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17 août 2014 7 17 /08 /août /2014 09:00

917a1 Recanati, le théâtre Persiani

 

917a2 sur la façade du théâtre Persiani à Recanati

 

Dans mon premier article sur Recanati, j’ai montré la maison natale du compositeur Giuseppe Persiani (1799-1869). Ce musicien a donné son nom au théâtre de la ville.

 

917b hall du théâtre Persiani à Recanati

 

917c1 théâtre Persiani à Recanati

 

917c2 théâtre Persiani à Recanati

 

917c3 théâtre Persiani à Recanati

 

Ce théâtre héberge aussi un musée du grand ténor Beniamino Gigli, et une dame extrêmement aimable donne la possibilité de visiter la très belle salle (dans une petite ville de province je ne m’attendais pas à voir une salle aussi belle) et le musée.

 

917d plafond du musée Gigli à Recanati

 

Le musée étant hébergé dans ce théâtre, je ne peux plus désormais m’étonner que les salles en soient belles, comme en témoigne ce plafond.

 

917e1 Domenico et Ester, parents du ténor Gigli

 

917e2 Costanza, femme de Beniamino Gigli

 

917e3 Rina et Enzo, enfants de Beniamino Gigli

 

Nous faisons d’abord connaissance avec la famille de Beniamino Gigli. Ses parents Domenico et Ester, sa femme Costanza, ses enfants Rina et Enzo. Il naît en 1890, sixième et dernier enfant d’une famille modeste. Son père est cordonnier. À sept ans, le voilà déjà enrôlé dans la chorale de la cathédrale mais bien vite il doit penser à gagner sa vie pour aider ses parents. On le retrouve employé chez un menuisier, apprenti tailleur, vendeur dans une pharmacie. Mais je ne sache pas qu’il ait jamais travaillé comme coiffeur, pour concurrencer le Barbier de Belleville cher à Reggiani!

 

917f1 Gigli à 15 ans avec ses amis

 

917f2 Gigli joue Angélique dans l'opérette de Billi

 

En revanche, ses goûts musicaux trouvent satisfaction lorsque, pour gagner quelques sous de plus, il se fait embaucher dans la fanfare municipale, où il joue du saxophone. Tout cela fait remarquer ses exceptionnels talents musicaux et surtout vocaux, et il est pris comme élève de Lazzerini, l’organiste de la cathédrale, et de Guzzini, le directeur de la chorale. Tant et si bien qu’à tout juste dix-sept ans il a un vrai contrat professionnel comme… soprano, habillé en femme, jouant le rôle d’Angélique dans l’opérette La Fuga di Angelica, d’Alessandro Billi (sur un livret de Wolfango Valsecchi et Momo Giovannelli) au théâtre de Macerata, autre petite ville de la région. Quoique ses parents ne croient pas en une carrière musicale et s’opposent à cette vocation, il part pour Rome où il est admis au lycée musical Santa Cecilia à l’âge de vingt-et-un ans. En 1914, à Parme, il remporte sur cent cinq candidats le premier prix du concours de jeunes chanteurs. “Nous avons enfin trouvé un ténor”, s’exclame le président du jury.

 

917h1 le ténor Beniamino Gigli

 

917h2 le ténor Beniamino Gigli

 

917h3 le ténor Beniamino Gigli

 

Et voilà, sa carrière est lancée. Il chantera sous la direction de 199 chefs d’orchestre, pour environ 4000 représentations dans plus de 800 villes de 30 pays du monde entier. Il a eu pour partenaires 352 soprane, 128 mezzo soprane et contralto, 8 ténors, 214 barytons et 127 basses. Son répertoire était composé de 62 œuvres lyriques et oratorios. Il a en outre interprété d’innombrables chansons en dialecte napolitain, en italien, en anglais, en allemand, en espagnol.

 

917i1 le ténor Enrico Caruso

 

917i2 Beniamino Gigli en Faust en 1915 à Palerme

 

Le célèbre ténor Enrico Caruso (ci-dessus, première photo) était titulaire du Metropolitan Opera de New-York quand il mourut, en 1921. Au terme de discussions passionnées pour sa succession, c’est Beniamino Gigli qui a été choisi pour le remplacer à une très large majorité. Il y avait, l’année précédente, remporté un immense succès en interprétant Faust dans le Méphistophélès d’Arrigo Boito (ci-dessus deuxième photo, dans le costume de Faust en 1915 au grand théâtre de Palerme). Durant treize saisons, il y apparaîtra dans 30 rôles.

 

917j Beniamino Gigli a joué dans des films

 

Sa carrière de chanteur, Gigli l’a aussi accomplie devant l’objectif de caméras, jouant dans 18 films entre 1935 et 1950. Comme on le voit, c’est à un immense artiste qu’a donné naissance la ville de Recanati.

 

917k1 masque mortuaire du ténor Gigli

 

Sa dernière tournée de concerts a été pour l’Angleterre en 1956. De retour dans son pays, il est mort à Rome en 1957. Il aura ainsi chanté depuis son plus jeune âge et presque jusqu’à sa mort.

 

917k2 la tombe du ténor Gigli au cimetière de Recanati

 

917k3 la tombe du ténor Gigli à Recanati

 

917k4 la tombe du ténor Gigli à Recanati

 

Après sa mort, le corps de Beniamino Gigli a été ramené à Recanati. Il est enterré dans le petit monument funéraire de sa famille, dans le cimetière aux portes de la ville. Pour ce grand homme, ce monument est très modeste, comparé aux véritables maisons que les Italiens ont l’habitude de construire dès qu’ils en ont les moyens.

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15 août 2014 5 15 /08 /août /2014 09:00

916a1 Recanati, Museo Civico, Villa Colloredo Mels

 

916a2 Recanati, Museo Civico, Villa Colloredo Mels

 

916a3 Recanati, Museo Civico, Villa Colloredo Mels

 

Au programme de notre visite de Recanati, le Museo Civico catalogué comme étant la pinacothèque municipale, mais qui est beaucoup plus qu’une pinacothèque. Il est hébergé dans un très bel hôtel particulier qui a appartenu aux comtes Colloredo-Mels originaires du Frioul, cette région à l’extrême nord-est de l’Italie actuelle. La Villa Colloredo-Mels date du seizième siècle, mais c’est en fait une complète restructuration néoclassique d’une villa du Moyen-Âge.

 

916b1 Couronnement (13e-14e s.)

 

Ce bas-relief sur bois date du treizième ou du quatorzième siècle, et si l’on a ce doute sur la date précise c’est parce que son auteur est inconnu. Il s’agit d’un couronnement. Beaucoup plus grand et portant une auréole, celui qui couronne doit être Jésus, mais je ne saurais dire qui est le barbu qui reçoit la couronne. L’empereur du Saint-Empire Romain Germanique, peut-être. Mais Frédéric II, dont j’ai amplement parlé lorsque nous étions en Sicile puis dans les Pouilles, est mort en 1250, et il n’y a pas eu d’empereur du Saint-Empire jusqu’à Henri VII en 1312. Mais un roi peut s’être fait représenter couronné par le Christ.

 

916b2 Annonciation (Olivuccio di Ciccarello)

 

Cette fresque de l’Annonciation provenant de l’arc triomphal de l’église Sant’Agostino est l’œuvre d’Olivuccio di Ciccarello, documenté à partir de 1390 et mort en 1439. La notice, en conséquence, dit que la fresque a été peinte au quatorzième ou au quinzième siècle, mais un document dactylographié placé un peu plus loin la date entre 1420 et 1430. Elle avait été recouverte lors de la restructuration de l’église au dix-huitième siècle, et une autre fresque était venue là au dix-neuvième siècle. En regardant cette peinture, j’ai cru à la représentation de l’archange Gabriel en adolescent nu volant sans ailes et envoyant vers la Vierge la colombe du Saint-Esprit à bout portant dans son visage… Interprétation complètement erronée, c’est l’Enfant Jésus qui, complètement nu, suit la colombe du Saint-Esprit, et l’archange Gabriel est absent. Pour être franc, je ne suis pas du tout séduit par cette représentation. Au musée des Marches d’Urbino, une Annonciation du même peintre, réalisée sur bois, est beaucoup plus classique. Marie, en revanche, effrayée par cette nouvelle qui l’inquiète (et non, j’espère, par la colombe qui rappelle les Oiseaux de Hitchcock), est très intéressante.

 

916b3 Vierge à l'Enfant (Madonnari dell'Illiria)

 

Le musée attribue cette Vierge à l’Enfant au “ Madonnari dell'Illiria”. Je ne connais pas le premier de ces mots, qui ne figure pas dans mon petit dictionnaire, mais je pense devoir traduire par “le peintre de Madones d’Illyrie”. Dans sa main gauche, Jésus tient un parchemin, et de la main droite il nous bénit. La notice dit –mais c’est tellement évident que cela va sans dire– que c’est typiquement une icône byzantine, précisant en outre que, comme chez les Byzantins, l’auréole de l’Enfant Jésus est percée de trous sur toute sa surface et celle de Marie sur son pourtour, ce qui témoigne que ces auréoles étaient ornées de pierres précieuses.

 

916c1 Lotto, Polyptyque de Recanati

 

Nous arrivons aux œuvres les plus célèbres de ce musée. En effet, nous abordons Lorenzo Lotto (1480-1556). Ce Vénitien a commencé sa carrière à Trévise, puis a été appelé par les Dominicains de Recanati pour peindre ce polyptyque destiné à leur église Saint-Dominique, avant d’aller à Rome peindre, auprès de Raphaël et sous sa conduite, les appartements du pape. Lotto y a travaillé de 1506 à 1508 et cette œuvre de jeunesse lui a été payée 100 florins d’or, ce qui était une somme énorme. Au dix-huitième siècle, on avait séparé chacun des six tableaux du polyptyque, et ce n’est qu’en 1914 que l’on s’est avisé de reconstituer l’œuvre originale démembrée en la plaçant dans un cadre qui n’est pas celui d’origine.

 

916c2 Pietà du polyptyque de Recanati (Lotto)

 

916c3 Ste Catherine de Sienne et St Sigismond (Lotto)

 

Sur ma photo du polyptyque entier, j’ai eu beau couper le haut et le bas du cadre, il est bien difficile d’apprécier l’art du peintre. En voici donc deux panneaux en plus gros plan. Tout en haut au centre on me dit que c’est une Pietà, mais je ne vois pas la Vierge portant son Fils sur ses genoux, comme le veut le genre, et je dirais plutôt qu’il s’agit d’une Mise au tombeau. Le Christ a été déposé assis sur le bord du tombeau, et à gauche un ange soutient son corps en regardant avec sollicitude son Maître. Derrière, c’est Joseph d’Arimathie qui a passé une main sous le bras de Jésus, et la couleur de cette main fait un fort contraste avec le cadavre blême. Faisant ce geste, il nous regarde, nous les spectateurs de la scène, pour nous communiquer son émotion et sa douleur. À droite, au premier plan, Marie-Madeleine soulève d’une main le coude de Jésus pour embrasser sa main avec amour, tandis que, derrière elle, Marie éplorée se cache le visage dans ses voiles. La scène est poignante, pleine de réalisme.

 

Mon autre gros plan concerne sainte Catherine de Sienne et saint Sigismond. Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), on le sait, est cette mystique marquée des stigmates du Christ qui était une religieuse dominicaine canonisée et proclamée docteur de l’Église. Sigismond, roi des Burgondes de 516 à 523 qui avait été élevé dans l’arianisme, s’est converti au catholicisme et a lutté ensuite contre l’hérésie arienne. Lorsque les fils de Clovis et Clotilde envahissent ses états, il est livré à l’un d’entre eux, Clodomir, qui le fait décapiter (avec sa femme et ses deux fils) en sa présence. Considéré comme martyr, il a été canonisé. En 1365, l’empereur du Saint-Empire Charles IV emporte sa tête, qui est conservée à Prague (il est le patron de la République Tchèque). Entre sa défaite et son exécution, Sigismond s’était réfugié à l’abbaye d’Agaune (aujourd’hui Saint-Maurice, dans le Valais suisse) qu’il avait fondée dans les premières années du sixième siècle. Je ne comprends pas bien sa présence ici car cette abbaye suit la règle de saint Augustin. Au contraire, la présence de la Dominicaine sainte Catherine de Sienne se justifie pleinement dans cette commande des Dominicains pour leur église de Recanati.

 

916c4 Lotto, la Transfiguration (Recanati)

 

916c5 Saint Pierre (dans la Transfiguration, de Lotto)

 

916c6 Saint Jean (dans la Transfiguration, de Lotto)

 

Après son séjour à Rome, Lotto revient à Recanati en 1511 ou 1512 pour peindre sur bois une Transfiguration destinée à l’église Santa Maria di Castelnuovo. Quand les spécialistes et les amateurs d’art s’exclament devant une œuvre, il est de bon ton de se montrer également enthousiaste, car le contraire prouve que l’on n’a pas de goût, que l’on est insensible à l’art. Tant pis, je l’avoue, cette Transfiguration ne me plaît pas. Je ne comprends pas l’attitude maniérée de Jésus. Il est Dieu, c’est d’accord, dans les évangiles il enseigne sa morale et il se doit d’être sûr de lui, mais jamais les évangélistes ne le présentent comme un personnage prétentieux affichant sa supériorité, il se veut au contraire très humain. Or ici je lui trouve de grands airs, qui êtes-vous, vous là, que venez-vous m’importuner quand je suis dans ma gloire? Saint pierre a un air effrayé, saint Jean préfère se détourner et se protéger. Certes, il est dit que les trois apôtres présents (les deux que je montre, et Jacques) ont été terrifiés, mais Jésus, au lieu d’ajouter à leur peur, va les toucher et les rassurer. Cela dit, si je n’aime pas du tout la façon dont Jésus est présenté, je trouve très belles les peintures des apôtres.

 

916d1 L'annonciation (Lotto, musée de Recanati)

 

Et puis il y a cette merveilleuse Annonciation de ce même Lorenzo Lotto. Après deux ans dans les Marches, où il a peint notamment cette Transfiguration, il part vers le nord et s’installe à Bergame. Il y reste plus de six ans avant de retourner dans sa Venise natale en 1525, sans toutefois refuser les commandes de Bergame ou des Marches. C’est ainsi qu’il est amené à se rendre à Recanati aux alentours de 1527 peut-être (la date précise, à la fin des années 20 ou au début des années 30, est discutée) pour y peindre cette Annonciation.

 

Ce qui me frappe d’abord, c’est la simplicité de cette pièce, avec certes une grande porte surmontée d’un arc en plein cintre, mais avec une toute petite fenêtre aux carreaux translucides en verre teinté de jaune, un intérieur plutôt sombre, un mobilier spartiate. Au fond, un torchon ou une serviette pend à un crochet et le mobilier se résume à un lit caché derrière le lourd rideau vert à gauche, un petit tabouret supportant un sablier, et le pupitre de prière avec un livre ouvert. C’est tout. On voit que Marie est une jeune fille toute simple, et que pour elle la prière est l’essentiel.

 

916d2 Lotto, L'Annonciation. Dieu le Père

 

Dieu le Père n’apparaît pas comme un élément essentiel de la scène. Très dynamique penché en avant sur son nuage dans une attitude autoritaire, de ses mains jointes devant lui il indique Marie à l’ange annonciateur. Il a beau être vêtu de rouge, il est situé dans l’angle supérieur droit et la perspective le rend plus petit que les deux autres protagonistes, ce qui fait que devant ce tableau le regard est attiré d’abord par Marie et par l’ange. Et cela vaut mieux parce que ce n’est pas sa représentation qui m’enthousiasme le plus dans cette toile.

 

916d3 Lotto, L'Annonciation. L'ange

 

L’archange Gabriel, en revanche, est remarquable. D’abord parce qu’il entretient l’ambiguïté du sexe des anges. Fameuse discussion byzantine, à laquelle le second concile de Nicée, en 787, a finalement répondu en disant que les anges n’ayant pas de corps matériel ne peuvent avoir de sexe, ni masculin ni féminin. Ce doux visage à la peau transparente et aux légers cheveux dorés est plutôt féminin, quoique le cou soit un peu fort, mais le bras est assez musculeux, et surtout la jambe découverte est dotée d’un mollet puissant, ce qui évoque plutôt un homme. Ses grandes ailes rigides l’ont emporté très vite, le vent du vol entraîne ses cheveux en arrière et colle les plis de sa robe sur son corps. Son bras levé en signe de salut est aussi dirigé vers la main de Dieu.

 

916d4 Lotto, L'annonciation. La Vierge

 

Et puis il y a Marie. C’est une toute jeune fille qui ne s’attend absolument pas à la nouvelle qui va lui être annoncée, et l’irruption de cet ange la désarçonne. À la longueur de sa robe sur le sol et aux proportions de son corps, on devine qu’elle a les genoux fléchis, d’où l’on déduit qu’elle était agenouillée à prier avec ce livre ouvert devant elle. Dans sa stupeur, elle se lève en se détournant  rapidement, et elle nous regarde intensément, ses paumes tournées vers nous dans une position presque implorante. D’ailleurs même le petit chat au milieu de la pièce s’enfuit effrayé en regardant l’ange qui vient d’entrer, tombé du ciel. Marie, disais-je, est désarçonnée, mais son visage est pourtant calme, on comprend qu’elle va se soumettre à la volonté de Dieu et à ce lourd destin.

