celui-ci vient d’une domus de Faenza, dans la province de Ravenne, et date de l’époque d’Auguste.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Cet autre tapis de mosaïque est peut-être objectivement plus beau, mais je préfère le précédent. Celui-ci est plus tardif, sixième siècle après Jésus-Christ, et provient du complexe du monastère de San Severo, à Classe (J’ai eu l’occasion d’évoquer ce monastère et ses mosaïques de sol dans mon précédent article, Ravenne 14, au sujet de la crypte Rasponi).

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Cette mosaïque de sol donne une impression de vannerie en relief, encore une qui est remarquable. Elle est faite de tesselles qui sont toutes rectangulaires et de même dimension. Elle vient de Libye et date du deuxième siècle de notre ère.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Cette mosaïque de sol représente des motifs peu communs, et très variés, qui semblent avoir été jetés en désordre. Elle vient d’une domus de Ravenne que l’on désigne par elle, à savoir la Domus des tapis à cercles et à méandres. On la date du cinquième siècle de notre ère, mais elle a été restaurée à de nombreuses reprises dans l’antiquité.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Mais les mosaïques ne sont pas toutes géométriques, beaucoup d’entre elles sont figuratives. Les deux ci-dessus sont du cinquième siècle de notre ère et ont été prélevées dans une domus de Faenza. Rien à voir, ni pour l’époque, ni pour la localisation, avec la domus de Faenza évoquée plus haut. D’abord, dans deux cadres distincts, des soldats en armes, avec bouclier, casque et lance; et ensuite, cet homme nu sur un trône, c’est Achille à qui on présente ses armes. Cet homme debout, en bas à gauche, est peut-être le roi de Troie Priam, est-il dit sur la notice. Il est vrai que Priam n’est plus jeune, comme l’homme de la mosaïque, mais je ne vois pas bien ce qu’il viendrait faire dans cette scène.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Grand saut dans le temps, nous arrivons au douzième siècle avec cette mosaïque en provenance d’Otrante, dans les Pouilles (voir mon article daté 4 et 5 octobre 2010). Tant par le style du dessin que par la qualité de la technique, on voit qu’on a changé d’époque. Ici les tesselles sont de forme et de taille aléatoires, et cela entraîne qu’elles soient mal jointes avec un ciment grossier.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Passons maintenant à un autre secteur du musée. On va étudier la technique de la mosaïque. Difficile à faire passer dans ce blog, il faut voir de ses yeux, apprécier la matière, comprendre les animations. Ce que je peux montrer ici, c’est par exemple cette photo d’une stèle qui est au musée d’Ostie –le port de Rome dans l’antiquité– et qui représente des artistes taillant des tesselles pour faire une mosaïque.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013
Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

En même temps que l’on nous montre la photo de cette stèle, on nous présente les outils de l’artiste en mosaïque, en nous expliquant comment on s’en sert. Il y a aussi ce bac plein de tesselles multicolores, mais en un autre endroit on nous montre comment on les colore, comment elles sont ensuite classées par couleur, et aussi par gradation de couleur, pour que l’on puisse trouver instantanément, au cours du travail de composition, les tesselles dont on a besoin, sans avoir à fouiller dans le tas. Un parcours instructif très intéressant.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Et en fin de parcours, nous voici arrivés à l’exposition d’œuvres contemporaines inspirées de la Divine Comédie de Dante, ces Mosaici tra Inferno e Paradiso, dont je parlais au début. C’est le 27 mai 1965 que le cloître de la basilique San Vitale expose 21 mosaïques en relation avec la Divine Comédie. Cette année-là est marquée par le septième centenaire de la naissance de Dante. Ces mosaïques sont à présent au TAMO, pour notre plus grand plaisir. En voici quatre. Cette mosaïque, ci-dessus, représente Dante et Virgile face à Paolo [Malatesta] et Francesca [da Rimini], dans l’Enfer, chant 5. Il convient d’indiquer deux noms, celui du peintre qui a exécuté le carton, Domenico Purificato (1915-1984), et celui de l’artiste en mosaïque qui a réalisé l’œuvre finale, Santo Spartà (né en 1936). C’est un artiste orientaliste, qui s’est initié en restaurant des mosaïques anciennes dans les basiliques de Ravenne.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Cette mosaïque, les Harpies, est inspirée du chant 13 de l’Enfer de Dante. Le carton, une détrempe sur papier, est de Giulio Ruffini (1921-2011), sculpteur et peintre. Libera Musiani (1903-1987) a exécuté la mosaïque, mais en la réinterprétant. En effet, s’il reste fidèle au graphisme, en revanche il a beaucoup adouci les contrastes et les tons, ce qui affaiblit la charge expressive de l’original surréaliste.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Les Violents, c’est également au chant 13 de l’Enfer qu’on les trouve. L’auteur du carton, Leila Lazzaro (née en 1925) est romaine. Elle a représenté le suicide de Pier delle Vigne, et l’on retrouve les Harpies de l’image précédente. L’exécution est de Sergio Cicognani (né en 1927), un artiste célèbre qui a travaillé avec Kokoschka et avec Mathieu. Lui aussi a beaucoup adouci les tons durs du carton en les faisant évoluer en ombres pastel.

Ravenne 15 : Mosaici tra Inferno e Paradiso. Mercredi 15 mai 2013

Cette mosaïque est intitulée Caton. Et en effet, Dante a placé Caton d’Utique à l’entrée du purgatoire (Purgatoire, chant 1). Ce Romain qui, pour ne pas être livré à son adversaire César, s’est jeté sur son épée, je l’aurais plutôt imaginé en Enfer avec les suicidés, mais là n’est pas le sujet. Il est ici interprété sur un carton de Orfeo Tamburi (1910-1994), qui s’est formé à Rome puis a exercé à Paris, évoluant vers des formes qui témoignent de l’influence de Cézanne sur son style. Cette fois, la transcription en mosaïque est très fidèle au carton original. Elle est de Santo Spartà, que nous avons vu au sujet de Paolo et Francesca.

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13 juillet 2016 3 13 /07 /juillet /2016 23:55
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Nous sommes dans le quartier de Dante. Sur la vaste place où s’élève l’église San Francesco, sur la droite, se trouve le conseil provincial, installé dans le Palais Rasponi. J’en ai montré la façade dans mon article Ravenne 01. Ma photo met en perspective la tour néogothique du palais, qui date de 1840, et le campanile de l’église.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

C’est entre la fin du dix-huitième siècle et le début du dix-neuvième qu’a été construite cette crypte composée de trois pièces, dont l’une a servi de chapelle, avec un petit autel. L’ensemble était destiné à recevoir les sépultures de la famille Rasponi, mais en fait personne n’y a jamais été enterré.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Comme nous allons le voir, l’intérêt de ce bâtiment ne se limite pas à son architecture. Ma photo ci-dessus permet, en regardant le sol et le mur du fond, de deviner que des éléments anciens et contemporains méritent d’être remarqués.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

En effet, le sol est en mosaïque. Une mosaïque ancienne. Il est absolument certain qu’elle n’est pas ici d’origine, et que la crypte n’a pas été construite dessus. On suppose, et c’est une quasi-certitude, qu’il s’agit du sol de la basilique San Severo (Saint-Sévère) de Classe, qui date de la fin du sixième siècle. Lors du déclin de ce port antique de Ravenne, la basilique a survécu grâce au monastère qui lui a été adjoint au dixième siècle, mais elle a été détruite après le quinzième siècle. Ce qui en a été récupéré ici ne provient pas d’un unique grand morceau, mais est constitué de plusieurs petits fragments habilement raccordés.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Les Rasponi avaient aussi trouvé je ne sais où quelques plaques de marbre de Proconnèse que les spécialistes ont datées de l’époque de Théodoric, comme ce bas-relief représentant un quadrupède.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

La crypte peut également être utilisée –pourquoi pas?– pour des expositions temporaires. Nous avons pu y voir des œuvres contemporaines comme celle-ci, intitulée Labirinticamente 2006 (“Labyrinthiquement 2006”).

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Ici, sur cette pierre qui, sur un visuel, est définie comme l’autel de la chapelle, explication à laquelle je ne crois pas parce qu’elle est évidée en cuvette et dispose d’un orifice d’écoulement, est posée une coupe sans fond, une sorte d’entonnoir.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Vaso 1996. Puisque Ravenne est la capitale mondiale de la mosaïque, il est normal que la plupart des œuvres présentées, ou la totalité, soient des mosaïques. Ici, dans ce “Vase 1996”, on voit incrustée une colombe, rappel des colombes que l’on voit un peu partout, depuis le mausolée de Galla Placidia.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Le Palazzo Rasponi comportait à l’origine de grands jardins suspendus. Aujourd’hui, si les jardins que nous voyons sont accueillants, ils n’ont pas, paraît-il, la splendeur de ceux du passé. Une partie d’entre eux, cependant, cultivés au-dessus du niveau du sol, méritent toujours le titre de jardins suspendus.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Il y a aussi un très intéressant chemin sur les toits avec une passerelle et une grande terrasse, qui permet d’apprécier l’architecture des bâtiments.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013
Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Oui, apprécier l’architecture du palazzo; mais aussi d’avoir une très belle vue d’en haut. C’est ainsi que j’ai pu prendre cette photo de l’église San Francesco (cf. mon article Ravenne 11) et de la piazza du même nom. Sur cette place, la maison au bout du flanc à droite, après les arbres, porte la plaque de ma troisième photo. Cette plaque dit qu’ici se trouvait la maison où a habité en 1819 Lord Byron, qualifié “ami des patriotes de Ravenne”. Les mots “ici se trouvait” signifient que cette maison n’existe plus, et que celle que l’on peut voir aujourd’hui a été bâtie sur l’emplacement de celle qu’a occupée Byron. Je la montre vue d’en bas dans mon article Ravenne 01.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Depuis le début, je parle du palais, j’en montre une crypte, des jardins, le toit, mais où est-il donc, ce palais? Je n’en montrerai que cette vue. Dans un premier temps, c’est au dix-huitième siècle que la famille des Rasponi l’a construit. En 1895, les Rasponi le vendent à un certain Geremia Zoli, qui en fait l’hôtel Byron, le plus luxueux établissement de Ravenne. En 1918, les héritiers de Zoli le vendent à la Fédération des Coopératives de la Province de Ravenne.