 

Je m’attarde trop, bien sûr, je commente trop longuement ce tableau, mais je le trouve intensément beau. Il serait absurde de dire que cette scène est banale, ce n’est pas tous les jours qu’un ange vient dire à une vierge qu’elle est enceinte du Fils de Dieu, mais je la trouve merveilleusement “humaine”, même pour l’ange et même pour le chat, dans un décor dépourvu de dorures et d’apprêts. Dans mon article sur la basilique de Lorette, j’ai montré, sur le revêtement de marbre, l’Annonciation sculptée par Andrea Sansovino en 1521-1523. Si l’on regarde attentivement, on aperçoit, tout à droite, un petit chat qui, de même, a peur et se cache, mais celui de la Santa Casa n’est qu’un détail très secondaire de la scène, tandis que celui de Lotto, quelques années plus tard, est central. Alors que je regarde cette Marie de Lotto, me revient en mémoire celle d’Antonello da Messina que j’ai vue au palais Abatellis à Palerme (mon article Palerme : musée sicilien et palais des Normands, daté du 9 juillet 2010). Elle aussi est très jeune, mais elle me semble plus mûre, et si elle a également un geste de la main –d’une seule main, l’autre resserrant son voile–, elle n'exprime pas la peur que ressent celle de Lotto au premier moment. Certes, on ne voit que son buste, c’est un portrait sans mise en scène, mais en la voyant je n’imagine pas qu’elle soit en mouvement, qu’elle se retourne, et son regard n’interroge pas le spectateur, il est oblique, plus intérieur. Précisons que Lotto est né un an après la mort de Messina (1430-1479), mais qu’il en a étudié les œuvres, qui l’ont impressionné.

 

916e1 Présentation au temple (Pomarancio, 17e s.)

 

Je me décide enfin à quitter cette Annonciation de Lotto. Ici, nous voyons une œuvre réalisée pour l’église San Vito par Pomarancio, de son vrai nom Cristoforo (ou Niccolò) Roncalli (vers 1553-1626). Parce que, de 1605 à 1610, le peintre quitte Rome où il a travaillé la plus grande partie de sa vie pour se rendre à Lorette où il œuvre à la basilique, c’est dans cette fourchette du début du dix-septième siècle qu’il peint cette Présentation au temple, où l’on voit Marie tendre l’Enfant Jésus à Siméon. Je préfère cadrer sur ce gros plan qui permet de mieux voir les visages et les gestes, la transparence du voile sur le front et la gorge de Marie, le regard de Jésus vers le prêtre. À part peut-être dans le visage de Siméon, je trouve que l’on est loin de retrouver la finesse, la beauté, l’expressivité des personnages de Lotto.

 

916e2 Crucifixion de trois Jésuites (17e s.)

 

Nous sommes au dix-septième siècle pour cette huile d’un auteur inconnu, intitulée Crucifixion de trois Jésuites. Je ne vois guère que le Japon, évangélisé à partir du milieu du seizième siècle par saint François-Xavier et les Jésuites, à avoir persécuté et exécuté par crucifixion des prêtres de cette congrégation. À Nagasaki, en 1597, vingt-six chrétiens ont été torturés puis crucifiés, et parmi eux il y avait six Franciscains et trois Jésuites. Mais d’une part il serait curieux que l’artiste ne représente que les Jésuites, en faisant abstraction des vingt-trois autres crucifiés, et d’autre part ces trois Jésuites étaient des prêtres japonais, et les visages que l’on voit sur le tableau sont de type européen. Puis à plusieurs reprises au dix-septième siècle il y a eu des exécutions, mais pas toujours par crucifixion, et dans les documents que j’ai trouvés les Jésuites n’étaient à chaque fois jamais au nombre de trois. Mais cette répression du catholicisme au Japon faisant grand bruit en Europe, il est peu vraisemblable que ce tableau ne représente pas une réalité.

 

916f1 St Pierre, école des Marches (18e s.)

 

Cette peinture à l’huile sur toile de saint Pierre avec ses grandes clés et sa barbe blanche est attribuée à l’école des Marches au dix-huitième siècle. Ce n’est plus la représentation d’une scène, mais un simple portrait.

 

916f2 Portrait d'homme (Gianbattista Piazzetta, 18e s.)

 

Autre portrait, mais qui n’a rien à voir avec le précédent. Il n’est pas censé représenter un personnage du Nouveau ou de l’Ancien Testament, son auteur Gianbattista Piazzetta l’a simplement intitulé Portrait d’homme. Ce fils d’un sculpteur vénitien, que Wikipédia fait naître en 1682 et le musée en 1693, et qui est mort en 1754, a beaucoup évolué au cours de sa carrière. La notice du musée se limite à donner le titre, à dater vaguement “dix-huitième siècle” et à préciser que l’œuvre lui est “attribuée”, ce qui signifie qu’elle n’est pas signée. Or après 1740, à l’époque où il a excellé dans le clair-obscur et dans les forts contrastes –ce qui semble permettre de dater le tableau de cette période– il était assisté par plusieurs de ses élèves.

 

916g1 céramiques de Rodolfo Ceccaroni

 

Je disais en commençant que ce musée ne se limitait pas à être une passionnante pinacothèque. Il s’y trouve aussi une section de préhistoire, où des panneaux nombreux et remplis de longues et très pédagogiques explications informent sur les connaissances actuelles, sur la datation des squelettes, sur leurs maladies, sur leur denture, etc. avec photos à l’appui. C’est absolument remarquable, et il m’a paru nécessaire de prendre en photo ces panneaux pour pouvoir les lire et les relire au calme sur mon écran. Mais dans le cadre de ce blog, il me paraît difficile d’en rendre compte, cela ressemblerait à un prétentieux cours d’anthropologie dont je ne suis pas l’auteur. Mais je conseille au visiteur éventuel du Museo Civico de Recanati de prévoir un temps de visite suffisant, ou d’apporter son appareil photo pour, comme moi, tout relire à la maison.

 

Au contraire, je peux montrer ici une partie des collections qui est très visuelle, ce sont les céramiques de Rodolfo Ceccaroni, comme ces deux vases représentant une religieuse et un moine. Décidément, je ne sais comment m’informer. Dans le musée, une notice biographique le fait naître à Recanati le 6 décembre 1888. C’est très précis. Mais sur le site Internet de ce même musée, ainsi que dans Wikipédia, il est né en 1891. Cela ne change pas grand-chose à ses céramiques, mais c’est énervant. De famille aristocratique, il a un père sévère et autoritaire qui encadre de très près ses sept années d’études artistiques qu’il entreprend après s’être qualifié comme géomètre. Puis il obtient son habilitation à l’enseignement. Il mourra très âgé en 1983.

 

916g2 assiette de Rodolfo Ceccaroni

 

En 1917, dans le sous-sol de sa maison de Recanati, il se construit un petit four à bois et dès l’année suivante il en fait un plus grand. Il élabore ses œuvres à partir de zéro, en choisissant lui-même la terre, en la purifiant, en modelant ses pièces de céramique, et bien sûr en les peignant et en les cuisant. Toute sa vie, il a été marqué par sa foi religieuse, et cela se retrouve dans des pièces comme celle de ma photo intitulée “Toi seul es l’unique refuge”.

 

916g3 économie de chaussures, Rodolfo Ceccaroni

 

916g4 assiette de Rodolfo Ceccaroni

 

Tant pis, je ne peux résister à l’envie de publier beaucoup des céramiques de Rodolfo Ceccaroni. Bien souvent, il ne manque pas d’humour, comme dans cette “Économie des chaussures” représentant des femmes marchant pieds nus dans la rue, leurs chaussures à la main ou… sur la tête. Ou encore cet autobus bondé, certains passagers installés sur le toit ou sur les garde-boue.

 

916g5 Rodolfo Ceccaroni, la blanchisseuse

 

916g6 assiette de Rodolfo Ceccaroni

 

916g7 assiette de Rodolfo Ceccaroni

 

Très attaché à sa ville et fin observateur, il aime représenter des scènes de la vie de tous les jours, comme en témoignent les assiettes ci-dessus. L’humour n’est jamais bien loin, et quand il est absent il est remplacé par la tendresse, l’affection pour les personnages représentés.

 

916g8 ''La pluie'', assiette de Rodolfo Ceccaroni

 

Et même lorsque la scène est toute simple en apparence (ici, La Pluie), elle est toujours très évocatrice et d’un joli graphisme. C’est pourquoi j’ai eu envie de m’attarder devant cette collection et les nombreuses œuvres exposées.

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13 août 2014 3 13 /08 /août /2014 09:00

915a1 Vue de Recanati (Italie, Marches)

 

915a2 Vista di Recanati (Italia, Marche)

 

Recanati n’est qu’à quelques kilomètres de Loreto (Lorette) dont j’ai parlé dans mes articles précédents, et c’était le siège de l’évêché dont dépendait la “Santa Casa”. C’était en outre la patrie du poète Leopardi et du ténor Gigli qui feront l’objet de deux articles séparés. Voilà assez de raisons d’aller y voir de plus près.

 

915a3 Vista di Recanati (Italia, Marche)

 

À peine arrive-t-on aux portes de la ville que l’on est accueilli de façon extrêmement sympathique. En effet, à environ une centaine de mètres de l’entrée, il y a une “sosta camper”, c’est-à-dire un espace aménagé pour camping-cars. Le stationnement y est gratuit, mais en outre les services sont offerts gracieusement, vidange des eaux usées, vidange du WC chimique, plein d’eau propre, et connexion électrique 240 volts. Avant d’oser me connecter, je suis allé poser la question au commissariat de police. Là, une charmante policière (una bella donna italiana) m’a confirmé que je n’avais qu’à me connecter et que tout était gratuit. Sympa, non? Je relève les coordonnées du milieu de ce parking:

N43°24’09,5”  E13°33’27,00”

Laissons  là le camping-car et allons à pied visiter cette belle petite ville parfaitement conservée dans son état des siècles passés (mais bien entretenue, bien peignée et brossée), du moins pour la partie qui se trouve intra-muros. Parce que bien sûr s’est développée à l’extérieur une urbanisation moderne, mais bien contrôlée pour ne pas défigurer le site.

 

915a4 Entrée de Recanati

 

915a5 Recanati, Italia (Marche)

 

915a6 Porte de ville de Recanati (détail)

 

Pénétrons dans la ville, et pour ce faire franchissons-en la porte.  Cette porte qui reste aujourd’hui ouverte toute la nuit, mais dont on a conservé les battants ornés de cette tête de lion. Le lion –et pas seulement sa tête– est l’emblème de Recanati. À Venise, où les reliques de saint Marc l’évangéliste ont été apportées en 828 après avoir été volées à Bucoles, près d’Alexandrie, sur ordre du doge, le lion du blason s’explique puisqu’il est le symbole de cet évangéliste. En revanche à Recanati, il y a sûrement aussi une raison mais j’ignore laquelle.

 

915b1 Recanati, place Leopardi et palais communal

 

915b2 Recanati, place Leopardi et palais communal

 

Cette belle place est la piazza Leopardi, avec au fond le palais communal et au centre la statue de Leopardi. Mais je ne veux pas en dire plus, ni en montrer plus aujourd’hui au sujet de ce grand homme.

 

915b3 Recanati, Torre Civica

 

915b4 Recanati, lion emblème de la ville

 

Cette tour est la Torre Civica , avec le lion de son blason plaqué sur l’une de ses faces. Elle dresse, sur un carré de neuf mètres de côté, ses trente-six mètres de haut jusqu’au sommet de ses créneaux gibelins en encorbellement. Gibelins car, construite vers 1160, elle a vu sa partie supérieure restaurée après le terrible incendie qui avait quasiment détruit le Palais des Prieurs auquel elle était accolée et qui l’avait endommagée. Or cette restauration intervient en 1322, alors que les Gibelins se sont emparés de la ville, et que la population ne parviendra à les en chasser qu’en 1355. Le nouveau palais des Prieurs, de 1467, l’a laissée indépendante, mais c’est surtout la construction du Palazzo Comunale” et la rénovation de la place Leopardi à la fin du dix-neuvième siècle qui l’ont ainsi totalement isolée et mise en valeur.

 

915c1 en ville à Recanati, la porte San Filippo

 

915c2 en ville à Recanati

 

915c3 en ville à Recanati

 

Juste quelques images choisies parmi toutes celles que j’ai prises de cette ville si pleine de son charme ancien. Ici, on passe par la Porta di San Filippo. On voit comment Recanati a été bien conservée. Jusqu’aux anneaux dans les murs pour attacher son cheval. Malgré tout ce qu’il y a à voir ici, nous n’avions pas vraiment besoin de trois jours pour en faire le tour, mais nous sommes restés pour le plaisir de déambuler dans ces ruelles moyenâgeuses.

 

915d1 Palazzo Antici à Recanati (16e s.)

 

915d2 Scuderie (écuries) Antici, à Recanati

 

Dans la même petite rue se trouve d’un côté le Palazzo Antici (première photo) et, en face, les Scuderie Antici (les écuries, seconde photo). Il paraît que l’intérieur de ce palais du seizième siècle est beau, mais il faut bien avouer que sa façade est bien banale. Je l’avais prise de jour, et en repassant un soir j’ai pensé que les ombres lui donnaient un peu plus de cachet. Au-dessus du portail d’entrée, est gravé le nom RAPHAEL ANTIQUUS de part et d’autre du blason. À l’intérieur se trouve une chapelle privée où a été célébré le mariage d’Adelaide Antici (je ne mets pas d’accent sur le E ni de tréma sur le I parce que c’est en italien) avec Monaldo Leopardi, le père du poète.

 

C’est le cardinal Tommaso Antici qui a décidé en 1870 de la restructuration du palais et en même temps de la construction des écuries. Je lis que dans les niches de la façade se trouvent des statues romaines représentant des femmes dans des vêtements drapés, l’une du premier siècle après Jésus-Christ, et l’autre du deuxième siècle. Femmes drapées, à l’évidence il ne peut s’agir des petits bustes en haut sur les côtés. Ces statues ont donc été ôtées des grandes niches qui encadrent le portail. Définitivement, pour les mettre dans un musée? Temporairement, pour les rénover? Ou bien ont-elles été volées? Je l’ignore.

 

915d3 Recanati. Ici s'est arrêté Garibaldi en décembre 1

 

Si le palais Antici a été le cadre de vie d’une famille illustre au cours de plusieurs siècles, cet immeuble n’a connu que de très brefs moments de gloire. La plaque, sur la façade, informe qu’en décembre 1848, Giuseppe Garibaldi s’est arrêté là une petite heure dans sa course vers Rome.

 

915e1 Recanati, le lycée Leopardi (palazzo Venieri)

 

915e2 lycée Leopardi (palazzo Venieri) à Recanati

 

Autre beau palais, le Palazzo Venieri. C’est en effet le cardinal Giacomo Venieri qui l’a voulu, en 1473. Et puis le comte Roberto Carradori, qui en avait fait l’acquisition, l’a fait radicalement transformer en 1729. La Commune de Recanati a subventionné les travaux à hauteur de 1500 écus, en échange de quoi elle se réservait le droit d’utiliser les loggias du rez-de-chaussée les jours de fête. Selon un plan typiquement toscan –nous sommes dans les Marches mais l’architecte Giuliano da Majanoétait toscan–  les bâtiments s’ordonnent autour d’une cour centrale à portiques. Disposition idéale pour l’usage d’aujourd’hui: c’est la cour de récréation du lycée Leopardi, avec ses graffiti amoureux et ses cœurs transpercés de flèches sur ses colonnes.

 

915f1 Maria Bonacci Brunamonti, poétesse, a vécu ici

 

Par sa superficie, la ville est petite, mais n’oublions pas que c’était un évêché, que la proximité de Lorette y attirait beaucoup de monde, que plusieurs cardinaux en sont issus. Il ne faut donc pas s’étonner d’y trouver nombre de célébrités. Ainsi sur l’immeuble blanc de cette photo, une plaque informe que la poétesse Maria Alinda Bonacci-Brunamonti (1841-1903) a étudié et composé ici de 1860 à 1868. Son père Gratiliano Bonacci était natif de Recanati, mais enseignant de rhétorique à Pérouse, aussi est-ce là qu’elle est née. Quand les événements politiques ont contraint la famille de quitter Pérouse, on retrouve Maria ici. Son père lui avait donné une éducation classique, comme on peut s’en douter, et ses premiers vers avaient été très inspirés du catholicisme inculqué par sa mère. Mais voilà que surviennent les événements du Risorgimento et de l’unité italienne. Maria, alors, insiste tellement qu’elle obtient le droit de participer au referendum, seule et unique femme à pouvoir prendre part au vote, et ses vers deviennent fortement patriotiques et anti-pontificaux. Lorsqu’elle épouse, en 1868, Pietro Brunamonti, professeur de philosophie du droit à l’université de Pérouse, elle quitte Recanati pour suivre son mari. Pour illustrer ce que je viens de dire, je citerai deux de ses recueils, l’un de 1854 intitulé Canti alla Madonna della fanciulla Maria Alinda Bonacci et l’autre de 1860, Canti nazionali.

 

915f2 Biagio Biagetti et Cesare Lombroso ont vécu ici

 

Ici, sur la plaque je lis “Biagio Biagetti (1877-1948), peintre, critique et historien de l’art sacré, fondateur du laboratoire de restauration des œuvres d’art au Vatican [suivent tous ses titres], a vécu ici, laissant de lui-même et de ses œuvres un souvenir vivant”. Sur la même façade, juste au-dessus, il y a une autre plaque que l’on ne distingue pas sur ma photo parce qu’elle est blanche sur le mur blanc. Elle dit que Cesare Lombroso, le père de l’anthropologie criminelle, est venu à Recanati en septembre 1904 en tant qu’admirateur de Leopardi pour connaître la terre de ce génie, et on a voulu l’accueillir comme un autre grand Italien. J’ajoute que, si Lombroso (1835-1909) est sans conteste un grand savant, il était dans ses théories un peu trop raciste à mon goût.

 

915f3 Le compositeur Giuseppe Persiani est né ici

 

Encore une grande figure de l’art à Recanati. La plaque dit sobrement “Maison natale de Giuseppe Persiani, compositeur de musique. 1799-1869”. C’est surtout un auteur d’opéras, et cela dès avant son mariage avec une soprano dont, désormais, il fera tout pour favoriser la carrière. À noter que le théâtre de Recanati, dont je parlerai dans un prochain article à propos du ténor Gigli, a reçu le nom de Théâtre Persiani.

 

915g1a chiesa di Sant'Anna, Recanati

 

915g1b dans l'église Ste Anne, à Recanati

 

915g1c copie de la statue de la Vierge de la Santa Casa

 

Laissons là les célébrités de la ville et voyons quelques églises. Une bulle de 1249 du pape Innocent IV recense, dans l’évêché de Recanati, l’église Sant’Angelo. Parce que les femmes (?), les vieillards, les invalides ne pouvaient se rendre à Lorette, au début du quatorzième siècle on a dédié un autel à la Vierge de Lorette, et en 1613 cet autel a été enserré dans un revêtement de marbre rappelant celui de la Santa Casa. Ci-dessus, on voit ce revêtement de marbre, dont j’ai agrandi l’Annonciation en deux parties (si, dans les dimensions imposées par le blog, j’avais conservé ce qui sépare ces parties, l’image n’aurait été lisible que sur un grand écran), et la statue de la Vierge qui est une exacte copie de celle de la Santa Casa de Lorette. À Lorette la photo en est interdite, pas ici, je peux donc montrer aujourd’hui cette copie.

 

En 1575 était née une confraternité de Sainte-Anne  qui avait la charge de cette église et d’un hôpital qui lui était lié. C’est ainsi qu’au dix-septième siècle l’église a changé de nom et a été vouée à sainte Anne. Si, dans la frise au-dessus de l’Annonciation, il y a entre autres les blasons des évêques Pietro Leopardi et Tommaso Antici, deux familles que nous connaissons bien, c’est parce que c’est eux qui, au dix-neuvième siècle, ont fait remodeler la façade. Mais voilà que le 2 décembre 1864, la voûte de la chapelle consacrée à Notre-Dame de Lorette s’effondre, brisant statues, candélabres, dorures, l’autel, mais causant des dommages à toute l’église, rendant nécessaire une restauration complète menée en 1865-1866.

 

915g2a Recanati, chiesa di San Domenico

 

915g2b Recanati, église San Domenico

 

L’église Saint-Dominique (San Domenico) est, comme son nom le laisse supposer, une église des Dominicains. Elle remonte à la fin du treizième siècle ou au début du quatorzième mais son portail monumental date de la Renaissance et de grandes transformations ont eu lieu aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. J’ai un sympathique correspondant prénommé Denis qui est un grand spécialiste des lions stylophores (qui portent des colonnes) italiens, je me devais donc, en clin d’œil, de publier cette église-ci. Le grand peintre Lorenzo Lotto avait décoré le maître-autel, mais son œuvre a été transférée au musée.

 

915g3a chiesa di Sant'Agostino, Recanati

 

915g3b église Sant'Agostino, Recanati

 

915g4a Couvent Sant'Agostino, Recanati

 

915g4b Couvent Sant'Agostino, Recanati

 

L’église et le couvent di Sant’Agostino (Saint-Augustin) ont été construits vers 1270. Le splendide portail que nous voyons ici, avec ses sphinx stylophores (désolé, cher Denis, ce ne sont pas des lions…), date de 1484. Comme celui de San Domenico, il est dû au crayon du Toscan Giuliano da Majano, celui-là dont nous avons vu tout à l’heure le Palazzo Venieri (lycée Leopardi). C’est le Flamand Jean de Flandre qui l’a sculpté, tandis que celui de San Domenico est dû au ciseau d’un autre Flamand, Jacobus Johannes.

 

Côté couvent, sa disposition a complètement changé lors d’une restructuration au quatorzième siècle. Le poste de carabiniers mitoyen (que je n’ai pas photographie parce qu’il manque d’intérêt) faisait partie du complexe, qui s’ordonne essentiellement autour du vaste cloître central que l’on voit ici. C’est sur le côté ouest que l’on peut observer des voûtes légèrement ogivales: là se trouve la partie la plus ancienne, qui était recouverte de fresques de la seconde moitié du quinzième siècle dont il ne reste presque plus de traces visibles.

 

Quant au campanile du quatorzième siècle, sa toiture était conique jusqu’à une réfection du dix-neuvième siècle. Leopardi y fait allusion dans son poème lyrique Il Passero Solitario:

D'in su la vetta della torre antica,

 Passero solitario, alla campagna

 Cantando vai finchè non more il giorno;

 Ed erra l'armonia per questa valle”.

 

Je n’ai pas sous la main de traduction de ces vers, alors malgré mon niveau d’italien au ras des pâquerettes je vais m’y essayer pour qui en sait encore moins que moi: “Du plus haut de l’antique tour, moineau solitaire, par les champs tu vas gazouiller tant que le jour n’est pas mort; et l’harmonie erre dans cette vallée”.

 

915g5a Santa Maria di Montemorello, Recanati

 

915g5b Santa Maria di Montemorello, Recanati

 

À présent, nous voyons l’église Santa Maria di Montemorello , qui date du seizième siècle. Elle se trouve en plein centre de la ville, juste entre le palais de la famille Leopardi et la maison de celle que dans ses vers il appelle Silvia, en réalité Teresa Fattorini, la fille du cocher des Leopardi, que la tuberculose a emportée toute jeune en 1818 (elle avait une vingtaine d’années):

 D’in su i veroni del paterno ostello

 porgea gli orecchi al suon della tua voce,

 ed alla man veloce

 che percorrea la faticosa tela”.

 

Risquons-nous de nouveau à une traduction: “Depuis les balcons de l’hôtel paternel je prêtais l’oreille au son de ta voix, et à la main rapide qui courait sur la fatigante toile”.

 

C’est dans cette église, paroisse naturelle de la famille, que Giacomo Leopardi a été baptisé en 1798.

 

915g6 Recanati, cathédrale San Flaviano

 

Recanati étant un évêché, je ne peux pas manquer de m’arrêter un instant devant la cathédrale San Flaviano (Saint-Flavien). Recanati est née des cendres de la ville antique de Helvia Recina au sixième siècle, et un Flaviano di Ricinaen a été le premier évêque. C’est donc très probablement lui qui est le saint patron de cette église, quoique la tradition veuille que ce soit plutôt le saint Flavien patriarche de Constantinople qui a subi le martyre en 449. Il ne reste presque rien d’une église primitive construite avant l’an mil, l’actuelle remontant au début du treizième siècle, avant d’être restructurée entre 1389 et 1412 et de subir bien des embellissements au dix-septième siècle. Le palais épiscopal qui lui est mitoyen a été transformé en musée diocésain.

 

915h Recanati, une plaque humoristique

 

Avant de parler dans mes trois prochains articles de la pinacothèque du Museo Civico, du théâtre Persiani avec le souvenir de Gigli, de Leopardi avec sa maison natale et les caves de sa famille, je laisse une petite place à l’humour italien de cette plaque sur le portillon d’un jardin devant une villa. “Attention au chien… et à son maître”.

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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 09:00

914a1 Portail de la basilique de Loreto

 

Il nous a fallu deux longues visites de la basilique de Loreto (Lorette) pour en admirer chaque détail en prenant notre temps pour savourer. Immédiatement, on est frappé par le superbe portail central en bronze. Ce sont les quatre frères Lombardo (Girolamo, Pietro, Paulo et Giacomo) qui l’ont réalisé, de 1590 à 1610. Car il ne leur a pas fallu moins de vingt ans pour une telle œuvre.

 

914a2 Portail de la basilique de Loreto

 

914a3 Portail de la basilique de Loreto

 

914a4 Portail de la basilique de Loreto

 

Voilà, à titre d’exemple, trois des six panneaux de la porte. Devant l’arbre autour du tronc duquel s’enroule un serpent à tête humaine, Ève tend la pomme à Adam, qui la prend. Dans sa main gauche, Ève tient une autre pomme, sans doute pour elle-même, ce que la Genèse ne dit nullement. La conséquence de ce premier péché, tous deux sont chassés du paradis terrestre par l’ange armé d’une épée de feu. Et alors que précédemment Adam et Ève assumaient naturellement leur nudité, “ils se sont aperçus qu’ils étaient nus”. Quant à la troisième de mes photos, elle montre le meurtre d’Abel commis par Caïn.

 

914a5 Portail de la basilique de Loreto

 

914a6 Portail de la basilique de Loreto

 

Puisque je ne peux pas tout montrer, je vais négliger le portail de gauche, et me limiter à seulement deux des dix panneaux de la porte de droite. Cette œuvre a été réalisée de 1590 à 1600. C’est Antonio Calgari qui a initié le projet et a commencé la réalisation mais à sa mort en 1593 ce sont Tarquinio Jacometti (son neveu) et Sebastiano Sebastiani qui ont poursuivi et achevé la porte. Le premier panneau de mon choix représente le transfert de l’Arche d’Alliance et la danse de David. Plutôt que de donner des explications, je préfère citer le texte de la Bible: “ David se mit en route, et il fit monter l'arche de Dieu depuis la maison d'Obed-Edom jusqu'à la cité de David, au milieu des réjouissances. Quand ceux qui portaient l'arche de l'Éternel eurent fait six pas, on sacrifia un bœuf et un veau gras. David dansait de toute sa force devant l'Éternel, et il était ceint d'un éphod de lin [courte tunique ouverte sur le ventre]. David et toute la maison d'Israël firent monter l'arche de l'Éternel avec des cris de joie et au son des trompettes. Comme l'arche de l'Éternel entrait dans la cité de David, Mical, fille de Saül [concurrent de David. Mical est aussi la femme de David], regardait par la fenêtre et, voyant le roi David sauter et danser devant l'Éternel, elle le méprisa dans son cœur. […] David s'en retourna pour bénir sa maison, et Mical, fille de Saül, sortit à sa rencontre. Elle dit: Quel honneur aujourd'hui pour le roi d'Israël de s'être découvert aux yeux des servantes de ses serviteurs, comme se découvrirait un homme de rien!”

 

Le panneau de mon autre photo représente Abigail et David. Ici encore, je cite la Bible: “David se leva et descendit au désert de Paran. Il y avait à Maon un homme fort riche, possédant des biens à Carmel, il avait trois mille brebis et mille chèvres, et il se trouvait à Carmel pour la tonte de ses brebis. Le nom de cet homme était Nabal, et sa femme s'appelait Abigaïl. C'était une femme de bon sens et belle de figure, mais l'homme était dur et méchant dans ses actions. [David lui envoie dix jeunes gens pour solliciter un don, Nabal les renvoie durement de façon insultante] Alors David dit à ses gens: Que chacun de vous ceigne son épée! Et ils ceignirent chacun leur épée. David aussi ceignit son épée, et environ quatre cents hommes montèrent à sa suite. [Un serviteur avertit Abigaïl de ce qui vient de se passer] Abigaïl prit aussitôt deux cents pains, deux outres de vin, cinq pièces de bétail apprêtées, cinq mesures de grain rôti, cent masses de raisins secs, et deux cents de figues sèches. Elle les mit sur des ânes, et elle dit à ses serviteurs: Passez devant moi, je vais vous suivre. Elle ne dit rien à Nabal, son mari. […] Lorsque Abigaïl aperçut David, elle descendit rapidement de l'âne, tomba sur sa face en présence de David, et se prosterna contre terre. Puis, se jetant à ses pieds, elle dit: À moi la faute, mon seigneur! Permets à ta servante de parler à tes oreilles, et écoute les paroles de ta servante. Que mon seigneur ne prenne pas garde à ce méchant homme, à Nabal. […] Accepte ce présent que ta servante apporte à mon seigneur, et qu'il soit distribué aux gens qui marchent à la suite de mon seigneur […]. Environ dix jours après, l'Éternel frappa Nabal, et il mourut. David […] envoya proposer à Abigaïl de devenir sa femme. […] Et aussitôt Abigaïl partit, montée sur un âne, et accompagnée de cinq jeunes filles. Elle suivit les messagers de David, et elle devint sa femme. David avait aussi pris Achinoam de Jizreel, et toutes les deux furent ses femmes. Et Saül avait donné sa fille Mical, femme de David, à Palthi de Gallim, fils de Laïsch”.

 

914b1 Loreto, le mariage de la Vierge

 

914b2 Loreto, Annonciation de l'ange à la Vierge

 

914b3 Lorette, Présentation de Jésus au temple

 

914b4 Jésus dans la maison de Nazareth

 

On entre dans la basilique, non pas par l’un des grands portails de bronze, mais par un long couloir sur le flanc gauche qui nous fait accéder au bras gauche du transept. Tout le long de ce couloir on peut voir des scènes de la vie de Marie. En voilà quatre ci-dessus. J’ai choisi le mariage de la Vierge avec saint Joseph, l’Annonciation, la Présentation de Jésus au temple et une scène où Jésus adolescent travaille avec son père adoptif, Joseph, qui est charpentier. Cela sous l’œil de sa mère. Il est important de noter que la deuxième et la dernière scènes sont censées se situer dans la maison de Marie.

 

914b5 Loreto, Transfert de la Santa Casa

 

Important, parce que précisément c’est cette maison de la Vierge qui est au centre de l’histoire de cette basilique. Les premiers chrétiens vénéraient à Nazareth une maison qu’ils disaient être celle où Marie avait vécu, reçu la visite de l’archange Gabriel qui lui annonçait qu’elle enfanterait Jésus, puis où elle serait revenue avec Jésus et Joseph après la fuite en Égypte. C’est donc là que Jésus aurait été élevé. J’emploie le conditionnel, parce qu’il s’était passé des années (mais pas des siècles) entre le moment où Marie avait quitté sa maison et celui où des fidèles l’ont identifiée. Il n’y a donc pas de certitude, mais une forte probabilité. Et que Jésus soit Dieu pour les chrétiens, le dernier prophète avant Mahomet pour les musulmans, un mythomane ou un imposteur pour les athées, personne ne peut nier que cet homme a révolutionné le monde romain et a marqué de son empreinte les cinq continents depuis deux millénaires. Il est émouvant, dans ces conditions, de penser que la maison de sa mère, où lui-même a vécu, a peut-être été identifiée. Cette maison –des fouilles archéologiques soigneuses l’ont démontré– était constituée d’une grotte qui servait de débarras, devant laquelle étaient construits trois murs de maçonnerie qui déterminaient la pièce à vivre. Au troisième siècle, où il n’existait pas d’églises comme nous les connaissons, les chrétiens ont construit autour de cette maison un bâtiment en forme de synagogue, qui a été par la suite considéré comme une église. Les Byzantins, au cinquième siècle, ont jeté à bas cette espèce de synagogue et lui ont substitué une église selon leurs critères architecturaux. Au onzième siècle, ce sont les Croisés –des Français– qui abattent l’église byzantine et construisent à la place une grande église incluant cette maison de Marie dans sa crypte. C’est dans cette église, devant la maison de la Vierge, que notre roi Saint Louis est venu prier en 1250.

 

Si l’on admet l’authenticité de cette maison au départ, tout le reste est historique et dûment attesté. Mais en 1294, on retrouve les trois murs maçonnés de cette maison en Italie, à Loreto, et voilà qu’une légende tenace raconte que ce sont des anges qui l’y ont transportée. C’est ce que représente ma photo. Mais les moins sceptiques, les âmes les plus ouvertes au merveilleux, auront du mal à y croire de nos jours.

 

914c1 Maison de la Vierge à Lorette

 

Car cette légende est une imposture consciente. Celui qui l’a inventée, un certain Teramano, a utilisé le nom d’une famille italienne, les Angeli, comme un nom commun, car en italien le mot angelo (singulier) ou angeli (pluriel) désigne les anges. Et la famille Angeli voyant en cette fin de treizième siècle les Ottomans musulmans approcher de la Palestine, en même temps que les Arabes musulmans eux aussi toujours menacer de reprendre les conquêtes des Croisés, ont décidé, en 1291, d’embarquer sur un navire, sous leur responsabilité et à leurs frais, les pierres de ces trois murs et de les transférer en un lieu plus sûr, au pied de la forteresse de Fiume en Illyrie, aujourd’hui Trsat, à Rijeka tout au nord-ouest de l’actuelle Croatie. Ces Angeli sont des Byzantins descendants d’empereurs de Constantinople, et c’est le despote d’Épire Nicéphore Angeli qui en est devenu propriétaire. Ce Nicéphore a une fille, Marguerite Ithamar, qu’il va marier en 1294 à Philippe d’Anjou, roi de Naples. En dot, il donne à sa fille la Maison de la Vierge, que l’on embarque de nouveau sur un navire. Or en juillet de cette année venait d’être élu pape Célestin V, sous la pression de Charles II d’Anjou, père de notre Philippe d’Anjou. L’élection a eu lieu à l’Aquila, de là le nouveau pape s’est rendu à Naples sans passer par Rome, et il a démissionné le 13 décembre de la même année sans avoir mis le pied à Rome. En l’absence du pape à Rome, le pouvoir concernant les reliques revenait au “vicaire du pape” qui se trouvait être à ce moment-là l’évêque de Recanati, du nom de Salvo. Puisque ces reliques insignes devaient être implantées sur les États Pontificaux, notre brave Salvo a décidé que le navire traverserait la mer Adriatique puis remonterait le fleuve Potenza pour reconstruire la “Santa Casa” sur les terres de son diocèse.

 

C’est impressionnant parce que, comme je le disais tout à l’heure, si l’histoire de cette maison est authentique pour le premier siècle, alors tout le reste est authentique. Lorsqu’elle est arrivée sur le territoire de l’évêché de Recanati le 10 décembre 1294, on lui a trouvé un emplacement isolé pour la recevoir, car on prévoyait que les pèlerins viendraient nombreux et la ville de Recanati ou les villages environnants ne pouvaient voir affluer ces foules. Un terrain appartenant en copropriété à deux frères a été choisi. De façon fort originale, on l’appelait “le Coteau des Deux Frères”. Et les pèlerins sont arrivés, et ils ont apporté des offrandes. Considérant qu’en tant que propriétaires les frères avaient droit à une part des offrandes, ils se sont servis. Et ils se sont chamaillés pour la répartition entre eux. Parfait, puisque vous voulez tous les deux vous enrichir sur le dos des fidèles, on vous reprend la Santa Casa et on l’installe sur un terrain public, donc appartenant au domaine pontifical, dans ce petit bois de lauriers, le Loretano. Loreto, où elle se trouve encore aujourd’hui, sans les lauriers qui ont été remplacés par des rues, des places, des bâtiments.