Ravenne 14 : palazzo et crypte Rasponi. Jeudi 16 mai 2013

Mais les événements politiques s’en mêlent. En 1922, les Fascistes de Mussolini n’aiment pas ce qui est à gauche, et détruisent, incendient ce qui est communiste ou socialiste, avant d’investir des villes. C’est ce qui arrive à Ravenne, et la Fédération des Coopératives est bien évidemment une cible à détruire en priorité, car elle est devenue le symbole du pouvoir socialiste à Ravenne. La plaque ci-dessus l’évoque:

 

“Ces murs de l’ancien palais Rasponi, réchappés de l’assaut fasciste du 28 juillet 1922, rappellent le siège de la Fédération des Coopératives de la Province de Ravenne, incendié et détruit par qui a tenté en vain d’anéantir les valeurs et les œuvres de milliers de coopérants”.

 

Quelques pans de murs réchappés de la fureur fasciste… Le palais n’était plus que des ruines. Une société napolitaine les acquiert pour construire à la place un grand ensemble comportant une auberge, un café, une salle de théâtre et de concert, des boutiques, des appartements. Ce projet émeut la population. Corrado Ricci (1858-1934, célèbre archéologue et historien de l’art, sénateur en 1923, superintendant des monuments de Ravenne) est appelé à s’en mêler. Un architecte, Giulio Ulisse Arata, accepte de prendre en compte les remarques et avis de Corrado Ricci. Les travaux commencent en 1924 mais, plutôt que d’admettre les modifications du projet, la société vend la propriété à l’administration provinciale alors que les travaux sont loin d’être achevés. Le Palazzo della Provincia sera inauguré en 1928.

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11 juillet 2016 1 11 /07 /juillet /2016 23:55

Dans mes articles précédents, nous avons vu les églises les plus remarquables de Ravenne, qui remontent aux premiers siècles du christianisme et sont ornées de mosaïques exceptionnelles. Aujourd’hui, nous allons parcourir la ville pour y voir dix autres églises, plus ou moins anciennes, en passant rapidement, parfois même sans y pénétrer.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Par exemple la cathédrale. Nous n’y entrons pas. Le Duomo della Resurrezione di Nostro Signore Gesù Cristo est mitoyen du baptistère. C’est une église du dix-huitième siècle, mais son campanile cylindrique, lui, remonte aux dixième et onzième siècles.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

J’ai dit que nous allions voir des églises. Celle-ci, avec son monastère, a été fermée au culte en 1882, et elle est devenue aujourd’hui un dépôt de la police municipale, qui paraît-il ne se soucie guère de la maintenir en état. Domenico Barbiani (1714-1777), peintre et architecte, l’avait restructurée, et lui avait donné cette façade du dix-huitième siècle, mais l’église était beaucoup plus ancienne, comme nous allons le voir.

 

Dante avait deux fils, Iacopo et Pietro, et une fille, Antonia Alighieri, née à Florence tout à la fin du treizième siècle ou au tout début du quatorzième. La sentence d’exil frappait seulement les hommes, de sorte que les deux fils ont dû partir avec Dante, mais Antonia est restée à Florence avec sa mère Gemma Donati. Beaucoup pensent que Gemma a rejoint son mari quelques années plus tard, peut-être en 1315, et donc Antonia, encore très jeune, aurait bien sûr suivi sa mère. Après la mort de son père, elle est entrée au couvent Santo Stefano degli Ulivi sous le nom de sœur Béatrice. On a une preuve de son existence en 1332, un document daté des 3 et 6 novembre de cette année-là dans lequel ses deux frères Iacopo et Pietro sollicitent l’accord de leur mère et de leur sœur Antonia pour la vente d’un bien. Par ailleurs, un document émanant des archives notariales de Ravenne dit que le 21 septembre 1371 maître Donato degli Albanzani a consigné, de la part d’un ami qui désirait rester anonyme, trois ducats au monastère de Santo Stefano, le monastère étant en qualité d’héritier “de sœur Béatrice, fille de Dande Aldegeri”. Il ne fait guère de doute que le texte veut dire fille de Dante Alighieri. Antonia était donc morte à ce moment-là et le couvent était son héritier. D’aucuns, à la suite de C. Ricci (L'ultimo rifugio di Dante), pensent que l’ami inconnu n’est autre que Boccace. Wikipédia en français, comme mes sources savantes trouvées en bibliothèque, la fait naître à une date inconnue dans une fourchette à cheval sur les deux siècles (j’aime le ridicule de ma formule, une fourchette à cheval: il faut se représenter l’image…), et la dit morte après 1371. Mais Wikipédia en italien ne laisse pas de doute, elle est née en 1298 et morte en 1350. J’ignore sur quoi se fondent ces certitudes.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Nous sommes sur le flanc gauche du parvis de Sant’Apollinare Nuovo. Nous voyons ici Santa Barbara, une église construite au début du onzième siècle (même si la première mention que nous en ayons ne remonte qu’à 1109). En 1513, elle devient église paroissiale, Lorsque, au début du dix-neuvième siècle, une ordonnance de Napoléon contraint à réduire le nombre des paroisses, le secteur paroissial de Santa Barbara est rattaché à Santa Maria in Porto (elle-même fermée, j’en parle plus bas), et le bâtiment est mis en vente. Transformé en maison d’habitation, puis en local d’artisan, il appartient maintenant à un nouveau propriétaire qui essaie de le remettre en état, ainsi que l’ensemble du complexe.

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L’église des Saints Jean et Paul (chiesa dei Santi Giovanni e Paolo) est bâtie sur l’emplacement d’une église remontant au cinquième et au sixième siècles, mais dont l’abside était tournée là où est aujourd’hui la façade. L’église actuelle a été restructurée en 1671, puis l’architecte Domenico Barbiani que j’ai déjà évoqué à propos de Santo Stefano degli Ulivi la reconstruit en 1758 sur la seule nef centrale de l’église primitive. Au premier coup d’œil on se rend compte que son campanile, de plan carré jusqu’à mi-hauteur et circulaire au-dessus, est beaucoup plus ancien: l’un des plus vieux de Ravenne, il a été construit au neuvième siècle.

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Le sol d’origine de la basilique Sant’Agata Maggiore, du fait de la surélévation du terrain au cours des siècles, se trouve aujourd’hui à 2,50 mètres au-dessous du niveau du pavement actuel. Sa construction remonte au cinquième siècle, et plus précisément aux évêques Jean Premier (477-494) et Pierre II (494-519). À l’intérieur, l'abside était autrefois recouverte de superbes mosaïques du sixième siècle, mais le temps et ses aléas (notamment un tremblement de terre en 1688) en ont eu raison, il n’y a plus une seule tesselle à en montrer… Quant à la Seconde Guerre Mondiale, les bombardements des Alliés ont très durement touché l’église, restaurée depuis.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Celle-ci, si je n’en montre pas l’intérieur, ce n’est pas par choix, mais parce qu’elle est fermée au public. C’est l’église Santa Croce, construite par Galla Placidia sur un plan en croix latine dans la première moitié du cinquième siècle. Elle faisait partie du même grand complexe que le mausolée, jusqu’à ce que, au début du dix-septième siècle, elle en soit coupée. Comme l’église Sant’Agata Maggiore, elle a dû être surélevée parce qu’elle se trouvait sous le niveau du sol, et elle a été profondément restructurée, la façade actuelle étant du dix-septième siècle. Le transept a été supprimé, l’abside du cinquième siècle est aujourd’hui à la hauteur de la jonction de l’ancien transept et de la nef. On voit que le campanile n’est pas contemporain, et de loin, de l’église: il est du dix-huitième siècle

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Autour du bâtiment, des fouilles ont mis au jour des constructions antérieures à l’édification de l’église primitive, puisqu’il s’agissait d’une domus romaine. Certaines mosaïques de sol, qui sont très belles, sont mangées par les herbes et la mousse. C’est bien dommage.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Santa Maria in Porto, Sainte-Marie-du-Port. En 1960, le pape Jean XXIII a élevé cette église au rang de basilique mineure. Elle a été édifiée de 1553 à 1606 avec une façade baroque sur des plans établis quelques décennies plus tôt, en 1511, par l’architecte Bernardino Tavella, mais dans la seconde moitié du dix-huitième siècle (1784) l’architecte Camillo Morigia a modifié cette façade dans le style néoclassique.

 

En 1797, non seulement les troupes françaises ont endommagé et pillé l’église, mais il a été décidé de la fermer au culte et elle a été transformée en caserne. Ce n’est qu’à la fin du dix-neuvième siècle qu’elle est rouverte comme église. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les bombes des Alliés ont ravagé Ravenne, j’ai eu hélas plusieurs fois l’occasion de le dire, et l’une d’entre elles a touché Santa Maria in Porto le 24 juillet 1944 mais par chance seul l’impact de l’engin a causé des dégâts, car elle n’a pas explosé, et la restauration a pu être effectuée rapidement. Je ne sais pas si la presse a parlé de cette bombe, je ne lisais pas les journaux à cette époque-là, j’étais âgé de trois jours!