 

Alors on a remis des pierres les unes sur les autres pour reconstituer les trois murs. Pas de doute, jusqu’à mi-hauteur (entre deux et trois mètres) les pierres proviennent de carrières de Palestine, de ces carrières exploitées par les Nabatéens qui étaient les principaux constructeurs en Palestine à l’époque de Jésus. Au-dessus, les murs sont faits de briques cuites dans une terre qui est typique des Marches. On a donc complété localement ce qui manquait. Et puis, parce que depuis la première église en forme de synagogue cette maison avait toujours été recouverte et protégée des intempéries, aux alentours de 1300 les habitants de Recanati se cotisent pour l’entourer de murs, et plus tard on construit autour de ces murs une petite église. En 1464, le futur pape Paul II, malade, vient et attribue à un miracle sa guérison et, peu après, la même année, il est élu pape. En 1468, l’évêque de Recanati entreprend la construction d’une grande église mais meurt dès l’année suivante. On comprend alors que le pape Paul II (1464-1471) se charge avec empressement de poursuivre cette construction. Telle est la genèse de la basilique où nous sommes.

 

À l’intérieur de la basilique, autour de la Santa Casa, il y a toujours les murs élevés par les fidèles de Recanati, lorsque le pape Jules II charge Bramante de les remplacer par un revêtement de marbre, ce qui a été réalisé de 1511 à 1538. C’est ce revêtement blanc que l’on voit sur ma photo.

 

914c2 David (Lorette, Maison de la Vierge)

 

Bramante était chargé du projet mais, architecte, il n’a pas travaillé le marbre de ses mains. Il a proposé au pape une maquette en bois, que le pape a adoptée et remise à des exécutants. D’abord, on voit à chacun des angles deux femmes au-dessus de deux hommes, plus au centre de chaque grand côté une femme et un homme. Les femmes sont dix sibylles, considérées comme des préfigurations païennes de la Vierge (on les retrouve dans le sol en mosaïque de la cathédrale de Sienne). Et les hommes sont dix prophètes ou annonciateurs de la Vierge. Ces hommes sont l’œuvre des frères Lombardo, qui les ont sculptés de 1540 à 1570. Celui que je montre sur ma photo est le roi David, avec la tête de Goliath posée à ses pieds.

 

914c3 Loreto, Nativité de Marie

 

914c4 Loreto, Annonciation (André Sansovino)

 

914c5 Loreto, Épiphanie (Raphaël de Montelupo)

 

914c6 Lorette, Dormition de la Vierge (D. d'Aima)

 

J’ai choisi ici quatre scènes représentées sur les faces du revêtement. La première, c’est la naissance de Marie sculptée par Baccio Bandinelli et Rafael de Montelupo, la seconde représente l’Annonciation par Andrea Sansovino, la troisième l’adoration des mages par Montelupo, et la quatrième la Dormition par D. d’Aima. Cette dernière représentation m’étonne. En effet, depuis que nous résidons en Grèce et parcourons en tous sens ce pays orthodoxe, nombreuses sont les églises consacrées à la Κοίμηση της Θεοτόκου (Kimisi tis Théotokou), la Dormition de la Mère de Dieu, et innombrables sont les fresques la représentant, mais dans les églises catholiques, la Vierge est enlevée au Ciel par des anges. Ainsi, le 15 août, alors que les orthodoxes célèbrent la Dormition, les catholiques célèbrent l’Assomption. Le christianisme ne pouvant imaginer la mort de Marie, ou bien elle s’endort ou bien elle monte aux Cieux, et ici c’est l’hypothèse des orthodoxes qu’a retenue l’artiste.

 

914c7 Lorette, pèlerins attaqués par des brigands

 

Très bêtement, je n’ai pas photographié en gros plan la scène ci-dessus, je n’ai que le panneau entier, que j’ai dû agrandir exagérément pour n’en retenir que cette partie, d’où une qualité d’image très passable, mais je tiens cependant à montrer cette scène. En même temps que la Santa Casa est représentée transportée par des anges, on voit des pèlerins attaqués par des brigands. En effet, depuis son installation en Italie, la Maison de la Vierge n’a pas connu que des temps calmes car dès le début les pèlerins ont afflué, certains venant de loin (des fouilles récentes ont retrouvé des pièces allemandes du treizième siècle), apportant leurs offrandes, souvent de riches offrandes. Dès 1313, soit moins de vingt ans après son arrivée, des habitants de Recanati l’avaient attaquée pour piller tout ce qu’ils pouvaient emporter. Dans son Journal de voyage en Italie, Montaigne dit avoir passé trois jours ici en 1581, et il a eu beaucoup de mal à trouver sur les murs une place “pour y loger un tableau dans lequel il y a quatre figures d’argent attachées: celle de Notre-Dame, la mienne, celle de ma femme, celle de ma fille. Au pied de la mienne, il a sculpté sur l’argent : Michael Montanus, Gallus Vasco, Eques Regii Ordinis 1581, à celle de ma femme, Francisca Cassaniana uxor ; à celle de ma fille, Leonora Montana filia unica, et sont toutes de rang à genoux dans ce tableau, et la Notre-Dame au haut au-devant”. Et les pèlerins sont fort nombreux comme il l’écrit en approchant: “Nous sentions bien que nous étions au chemin de Lorette, tant les chemins étaient pleins d’allants et venants; et plusieurs, non hommes particuliers seulement, mais compagnies de personnes riches faisant le voyage à pied, vêtus en pèlerins”.

 

On connaît l’histoire de l’opposition entre guelfes soutenant l’autorité suprême du pape et gibelins partisans de la famille des Hohenstaufen (je rappelle cet antagonisme dans mon article récent “Ancône, Museo della Città” daté du 13 avril 2013). Quand des pèlerins allemands osaient venir prier sur ces terres pontificales, des gibelins qui s’étaient emparés de Recanati et s’y étaient installés, les attaquaient et les détroussaient. Et cela a duré jusqu’en 1355, quand la population locale parvient à les chasser. C’est le pourquoi de cette sculpture due à Antonio di Sangallo et Niccolò Tribolo.

 

914d1 coupole au-dessus de la maison de la Vierge

 

914d2 Loreto, calotte de la coupole

 

Je ne montrerai pas l’intérieur de la Santa Casa elle-même, la photo y étant interdite. Et il faut reconnaître que les fidèles qui y prient sont nombreux, or il y a toujours des gens qui oublient de déconnecter le flash de leurs appareils automatiques, et les appareils réflex comme le mien font un clic-clac assez sonore au moment du déclenchement, quand le miroir se relève puis reprend sa place. Mais personne n’empêche, à l’extérieur de la Maison, de prendre toutes les photos que l’on veut. Cette coupole centrale avait été toute couverte de fresques, œuvres de nombreux artistes dont le grand Pomarancio, mais peu avant 1900, en vue du sixième centenaire de la translation (1294-1894), il a fallu restaurer toute la basilique, dont cette coupole. L’Italien Giuseppe Sacconi a été commis à cette tâche, et désormais les fresques de la calotte (1888-1890) et celles du tambour (1895-1910) sont de Cesare Maccari, qui représente la Vierge portant Jésus, entourée du chœur des anges.

 

914d3 coupole de la basilique de Loreto

 

914d4 Loreto, coupole, La Reine des martyrs

 

Plus bas, Marie est représentée comme la reine de tous les humains, en particulier de tous ceux qui ont agi pour l’Église, et à ce titre elle est représentée reine des patriarches, des confesseurs, etc. Ci-dessus, nous la voyons reine des vierges avec sainte Catherine de Sienne, sainte Scolastique et sainte Claire, et reine des martyrs avec saint Étienne, saint Laurent, saint Sébastien et saint Vincent.

 

914e Loreto, nef de la basilique

 

En face du portail central se trouvent la nef et l’autel principal, derrière lequel la perspective est bouchée en direction du chœur par le revêtement de marbre de la Santa Casa. Mais en même temps, pour qui est croyant, cette maison de la Vierge juste derrière l’autel est évidemment quelque chose de très fort.

 

914f1 Loreto, la chapelle allemande

 

Le chœur et chacun des bras du transept portent trois chapelles, soit neuf au total. En outre, dans chacun des quatre angles que forme le transept avec la nef et le chœur, il y a une sacristie. Je ne vais pas décrire chacun de ces treize espaces couverts de fresques, de statues, de décorations en tous genres. Je me contenterai de quelques exemples. La chapelle qui constitue le chœur avait besoin d’une grande réfection pour le sixième centenaire et il a été fait appel aux catholiques allemands qui ont répondu avec générosité. On l’appelle donc la Chapelle Allemande. C’est Ludovic Seitz qui en a réalisé la décoration (1892-1902). Toutes les scènes représentées concernent Marie, sur ma photo il s’agit d’une Crucifixion entourée d’une Déposition et d’une Mise au tombeau, mais ce ne sont que des moments de la mort du Christ où Marie est présente et où elle est citée par les évangiles.

 

914f2 Loreto, chapelle du Saint Sacrement

 

914f3 Loreto, chapelle française (ou du Saint Sacrement)

 

La chapelle centrale du bras gauche du transept, décorée au seizième siècle par l’Italien Gasparini avait besoin elle aussi d’un coup de neuf pour ce même sixième centenaire, mais au lieu de rénover les peintures Sacconi a tout gratté, tout effacé pour créer de nouvelles fresques, et l’archevêque de Paris a appelé aux dons des catholiques français mais sous deux conditions, d’une part l’artiste sera un Français, d’autre part les thèmes concerneront l’histoire religieuse de la France, avec saint Louis, les Croisades, etc., ce qui lui vaut d’être appelée la chapelle française. Et comme c’est là que brille la petite lumière rouge, c’est aussi la chapelle du Saint Sacrement. À ce titre, un cerbère m’a dit que si j’entrais je ne saurais prendre la moindre photo, mais que je devrais m’agenouiller et prier. J’ai donc dû me limiter à prendre de l’extérieur la seule partie bien visible, la voûte. C’est l’œuvre de Charles Lameire, qui y a peint des anges portant les instruments de la Passion.

 

914g1 Loreto, chapelle polonaise

 

914g2 Lorette, chapelle polonaise

 

Ce sont les catholiques polonais qui ont été sollicités pour la réfection de la chapelle à droite du chœur, qui était précédemment la chapelle du Saint Sacrement. Sacconi a fait détruire les stucs qui la décoraient, œuvres de Francesco Menzocchi (1545) comme l’étaient aussi les fresques dont certaines ont été sauvées et transférées au musée. Arturo Gatti a travaillé à la nouvelle décoration de 1912 à 1939. Je ne sais pas comment était cette chapelle entre le seizième et le vingtième siècles, mais j’ai du mal à imaginer qu’elle y a gagné en esthétique avec Gatti. Son œuvre est sans doute admirable aux yeux de certains, pas aux miens. Peut-être parce que je ne suis pas capable d’apprécier ce qui me dépasse. Sur un mur (ma première photo), les soldats polonais affrontent les bolchéviques russes sur la Vistule en 1920. On voit à l’arrière-plan Józef Piłsudski à cheval en compagnie des généraux Haller et Rozwadowski tandis que les valeureux soldats polonais bousculent ces faibles soldats bolchéviques et leur drapeau rouge. Ma seconde photo représente la fresque du mur d’en face. Là, nous devons nous reporter à Vienne en 1683. Le petit gros à cheval avec ses airs et son geste de m’as-tu-vu c’est Jean III Sobieski, roi de Pologne et grand-duc de Lituanie, qui entre dans Vienne après avoir défait les Ottomans. Grâce à la Vierge, bien sûr, puisque l’ennemi est musulman. Un soldat polonais brandit l’étendard qu’il vient d’arracher à un Turc. Ces peintures ne sont pas du tout de mon goût, mais c’est mon problème personnel, là n’est pas l’essentiel. Je trouve plus dérangeant que dans une basilique chrétienne, où devrait régner l’esprit de l’évangile selon lequel Jésus prêche l’amour du prochain, tous les hommes étant frères, on exalte la haine du Turc parce qu’il est musulman, du Bolchévique parce qu’il est athée. Car s’il est naturel que l’esprit missionnaire d’une religion tente de convaincre sur le plan de la foi, il ne me paraît nullement nécessaire de représenter la victoire des convictions religieuses sous des formes humaines nationales et militaires.

 

914g3 Lorette, chapelle des ducs d'Urbino

 

914g4 Lorette, chapelle des ducs d'Urbino, Visitation

 

Ici, Sacconi –l’Attila de la basilique– n’a rien détruit. Cette chapelle, à gauche du bras droit du transept, est celle des ducs d’Urbino Guidobald II et François-Marie II della Rovere. Ce sont les artisans du duché qui ont travaillé ici, et Zuccari qui a réalisé les fresques de 1571 à 1584. Dans cette Visitation, la rencontre de Marie et d’Élizabeth, les deux cousines enceintes, le petit chien au premier plan, c’est une scène familière et familiale pleine de naturel.

 

914h1 Lorette, le tabernacle de la chapelle espagnole

 

914h2 Loreto, la chapelle espagnole

 

Juste à côté, au centre du bras droit du transept, c’est la chapelle espagnole, les catholiques de ce pays ayant été sollicités eux aussi pour le sixième centenaire. Ici, Sacconi n’a rien eu à détruire car aux murs ce n’étaient pas des fresques, mais des toiles de Lotto, qui en 1853 avaient été décrochées et transférées au musée. Les fresques, réalisées de 1886 à 1890, sont l’œuvre de Modesto Faustini. Quoique toute la décoration soit due à des artistes italiens, je la trouve très typiquement espagnole, avec ce grand tabernacle noir et doré, ces ors au-dessus des fresques…

 

914h3 Loreto, chapelle espagnole

 

914h4 Loreto, la chapelle espagnole

 

914h5 Loreto, chapelle espagnole

 

Mais pour les fresques elles-mêmes, mieux vaut les voir de plus près. Sur ce panneau que je montrais précédemment, à gauche on voyait Jésus enfant parlant avec sa mère, tandis que devant son établi Joseph rabote une planche. Le panneau de droite représente le songe de saint Joseph. L’évangile raconte que les mages, à l’aller, ont été appelés par Hérode qui leur a demandé de repasser ensuite pour lui dire exactement où était né ce “chef qui paîtra Israël”. Mais un songe les a avertis de ne pas le révéler, et au retour dans leur pays ils sont passés par un autre chemin. C’est alors qu’intervient le sujet de ma seconde photo ci-dessus. Un ange apparaît en songe à Joseph, qui lui dit de fuir en Égypte avec Marie et Jésus, et d’y rester jusqu’à nouvel ordre. Cette fuite en Égypte est le sujet de ma troisième photo. On sait que, furieux d’avoir été trompé par les mages, Hérode a fait tuer tous les petits enfants mâles (Massacre des saints Innocents) et que la Sainte Famille n’est rentrée qu’après la mort d’Hérode. J’aime la fraîcheur de ces fresques, leur naturel, leur vie, mais si l’on considère que Jésus est né le 25 décembre (je sais bien que l’Église a choisi cette date pour des raisons symboliques et qu’elle n’a rien d’historique) et que les mages sont venus à l’Épiphanie, le 6 janvier, alors ou bien Joseph a beaucoup tardé à se mettre en route, ou Jésus était grand pour son âge, parce qu’au moment de la fuite en Égypte il est très avancé pour un nourrisson de quinze jours.

 

914h6 Lorette, chapelle suisse

 

Symétrique de la chapelle des ducs d’Urbino de l’autre côté de la chapelle espagnole, se trouve celle que les catholiques suisses ont financée. Ici non plus, Sacconi n’a pas eu à exercer ses talents de destructeur, parce que les fresques que Francesco Menzocchi avait peintes en 1549-1555 avaient été ôtées dès 1780. Carlo Donati a été chargé des nouvelles fresques, qu’il a peintes de 1935 à 1938. Celle que je montre ici est la Présentation de Marie au temple.

 

914i1 Lorette, sacristie de St-Jean

 

914i2 Lorette, Sacristie de saint Jean

 

914i3 Loreto, sacrestia di San Giovanni

 

Des quatre sacristies, j’en sélectionne seulement deux. La sacristie de Saint-Jean (entre la chapelle polonaise et la chapelle des ducs d’Urbino) a conservé les merveilleuses peintures de Signorelli datant de 1481-1485. La voûte, en huit panneaux, fait alterner les quatre évangélistes et quatre docteurs de l’Église, saint Jérôme, saint Grégoire le Grand, saint Augustin et saint Ambroise et au-dessus d’eux, tout au sommet, ce sont huit anges musiciens. Sur le panneau de ma seconde photo on voit, en haut, deux scènes juxtaposées, à gauche la Présentation de Marie au temple, à droite la Visitation. En bas, c’est l’Annonciation. Enfin, la troisième photo montre le plafond de la sacristie.

 

914i4 Loreto, sacristie de saint Marc

 

914i5 Lorette, sacristie de saint Marc

 

914i6 Lorette, sacristie de saint Marc

 

914i7 Loreto sacrestia di san Marco

 

L’autre sacristie que j’ai choisie se situe entre la chapelle suisse et la nef de la basilique, c’est la sacristie de Saint-Marc. Elle aussi a sauvegardé ses peintures de 1477-1479 par Melozzo di Forli. Ici encore, la voûte est partagée en huit quartiers, et dans chacun d’entre eux Melozzo a peint un prophète. Leur identification ne pose pas de problème, parce que chacun d’entre eux tient en main un panneau avec le passage de sa prophétie (en latin) concernant la passion du Christ. Sur ma photo en qualité originale, que je peux agrandir énormément, je peux lire les noms qu’à l’œil nu j’ai été incapable de déchiffrer. C’est, sur ma photo, de gauche à droite, Jérémie, David, Amos, Zacharie et Abdias. Au-dessus de chacun d’eux un ange porte l’un des instruments de la Passion. Ainsi cet ange qui tient des tenailles est au-dessus du prophète Amos. Et encore au-dessus, difficilement discernables sur ma photo de la voûte, deux petits séraphins (puisqu’ils ont six ailes) pour chaque ange. Chacun a un visage différent, et je les trouve si amusants que je ne résiste pas à l’envie d’en montrer deux couples.

 

914j1 Loreto, corridor de la sacristie page 121

 

Nous regagnons le bras gauche du transept et le long couloir d’entrée, mais au lieu de le suivre pour sortir, tournons immédiatement à droite pour accéder à une petite pièce qui est le corridor de la sacristie. Il s’y trouve quelques tableaux, mais surtout des stucs qui décorent le plafond et le haut des murs et qui sont dus à Francesco Selva qui les a réalisés en 1611. Sur ma photo c’est, bien évidemment, la translation de la Maison de Marie par des anges, et au-dessus, au plafond, entre deux angelots, la colombe du Saint-Esprit symbolise l’Annonciation, qui a eu lieu dans ladite maison.

 

914j2 Loreto, Maison de la Vierge, trésor

 

Si, dans ce corridor, au lieu d’aller vers la sacristie on tourne à gauche, on pénètre dans la salle du Trésor. Tout autour il y a des vitrines, dont je ne montrerai que cette Vierge Noire. Les pèlerins, les visiteurs, ont offert des dons très nombreux et souvent de grande valeur, aussi le pape Clément VIII a-t-il décidé de la création d’une salle destinée à les recevoir. Mais en 1797, quand Bonaparte investit la région, il fait main basse sur ce trésor qu’il expédie en France. Certes, par la suite, il en a rendu une partie, seulement une partie. Et puis en 1974 a eu lieu un grand cambriolage au cours duquel tout ce qui pouvait être détaché, enlevé, transporté, a disparu. Depuis, toutes les nécessaires mesures de sécurité ont été prises mais à mes yeux, vu le peu qui reste, le vrai trésor, c’est la salle.

 

914j3 Loreto, salle du Trésor page 120

 

Comme on le voit, le plafond, les peintures, et jusqu’au travail du bois des vitrines qui sont l’œuvre d’André Coste (1608-1615), tout est superbe. Pour choisir le peintre des plafonds, un concours avait été organisé en 1604, auquel a participé Caravaggio. Et quand Pomarancio a été choisi, Caravaggio furieux lui a lancé en public “Si tu as été sélectionné, c’est avec quelle part de mérite et quelle part de protection?” car la rumeur courait que Pomarancio bénéficiait d’appuis haut placés, mais jusqu’à présent personne n’a pu déterminer s’il avait vraiment bénéficié d’un passe-droit. Quoi qu’il en soit, ce plafond auquel il a travaillé de 1605 à 1610 est une réussite.

 

914j4 Loreto, salle du Trésor Présentation de Marie au te

 

914j5 Loreto, salle du Trésor, Annonciation

 

Voilà deux exemples des merveilleuses peintures de Pomarancio qui a représenté, en suivant l’ordre chronologique des événements, des épisodes de la vie de la Vierge. Je montre ici la Présentation de Marie au temple et un gros plan recadré de l’Annonciation située juste au centre, au-dessus de l’autel.

 

Je compte les photos insérées dans cet article. Il y en a quarante-huit. C’est trop, beaucoup trop. Et pourtant je suis frustré, parce que j’ai censuré et re-censuré mon premier choix pour essayer d’être raisonnable. Mais cette basilique recèle tant d’œuvres splendides…

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8 août 2014 5 08 /08 /août /2014 09:00

913a Loreto

 

La visite du musée diocésain d’Ancône (dont je ne rends pas compte parce que la photo y est interdite, mais qui vaut la peine d’être vu) ne peut se faire que sous la conduite d’un guide. Ce guide était une charmante jeune femme avec qui nous avons un peu bavardé. Je n’avais pas regardé la carte assez attentivement, parce que je n’avais pas vu que nous étions très près de Lorette, dont elle nous a vivement recommandé la visite. Elle a ajouté que puisque nous avions ces intérêts culturels nous devrions aussi aller à Recanati, ce que nous avons fait.

 

Lorette, d’abord. Nous nous y sommes rendus un après-midi, et la petite ville ainsi que sa merveilleuse basilique nous ont donné envie d’y retourner. La basilique a été entourée de puissants murs, ce qui lui donne, de loin, l’apparence d’une forteresse sur sa colline.

 

913b1 entrée de Lorette

 

913b2 Lorette

 

Ce n’est pas en approchant que l’impression de forteresse diminue, avec ces gros remparts et ce bastion massif. En effet, le pape Léon X a voulu ce bastion édifié en 1518-1519 parce qu’il craignait les invasions. Dans son Journal de voyage en Italie de 1580-1581, Montaigne note “C’est un petit village clos de murailles, et fortifié pour l’incursion des Turcs, assis sur un plant un peu relevé, regardant une très belle plaine”. Je ne sais la raison de l’implantation de cet avion de chasse à l’entrée de la ville. Peut-être les aviateurs ont-ils estimé avoir été protégés par la Vierge de Lorette, mais même si c’est le cas j’aurais préféré voir une stèle ou, dans l’église, le don d’une maquette car je ne peux m’empêcher de trouver frappante la présence d’un engin de mort à l’arrivée dans un lieu dédié à une religion dont l’une des lois (l’un des dix commandements reçus par Moïse au Sinaï) est “tu ne tueras pas” et dont Jésus a dit que, à l’égal de l’adoration de Dieu, on doit aimer son prochain comme soi-même.

 

913b3 arrivée à Loreto

 

913b4 arrivée à Lorette

 

Mais assez critiqué, puisque j’ai dit que nous avions aimé Lorette. Approchons-nous des grands et hauts bâtiments qui entourent la place de la basilique et les rues avoisinantes constituant la petite ville. Sous la lumière rouge orangé des projecteurs, la façade prend le soir des teintes très chaudes. Le porche blanc qui s’ouvre dans les murs de brique date du quinzième siècle, mais les uns croient devoir l’attribuer à Bramante, d’autres à Sangallo le Jeune.

 

913c1 le pape Jean XXIII

 

Juste sous les murs, a été érigée cette statue du pape Jean XXIII, celui du concile Vatican II qui, dans les années 1960, a réformé et modernisé l’Église Catholique. C’est la population de la ville qui a souhaité lui ériger cette statue, commandée à Alessandro Monteleone à la suite du pèlerinage du pape à Lorette en octobre 1962, une semaine jour pour jour avant qu’il ouvre le concile, et juste huit mois avant sa mort.

 

913c2 Lorette, ''À ceux qui donnent leur sang''

 

Sur le mur lui-même, cette plaque de marbre porte en gros caractères “A.V.I.S. sezione comunale Loreto”, ce qui ne veut pas annoncer un “Avis” (en italien avviso). Ce sont les initiales de l’Associazione Volontari Italiani del Sangue (section communale de Loreto), dont plus d’un million d’adhérents dans le pays sont donneurs volontaires de sang. Elle dit: “Aux frères qui, à l’exemple du Christ Jésus, ont versé, versent et verseront, comme un cadeau, leur propre sang, parce que l’histoire est marquée par le versement de sang pour créer et recréer la vie, non pour la détruire”.

 

913d1 vers la basilique de Loreto

 

913d2 la place de la basilique de Lorette

 

Franchissons l’arche du porche dans le grand mur rouge, dont je viens de parler, pour accéder à la vaste esplanade de la basilique. Partout, le rouge de la brique domine, et soudain cette église toute blanche apparaît sur fond de ciel bleu intense. C’est saisissant.

 

913d3 la place de la basilique de Loreto

 

913d4 sur la place de la basilique de Loreto

 

913d5 sur la place de la basilique de Lorette

 

Ces images pour compléter les vues des bâtiments qui entourent la place. Il est possible de monter par un escalier sur la galerie qui court le long des bâtiments à l’étage, pour avoir une vue différente.

 

913d6 sur la place de la basilique de Loreto

 

913d7 sur la place de la basilique de Loreto

 

La place est ornée de cette belle fontaine baroque. Selon les traditions classiques, elle est ornée de dauphins et de tritons dont les bronzes, de 1622, sont dus à Tarquinio et Pietro Paolo Jacometti. La fontaine elle-même et l’élaboration de l’adduction d’eau depuis Recanati ont été réalisées de 1604 à 1614 par Giovanni Fontana (nom prédestiné pour construire une fontaine!), architecte mais surtout ingénieur hydraulicien réputé, et son neveu le célèbre Carlo Maderno qui est l’un des pères de l’art baroque.

 

913d8 petite rue ancienne de Loreto

 

Si, à l’origine, la “Maison de la Vierge” dont je parlerai en détail dans mon prochain article a été placée en pleine campagne, dans un petit bois de lauriers, la ville s’est développée autour de la basilique qui a recouvert la “Maison”, jusqu’à atteindre aujourd’hui une douzaine de milliers d’habitants. “Boisé ou orné de lauriers” se dit lauretanus, en latin. Dans son Pro Milone (Pour Milon), Cicéron plaide en faveur de l’aristocrate Milon qui a tué le populiste Clodius (92-52 avant Jésus-Christ). Si j’évoque ces faits sans aucun rapport avec la ville où nous sommes, c’est pour montrer que déjà, au premier siècle avant Jésus-Christ, dans la langue populaire la diphtongue AU (prononcée a-ou) avait évolué vers le son O, et c’est pourquoi par démagogie, pour se rapprocher du peuple, ce Claudius orthographiait son nom Clodius alors que les personnes cultivées maintenaient la prononciation ancienne. Mais comme c’est toujours le cas, la langue populaire finit par l’emporter et cette prononciation s’est imposée, en maintenant ou non l’orthographe d’origine (aurum/l’or, Paulus/Paul, aulula/olla en espagnol, etc.). J’en viens maintenant à cet adjectif latin Lauretanus qui, lorsqu’il apparaît dans le nom de ce lieu, en 1294, s’orthographie Villa Loretana et plus tard Loreto.

 

913e1 essaim d'abeilles sur la statue de Sixte Quint

 

913e2 Rameaux, Loreto, piédestal statue Sixte V

 

Juste devant la basilique se trouve la statue de Sixte Quint (Felice Peretti, 1520-1590), franciscain inquisiteur à Venise puis en Espagne élu pape en 1585. Il a été, malgré la brièveté de son règne, un grand bâtisseur, réalisant en particulier des adductions d’eau, et la ré-érection d’obélisques égyptiens oubliés depuis l’Antiquité place St-Pierre, piazza del Popolo, devant St-Jean-de-Latran, devant Ste-Marie-Majeure. Mais son vilain passé d’inquisiteur lui a valu en punition d’être colonisé par des abeilles. Lors de notre premier passage, le 14 avril, des spécialistes dûment protégés escaladaient des échafaudages pour l’en débarrasser. Lorsque nous sommes revenus le 16, les abeilles n’étaient pas revenues, les échafaudages avaient disparu et j’ai pu photographier cette plaque de bronze sur le piédestal. On y voir l’arrivée de Jésus à Jérusalem (dimanche des Rameaux) sur un âne sous les pas duquel les gens mettent leurs manteaux.

 

Voilà, nous allons entrer dans la basilique. Ce sera le sujet de mon prochain article.

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6 août 2014 3 06 /08 /août /2014 09:00

912a1 Ancona, museo della Città

 

912a2 Ancona, museo della Città

 

La ville d’Ancône est accueillante. La Municipalité sait y faire. Si j’ai eu à me plaindre de l’absurdité de l’interdiction de photo au musée archéologique ou pour la magnifique Méduse, en revanche la ville offre l’entrée gratuite dans son excellent Museo della Città, Musée de la Ville, qui raconte l’histoire d’Ancône dans un très beau bâtiment.

 

912b1 maquette temple d'Aphrodite, Ancône, 4e s. avt JC

 

J’ai dit dans mon précédent article que sous la cathédrale San Ciriaco on avait découvert les traces d’un temple antique d’ordre dorique daté du quatrième siècle avant Jésus-Christ. Juvénal, au premier siècle après Jésus-Christ, l’évoque dans sa quatrième satire: “Au temps où l’univers expirant se déchirait sous le dernier des Flaviens, quand le Néron chauve faisait de Rome son esclave, il arriva qu’un prodigieux turbot de l’Adriatique, en vue du temple de Vénus qui domine la dorienne Ancône, vint combler le filet d’un pêcheur”. Le temple était donc de son temps dédié à Vénus. Et lors de sa construction, quand Ancône était grecque, il s’agissait d’Aphrodite. Ce témoignage ne laisse aucun doute. Le musée propose une reconstitution de ce temple.

 

912b2 stèle finéraire, Ancona, 2e s. avt JC

 

Il y a aussi des éléments archéologiques, comme cette stèle funéraire du deuxième siècle avant Jésus-Christ. Le texte gravé dit “Arbenta, fils de Sopatros, salut”. Il est rédigé en langue grecque, et en caractères de l’alphabet grec. Preuve qu’à cette époque l’hellénisme se maintenait à Ancône.

 

912b3 vase guépard d'une tombe antique d'Ancône

 

Ce vase en forme de guépard a été trouvé dans une tombe antique. Un grand panneau fort bien fait liste tous les objets trouvés dans cette tombe, un dessin représente le squelette et la disposition de ces objets, mais il manque la datation.

 

912b4 Copie d'urne funéraire en marbre, 1er s. après JC

 

En revanche il est bien dit que ce vase funéraire est du premier siècle après Jésus-Christ. Celui qui est présenté ici est une copie d’un original en marbre.


912c1 Ancona, Porta Calamo, vers 1850

 

912c2 Ancône, Porta Calama, vers 1850

 

Une série de gravures et de tableaux montrent la ville dans le passé. Ici, c’est la Porta Calamo, qui s’ouvre dans la muraille, vers 1850. La première image est prise du côté de l’intérieur de la ville, la seconde montre les murs de l’extérieur. Il s’agit de peintures à l’huile sur carton de Barnaba Mariotti.

 

912c3 Ancona, fontaine 1ère moitié 19e s., par Pietro Zar

 

912c4 Clément XII, 1ère moitié 18e s. par Agostino Corna

 

Sortons du musée. Cette grande fontaine est ornée d’une statue du pape Clément XII qui, comme je le disais dans mon article précédent, a permis à la ville de croître et de s’épanouir en déclarant Ancône port franc en 1732. Mais cette statue, œuvre d’Agostino Cornacchini (1686-1754), s’est gravement dégradée, non pas tellement du fait des intempéries que des dommages causés par la Seconde Guerre Mondiale. Mais ce pape a laissé dans la mémoire collective des Anconitains une image si positive –la place qui s’appelle officiellement Piazza del Plebiscito, les gens l’appellent habituellement Piazza del Papa– qu’il n’était pas question de laisser cette statue en mauvais état.

 

912c5 rénovation statue de clément XII sur fontaine

 

912c6 Clément XII (1730-1740)

 

Aussi a-t-on chargé le sculpteur Vittorio Morelli (1886-1968) de réparer les dégâts. Ce qui a été fait en 1947-1948. S’il a été choisi pour cette mission, c’est parce que déjà en 1914 il avait réparé le visage et la main droite bénissant. La première photo ci-dessus montre la comparaison avant et après 1914. Avant d’effectuer la sculpture définitive en marbre des parties à recomposer, l’artiste en avait réalisé un modèle en plâtre. C’est ce plâtre qui est exposé au musée et qui fait l’objet de la deuxième photo.

 

912d1 Louis Dufort, Vue de la ville d'Ancône

 

Cette lithographie des alentours de 1830, intitulée Perspective de la ville d’Ancône, est de Luigi De Dufort (1802-1850). Quoique, dans le cadre de ce blog, ma photo soit très petite et de qualité très réduite, on distingue sur le pourtour plusieurs des monuments dont j’ai parlé dans les articles précédents.

 

912d2 Francesco Cesare Ferretti, 1597

 

Cette toile représente Francesco Cesare Ferretti, capitaine de cent lances. Mais la notice du musée fait précéder ce nom de l’indication que c’est l’œuvre d’un peintre inconnu du dix-septième siècle, et le fait suivre de l’indication que le tableau, de 267x155, est de 1597. Le peintre est donc plutôt du seizième siècle, et surtout du fait qu’il est inconnu, car s’il peut l’avoir peint très jeune et avoir été actif essentiellement au dix-septième siècle, il a aussi pu le peindre peu avant sa mort et ne pas avoir vu le dix-septième siècle…

 

912e1 Vincenzo Podesti, siège d'Ancône de 1173

 

Nous abordons ici l’histoire de la ville. Ceci est un tableau de Vincenzo Podesti (1812-1897) représentant le siège d’Ancône de 1173. Quand le peintre réalise ce tableau, l’Italie fait son unité, et pour cet artiste anconitain il est intéressant de glorifier les hauts faits de sa cité pour conserver son indépendance, et cet épisode est glorieux. La ville fonctionnait comme une république, mais le pape Alexandre III d’une part, l’empereur du Saint Empire Germanique Frédéric Barberousse d’autre part, voudraient bien, chacun pour leur compte, faire main basse sur l’Italie pour l’adjoindre à leurs possessions. Ancône, pour sa part, aussi puissante à cette époque que Venise et en rivalité avec la Sérénissime pour la domination de l’Adriatique, avait conclu une alliance avec l’Empire Byzantin de Manuel Comnène. Quand il s’est agi de prendre Ancône, Frédéric Barberousse s’est allié avec Venise, la vieille rivale de la ville, et pour lui faire face Alexandre III a cru bon de s’allier avec Manuel Comnène, ce qui mettait la ville hors de danger de ce côté-là. C’est l’archevêque Christian de Mayence, chancelier de Frédéric Barberousse, qui a été chargé de marcher sur Ancône, ravageant tout, campagnes, villes, villages sur son passage à travers le nord de l’Italie.