 

Au-dessus du portail central, cette belle statue de la Vierge date de 1689. Elle représente la Madonna Greca, bas-relief qui se trouve à l’intérieur de l’église et dont je vais parler tout à l’heure. C’est la protectrice de Ravenne.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

De façon très classique, c’est une église à trois nefs, avec une coupole au-dessus de la croisée du transept.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
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Dans plusieurs églises d’Italie, nous avons eu l’occasion de voir ce travail de marqueterie de marbre, sorte d’opus sectile, sur le devant des autels ou sur les balustrades de chapelles latérales. Un travail très fin et délicat pour représenter ces scènes de martyre violentes.

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Ce vase est appelé “hydrie de Cana”. Non pas que l’on se soit imaginé qu’il ait pu être l’un des vases où Jésus a changé l’eau en vin aux noces de Cana, mais tout simplement parce que, clairement, il vient d’Orient, très vraisemblablement rapporté par les Croisés au Moyen-Âge, et que le porphyre dont il est fait, cette pierre rouge, rappelle le vin des noces de Cana, tout comme le sang du Christ évoqué lors de la Cène du Jeudi Saint (“Prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés”).

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Et puis on peut voir ce bas-relief que rappelle à l’extérieur la statue de la façade. Il est réalisé en marbre de Paros et il est très généralement considéré d’origine byzantine, antérieur au concile d’Éphèse qui s’est tenu en 431, quoique j’aie lu sur un site Internet qu’il était peut-être de facture vénitienne, ce qui contredit son matériau, sa date et sa provenance. Quoi qu’il en soit, la tradition veut qu’au douzième siècle, au dimanche in albis (le dimanche une semaine après Pâques), des moines du monastère de Santa Maria in Porto Fuori (Porto Fuori était sur la côte à cette époque, avant que la mer ne se retire plus loin), marchant sur la plage, y découvrent cette statue de la Vierge. Une statue de style byzantin entre sable et vagues, il n’en fallait pas plus pour y voir une statue venue miraculeusement de Constantinople. Et comme on oppose l’Église latine de Rome à l’Église grecque de Constantinople, on appelle cette Vierge la Madonna Greca, la Madone Grecque. Et si elle est venue ici de sa propre volonté, c’est pour protéger spécialement Ravenne. Elle est donc la patronne de la ville, mais aussi du diocèse et du vicariat de la mer.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Nous voici à San Giovanni Battista. Pour bien distinguer cette église Saint-Jean-Baptiste de l’église dédiée à l’autre saint Jean, Saint-Jean-l’Évangéliste (que j’ai présentée dans un article précédent, Ravenne 10), il est d’usage de l’appeler, dans le dialecte local, Sân Zvan dla Zôla, c’est-à-dire Saint-Jean-de-l’Oignon (drôle de nom!) parce que chaque année au mois de juin, et encore aujourd’hui, a lieu dans les parages une Fête de l’Oignon. L’église bâtie ici à l’origine remonte au sixième siècle, et le campanile que nous voyons date du neuvième, mais l’église a été abattue pour être reconstruite en 1683 par l’architecte Pietro Grossi.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Arrêtons-nous un instant devant cette Vierge au doux visage, avec l’Enfant Jésus représenté comme un vrai bébé, qui gigote dans les bras de sa maman et veut lui attraper le visage.

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Tout autour de l’église, ses murs portent des peintures d’artistes locaux qui ont œuvré entre le quinzième et le dix-huitième siècles. À titre d’exemple, cette Vierge peinte par Francesco Longhi, d’une famille de peintres (il est le fils de Luca Longhi et le frère de Barbara Longhi) actifs à Ravenne au seizième siècle.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Fixé au mur, ce monument funéraire n’est peut-être pas une œuvre d’art qui mérite d’être publiée ici, ce squelette ailé n’est pas du meilleur goût, mais je trouve l’ensemble intéressant.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Nous sommes en plein mois de mai. Une crèche, c’est un peu en retard, ou un peu en avance pour le 25 décembre… Mais à l’extérieur de l’église un panneau incite à entrer admirer une crèche napolitaine permanente. Elle a été installée le 5 décembre 2009. Il est piquant de constater qu’en France, des conseils départementaux et des municipalités doivent démonter leurs crèches, considérées comme des offenses à la laïcité, et qu’en Italie, au sein même d’églises, des crèches peuvent être permanentes, perdant ainsi hors de la période de la Nativité leur signification religieuse au profit d’une valeur purement artistique.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Cinq photos, c’est sans doute trop, mais j’avais envie de montrer en gros plan quelques détails de cette crèche. Ces pénitents blancs, qui normalement apparaissent pendant la Semaine Sainte, n’ont en principe rien à faire dans une crèche, mais je pense que l’intention est de montrer toute la chrétienté. L’auteur de cette crèche, un certain Francesco di Francesco, dit l’avoir réalisée dans le style des crèches napolitaines du dix-huitième siècle. Et depuis sa création en 2009, elle n’a cessé de s’enrichir de personnages nouveaux, de modifier son ordonnancement et son paysage.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
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Santa Maria Maggiore était une très vieille église construite par Ecclesius (522-532), le constructeur de San Vitale (mon article Ravenne 07). Mais elle s’est effondrée au dix-septième siècle et de cette église primitive, il ne reste rien, elle a été reprise à la base par Pietro Grossi en 1671 en style baroque. Même l’abside, qui a été conservée, a été tellement remaniée qu’il n’est plus possible de voir son origine paléochrétienne. Le campanile de plan circulaire, typique de l’architecture de Ravenne, a été construit comme les autres campaniles de ce style, au neuvième ou au dixième siècle, et n’a pas fait l’objet d’une reconstruction.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Reconstruction complète ne signifie pas que l’on s’interdit la réutilisation d’éléments récupérés dans les ruines de l’édifice précédent. Ici, bon nombre de colonnes de la nef, avec leurs chapiteaux corinthiens, proviennent de l’église antérieure.

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Ce sarcophage est d’époque romaine, mais il a été récupéré par les Rasponi, une famille illustre à Ravenne. Nous avons vu, dans mon article Ravenne 01, le palazzo Rasponi Murat et le jardin botanique Rasponi Murat. Mon prochain article, Ravenne 14, sera consacré à la crypte Rasponi et au Palazzo Rasponi. Mais celui à qui est dédié le portrait au-dessus, et qui a également été enseveli dans cette église, c’est Camillo Morigia. La longue épigraphe funéraire gravée en latin sur la plaque sous son buste dit, entre autres “Ceci est le portrait terrestre de Camillo Morigia, dont la mort met fin au nom d’une très noble famille […]. Il s’est distingué brillamment dans les sciences d’Archimède […]. Maître indépassable en architecture, il a réussi à l’embellir de douceur attique […]. Il n’a pas atteint la vieillesse: au beau milieu de la gloire, il est mort après de longues souffrances […]”. Elle s’achève en disant que Barbara Rasponi et Francesca Prandi ont fait graver cet éloge en souvenir de leur excellent et très cher frère. Ce Camillo Morigia (1743-1795) n’est pas un inconnu pour nous puisque, tout à l’heure, nous l’avons vu intervenir sur la façade de Santa Maria in Porto, et que c’est lui qui a construit la chapelle funéraire de Dante (mon article Ravenne 12).

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Cette Vierge à l’Enfant est située au-dessus d’un autel latéral. On l’appelle la Madonna dei Tumori, traduction italienne du nom très ancien qu’elle avait en latin, Sancta Maria a Tumoribus, et elle est l’objet d’une grande dévotion. Lors de la reconstruction de l’église en 1671, cette fresque vieille de plusieurs siècles a été récupérée et replacée ici. Elle était invoquée –et elle est encore invoquée– dans le cas de tumeurs, ou des bubons qui apparaissent avec des maladies incurables comme la peste, ou encore pour les œdèmes du visage ou d’autres parties du corps. Le second samedi de chaque mois, une messe est célébrée sur cet autel à l’intention des malades affectés d’une tumeur, de leurs proches qui souffrent de les voir malades, des médecins et du personnel de santé qui les soignent, des chercheurs qui s’efforcent de trouver des remèdes à la maladie.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Je terminerai avec l’église Sant’Eufemia, Sainte-Euphémie. Aujourd’hui, elle sert d’entrée à un grand site archéologique, la Domus dei Tappeti di Pietra (la Maison des Tapis de Pierre), que nous avons bien sûr visitée mais où la photo est interdite. Je ne consacrerai donc pas d’article à cette Domus byzantine des cinquième et sixième siècles, ne pouvant commenter ce que je ne peux montrer.

 

On dit que la première église qui s’est élevée ici était la plus ancienne de Ravenne et même de toute la région d’Émilie, et qu’elle avait été construite là où les premiers chrétiens de l’endroit se réunissaient pour écouter les prédications de Saint Apollinaire. Dans la sacristie, un petit puits porte l’inscription “Ici a pris naissance la foi des Ravennates”, mais cette inscription est du dix-huitième siècle. En 1686 ont été retrouvées des reliques de sainte Euphémie et de sainte Agathe qui, selon la légende, auraient été apportées par saint Apollinaire. En 1993 ont été menées des fouilles qui ont montré divers niveaux de stratification, tout en-dessous la fameuse Domus romaine du sixième siècle au sol de mosaïques, et une nécropole du septième au neuvième siècle.

 

C’est l’architecte Gian Francesco Buonamici, l’auteur du Duomo de Ravenne, qui a construit l’église actuelle de 1742 à 1747 sur l’emplacement de l’église antique.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

À l’origine, l’église était à plan basilical, avec trois nefs. Lors de sa reconstruction au dix-huitième siècle, Buonamici l’a conçue sur une seule nef centrale.

Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013
Ravenne 13 : Diverses églises de la ville. Du 5 au 22 mai 2013

Pour finir, cette statue de la Vierge à l’Enfant et cette fresque de la Circoncision. Même dans de petites églises comme celle-ci, assez récentes dans leur état actuel, on peut trouver des œuvres intéressantes…

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9 juillet 2016 6 09 /07 /juillet /2016 23:55
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

S’il fallait citer une référence littéraire pour chaque langue, ce serait Molière pour le français, Shakespeare pour l’anglais, Cervantès pour l’espagnol, Goethe pour l’allemand, Dante pour l’italien… Ci-dessus, un buste de Dante en plâtre recouvert de vernis métallique donnant l’impression du bronze. En 1921, au moment du sixième centenaire de la mort du poète, identifiant les ossements de Dante, l’anthropologue Fabio Frassetto les a mesurés et c’est en partant de ces données qu’Alfonso Borghesani (1882-1964) a réalisé ce buste. Beaucoup plus près de nous, en 2007, utilisant les technologies nouvelles de l’informatique et partant des mesures laissées par Frassetto, une équipe de l’université de Bologne conduite par le professeur Giorgio Gruppioni, archéologue, a réalisé une image de synthèse, virtuelle, du visage de Dante.

 

L’auteur de la Divine Comédie, Dante Alighieri, est florentin par sa famille et par sa naissance en 1265. Du nord au sud de l’Italie, on parlait –et on parle encore– nombre de dialectes, et c’est pour une bonne part grâce à lui si c’est le toscan qui est aujourd’hui la langue officielle du pays. Dans la querelle, on peut même dire la guerre, entre les guelfes partisans de la prééminence du pouvoir temporel du pape sur celui de l’empereur, et les gibelins partisans de l’empereur, Dante est comme l’a été son père un guelfe très engagé. Mais à Florence, qui à deux reprises au cours du siècle avait réformé sa constitution dans le sens de la démocratie, un désaccord naît entre les guelfes dits noirs qui veulent ôter tout pouvoir à la noblesse, soutenus en cela par le pape Boniface VIII qui y voit le moyen de renforcer l’influence de l’Église au détriment de celle des potentats locaux, et les guelfes dits blancs partisans de l’autonomie complète de leur ville mise en péril par l’ingérence de la papauté et qui estiment dangereux de donner encore plus de pouvoir au peuple.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Reproduction du buste de Dante en plâtre réalisé par le sculpteur Vincenzo Vela (1822-1891), qui a été utilisé en 1921 pour les travaux de reconstitution des traits du poète. Ce buste, comme le précédent, a été photographié au musée Dante, à Ravenne.

 

Dante se range du côté des guelfes blancs. En 1301, le représentant du pape prend Florence avec la collaboration des guelfes noirs, les blancs sont jugés, Dante est accusé –sans doute injustement– de concussion et –cela c’est bien réel– d’insoumission au pape. Il a trois jours pour s’avouer coupable et payer une amende de 5000 florins. Criant à l’injustice, il refuse. Lors d’un second jugement en 1302 il est condamné au bûcher s’il est pris, et tous ses biens sont confisqués. Il s’enfuit en exil. Un exil d’errance dans le nord de l’Italie, puis peut-être jusqu’à Paris (?). Suite à ces événements, les clivages politiques se sont trouvés modifiés: considérés comme ennemis de Florence, les guelfes blancs se sont naturellement rapprochés des gibelins, et les guelfes noirs se sont alliés à la noblesse florentine. Gibelin, Dante l’est presque devenu, puisqu’il met tous ses espoirs dans l’empereur Henri VII venu avec son armée mettre de l’ordre en Italie.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Il existe un masque mortuaire que la tradition attribue à Dante et que l’on appelle “masque Torrigiani”, qui a été utilisé en 1921 pour les reconstructions du visage de Dante montrées sur mes photos précédentes. Le musée Dante, à Ravenne, en possède la copie ci-dessus en marbre.

 

C’est finalement chez un guelfe, Guido da Polenta (1273-1323), seigneur de Ravenne, neveu de Francesca da Rimini (dans la Divine Comédie, Dante évoque l’histoire vraie de l’amour de Francesca pour le frère de son mari, qui a tué les deux amants), qu’il va trouver refuge pour les dernières années de sa vie, peut-être à partir de 1318. Son œuvre majeure, la Divine Comédie, commencée en exil en 1306, il l’achèvera à Ravenne. En 1316, Florence avait autorisé le retour des exilés et leur amnistie, à la condition qu’ils paient une amende et se soumettent à un rituel réservé jusque-là aux criminels graciés. Déshonneur que Dante avait refusé. Il va mourir à Ravenne de la malaria en 1321, âgé de cinquante-six ans. Le décret de son bannissement sera révoqué par Florence en 2008. Non, non, il n’y a pas d’erreur de frappe, je dis bien 2008. Il leur en a fallu du temps, aux Florentins, pour revenir sur leurs erreurs et leur intolérance.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Dante était déjà célèbre de son vivant. C’est donc non seulement en tant qu’ami, mais aussi au titre de sa fonction de seigneur de Ravenne, que Guido da Polenta a organisé les funérailles de Dante. Le corps du poète a été déposé dans un sarcophage antique, dans une chapelle latérale de la basilique San Francesco. Guido da Polenta avait l’intention de construire un beau monument funéraire, mais avant que cela se réalise il a été déposé et contraint à s’exiler de Ravenne, et la sépulture de Dante est restée plus modeste que prévu. Boccace a décrit le déroulement des funérailles, et à partir de cette description le peintre Carlo Wostry (1865-1943) a peint à l’aquarelle, en 1921, ce qui était destiné à devenir une fresque décorant l’abside de San Francesco. Cette aquarelle est gardée au musée Dante de Ravenne.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Après sa mort, il se passe à peine sept ans avant que le cardinal légat Bertrando del Poggetto, qui a déjà fait brûler un livre de Dante, veuille récupérer son corps pour le faire brûler et en disperser les cendres. Dante n’a donc pas été réhabilité par Florence, mais cela n’a pas empêché la ville dès la fin du quinzième siècle, vu la si haute réputation du poète, de réclamer sa dépouille. Sans vergogne. Ravenne a refusé. À bon droit. Mais voilà qu’en 1519 le pape Léon X, un Médicis –donc Florentin– fils de Laurent le Magnifique, a signé une décision autorisant Florence à aller chercher le corps de Dante à Ravenne, comme l’avait réclamé une pétition portant la signature de Michel-Ange. Apprenant cela, les moines percent le mur du cloître, puis le mur de l’église adjacente, ainsi que la paroi du sarcophage, pour récupérer en cachette les restes de Dante et les cacher en lieu sûr. Quand ils arrivent, les émissaires de Florence trouvent la tombe vide. Le secret sera bien gardé, mais transmis de génération de moines en génération de moines. Un siècle et demi plus tard, le prieur du monastère San Francesco a transféré les ossements dans la cassette de bois de 29x78x25 centimètres que l’on voit sur ma photo, et a écrit dessus, en latin “Ossements de Dante déposés ici par moi, frère Antonio Santi, en l’année 1677, le 18 octobre”.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

En 1780, le cardinal Luigi Valenti Gonzaga, légat du pape, charge l’architecte Camillo Morigia de construire une chapelle funéraire indépendante de l’église pour accueillir le sarcophage contenant les os de Dante. C’est le monument que nous voyons aujourd’hui. Il n’est pas nécessaire, je pense, d’être un grand latiniste pour traduire l’inscription sur le linteau, “Tombeau du poète Dante”. Au-dessus, cette sculpture représente le cardinal Gonzaga et ses armoiries. La cassette va donc réapparaître, mais pendant les travaux, pendant le transfert, les frères se relaient en permanence auprès des ouvriers pour s’assurer que leur poète ne sera pas volé. Même vigilance, ensuite, auprès de la chapelle.