 

C’est probablement en mars 1173 que le siège commence, quoique Boncompagno da Signa (vers 1168-vers 1240), qui a décrit les événements en détail après une enquête minutieuse auprès de personnes qui ont vécu les faits, dise que c’est en mai. De toutes façons, deux éléments jouaient en défaveur d’Ancône. D’une part, cette cité de marins était en grande partie dégarnie de ses hommes partis en mer, qui vers le comptoir de Constantinople, qui vers celui d’Alexandrie, qui ailleurs encore, et d’autre part en cette fin d’hiver les vivres accumulés lors de la saison précédente étaient presque épuisés. D’ordinaire, Ancône, comme toutes les cités portuaires assez dépourvues de terres cultivées, allait au printemps acheter les surplus des pays agricoles. Après avoir sans mal défait l’armée anconitaine envoyée contre lui pour tenter de l’arrêter, Christian de Mayence met le siège sur terre contre Ancône, tandis que Venise se charge de bloquer tout accès par mer. La flotte de Venise est infiniment plus puissante que celle d’Ancône, et du côté de la terre les hommes du Saint Empire Germanique sont très nombreux et peuvent se relayer pour attaquer jour et nuit, tandis que les assiégés, beaucoup moins nombreux, ne peuvent se reposer pour repousser les attaques continuelles.

 

Voyant les assiégés affaiblis par la famine, Christian de Mayence décide de donner l’assaut, ses catapultes tirent sans cesse, la flotte vénitienne s’approche jusqu’à presque aborder les premières maisons du port. Côté terre, les Anconitains oublient la disette et se battent comme des lions, côté mer, ce sont ceux qui ont leur maison près du port qui s’opposent aux Vénitiens. Ils parviennent à leur prendre plusieurs vaisseaux et à maintenir les autres à bonne distance, pendant qu’une femme du nom de Stamira, qui se bat armée d’une hache qu’elle tient à deux mains, se saisit d’un récipient plein de résine, l’enflamme et court le jeter dans le camp de l’ennemi. C’en est fait des catapultes, qui partent en fumée. Les pertes sont importantes des deux côtés, mais pour les assiégeants c’est un coup dur au moral, tandis que c’est un réconfort psychologique pour les assiégés qui, en outre, parviennent à traîner dans la ville les corps des chevaux germaniques morts, précieuse nourriture. Le chancelier décide de ne plus attaquer et d’attendre que la faim et l’absence de moyens contraigne les assiégés à se rendre.

 

Boncompagno raconte qu’un prêtre du nom de Giovanni, un jour où le vent soufflait en tempête, se dévêt, se jette à l’eau avec une hache, et nage pour aller couper la corde d’ancre d’un grand navire vénitien. Ce que voyant, les marins vénitiens tirent des flèches sur lui, lui jettent des pierres, mais lui, plongeant sous l’eau et réapparaissant plus loin, les évite, achève son travail et revient sain et sauf. Encouragés par ce geste, les Anconitains se lancent à l’attaque de la flotte vénitienne, et outre le navire privé d’amarres, sept autres vaisseaux, poussés par le vent furieux et par les vagues puissantes, vont se fracasser ou s’échouer plus loin.

 

En cette seconde moitié du douzième siècle, les débats de succession sur le trône du Saint Empire Germanique opposent les partisans du candidat du pape –quand, au treizième siècle, la querelle politique aura dégénéré sur les plans religieux et culturel, on les appellera guelfes– et les partisans de la famille germanique des Hohenstaufen –qui deviendront les gibelins–. Gulielmo degli Adelardi est gouverneur de Ferrare et chef de la faction papiste, et pour cette raison il est favorable à Ancône. Aldrude est comtesse de Bertinoro (ville d’Émilie-Romagne au sud de Ravenne, non loin au sud-est de Forli). L’un et l’autre envoient alors des troupes au secours d’Ancône, qui sera finalement libérée.

 

Repassant dans ma tête tous ces épisodes en regardant ce tableau, je me demande lequel le peintre a voulu représenter ici. Peut-être cette femme est-elle Stamira, celle qui a mis le feu aux engins balistiques des impériaux.

 

912e2 en 1797, Proclamation République d'Ancône

 

Nous faisons un grand saut dans le temps, et nous voici au temps de la Révolution Française. Les révolutionnaires veulent porter partout en Europe les idées républicaines, et c’est ainsi que Bonaparte se retrouve à se battre en Italie. Le 19 novembre 1797, la République Anconitaine est proclamée, et le fait est annoncé par cette affiche typographique. Sous le titre “République d’Ancône. Liberté, égalité” je lis “Citoyens, vous êtes libres. Vous êtes républicains démocrates. Tel a été votre souhait. Nous l’avons adopté et désormais, à côté de celui de la République Française, flotte aussi votre drapeau”. Dans mon précédent article, à propos du miracle de la Vierge de la cathédrale, je disais la terreur des Anconitains, en 1796, à l’annonce de l’arrivée des Français. Ici il est dit que leur souhait républicain a été exaucé… “L’invaincue Nation Française vous accorde sa protection. Le général de division Dallemagne vous la promet […]”. L’affiche est signée “Pietro Reppi, président. Camillo Albertini, chancelier”.

 

912f1 Fuite du Général de Lamoricière

 

En 1860, tout le sud de l’Italie depuis la Sicile a été pris par Garibaldi, et tout le nord est aux mains du Royaume de Sardaigne. Pour joindre ces deux parties, il faut prendre l’Ombrie et les Marches, restes des États de l’Église. Quoique l’armée française ait largement contribué à la Campagne d’Italie de 1859 (notamment à la bataille de Solferino, ce qui vaudra à Napoléon III de pouvoir annexer Nice et la Savoie en remerciement de son aide au roi Victor-Emmanuel II en 1860), ce sont deux généraux français qui commandent les troupes pontificales, Lamoricière et Pimodan. Il s’agit pour eux d’empêcher les troupes nationalistes piémontaises d’accéder à Ancône, qui est la clé de la région et où une importante garnison a été mise à disposition du pape par les Autrichiens, mais ils ne disposent que de dix mille hommes contre trente-neuf mille aux Piémontais. Le général de Pimodan, avec quelques unités, doit faire diversion tandis que le général de Lamoricière tente de gagner Ancône pour s’y réfugier en attendant des renforts. C’est à seulement vingt-cinq kilomètres au sud d’Ancône, à Castelfidardo, qu’a lieu l’accrochage. Pimodan est mortellement blessé, mais continue courageusement à se battre. Apprenant cela, Lamoricière qui a déjà atteint la côte fait demi-tour pour lui venir en aide, mais son armée est alors confrontée au gros des troupes piémontaises et c’est la déroute. En désordre, l’armée pontificale fuit pour se réfugier dans Ancône. La gravure ci-dessus représente la fuite du général de Lamoricière vers Ancône.

 

912f2 Combat de la flotte contre les trois forts d'Ancône

 

912f3 Incendie de la lanterne d'Ancône

 

912f4 Siège d'Ancône, explosion de la poudrière

 

Ci-dessus, trois lithographies du peintre parisien Jean-Victor Adam (1801-1886). Elles représentent des épisodes du siège d’Ancône qui a suivi la fuite de Lamoricière. Je disais tout à l’heure qu’il y avait à Ancône une garnison autrichienne. C’est que, après la première République d’Ancône en 1797, le pape a fait appel à l’Autriche pour rentrer en possession de ses terres perdues. Les Autrichiens sont arrivés, ont reconquis Ancône. Cette garnison au bénéfice des États de l’Église occupe Ancône depuis 1849. Les soldats rescapés avec Lamoricière se joignent donc aux soldats autrichiens ainsi qu’aux volontaires étrangers engagés pour le pouvoir pontifical, Français, Belges, Irlandais, Slovaques, Polonais. Les forces italiennes d’unification du pays les assiègent, le général Manfredo Fanti et le général Enrico Cialdini sur terre et l’amiral Persano sur mer. L’attaque des assiégeants a lieu le 28 septembre 1860, la bataille est rude, mais c’est grâce à la manœuvre navale hardie qu’il a été possible de faire exploser la poudrière et la batterie de la Lanterne qui défendait le port. La première photo montre la bataille navale, les deux autres l’explosion et l’incendie de la batterie de la Lanterne, de la mer puis du côté terre. Le lendemain 29 septembre, les représentants du pape sont contraints de signer leur reddition et le 3 octobre le roi Victor Emmanuel II débarque à Ancône. L’unité italienne est réalisée. Resteront, des états du pape, une région très réduite autour de Rome elle-même. Cela, ce sera pour dix ans plus tard. La foule accueille le roi dans une folle liesse. C’est le 17 mars 1861 qu’est proclamée la naissance du Royaume d’Italie.

 

Cela n’est qu’un petit aperçu de ce que présente ce passionnant musée d’une Municipalité accueillante.

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4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 09:00

Je n’ai pas parlé des églises dans mon précédent article sur Ancône. C’est que je voulais réserver une place spéciale à deux d’entre elles, la cathédrale San Ciriaco et Santa Maria della Piazza. Mais je commencerai par une image d’une troisième église.

 

911a Ancône, église 18e siècle

 

Cette troisième église est dédiée aux saints Pellegrino et Teresa, elle est du dix-huitième siècle, et le panneau précise “degli Scalzi”, c’est-à-dire “des Déchaussés”. À ma connaissance, ce sont les Carmes qui sont “déchaussés”.

 

911b1 Ancona, duomo San Ciriaco

 

Plantée là-haut sur sa colline, la cathédrale San Ciriaco (Saint Cyriaque) date du douzième siècle. Les fouilles ont démontré qu’elle occupe l’emplacement d’un temple de la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ ou du début du troisième dédié à Aphrodite Eupléa (“Bonne navigation”, donc protectrice des navigateurs), plus tard nommée Vénus, avec les Romains. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, elle ne porte pas le nom de saint Cyriaque d’Ancône… parce qu’elle a été inaugurée en 1128 et que saint Cyriaque est né vers 1391, mais il a porté le nom de Cyriaque parce que la cathédrale de sa ville s’appelait ainsi. Et le saint patron de la cathédrale est un Romain du temps de Dioclétien. La fille de l’empereur, Arthémia, est épileptique, et elle a une vision lui disant que seul Cyriaque est en mesure de la libérer. Cyriaque diagnostique une possession par le diable et l’exorcise, Arthémia se fait alors baptiser, et Cyriaque est provisoirement épargné par Dioclétien. La même chose se produit avec la fille du roi de Perse, qui se fait baptiser avec son père et quatre cent trente de ses concitoyens. Vers 304, Cyriaque est arrêté alors que, de retour de Perse, il fait route de Brundisium (Brindisi) vers Rome. Cela se passe à Torre Le Nocelle près de Bénévent. Ramené à Rome, Cyriaque est soumis à plusieurs supplices (poix bouillante sur la tête, écartelé) avant d’être décapité. Tel est le patron de la cathédrale d’Ancône.

 

911b2 Ancona, duomo San Ciriaco

 

911b3 Ancona, duomo San Ciriaco

 

Ce bâtiment romano-gothique est en forme de croix grecque sous coupole centrale, mais selon certains chercheurs, l’édifice du neuvième siècle qui l’a précédé et sur les bases duquel il repose était en forme de croix latine. Je n’ai pas pu prendre de photos à l’intérieur, mais les colonnes sont récupérées du temple païen. C’est au sixième siècle qu’une église primitive dédiée à saint Laurent a remplacé le temple antique. Un violent séisme, puis les attaques des Sarrasins en 847-848 ont mis cette église au sol. C’est alors qu’a été construite l’église sur les bases de laquelle l’actuelle cathédrale a été édifiée. Les travaux ont été achevés soixante-et-onze ans après la consécration, en 1189.

 

Dans mon précédent article, j’ai évoqué le miracle de la Vierge de la cathédrale. Voici l’histoire. D’abord, la peinture. En 1615, le capitaine d’un navire vénitien est pris dans une tempête. Une vague emporte son fils. Il implore la Vierge, et son fils est sauvé. En remerciement, il offre un petit tableau de seulement 37x45 centimètres représentant la Madone les yeux baissés, presque fermés, et la tête inclinée sur l’épaule. Sur sa tête est représentée une couronne portant de véritables pierres précieuses. Près de trois cents ans passent. Nous sommes en 1796. Les troupes françaises menées par Bonaparte occupent l’Italie. Le pape est contraint d’accepter l’armistice de Bologne qui lui fait céder Ferrare, Bologne et Ancône, payer un énorme tribut de vingt-et-un millions de lires, livrer de nombreuses œuvres d’art et manuscrits. Apprenant que les Français arrivent, les Anconitains sont terrorisés et font, le 25 juin, une veillée de prière dans la cathédrale. Une veuve trentenaire, Francesca, commence à réciter les Sept Allégresses de la Vierge et quand elle lève les yeux vers le tableau elle voit que les yeux de Marie sont ouverts et qu’elle la regarde. Elle croit à une hallucination, tente de se concentrer sur sa prière, regarde de nouveau, et cette fois-ci la Vierge lui sourit. À ce moment-là, une petite Barbara âgée de dix ans s’écrie “La madone ouvre les yeux, elle rit!”. La foule alors s’approche et tout un chacun constate le miracle.

 

11 février 1797. Bonaparte est à Ancône. Il se moque du “miracle”, il demande à inspecter lui-même le tableau. Voyant la couronne de pierres précieuses, il dit vouloir la donner à une pauvre fille de l’hospice comme diadème de mariage mais, à peine a-t-il la couronne en mains que soudain il pâlit et, contre toute attente, demande à la remettre en place. Évidemment, les Anconitains attribuent ce revirement à une intervention de la Vierge. Telle est l’histoire du tableau miraculeux.

 

911c1 Ancona, duomo San Ciriaco

 

L’entrée, avec son porche gothique de Giorgio da Como daté des environs de 1228, est gardée par deux beaux lions stylophores (le mot signifie “porteurs de colonnes”). Car en ce début du treizième siècle, on a fait pivoter l’aménagement de quatre-vingt-dix degrés, la nef devenant le transept. C’est alors que d’un côté de l’ancien transept on a construit ce porche, et de l’autre côté une abside. Normalement, les églises chrétiennes sont orientées, c’est-à-dire que le chœur est tourné vers l’est. Or je regarde l’image sur Google Earth et je constate que l’abside est tournée vers le sud-est, mais ce n’était pas mieux auparavant puisque l’autel était au nord-est. En fait, c’est la configuration du sol qui a imposé la position de la croix, et la nouvelle disposition présente la façade à qui arrive par le port.

 

911c2 Ancona, duomo San Ciriaco

 

911c3 Ancona, duomo San Ciriaco

 

Jouant sur le marbre blanc-gris du Conero et le marbre rouge de Vérone, ce porche de Giorgio da Como est très beau. Il est décoré de divers symboles, comme sur ma première photo l’ange de saint Matthieu et le lion de saint Marc et d’animaux comme ces deux serpents entrelacés de ma deuxième photo.

 

911d1 Ancona, Santa Maria della Piazza

 

Venons-en à une autre superbe église ancienne, Santa Maria della Piazza. Ici s’élevait une église paléochrétienne mais au neuvième siècle un glissement de terrain l’a jetée à bas et a profondément modifié la structure du quartier.et le niveau de la ville. Après avoir été appelée Santa Maria del Canneto (de la roselière, parce que le quartier était marécageux) elle a été appelée Santa Maria del Mercato (du marché) en raison de son environnement selon les époques.

 

911d2 Ancona, Santa Maria della Piazza

 

911d3 Ancône, Santa Maria della Piazza

 

En 1690, un tremblement de terre a fait s’effondrer la partie supérieure de la façade, à la suite de quoi elle a été reconstruite avec une fenêtre rectangulaire sous laquelle on peut voir les deux lions de ma seconde photo. Quant aux bas-reliefs des niches aveugles de la façade, ils proviennent de Constantinople. En haut c’est un paon, à gauche l’archange Gabriel et à droite la Vierge orante. L’ensemble d'origine a été achevé en 1210.

 

911d4 Ancône, Santa Maria della Piazza

 

911d5 Ancona, Santa Maria della Piazza

 

911d6 Ancona, Santa Maria della Piazza

 

Le portail est dû, si l’on en croit la signature dans la pierre, à un certain Mastro Leonardo. C’est sous ma troisième photo que se lit la signature. J’ai beau regarder de près ma photo en taille et qualité originales, je vois bien des inscriptions mais je ne déchiffre pas ce nom. Peu importe, faisons confiance aux spécialistes d’épigraphie. Je ne suis pas capable non plus d’identifier les personnages représentés, ni d’interpréter la signification des animaux, mais ces sculptures, comme celles d’autres églises moyenâgeuses, sont évocatrices et amusantes.

 

911e1 Ancône, Sainte Marie de la Place

 

911e2 Ancône, Sainte Marie de la Place

 

Sur le flanc droit de l’église, au-dessus d’une porte, ce bas-relief de la Visitation est, paraît-il, postérieur à la façade, selon les études de style.

 

911f1 Ancône, Sainte Marie de la Place

 

911f2 Ancône, Sainte Marie de la Place

 

À l’intérieur, c’est une basilique à trois nefs, les deux nefs latérales étant très étroites. Les fresques quasiment effacées dont subsistent des traces sur les parties restantes de quelques murs dateraient de la basilique primitive antérieure à la destruction du neuvième siècle.

 

911f3 Ancône, Sainte Marie de la Place

 

Quant à la basilique paléochrétienne, une dalle de verre sur le sol du transept permet d’en voir les ruines mises au jour par les archéologues à partir de 1927. Ils ont aussi mis en évidence des travaux de terrassement des cinquième et quatrième siècles avant Jésus-Christ visant à consolider le terrain et quelques traces de travaux d’époque romaine.