 

Trente ans passent. En 1810, sur décision de Napoléon tous les couvents d’Italie sont fermés et les ordres religieux sont dissous. Depuis 1519, cela faisait presque trois siècles que les moines de San Francesco gardaient les restes de Dante. Les frères sont donc dispersés, les gens viennent se recueillir devant la tombe de Dante, convaincus qu’il s’y trouve encore. Or voilà qu’en 1865, pour le sixième centenaire de sa naissance, on entreprend des travaux dans l’église et, tout à fait par hasard, on tombe sur cette cassette, dont aucun être encore vivant n’a connaissance, qui était enfouie sous la pierre de seuil d’une porte murée depuis longtemps entre le cloître et la basilique. L’inscription ne laisse aucun doute sur l’identification des ossements. Craignant les conséquences de la dissolution de leur ordre franciscain, les moines avaient ouvert le sarcophage, en avaient ôté la précieuse cassette et l’avaient de nouveau dissimulée. Puis, dispersés, ils n’avaient pu transmettre leur secret à personne. À présent la cassette en sapin est au musée et les restes du poète sont bel et bien dans la chapelle funéraire.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Cette chapelle est fermée du soir au matin, ce qui permet d’apprécier ses belles portes de bronze. Mais quand la chapelle est ouverte, il vaut la peine de voir aussi l’envers de ces portes.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

À l’intérieur, a été placé bien en face de l’entrée le sarcophage dans lequel Dante avait été enseveli dès le lendemain de sa mort et où ses ossements ont été réintégrés après avoir été retrouvés.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Bernardo Bembo, préteur vénitien de Ravenne, fait réaliser en 1483 par Pietro Lombardo un bas-relief sur plaque de marbre représentant Dante pensif devant son écritoire. Ce bas-relief a été transféré dans la chapelle funéraire, et c’est lui que l’on peut voir au-dessus du sarcophage. Vers le milieu du dix-neuvième siècle, Attilio Runcaldier (1801-1884) reproduit, en peinture à l’huile, la représentation que Lombardo avait faite de Dante sur le bas-relief. Ce tableau est au musée Dante.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Je ne sais si les autorités de Ravenne, après la mort de Mussolini et la volte-face de l’Italie contre l’Allemagne hitlérienne, craignaient le vol des restes de Dante par les armées nazies qui occupaient la place, ou redoutaient que les bombes lancées par les Alliés pour les déloger n’anéantissent à la fois la chapelle et les ossements, mais ce qui est sûr c’est que du 23 mai 1944 au 19 décembre 1945 “les os de Dante ont reposé en sécurité sous ce tumulus”. En sécurité… quand on voit les cratères creusés par les obus, je n’en suis pas sûr du tout.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

La cassette de sapin, le tableau et les bustes, le masque mortuaire, le tableau des funérailles, j’ai beaucoup parlé du musée Dante à Ravenne. Il convient de le montrer. Quand les moines ont pu revenir, ils n’ont pas réintégré leur ancien couvent, désormais occupé par la Cassa di Risparmio di Ravenna (La Caisse d’Épargne de Ravenne). Dans les bâtiments qui entourent le cloître a pris place le musée du grand homme.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Voici l’une des salles du musée. Ici, sur les murs, sont fixées les plaques des associations Dante qui ont vu le jour un peu partout dans le monde. Par exemple, sur le bord droit de ma photo on distingue que cette plaque appartient à une société américaine. En-dessous, sur le meuble, non! ce clavier d’ordinateur n’est pas celui sur lequel Dante a composé sa Divine Comédie!

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

D’aucuns ont voulu voir en Béatrice, l’inspiratrice de Dante, une figure allégorique, un symbole, un idéal. Il semblerait qu’en fait elle ait été bien réelle, une certaine Bice, fille de Folco Portinari, mariée à Simon De’ Bardi, morte en juin 1290. Il avait neuf ans quand il l’a vue pour la première fois, il l’a revue neuf ans après. Dans la Divina Commedia, Dante est guidé dans l’Enfer et dans le Purgatoire par le poète latin Virgile. Mais Virgile, ayant vécu avant la venue du Christ sur terre, ne peut pénétrer dans le Paradis, et c’est Béatrice qui y guide le poète. Mais mon sujet étant la Ravenne de Dante, non l’œuvre de l’écrivain, je n’irai pas plus loin dans l’analyse du rôle de Béatrice.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

En commençant cet article, je disais que Dante symbolisait à lui seul la littérature italienne. Et il est certain que son œuvre est mondialement connue, et que la Divine Comédie est traduite dans d’innombrables langues. Le musée expose quelques-unes de ces traductions, parmi lesquelles j’ai choisi ici un exemplaire en chinois, un exemplaire en arabe, un exemplaire en népalais, pour montrer que ce ne sont pas que les civilisations occidentales qui s’intéressent à Dante.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Normalement, la bibliothèque ne fait pas partie du musée, elle ne se visite pas, mais nous y avons été accueillis avec beaucoup de gentillesse. Outre de très nombreuses études, il s’y trouve aussi de remarquables reproductions d’enluminures anciennes, exécutées à la main. Je n’ai pas résisté à l’envie d’en photographier quelques-unes pour les présenter ici. À noter que la dernière représente la célèbre pinède de Ravenne.

Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013
Ravenne 12 : Dante, sa tombe, le musée. Mai 2013

Faisant l’angle de deux rues, juste en face de la chapelle funéraire et du musée, cette grande maison a hébergé Dante pendant les années qu’il a passées à Ravenne. En 1936 a été créée ici, autour de sa maison, de sa chapelle funéraire, de la basilique San Francesco, une “Zone de Dante”, une zone de silence, c’est-à-dire de recueillement. Ravenne avait accueilli Dante, il y est honoré. Florence voudrait bien le faire aussi, c’est trop tard. Dans leur église Santa Croce, les Florentins ont placé les sépultures de leurs grands hommes, Michel-Ange, Galilée, Machiavel, Rossini et bien d’autres célébrités, il y ont aussi mis une tombe pour Dante, mais elle est vide. C’est un cénotaphe. Sur le parvis, il y a en outre une statue du poète sur un haut piédestal. Maigre consolation, car Ravenne ne cédera pas.

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7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 23:55
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Encore une église, plus récente celle-ci que celles que nous avons visitées précédemment. Car si l’évêque Néon, celui-là qui a fait poser les mosaïques du baptistère que l’on désigne par son nom (voir mon article Ravenne 06 consacré à ce baptistère), a construit ici au cinquième siècle une église consacrée aux apôtres saint Pierre et saint Paul, il ne reste quasiment plus rien de ce bâtiment primitif dans l’église reconstruite à la fin du neuvième siècle et au dixième siècle et désormais nommée Saint-Pierre le Majeur (Selon le livre Ravenna ville d’art aux éditions Salvaroli, la construction serait des dixième et onzième siècles). En 1261, l’église est remise entre les mains des Franciscains, qui logiquement la confient à la garde de leur saint patron François d’Assise et la rebaptisent San Francesco. En 1810, comme cela avait été fait en France quelques années plus tôt avec la Révolution, le pouvoir napoléonien expulse les moines. Aujourd’hui, les bâtiments du couvent sont occupés par la Cassa di Risparmio di Ravenna (la Caisse d’Épargne de Ravenne).

 

À noter que c’est dans cette église, à n’en pas douter, qu’ont eu lieu les funérailles de Dante, mort en exil à Ravenne, comme on le sait, en 1321. Mon prochain article, Ravenne 12, lui sera consacré.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

C’est aux alentours de la reconstruction de l’église, ou peut-être légèrement plus tôt, au neuvième siècle, qu’a été érigé le clocher de 32,60 mètres de haut, élégant avec ses fenêtres au cloisonnement de colonnes croissant de bas en haut, deux, puis trois, puis quatre baies. Du palazzo Rasponi voisin (mon futur article Ravenne 14), on peut le voir en étant à hauteur.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Sur le flanc sud de la basilique, plaqué sur le bras du transept, on trouve un grand cadran solaire sur fond blanc, comme une horloge. Il s’y trouve une inscription qui dit “Perdre du temps, c’est d’autant plus déplaisant que l’on est plus savant”. Côté parvis, on est en plein cœur historique de la ville, c’est une petite place urbaine entre un grand palazzo et une grande église, on fait quelques pas sur le côté et l’on se trouve sur un espace très campagnard, maison basse et herbe folle qui pousse au pied du mur.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Pénétrons dans cette église de 46,50 mètres de long C’est beaucoup pour cette église provinciale et somme toute secondaire, à titre de comparaison Notre-Dame de Paris, cathédrale de la capitale, fait 60 mètres. On retrouve ici le plan basilical à trois nefs, sur deux rangées de douze colonnes, réutilisant en partie les fondations de l’église de Néon. La table d’autel est constituée du sarcophage de Libère III, seizième évêque de Ravenne mort vers 374. Le sarcophage, lui, n’aurait été réalisé qu’au cinquième siècle.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Un regard en bas, un regard en haut. Au sol, je remarque ces armoiries. Ce qui les surmonte est une tiare papale, non une mitre d’évêque. D’ailleurs, ce sont les clés de saint Pierre, l’une d’or, l’autre d’argent, qui se croisent derrière l’écu, non la crosse et la croix. Mais, sur Wikipédia, j’ai regardé toutes les armoiries des papes, et je n’ai reconnu celle-là nulle part. L’aigle, commun à beaucoup de papes, n’est pas significatif, mais il y a cette petite église. Serait-ce l’antipape Clément III qui fut archevêque de Ravenne au onzième siècle, de 1072 à 1100? Dans le doute, je lève les yeux au ciel. Et là je découvre ce merveilleux plafond de marqueterie.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Faisons le tour de l’église. On remarque ce grand monument funéraire, élevé en 1509 par Tommaso Fiamberti pour Luffo Numai (1540-1508). Ce Luffo Numai a été premier conseiller de Catherine Sforza et du neveu du pape Sixte IV, et légat du pape auprès de la République de Venise. Natif de Forli, il est également mort à Forli mais les dernières années de sa vie il les a passées à Ravenne. Sur le monument on voit cet oiseau au milieu de graines, et le mot latin “ABSTINE” signifie “abstiens-toi”. Face à l’oiseau, un chameau bâté est devant une source. Le mot latin “PATERE” n’est pas un infinitif (précision pour des lecteurs qui auraient été latinistes mais dont les souvenirs ne sont pas très précis), mais un impératif de verbe déponent: “subis, supporte”. Devise de modération et d’acceptation des vicissitudes de la vie.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Ici, c’est la pierre tombale du bienheureux Enrico Alfieri, né en 1315 à Asti –ville qui a donné son appellation au fameux vin d’Asti–, devenu moine franciscain, ministre provincial de Gênes puis, en 1387, ministre général de l’Ordre Franciscain, fonction qu’il exerça jusqu’à sa mort dix-huit ans plus tard, en 1405, à Ravenne dans ce monastère de San Francesco. Pendant les quatre-vingt-dix années de sa vie, il a donné avec constance un modèle de vertu et de charité, ce qui lui a valu d’être proclamé bienheureux.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Autre pierre tombale, celle d’Ostasio da Polenta. Il est représenté avec la soutane franciscaine. Cette famille da Polenta a tenu la seigneurie de Ravenne pendant 166 ans: Guido da Polenta prend la seigneurie de Ravenne en 1275 et Ostasio III est dépossédé en 1441. On trouve trace de notre condottiere Ostasio II en 1382, où il est au service de la Maison d’Anjou. On le retrouve en 1386 combattant Francesco da Carrara, seigneur de Padoue, famille qu’il combat encore en 1387 à la tête de 1500 cavaliers. De 1389 à sa mort en 1396 il est vicaire pontifical de Ravenne.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Dans une chapelle latérale aménagée au quatorzième siècle et dite chapelle da Polenta, on peut voir ce sarcophage qui date de la fin du quatrième siècle. Au centre de la façade est représenté le Christ assis sur un trône. Il tend le rouleau de la Loi à saint Paul, qui tend ses mains recouvertes d’un voile, comme c’était la coutume dans l’Empire Byzantin pour recevoir quelque chose de l’empereur ou pour lui remettre quelque chose. Le sarcophage est décoré de bas-reliefs également sur ses petits côtés. Hormis le Christ, il représente les apôtres.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Cet autre sarcophage a été réutilisé au dix-huitième siècle par la famille Del Sale, une famille de la noblesse de Ravenne, ce que nous apprend l’inscription de la façade, entre les putti ailés. Mais dans son état original, c’était un sarcophage païen du troisième siècle, dont la décoration a été modifiée au sixième siècle pour la christianiser sur les petits côtés, avec l’agneau et le chrisme (lettres grecques X et P superposées, c’est-à-dire CH et R dans notre alphabet, symbole du Christ)

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

La chapelle latérale dédiée à saint Antoine de Padoue date de 1530. On y trouve entre autres les deux sculptures que je présente ici, un Christ mort du seizième siècle et une Pietà du quinzième siècle.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

Pour terminer la visite de cette basilique, nous descendons ces quelques marches vers la crypte, qui est assez surprenante.

Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013
Ravenne 11 : la basilique San Francesco. Mercredi 8 mai 2013

On ne pénètre pas dans la crypte. En effet, elle est quasiment toujours envahie par les eaux de la nappe phréatique, et des poissons y nagent. On se limite à la contempler à travers la grille. Wikipédia en italien dit que cette crypte est sous le niveau de la mer, et que pour cette raison elle est inondée. Mais d’une part le niveau de l’eau baisse, dit-on, pendant la sécheresse de l’été quand la nappe phréatique est basse, et d’autre part ces poissons rouges que l’on voit ont bien l’air d’être des poissons d’eau douce. La mosaïque du sol date de l’origine, au cinquième siècle, puis la crypte telle qu’on la voit a été construite à la fin du dixième siècle. L’inscription en latin dit “Ce lieu renferme les ossements de saint Néon. Par sa foi limpide, il a atteint le Ciel. Qu’il exulte pour toujours et toujours dans la paix”. À vrai dire, j’aurais eu bien du mal à lire et à traduire le texte, mais heureusement un panneau l’a fait pour moi. Une autre inscription, en grec celle-là, se trouve paraît-il sur le côté gauche. Elle dit “Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs Esichio et Gemella”, personnages que l’on suppose être les commanditaires du dallage. Ces éléments font comprendre que l’endroit était une nécropole avant d’être transformé en crypte lorsque, sous l’effet de l’affaissement géologique le sol s’étant enfoncé progressivement, il a fallu au dixième siècle rehausser le dallage de la basilique qui, aujourd’hui, est à 3,50 mètres au-dessus de son niveau primitif.

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5 juillet 2016 2 05 /07 /juillet /2016 23:55

D’abord un petit rappel. L’impératrice Galla Placidia –dont nous avons précédemment visité ce que l’on a pensé être son mausolée– est la fille de Théodose Premier qui règne sur l’ensemble de l’Empire Romain. Elle a deux demi-frères qui, à la mort de Théodose, se partagent l’Empire qui était réunifié depuis peu, à Arcadius, l’aîné, l’Orient, à Honorius, le cadet, l’Occident. À la mort d’Arcadius, c’est son fils Théodose II qui lui succède, c’est normal. Mais en Occident, Honorius a été confronté à maintes usurpations, il s’est brouillé avec sa sœur Galla Placidia qui est partie se réfugier chez son neveu Théodose II à Constantinople, il est contraint de déménager sa cour à Ravenne et, quand il meurt sans descendance en 423, le sénat de Rome craint que Théodose II ne réunisse l’Empire sous sa coupe, et nomme empereur d’Occident le préfet du prétoire Jean. Or Galla Placidia considère que Valentinien, le fils qu’elle a eu avec le général Constance qui s’est ensuite fait proclamer empereur d’Occident, est l’héritier légitime du trône, elle en appelle à son neveu Théodose II qui va guerroyer contre Jean et rendre l’Empire Romain d’Occident au petit Valentinien.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Ce rappel était nécessaire en préambule pour comprendre ce que représentent les mosaïques que nous verrons tout à l’heure, et pourquoi en 424 l’impératrice Galla Placidia rentre de Constantinople à Ravenne, avec son fils Placidus Valentinien et sa fille Justa Grata Honoria. La tempête fait rage, elle se voit perdue. Elle implore saint Jean l’Évangéliste de leur venir en aide, et promet s’il les sauve tous les trois de lui élever une église là où ils auront débarqué. Et comme le naufrage ne s’est pas produit, Galla Placidia reconnaissante exécute son vœu en édifiant l’église que nous voyons. C’est la plus ancienne église de Ravenne. Sur ma deuxième photo ci-dessus, on peut distinguer que l’église, en brique apparente, est entourée d’un mur en brique lui aussi, et que c’est dans ce mur que s’ouvre un grand portail de marbre blanc. Cette partie est beaucoup plus récente, puisque du quatorzième siècle. Ce qui est quand même bien ancien. On voit aussi le clocher, qui remonte au dixième siècle et dont le dernier étage a été ajouté au quatorzième siècle. À noter que si deux de ses quatre cloches sont du dix-septième siècle, les deux autres, fondues en 1208 par Robert le Saxon, sont les plus vieilles cloches d’Italie à être datées et signées.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Voyons donc ce portail qui s’ouvre dans le mur d’enceinte. Le tympan représente –si je ne l’avais pas lu, je crois bien que je n’aurais pas su interpréter ce bas-relief– l’apparition de saint Jean à Galla Placidia entre deux groupes d’anges. Il convient donc de voir, dans cette personne couronnée qui est allongée sur le sol l’impératrice Galla Placidia, à gauche ce saint qui tient un livre en main est l’évangéliste, mais je serais bien en peine de dire qui est l’autre homme, à droite…

 

Sur cette même image, on voit, en haut et de part et d’autre, les deux protagonistes de l’Annonciation, l’archange Gabriel et Marie, que je montre ci-dessus en plus grand.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Au-dessus du tympan, un autre bas-relief s’inscrit dans un triangle. Interprétation difficile. Je ne sais pas comment les spécialistes ont pu déterminer que, sous la représentation du Rédempteur, inscrit dans un triangle et facilement identifiable, cet empereur reconnaissable à sa couronne était sans doute (avec quand même un point d’interrogation) Valentinien III, ce fils de Galla Placidia sauvé de la tempête. Assis près de lui, ils voient sans hésitation saint Jean. À gauche, ce serait saint Barbazien avec des prêtres. Ce Barbazien était venu d’Antioche à Rome, où il menait une vie de prière et de pénitence et accomplissait des miracles. Avant sa fuite à Constantinople, Galla Placidia, pleine d’admiration et de dévotion pour lui, avait été en relation avec lui. Quand elle est revenue et a décidé la construction de l’église, elle l’a fait venir à Ravenne où il a fondé, lié à l’église, le monastère de Saint-Jean l’Évangéliste. De l’autre côté, à droite, cette femme couronnée est Galla Placidia, suivie de soldats en armes.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Il y a encore d’autres sculptures à voir sur ce portail, comme ces figures de saints tout du long des deux montants, ou cet homme et ce monstre sur le côté, mais la pierre en est très abimée.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Avant de pénétrer dans l’église, quelques mots sur son histoire. Des modifications successives, surtout des seizième et dix-septième siècles, avaient quelque peu altéré l’édifice primitif. En 1920, s’appuyant sur des documents anciens et sur l’analyse des éléments architecturaux, des travaux de restauration ont rendu, autant que possible, à San Giovanni Evangelista son aspect d’origine, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Hélas, en 1944, de furieux bombardements alliés destinés à permettre au 27ème régiment de Lanciers britannique de prendre la ville ont très rudement touché le bâtiment, comme le montrent des photos affichées sur un panneau dans le bas de l’église. L’article “Ravenne” de Wikipédia en anglais ajoute que “the town suffered very little damage”: c’est ce que l’on constate sur ces photos…