 

Saint Augustin (354-430) est très postérieur au martyre de saint Étienne, premier proto-martyr, dont la lapidation avait été approuvée par saint Paul, pas encore converti et encore appelé Saul. Mais il raconte que saint Étienne (san Stefano) réalise de nombreux miracles à Ancône et que, lors de la lapidation, une pierre avait ricoché sur le martyr et était tombée aux pieds d’un marin qui, converti, l’avait pieusement ramassée et l’avait déposée, au cours d’un voyage, à Ancône. Or on sait qu’une église primitive aurait été édifiée en ce lieu après l’édit de Constantin autorisant le christianisme. Partant de là, certains chercheurs pensent que l’église paléochrétienne dont on voit les restes sous Santa Maria della Piazza serait celle-là même qui honorait saint Étienne, et divers indices, paraît-il, confirment cette thèse.

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2 août 2014 6 02 /08 /août /2014 09:00

910a vue générale du port d'Ancône

On ne vante pas suffisamment les mérites d’Ancône, considérée comme un port, un point c’est tout. Ôtez le point, ce n’est pas tout. Mes guides Michelin Vert d’Italie ne sont pas tout récents, les choses ont peut-être changé, mais alors que j’ai dans cette collection des titres tels que Florence et la Toscane, la Sicile, Puglia (en édition italienne), il n’en existe pas pour les Marches dont Ancône est la capitale. Pire, le guide Italie du nord s’arrête juste au nord des Marches, et le guide Italie du sud commence juste après. Et plus à l’ouest, les deux guides se rejoignent. Il n’y a que dans le guide Italie, qui couvre tout le pays, mais nécessairement de façon beaucoup plus succincte, que l’on peut trouver des articles sur Ancône, Lorette ou Recanati. Je ne comprends pas cet ostracisme. En trois articles, je vais tenter de donner un aperçu d’Ancône.  

 

910b1 statue de Trajan à Ancône

 

D’abord, c’est une ville ancienne, dont la fondation par des colons de Corinthe remonte aux alentours de 400 avant Jésus-Christ. C’est cette origine grecque qui lui vaut ce nom: ἀγκών (ankôn) désigne le coude, car telle est la forme de son promontoire, dit-on. J’ai beau bien regarder le plan de la ville, je ne vois pas de coude, mais je dois manquer d’imagination. Il est vrai qu’il y a une baie profonde, et que cela peut évoquer un bras replié… Au deuxième siècle avant Jésus-Christ, Ancône tombe sous la coupe de Rome, et devient colonie après la bataille de Philippes en 42 avant Jésus-Christ. L’empereur Trajan (98-117) a beaucoup fait pour améliorer et accélérer les transports, routes, ports. En même temps, il a voulu que l’Italie ait une place à part, prépondérante, parmi toutes les provinces de l’Empire, et c’est ainsi qu’à Ancône il a construit une digue au nord du port pour le sécuriser. Cette statue honore ce grand empereur.

 

910b2 Ancône, arc de Trajan

 

910b3 Ancona, Arc de Trajan

 

910b4 Ancône, Arc de Trajan

 

910b5 Ancône, Arc de Trajan

 

Mais c’est surtout cet arc qui l’honore. L’Arc de Trajan a été édifié en 115 à l’extrémité du môle par les habitants de la ville sur les plans et sous la direction d’Apollodore de Damas, pour manifester leur reconnaissance. C’est un superbe monument en marbre de Paros (comme l’Hermès de Praxitèle à Olympie ou la Vénus de Milo au Louvre) sur un haut socle de calcaire du Conero, cette région toute voisine que j’ai évoquée dans mon précédent article. À l’origine, il était surmonté d’une statue équestre de Trajan en bronze, aujourd’hui disparue.

 

910b6 Ancône antique

 

Il n’y a pas, à Ancône, de grand site archéologique à visiter, mais les fouilles ont mis au jour, ici ou là, différentes structures que l’on découvre au hasard des promenades.

 

910b7 Ancona, l'amphithéâtre romain

 

Par exemple, l’amphithéâtre, en cours de fouilles. Il est antérieur à l’Arc de Trajan, puisqu’il remonte à l’époque d’Auguste (à cheval sur les deux ères). La disposition des ruines fait qu’il est difficile d’en comprendre le plan car il a connu, au cours du temps, des modifications qui ont changé sa structure et son usage. Puis il a été abandonné en tant que tel vers le sixième siècle, il a servi de fortification à la ville, puis on y a puisé des matériaux de construction, et il a finalement été recouvert jusqu’à ce que, en 1810, l’abbé Antonio Leoni, qui se passionne pour les antiquités d’Ancône, rende visite au comte Girolamo Bonarelli qui se demandait ce que pouvait bien être un fragment de voûte et un bout d’enceinte elliptique dans sa cave. “C’est un amphithéâtre, ce sont des arènes superbes!”, s’est exclamé l’abbé. Il a fallu attendre 1930 pour que commencent les expropriations, mais ensuite les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale ont –c’est terrible à dire– aidé à faire place nette pour les fouilles et c’est enfin le tremblement de terre de 1972 qui a fait partir les derniers occupants. C’était une grande structure de 93x74 mètres dont l’arène faisait 52x35 mètres. Il pouvait accueillir entre sept et huit mille spectateurs.

 

910b8a Ancône, le port romain

 

910b8b Ancône, le port romain

 

Ici, c’est le port antique. On devait construire un bâtiment de parking à plusieurs étages mais, en creusant les fondations avec des pelleteuses mécaniques on est tombé sur des structures antiques que l’on a très rapidement identifiées comme le complexe portuaire romain. Il comportait tous les équipements, arsenaux, magasins, citernes, et l’on a retrouvé des fragments de la voie qui menait aux quais, équipée de trottoirs et de conduites d’eau.

 

910b9 Ancône, maison du capitaine du port (13e s.)

 

Le port romain a continué de fonctionner à l’époque byzantine. Ci-dessus, on voit la maison du capitaine du port, qui date du treizième siècle. Plus tard, quand la ville va connaître un renouveau de son activité et de son lustre, on va créer de nouvelles installations et abandonner le complexe romain.

 

910c1a Ancône, murs du port (14e s. puis 16e, 18e, 19e)

 

910c1b Ancône, murs du port (14e s. puis 16e, 18e, 19e)

 

Au quatorzième siècle, pour le nouveau port, on construit ces hauts et forts murs. En fait, leur aspect actuel est un peu différent, car ils ont été remodelés et réparés aux seizième, puis dix-huitième et dix-neuvième siècles.

 

C’est cette ville de la Renaissance qu’a vue Montaigne et qu’il décrit brièvement dans son Journal de voyage en Italie (1580-1581). “C’est la maîtresse ville de la Marque [les Marches]: la Marque était aux Latins Picenum. Elle est fort peuplée et notamment de Grecs, Turcs, et Esclavons [Slaves], fort marchande, bien bâtie; côtoyée de deux grandes buttes qui se jettent dans la mer, en l’une desquelles est un grand fort par où nous arrivâmes. En l’autre qui est fort voisin, il y a une église entre ces deux buttes, et sur les pendants d’icelles, tant d’une part que d’autre, est plantée cette ville: mais le principal est assis au fond du vallon et le long de la mer, où est un très beau port, où il se voit encore un grand arc à l’honneur de l’Empereur Trajan, de sa femme, et de sa sœur. […] Cette contrée est pleine de chiens couchants excellents, et pour six écus il s’y en trouverait à vendre. Il ne fut jamais tant mangé de cailles, mais bien maigres. […] Nous avérâmes que les cailles passent deçà de la Sclavonie à grande foison, et que toutes les nuits on tend des rets au bord de deçà et les appelle-t-on à tout cette leur voix contrefaite, et les rappelle-t-on du haut de l’air où elles sont sur leur passage; et disent que sur le mois de Septembre elles repassent la mer en Sclavonie. […] Les femmes sont ici communément belles, et plusieurs hommes honnêtes et bons artisans. Après dîner, nous suivîmes la rive de la mer qui est plus douce et aisée que la nôtre de l’Océan, et cultivée jusque tout joignant de l’eau”.

 

910c2a Ancona, une petite place

 

910c2b une place à Ancône

 

910c2c une place à Ancône

 

Il existe, bien sûr, la ville nouvelle, très vaste, mais la ville ancienne est pleine de charme. Témoin cette petite place toute close avec de belles arcades sur l’un de ses côtés et une porte ogivale, comme les arcades. On voit, sur la première de mes photos, sur quel mur j’ai trouvé ce bas-relief d’un cavalier.

 

910c3 Petite rue à Ancône

 

Comme dans toute ville ancienne, il y a des ruelles étroites bordées de beaux immeubles, et qui ne suivent pas des lignes droites. Certes, le plan hippodaméen a des avantages, avec ses larges rues qui se coupent à angle droit, mais en bordure de mer cela crée de merveilleux couloirs pour le vent. Par ailleurs, dans ces ruelles on est remarquablement protégé des rayons du soleil.

 

910c4 Ancona, Torre Civica


910c5 Ancône, palais du Gouvernement (15e s.)

 

910c6a Ancona, casa di Domenico Schelini e di Albina Sartin

 

910c6b Ancona, ''La Giovine Italia''

 

Nous voici sur une grande place où s’élève la Torre Civica du quatorzième siècle mais elle a été reconstruite en 1581. On lui ajoute son horloge en 1611, et un carillon de quatre cloches en 1806. À la gauche, c’est le palais du gouvernement, qui date, pour son premier état, de 1381 pour héberger le conseil municipal (ci-dessous, voir le Palazzo degli Anziani). Au quinzième siècle, il a été agrandi en 1418, il a englobé la Torre Civica en 1450, il a enfin été redessiné en 1484. Quand, en 1532, la ville tombe dans les possessions pontificales, le pouvoir étant transféré à Rome, ce palais devient le siège du gouverneur apostolique, siège qui devra subir des travaux de réhabilitation après le violent tremblement de terre de 1690. À la gauche, c’est un bâtiment d’habitation, mais qui garde des souvenirs historiques. En effet, comme le dit la plaque apposée sur le mur à côté de la porte, “au premier étage avec balcon”, c’était en 1832 l’appartement de Domenico Schelini et Albina Sartini lorsque le premier mars s’est créée et a établi son siège la section d’Ancône de “La Jeune Italie”. L’année précédente, Mazzini (dont j’ai décrit le parcours dans mon article intitulé Thermes de Caracalla, Santa Sabina, Sant’Alessio et daté du 14 janvier 2010) s’était exilé en France, à Marseille, et y avait fondé ce mouvement pour unifier l’Italie par la diplomatie plutôt que par la violence. Il déclarait alors “la patrie d’un Italien n’est ni Rome, ni Florence ou Milan, mais l’Italie tout entière”. Louis-Philippe, ne voulant pas s’embarrasser d’un agitateur étranger, l’avait fait poursuivre, l’obligeant à aller se réfugier ailleurs, en Suisse puis en Angleterre. Mais son mouvement a vu naître un peu partout des sections locales, comme celle-ci.

 

910d1 Ancône, palais du Sénat, façade 13e siècle

 

910d2 Ancône, palais du Sénat, façade 13e siècle

 

910d3 Ancône, palais du Sénat, façade 13e siècle

 

Puisque nous en sommes aux grands palais anconitains, voici celui du sénat avec sa belle façade du treizième siècle dont, au deuxième étage, chaque fenêtre est surmontée d’une sculpture. En général, en Italie comme ailleurs, “l’étage noble” (et nous venons d’en voir un exemple chez Domenico Schelini et Albina Sartini) est le premier étage, mais ici avec des ouvertures semblables au premier et au second c’est le second qui est décoré. Il est vrai que ce n’est pas un palais de propriétaires, qui se réservent leurs appartements privés au premier étage.

 

910d4 Ancona, palazzo Benincasa (15e s.)

 

Encore une très belle façade pour ce palazzo Benincasa, du quinzième siècle, situé dans une petite rue où les beaux palais abondent.

 

910d5a loggia dei Mercanti, Ancona

 

910d5b loggia dei Mercanti, Ancona

 

910d5c loggia dei Mercanti, Ancona

 

Juste mitoyen de ce palais Benincasa on trouve la superbe Loggia dei Mercanti (Loggia des Marchands) réalisée entre 1451 et 1459 par Giorgio da Sebenico. C’est au Museo della Città –dont je rendrai compte dans un prochain article– que j’ai pris ma photo de la façade. Les conditions d’éclairage étaient destinées à l’examen à l’œil nu, pas à la photo sans flash, et je n’ai pas été capable de faire mieux, mais comme, dans la rue, le recul était très insuffisant je me rabats sur mon exécrable photo de l’élévation, et sur deux détails. Au milieu de la façade, ce cavalier en ronde-bosse armé d’une épée est le symbole de la cité. Autour de lui, quatre statues de femmes représentent l’Espérance, la Force, la Justice et la Charité. Celle que je montre, nue et entourée d’Amours ailés, ne peut être que la dernière citée.

 

910d6a Ancona, palazzo degli Anziani

 

910d6b Ancona, palazzo degli Anziani

 

910d6c Ancona, palazzo degli Anziani

 

Encore un palais, le Palazzo degli Anziani (palais des Anciens). On dit que ce serait l’impératrice Galla Placida (392-450) qui aurait fait construire ici en 425 un premier bâtiment municipal détruit par les Sarrasins en 839. Dans le nouveau bâtiment, lorsqu’au onzième siècle la ville a obtenu le statut de République d’Ancône, se réunissait le Conseil des Anciens qui dirigeait la ville sous la forme d’une république, d’où ce nom de Palais des Anciens, qu’il a conservé quand, en 1270, Margaritone d’Arezzo l’a reconstruit pour en faire le siège du Conseil Communal. Mais voilà qu’en 1348 un incendie l’endommage gravement, et comme je le disais tout à l’heure, on transfère le pouvoir communal au nouveau Palazzo del Governo. Lorsque la ville est tombée dans le giron des États de l’Église, le pouvoir pontifical a décidé de réhabiliter les bâtiments. Les travaux ont été menés de 1564 à 1571, d’où est sortie une façade remodelée. Il a alors retrouvé sa fonction de siège de l’administration communale, pour laquelle il avait été construit à l’origine, et n’a, depuis, cessé de remplir cette fonction que pendant 65 ans, de 1945 à 2011, années pendant lesquelles il a accueilli une pinacothèque, puis une faculté de l’Université des Marches. Le voilà redevenu mairie et siège du Conseil Municipal.

 

910e Ancône, Teatro delle Muse

 

910f1 Ancona, Palazzo Ferretti (16e s.), musée archéol

 

Rapidement encore deux images. Il Teatro delle Muse, qui est le théâtre municipal, nous présente sa façade néoclassique de 1826. Hélas, les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale l’ont presque entièrement détruit. Cette façade a pu être reconstituée, mais à l’intérieur il a été l’objet d’une nouvelle création, et n’a pu reprendre ses fonctions qu’en 2002.

 

Cette belle tête sculptée orne la porte du palazzo Ferretti qui date du seizième siècle et a été agrandi au dix-huitième, avec une façade remodelée par Vanvitelli. Il héberge le musée archéologique. Mais alors que nulle part ailleurs –ou presque– la photo n’est interdite dans ce type de musées, ici elle est formellement prohibée. Sans même parler de rédiger un blog, essayez donc de vous rappeler tous les objets vus, accompagnés des explications données, au bout d’un mois! Et je ne dis pas au bout d’un an ou deux... Je ne parlerai donc pas de ce que nous y avons vu.

 

    910f2 Ancône, môle Vanvitelli, début 18e siècle

 

    910f3 Ancône, môle Vanvitelli, début 18e siècle 

 

    910f4 Ancône, môle Vanvitelli, début 18e siècle 

 

    910f5 Ancône, môle Vanvitelli, début 18e siècle

 

Au début du dix-huitième siècle, Ancône connaît un grand développement, que dope la décision du pape Clément XII (1730-1740) de lui accorder le statut de port franc. Mais il convient dès lors de réaménager le port en conséquence. Clément XII charge l’architecte Vanvitelli, qui deviendra célèbre quand, plus tard, il construira le palais royal de Caserte, de le remodeler complètement en construisant un nouveau môle. En réalité, ce môle est une île artificielle pentagonale de vingt mille mètres carrés sur laquelle l’architecte a construit un lazzaretto, c’est-à-dire une léproserie, qui se trouvait ainsi isolée de la ville. La structure accueillait également les arrivants qui devaient subir une quarantaine. En tant que môle, les bâtiments comportaient aussi des magasins pour stocker les marchandises. Et comme il ne s’agissait pas seulement d’améliorer l’accès portuaire et de briser les vagues mais aussi de le protéger contre les attaques éventuelles, la construction a l’apparence extérieure et les fonctions d’une forteresse. Au centre de la cour s’élève un petit temple néoclassique dédié à saint Roch (San Rocco) dans lequel se trouvent trois puits permettant d’alimenter le môle et la léproserie en eau douce. Les travaux vont durer dix ans, de 1733 à 1743.

 

En 1796, voyant la progression des Français en Italie, les habitants étaient allés le 25 juin prier dans la cathédrale San Ciriaco quand ils ont vu les yeux de la Vierge bouger, sur une peinture (tous les détails dans mon prochain article). Après un tel prodige, ils n’ont pas été étonnés que l’année suivante les Français proclament la République d’Ancône, jointe en 1798 à la République Romaine. En 1799, les Autrichiens assiègent la ville et, au bout de six mois, les Français capitulent.