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Néanmoins, récupérant dans les gravats ce qui pouvait l’être, et au prix d’un travail acharné, l’église a été remise debout et dès 1950 elle a été rouverte au culte. Il restait suffisamment de pans de murs pour que l’on puisse la considérer, malgré son aspect propre et net, comme l’église paléochrétienne restaurée, et non pas comme une construction moderne restituant le style ancien. Son plan est celui d’une basilique antique à trois nefs s’appuyant sur vingt-quatre fines colonnes à chapiteau byzantin, la nef centrale s’achevant par une abside en demi-cercle.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Dans la nef de gauche, une chapelle gothique a été ajoutée au quatorzième siècle. Il y subsiste quelques fragments de fresques. Cette Marie-Madeleine tendant les bras vers la Croix est très belle et suffit à faire regretter ce qui a disparu. On ne peut guère apprécier les fresques beaucoup trop partielles du plafond sur croisée d’ogives qui devaient représenter les évangélistes, les docteurs de l’Église et divers saints.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Arrêtons-nous un instant devant cette très belle Madone allaitant, une œuvre de la seconde moitié du quinzième siècle, de l’école vénéto-slave.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Et puis il y a, spécialité de Ravenne, des mosaïques. Mais celles-ci n’ont rien à voir avec celles du mausolée de Galla Placidia ou celles de Sant’Apollinare Nuovo. D’abord, il ne s’agit pas de décorations murales mais de mosaïques de sol. Et puis elles sont beaucoup plus récentes, puisqu’elles ne sont pas paléochrétiennes mais datent du quatorzième siècle, lorsque l’abbé Guglielmo, supérieur du monastère en charge de l’église, a décidé d’en refaire le pavement. Plus tard, a été refait un sol par-dessus ces mosaïques, et ce n’est qu’au milieu du dix-huitième siècle qu’on les a découvertes. Ce qui en restait a alors été soigneusement récupéré, collé sur panneaux et, en 1763 si j’en crois une inscription gravée, ces panneaux ont été fixés aux murs. C’est dans cette position que l’on peut encore aujourd’hui les admirer.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

En dehors de quelques dessins géométriques comme celui que j’ai montré tout à l’heure, il y a une belle collection d’animaux fabuleux, parmi lesquels je choisis ici une licorne, un griffon, une espèce de sphinx. Je montre à chaque fois la tête en gros plan, parce que cela permet de mieux apprécier le jeu des tesselles et l’utilisation des couleurs.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

D’autres panneaux montrent des animaux plus classiques, plus réels, comme cette panthère, même si leur interprétation très naïve et stylisée, et par là très moderne, fait qu’on ne risque pas de les rencontrer dans la nature tels qu’ils sont représentés!

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Il y a aussi des scènes qui ne sont pas de simples représentations d’un animal, fabuleux ou non, mais qui mériteraient d’être interprétées… si je le pouvais. J’adore ces deux poules, et ce loup (ou ce chien? ou ce renard?) pendu entre elles, mais je ne sais pas trop ce que cela signifie. Peut-être que le méchant, ici le renard prédateur de poules, subira le châtiment. Avec d’énormes réserves sur ma tentative d’explication.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Quant à cette sirène à double queue, nous avons déjà eu, en bien des endroits, l’occasion d’en voir des exemples, comme sur ce chapiteau de l’abbaye de Lavaudieu, en Auvergne, ou au château souabe de Bari, dans les Pouilles, au sud de l’Italie.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Encore en relation avec un animal, mais cette fois-ci avec une intervention humaine, une scène de chasse.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Mais ce qu’a voulu représenter l’abbé Guglielmo c’était, si j’en crois ce que je lis, des épisodes de la Quatrième Croisade. Cette croisade qui devait libérer les Lieux Saints et qui, détournée, a abouti à la prise de Constantinople et à l’établissement d’un Empire Latin (catholique) pour remplacer l’Empire Byzantin (orthodoxe). Je n’aurais pas su que ces mosaïques dataient du quatorzième siècle, j’y aurais vu la prise de Constantinople par les Turcs sur les Byzantins (qui avaient réussi à reprendre leur bien aux Latins). Mais cette chute de Constantinople a eu lieu en 1453, soit un siècle après la réalisation des mosaïques. Pour cette Quatrième Croisade de sinistre mémoire (pas pour Guglielmo, mais le pape Jean-Paul II a présenté avec huit siècles de retard toutes les excuses de l’Église catholique pour cet horrible forfait), les Francs avaient négocié avec Venise: la Sérénissime participerait en fournissant les navires nécessaires, mais en contrepartie obtiendrait une part des prises. L’arrivée des Croisés a donc eu lieu par la mer, comme le montre la première de ces photos. Sur les deux autres, on voit des soldats en cotte de maille.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Parce que j’aime ces mosaïques j’en montre beaucoup en pensant que mes lecteurs les aimeront peut-être eux aussi, mais je suis bien incapable de les interpréter. Ici, un homme apporte des documents à quelqu’un qui semble être coiffé d’une mitre d’évêque. S’agit-il de la remise des églises de la ville au clergé catholique romain? À moins que ce couvre-chef ne soit plutôt la coiffe de l’empereur Constantin XI Paléologue, le dernier à régner sur ce qui était le reste de l’Empire Romain d’Orient.

Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013
Ravenne 10 : San Giovanni Evangelista. Les 5 et 16 mai 2013

Allez, encore deux images et j’arrête. Deux images que je n’interpréterai pas plus que les autres. Ce qui me console de mon incapacité, c’est que je lis “la scena in cui un uomo ed una donna si passano un fiore ha un significato sconosciuto”, “la scène dans laquelle un homme et une femme se transmettent une fleur a une signification inconnue”. Mais cela ne me console pas de rester sur ma faim…

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3 juillet 2016 7 03 /07 /juillet /2016 23:55
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013

Encore une merveilleuse église. Nous voici à Sant’Apollinare Nuovo, Saint-Apollinaire-le-Neuf. Appellation qui peut sembler curieuse, quand on se rappelle que l’autre Sant’Apollinare, celui de Classe, a été inauguré en 549, alors que l’église dite “nouvelle” lui est antérieure: voulue par le roi goth Théodoric –une plaque de marbre de 1962, dans l’église, indique qu’une inscription dans le chœur, encore visible au neuvième siècle, en témoignait– pour être l’église du palais royal juste voisin, elle a été construite à la fin du cinquième siècle et au tout début du sixième. Mais il faut savoir que cette église, consacrée au Christ Rédempteur par les Ariens, a été débaptisée lorsque les Byzantins, à partir de 540, sont redevenus maîtres des lieux. Elle était arienne? Ô horreur! On en fait une église orthodoxe et, après l’édit de Justinien en 561, on la consacre à saint Martin, notre saint Martin tourangeau, pourfendeur des hérésies. Et puis au neuvième siècle on a craint que les pirates, lors de leurs incessantes incursions, ne volent dans la basilique de Classe les reliques de saint Apollinaire, et on a feint de les transférer dans cette église Saint-Martin. Plus question d’hérésie, l’église a pris le nom de Sant’Apollinare. Mais comme il y avait alors dans la ville une autre église de ce nom, Sant’Apollinare in Veclo, celle qui à ce moment-là adoptait le même nom était le “nouveau” Sant’Apollinare.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013

C’est à cette époque, ou peu après, qu’a été construit ce campanile de 37,50 mètres dans le style typique des campaniles de la ville. Quant à la façade telle que nous la voyons aujourd’hui, elle date du seizième siècle, avec son narthex de marbre blanc. Autrefois, devant le narthex, il semble qu’un immense portique à quatre arcades ait recouvert tout le parvis actuel.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013

Avant d’entrer dans la basilique, juste un petit coup d’œil au cloître. En effet, après sa reconsécration, la basilique a été confiée aux soins de moines bénédictins puis, au seizième siècle, aux Frères Mineurs de l’ordre de saint François. C’est pour cette raison qu’il y avait un monastère et son cloître.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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Quand on entre dans l’église, une basilique à trois nefs, on est surpris par son ampleur. C’est un immense espace de 42 mètres sur 21, soutenu par vingt-quatre colonnes corinthiennes. Si la surface est d’origine, le volume ne l’est pas: au seizième siècle ces colonnes ont été rehaussées d’un mètre cinquante. Quant au plafond à caissons, très beau, il date du dix-septième siècle, et remplace un plafond encore plus beau, puisqu’avant d’adopter le nom de Sant’Apollinare l’église était surnommée San Martino del Cielo Dorato, Saint-Martin au Ciel d’Or.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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En comparant les trois nefs ou la chaire, elle aussi du sixième siècle, avec le chœur de l’église, on se rend compte tout de suite que cette abside, semi-circulaire à l’intérieur et polygonale à l’extérieur, dispose d’une décoration qui n’a rien à voir avec le reste de l’édifice. Avec ses stucs, elle est baroque et détone.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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Il en va de même de cette chapelle latérale, mais cela choque moins, parce que du bas-côté on n’a pas une vue générale de la basilique, opposant les styles.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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Entre les arcs des colonnes, des médaillons représentent des saints. Pour en montrer quelques-uns, je choisis d’abord saint Agapit dont il est dit qu’il est fêté le 16 mars. Avec ses habits sacerdotaux, ce n’est certes pas le jeune saint Agapit de Palestrina supplicié en 274, que j’évoque dans mes articles Le mont Celio à Rome (27 février 2010) et Palestrina (28 février 2010). Il y a un autre saint Agapit, pape en 535-536, et quoique ces médaillons soient visiblement postérieurs de bien des siècles à la construction de l’église il semble logique de considérer que c’est lui que l’on voit ici puisque son pontificat se situe dans le siècle de la construction de l’église. Il y a encore un autre saint Agapit, évêque en Phrygie au quatrième siècle, dont je ne m’expliquerais pas la présence ici. De même pour un saint Agapit mort en 1584, moine russe de Vologda. Mais ces quatre saints sont fêtés, d’après ce que j’ai trouvé, respectivement le 18 août, le 22 avril, le 18 février et le 21 mai. Aucun d’entre eux le 16 mars…

 

Le second médaillon représente saint Martin de Tours, ce qui est logique puisqu’il a été patron de la basilique pendant plusieurs siècles. Et là, pas de problème, il est bien fêté le 11 novembre, comme indique sur le médaillon.

 

Le troisième représente sainte Claire d’Assise, morte en 1253, ce qui suffirait, si ce n’était pas évident, à prouver que ces fresques ne sont pas d’origine. Elle est représentée en religieuse, il n’y a donc pas de doute, c’est bien sainte Claire d’Assise, la disciple de saint François, mais sa fête est le 11 août, alors qu’ici elle est indiquée le 12 du même mois. J’avoue ignorer si la date a été déplacée au cours des siècles, mais je sais que cela est possible car dans ma jeunesse on fêtait deux proches de ma famille, Monique le 4 mai et Dominique le 4 août, alors qu’aujourd’hui ces fêtes ont été déplacées au 27 août et au 8 août.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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Tout à l’heure, sur ma photo représentant le plafond et le haut des murs d’un bas-côté, on a pu constater que tout en haut, juste sous le plafond –c’est à douze mètres de haut– il y avait une ligne de petites scènes en mosaïque. Il s’agit, d’un côté, de scènes de la vie du Christ tirées des Évangiles, de l’autre côté elles représentent la Passion de Jésus. Je ne peux toutes les montrer, j’en ai choisi quelques-unes. Ci-dessus, la pêche miraculeuse, la guérison du paralytique, la rencontre de Jésus avec la Samaritaine devant le puits et la résurrection de Lazare qui se dresse tout entouré de bandelettes.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013

Difficile de me limiter. Je ne résiste pas à l’envie de publier ici cinq photos des mosaïques de la Passion. On reconnaît, bien sûr, la Cène du Jeudi Saint, Jésus avec les apôtres au Jardin des Oliviers, puis au matin c’est le baiser de Judas qui désigne ainsi qui est Jésus. Ensuite Jésus va être jugé et Pilate se lave les mains. Je termine ma sélection avec le dimanche de Pâques: les Saintes Femmes constatent que le sépulcre est vide, en présence de l’ange. J’ai lu quelque part que l’on peut supposer deux artistes différents, l’un pour la vie de Jésus, l’autre pour sa Passion. Cette idée repose sur deux éléments, d’une part le visage serein de Jésus dans la première partie, les visages sévères et tendus de l’autre côté. Je ne suis pas sûr que l’argument soit probant, parce que dans le premier cas Jésus enseigne, guérit, ressuscite, dans le second cas il souffre, il va à la mort, et les personnages qui le jugent et le condamnent sont cruels. Autre argument, du premier côté il y a un total de 47 personnages, du second côté il y en a 99, soit plus du double. Je ne les ai pas comptés moi-même, mais ce déséquilibre est évident dès le premier coup d’œil. À mes yeux, cet argument a plus de poids. Néanmoins, là encore il y a une différence de sujet. Guérir ou ressusciter une personne suppose un tête à tête, même si je dois reconnaître que la pêche miraculeuse pourrait mettre en scène plusieurs disciples. En revanche, le Dernier Repas, le Jardin des Oliviers, sont des épisodes qui supposent la présence des douze apôtres, puis l’arrestation, le jugement, la Passion nécessitent l’intervention des soldats, les prêtres qui réclament la mort de Jésus, le peuple qui va demander la libération de Barabbas. Cela dit, je ne suis pas spécialiste et il y a peut-être d’autres indices dont je n’ai pas connaissance.

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On a pu constater sur la photo du haut du bas-côté que chacune de ces scènes était séparée de la suivante par deux colombes, qui rappellent celles que l’on a vues au mausolée de Galla Placidia.

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On a pu constater aussi qu’au niveau en-dessous, entre les fenêtres, on pouvait voir des hommes en toge blanche. Qui ils sont, les spécialistes ne peuvent le dire avec certitude, mais l’opinion générale penche vers les prophètes qui sont les auteurs de l’Ancien Testament, comme le suggèrent les manuscrits qu’ils tiennent en main, quoique certains pensent qu’il s’agit de saints… sans pouvoir dire lesquels, car ils n’ont pas d’attributs caractéristiques. J’ai lu quelque part que l’Église catholique tenait beaucoup à la représentation des douze apôtres, et qu’on les verrait sûrement représentés ici dans une autre église mais que, parce que ces mosaïques datent des premiers temps de cette basilique, lorsqu’elle était encore de culte arien, il y avait sans doute là une volonté de se démarquer du culte romain.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013

Dans la grande nef, au-dessus de la ligne de colonnes, on est frappé par les deux lignes de procession de saints, des femmes à gauche et des hommes à droite. Les femmes sont des vierges et martyres, les hommes sont également des martyrs de leur foi. Mais ces mosaïques ont été profondément modifiées. Après 461, Agnellus, archevêque de Ravenne (556-569) jugea inconvenante la décoration de la basilique, et sans réellement tout remplacer il a fait effacer et redessiner bien des choses, beaucoup plus que de petits détails. Nous allons voir pourquoi.

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Les processions partent du bas de l’église et se dirigent vers le chœur. À gauche, les vierges partent du port et de la ville de Classe. Nul doute sur l’identification, non seulement parce que l’on voit trois gros bateaux, une église à narthex, etc., mais surtout parce qu’une inscription, à droite, dit clairement CIVI[tas] CLASSIS, Ville de Classe. Cela, Agnellus l’a conservé. Mais, quoique l’on n’ait pas de texte décrivant la procession, il est presque assuré que les personnages étaient l’évêque arien de Classe, foyer du christianisme primitif de la région, et sa suite de prêtres. Pas question de laisser cette représentation de l’hérétique. Agnellus a fait mettre au sol toute la procession arienne.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013

Voilà donc comment, après 561, Agnellus a fait créer de toutes pièces cette procession de jeunes filles qui ont subi le martyre et en portent la couronne dans les mains. Afin d’aider à les identifier, leur nom est inscrit au-dessus de leur tête. Mais ce n’est pas écrit bien gros, c’est situé très haut, cela se lit plus aisément sur la photo prise au téléobjectif que sur le mur. Par exemple, je montre en gros plan sainte Eugénie.

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Faut-il interpréter cette image comme une indignité des femmes de s’approcher de la divinité? Les vierges et martyres, portant leurs couronnes en main, font offrir leurs présents par les Rois Mages. Le premier, à droite, est Gaspard, suivi de Melchior et de Balthasar. Puis viennent les saintes, Euphémie en tête, puis Pélagie.

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Et pourtant c’est vers une femme, la Sainte Vierge, qu’elles se dirigent. Certes elle porte l’Enfant Jésus sur ses genoux, mais précisément il est enfant, sa place à cet âge est avec les femmes. Peut-être au contraire faut-il supposer que seule la procession des gens d’Église ariens a été supprimée par Agnellus, et que ces Mages sont comme les premiers des dignitaires de l’Église, bien à leur place en tête de la procession Pour revenir à la représentation de Jésus, on peut noter que l’imagerie catholique orthodoxe de l’époque le représente habituellement en Christ Pantocrator, c’est-à-dire Tout Puissant. Il est dans sa gloire, il trône, il est vraiment Dieu. Or cette image, en le montrant enfant, le place dans sa nature humaine, venu au monde comme un bébé sans force ni pouvoir. Or précisément l’arianisme refuse à Jésus sa nature divine. Cette partie de la mosaïque n’a donc pas été retouchée.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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De l’autre côté, la procession sort d’un grand bâtiment sur le fronton duquel on lit PALATIUM, Palais. Il s’agit donc du palais royal de Théodoric. Et, bien entendu, la procession qui en sortait était composée du roi suivi de son entourage, famille et cour. Là encore, Agnellus a fait détruite toute la mosaïque de la procession, et n’a gardé que le palais. Mais à l’intérieur même du palais, il y avait des personnages. Ils ont été effacés avec des tesselles d’une couleur légèrement différente de celle du fond, ce qui fait comme des ombres là où il y avait des têtes. Certains personnages appuyaient leur main à une colonne, et les artistes employés par Agnellus ont négligé d’effacer ces mains. On voit très nettement ces détails sur la seconde de mes photos ci-dessus.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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En parallèle des vierges qui ont remplacé les prêtres, je montre ci-dessus les martyrs qui ont remplacé Théodoric et son entourage. En gros plan, j’ai ici choisi saint Apollinaire, puisqu’il est le patron de cette basilique. Devant lui, saint Félix.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013
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Et puis en tête, nous trouvons saint Martin, le nouveau patron de la basilique reconvertie, et il est suivi de saint Clément, saint Sixte, saint Laurent, saint Hippolyte.

Ravenne 09 : Sant'Apollinare Nuovo. Jeudi 9 mai 2013

Tous ces saints s’avancent, avec en main la couronne du martyre, vers le Christ entouré de ses anges. Dans sa majesté, ce Christ semble contredire ce que je disais tout à l’heure sur la représentation arienne de Jésus. Mais d’une part, on peut imaginer –ce que, en fait, je ne crois pas– que cette partie de la mosaïque ait été refaite; d’autre part, si la divinité à l’égal du Père est refusée à Jésus, il n’en est pas moins le Verbe, la Parole de Dieu représentant Dieu Lui-même, comme l’ambassadeur de France en Italie représente la France sans être lui-même la France.

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Après avoir admiré ces merveilleuses mosaïques, et avant de quitter cette basilique de Sant’Apollinare Nuovo, nous nous devons de saluer respectueusement l’empereur Justinien.

 

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