 

En 1918, une soixantaine de saboteurs de la marine des Habsbourg arrivent discrètement de nuit à Ancône et débarquent au nord de la ville. Parmi eux, plusieurs sont originaires d’Istrie (péninsule au sud de Trieste dont une grande partie, qui a longtemps appartenu à la République de Venise, est italophone), et donc parlent italien. Leur mission: couler les navires italiens dans le port. L’obscurité leur évite de se faire remarquer, et pour franchir les contrôles leur parler italien leur permet de tromper l’ennemi. Mais arrivés à hauteur du môle de Vanvitelli, deux policiers de la Guardia di Finanza nommés Grassi et Maganuco les arrêtent. La Guardia di Finanza, c’est un corps de police chargé de la douane et de la lutte contre la fraude, l’immigration, la contrebande, etc. Les saboteurs blessent et neutralisent Grassi, mais Maganuco parvient à donner l’alarme. Arrive alors une patrouille de carabiniers qui arraisonne le groupe d’Autrichiens.

 

    910f6a Ancône, sculpture moderne, môle Vanvitelli

 

    910f6b Ancône, sculpture moderne, môle Vanvitelli

 

Aujourd’hui, la Municipalité a acquis les lieux et, depuis qu’elle en est propriétaire, elle a décidé que ce que l’on avait toujours appelé le lazzaretto  serait désormais désigné du nom de Môle de Vanvitelli (Mole Vanvitelliana). Elle y a installé un musée tactile (Museo Omero), du nom du poète Homère qui, dit-on, était aveugle (cf. la règle de grammaire latine connue de tous les apprentis latinistes de ma génération qui ont utilisé la célèbre grammaire de Petitmangin, dont l’exemple était Dicunt Homerum caecum fuisse, On dit qu’Homère était aveugle). Elle y accueille aussi des expositions temporaires. Dans la cour, on peut ainsi voir ces sculptures modernes qui représentent l’envol d’oiseaux enchaînés.

 

    910f7 Ancona, Arco Clementino (Clément XII) 

 

Cet arc, c’est l’Arco Clementino derrière lequel on aperçoit l’arc de Trajan. Ce nom de Clementino est bien sûr celui du pape Clément XII, qui a voulu embellir l’accès portuaire de la ville en même temps qu’il l’améliorait. Aussi a-t-il demandé à Vanvitelli de construire cet arc comme porte d’accès. Dans Wikipédia italien, je trouve quelque chose de très bizarre: “A causa della morte del Vanvitelli l'arco rimase incompleto; successivamente l'opera fu ripresa per volere di papa Benedetto XIV e venne affidata all'architetto Filippo Marchionni, che completò anche il molo nuovo” (du fait de la mort de Vanvitelli, l’arc est resté inachevé; par la suite les travaux ont été repris, sur la décision du pape Benoît XIV et ont été confiés à l’architecte Filippo Marchionni). Mais Benoît XIV (1740-1758), successeur de Clément XII, est mort bien avant Vanvitelli (1770)  et les travaux étaient terminés depuis longtemps. L’auteur de cet article de Wikipédia italien a clairement confondu l’Arco Clementino et la Porta Pia.

 

    910f8a Ancône, Porta Pia (18e s.) 

 

    910f8b Ancône, Porta Pia (1787-1789) 

 

La Porta Pia est un autre arc, construit effectivement par Filippo Marchionni, mais de 1787 à 1789. Son nom est celui du pape Pie VI qui en a décidé la construction. Pendant les quelques années d’occupation française de la ville, le blason du pape a été buriné.

 

Je n’ai pas montré d’églises dans cette évocation d’Ancône. Ce sera pour mon prochain article, qui leur sera consacré.  

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31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 09:00

909a Départ d'Igoumenitsa pour l'Italie par ferry

 

Nous quittons la Grèce pour quelques mois. Heureux de revoir famille et amis, et ce n’est pas un pensum de traverser cette Italie que nous aimons, mais nous ne pouvons nous empêcher de ressentir un petit pinçon au cœur en quittant la terre grecque. Nous sommes revenus en trombe d’Arta vers Igoumenitsa pour ne pas manquer notre ferry qui lève l’ancre à 23h59. Drôle d’heure. Je suppose (mais personne n’a confirmé ni infirmé mon hypothèse) que, venant de Patras le soir, il devrait acquitter les droits de port sur deux jours s’il ne repartait pas avant minuit. Et il est parti très ponctuellement une toute petite minute avant minuit.

 

909b sur le ferry, les allusions à l'Antiquité grecque

 

La compagnie de ferries Minoan ainsi appelée parce qu’elle dessert la Crète du roi mythologique Minos, a été rachetée par le groupe italien Grimaldi, ce qui explique l’ouverture de cette ligne, mais à bord tout le personnel grec a été gardé, et comme on le voit les lieux sur le navire portent des noms liés à la mythologie grecque.

 

909c1 ferry Minoan, cabine intérieure

 

909c2 ferry Minoan, cabine intérieure

 

909c3 ferry Minoan, cabine intérieure

 

Je vais me livrer ici à un peu de publicité gratuite en vantant cette traversée avec le tarif “Camping à bord”. On paie le passage du camping-car au tarif camionnette, et le billet des passagers au tarif “pont”. Cela donne droit à la connexion électrique 240 volts du camping-car, et à une cabine intérieure double. Certes elle est petite, elle est intérieure donc sans hublot ni aération, mais on a un lit pour passer la nuit, une douche pour commencer la journée, en ne payant que comme si on restait debout accoudé au bastingage. Et j’ajoute que l’on a droit à un repas gratuit par personne au self-service. J’ignore si ces services valables dans le catalogue 2013 de la compagnie seront maintenus en 2014 et années suivantes, mais c’est très avantageux. Le ferry que l’on prend à Igoumenitsa à 23h59 est parti de Patras à 18 heures, il arrive à Ancône à 17 heures le lendemain et il poursuit jusqu’à Trieste, où il arrive dans la nuit à 1h30. Or quel que soit le port de départ et quel que soit le port d’arrivée, le tarif est unique, le trajet le plus long est au même prix que le trajet le plus court.

 

909d1 en route d'Igoumenitsa vers Ancône

 

909d2 On aperçoit la côte italienne

 

909d3 dans les eaux territoriales italiennes, le pavillon

 

Malgré le plaisir que nous avons à naviguer, nous avons méprisé l’économie de gazole et de péages d’autoroutes que représentait le trajet jusqu’à Trieste, parce que lors de notre voyage en camping-car à l’aller, en 2010, nous avions suivi la côte Tyrrhénienne, à l’ouest, et nous avions envie de voir la côte Adriatique de l’Italie. Lorsque l’on a vu la côte de loin, on a compris que l’on était entré dans les eaux territoriales italiennes, et le pavillon national a été hissé.

 

909e En approchant d'Ancône

 

Continuant de longer la côte, nous nous en sommes de plus en plus rapprochés, ce qui voulait dire que nous approchions d’Ancône. Mon appareil a daté cette photo 17h49. Bon sang, j’ai oublié de le retarder d’une heure puisque nous arrivons dans le fuseau horaire de l’Europe occidentale. Il est donc 16h49, nous serons à quai dans quelques minutes.

 

909f1 église Santa Maria di Portonovo

 

909f2 église Santa Maria di Portonovo

 

Descendant du ferry le 12 avril, nous jetons un très rapide coup d’œil sur Ancône, et nous mettons en quête d’un endroit où nous établir pour passer la nuit. Le 13 au matin, nous regardons autour de nous et, tout près, voyons cette très belle église Santa Maria di Portonovo. On ne visite pas, parce qu’elle est en travaux, et le budget affiché qui dépasse les cent quatre-vingt-trois mille euros laisse penser qu’il y a pas mal à faire. Date prévue de fin des travaux, 11 septembre 2013. Vu la date à laquelle je publie, c’est sûrement fini depuis longtemps, même si les travaux ont pris un peu de retard, comme cela arrive fréquemment.

 

909g1 Monte dei Corvi (Conero, Italie)

 

909g2 Monte dei Corvi (Conero, Italie)

 

909h Pin d'Alep au Monte dei Corvi

 

Retournant dans la matinée vers Ancône, nous nous arrêtons quelques instants sur le bord de la route pour admirer le paysage. Nous sommes dans une réserve naturelle du Parc Régional du Conero. De grands panneaux commentent le Monte dei Corvi. On explique que cette falaise est de formation récente en marne et sable, qu’elle est friable et aisée à éroder, ce qui provoque de fréquents petits éboulements, et fait que la végétation est au ras du sol à part quelques petits arbustes. Juste au niveau de la mer, nous voyons une longue ligne droite qui affleure et laisse penser à un ancien môle immergé. Il n’en est rien, c’est au contraire une formation à cent pour cent naturelle, une ligne rocheuse que les mouvements tectoniques ont fait monter sans la briser. Une mention spéciale concerne le pin d’Alep, fréquent sur les rivages méditerranéens, mais ici il n’est autochtone que le long de la côte, et les reboisements des années 1930 l’ont fait se développer un peu plus loin que la ligne côtière. De longues et intéressantes explications sur la composition du sol, ainsi qu’un graphique des nombreuses couches qui le composent font appeler la région le “Musée géologique diffus du Parc du Conero”. Nous n’avons pas eu le temps de nous promener à pied afin que je puisse prendre les photos nécessaires montrant sur le flanc de la falaise chacune de ces strates. Il est donc inintéressant que je raconte tout cela si je ne peux le montrer.

 

Je n’ai voulu, ici, parler que de notre voyage de Grèce à Ancône. Le lieu où nous avons passé la nuit et le trajet de retour vers Ancône s’y rattachent, mais mes articles suivants seront plus ciblés, comme d’habitude.

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29 juillet 2014 2 29 /07 /juillet /2014 09:00

907a1 Musée archéologique d'Arta

 

907a2 presse à olives (huile), musée d'Arta

 

Avant de quitter Arta, une visite à son beau musée archéologique s’impose. Il est tout moderne, construit en 2006, et ouvert au public depuis 2008, il comprend cinq cents mètres carrés d’exposition, sans compter les laboratoires, les réserves, etc. Mais avant d’entrer, nous nous arrêtons déjà à l’extérieur, devant ces tombes (première photo) ou cette presse à huile d’olive (seconde photo).

 

907a3 siège romain de 189 (Marcus Fulvius Nobilior)

 

Bien triste témoignage de la brutalité du siège romain de 189, ces énormes boulets de pierre ont été retrouvés sur le site. Comme, bien évidemment, il n’existait pas de canons, on voit quelle était la puissance de ces engins militaires à propulsion sans poudre.

 

907a4 Deux monnaies d'Ambracie, une de Leucade

 

On a également retrouvé des pièces de monnaie. C’est ce qui, bien souvent, permet d’identifier avec certitude une ville lorsque l’on sait qu’elle frappait sa monnaie, et de connaître les villes avec lesquelles elle commerçait. Ici, ce sont deux pièces d’Ambracie et à droite une pièce de la voisine île de Leucade.

 

907b1 tuile d'Arta marquée ''Ambr[akia]''

 

907b2 tuile d'Arta marquée ''Polios'' (=Poleôs)

 

907b3 tuile d'Arta marquée ''epi Deinonos''

 

907b4 tuile d'Arta au nom du patron céramiste

 

On a retrouvé un très grand nombre de tuiles brisées. Ces tuiles portaient un sceau marqué avant cuisson, et ces inscriptions sont révélatrices. Ainsi les tuiles des deux premières photos ci-dessus proviennent d’édifices publics. En effet, sur la première, de part et d’autre d’une tour qui est le symbole de la ville (appelé le Baitylon), on lit les quatre lettres AMBR ce qui, c’est clair, doit être interprété comme Ambr[akia]. La seconde porte, autour du même symbole, l’inscription Polios qui, dans le dialecte attique, à Athènes, serait Poleôs, “de la ville” (génitif singulier du mot “ville”). La troisième porte “Épi Deinônos”, ce nom de Deinôn précédé de la préposition épi indique le nom d’un chef, d’un responsable politique comme, sur une plaque commémorative de nos jours on voit l’inscription “X étant maire et Y étant député”. Mais quelle fonction politique, quel titre mettre dessus, on ne le sait pas.

 

Aristote avait décrit en détails et analysé la constitution d’Ambrakia. Hélas, on a perdu cette exceptionnelle source de renseignements sur un système démocratique institué avant celui que Clisthène a introduit à Athènes en 508 et qui est incarné pour la postérité dans la personne de Périclès (495-429). C’est le malheureux sort subi par bien des documents antiques. Ce que l’on sait, c’est par quelques mots gravés ici ou là, sur une stèle, sur un mur, dans un texte de loi.  Le conseil (en grec boulè, mot qui aujourd’hui désigne le sénat), est l’organe exécutif, tandis que l’ecclésia ou assemblée du peuple est l’organe législatif, l’organe qui décide des grandes orientations politiques. Mais il y a aussi des mots, des titres, qui correspondent à des fonctions que l’on ne sait pas exactement définir, ce sont les grammatistes, les prytanes, les symprytanes, l’archonte, le basileus (=roi?), le stratège. Le personnage nommé Deinôn sur la troisième photo exerce donc probablement l’une de ces trois dernières fonctions puisqu’elles sont au singulier, alors que les trois premières sont au pluriel.

 

Enfin, une quatrième tuile porte un nom qui n’est pas précédé d’une préposition. C’est soit le nom d’un personnage officiel, soit plus probablement le nom du propriétaire de la fabrique de tuiles. Autrement dit la marque, comme une voiture porte le nom de Peugeot ou une boîte de petits pois celui de Bonduelle.

 

907b5 tuile du petit théâtre d'Ambrakia (Arta)

 

907b6 tuile du temple d'Apollon à Ambracie (5e s. avant JC

 

Si certains fragments de tuiles présentent des inscriptions qu’il est intéressant de décoder, d’autres sont infiniment plus esthétiques, comme celle de ma première photo ci-dessus qui provient du petit théâtre, ou la seconde qui provient du temple d’Apollon.

 

907c1 hydrie bronze, 5e s. avant JC

 

907c2a urne funéraire (3e s. avant JC)

 

907c2b urne funéraire (3e s. avant JC)

 

Les rites funéraires. Comme ailleurs, on trouve des ensevelissements et des crémations. Cela dépend de l’époque. Dans le cas de la crémation, les cendres sont ensuite collectées dans un récipient qui peut avoir servi à d’autres usages, comme cette hydrie de bronze dont je montre la décoration à la base de la poignée, ou comme cette urne funéraire de terre cuite.

 

907c3 couvercle en plomb d'urne funéraire (3e s. avt JC)

 

L’ouverture de ces récipients était ensuite fermée avec un couvercle qui pouvait être de terre cuite ou, comme ici, en plomb. On voit que le nom de la défunte a été gravé sur ce couvercle: ΣΩΤΙΑ ΦΙΛΙΣΤΙΩΝ[ΟΣ], Sôtia [fille de] Philistion.

 

907c4 adulte 30-40 ans (2e s. avant JC)

 

907c5a tombe d'un musicien avec deux carapaces de tortues

 

907c5b carapaces de tortues, caisses de résonance de lyre

 

Ici, en revanche, les défunts ont été enterrés. Les experts médicaux sont appelés à effectuer des analyses lorsque les archéologues mettent au jour des restes humains. Ces experts ont diagnostiqué ici le corps d’un adulte entre trente et quarante ans. Pour définir la date de la tombe –celle-ci est du deuxième siècle avant Jésus-Christ–, les archéologues examinent les présents enterrés avec le corps, et c’est à partir de leur datation qu’ils peuvent également dater l’enterrement. Le second mort a été enterré avec entre les jambes deux carapaces de tortues. Cela, c’est une riche information sur la personne.

 

907c6 instruments de musique

 

En effet, la carapace de tortue était utilisée pour faire caisse de résonance sur les lyres. Le panneau ci-dessus montre quelques instruments de musique. Donc, bien sûr, au centre une lyre, mais aussi une flûte, de petites cymbales (en bas à gauche), des sistres (en haut à gauche) qui ont joué un rôle dans les cérémonies religieuses en l’honneur de la déesse Isis.

 

Arta maintenait une réputation musicale. Les noms du citharède Xénocrate et du flûtiste Nicoclas sont parvenus jusqu’à nous. Mais le plus célèbre des musiciens d’Ambracie était Épigone, inventeur d’un instrument qui porte son nom, l’épigoneion, sorte de cithare à quarante cordes que l’on faisait reposer sur ses genoux, et dont on jouait directement avec les doigts, comme avec une guitare. C’était totalement inédit, car jusqu’à lui on avait toujours utilisé un plectre, petite plaquette pincée entre le pouce et l’index dont on fait résonner les cordes de l’instrument.

 

907d1 bracelet en or, 3e quart du 2e siècle avant JC

 

907d2 bijou hellénistique

 

Le musée, ici, ne donne pas de description de chaque objet, mais seulement, pour des groupes d’entre eux, l’indication de la date de la tombe où ils ont été trouvés, le troisième quart du deuxième siècle avant Jésus-Christ pour ce bracelet en or. Mais j’avoue me demander quels sont ces objets, datés de l’époque hellénistique, sur la deuxième photo. Ils semblent bien lourds pour être des boucles d’oreilles. Je les présente quand même parce que je trouve jolies les représentations, à droite un scarabée et à gauche un personnage ailé, je ne vois pas bien si c’est un Cupidon, ou si ce qu’il porte dans la main est une couronne, auquel cas ce serait plutôt une Nikè (une victoire).

 

907e1 Poupées articulées grecques antiques

 

Dans les tombes d’enfants il est très fréquent de trouver des jouets qu’ils ont particulièrement aimés. Pour les petites filles il y a souvent des poupées articulées.

 

907e2 pierre de jeu hellénistique, genre d'échecs

 

907e3 jeu hellénistique, genre échecs

 

907e4 jeu genre échecs, époque hellénistique

 

Mais puisque je parle de jeux, et quoique celui-ci n’ait pas été trouvé dans une tombe mais sur le sol d’une maison, je ne peux manquer de montrer cette sorte de jeu d’échecs gravé dans la pierre et comportant vingt-huit cases (sept sur quatre). Intelligemment, le musée présente une illustration. C’est agréable pour le visiteur adulte, et cela donne vie à l’Antiquité pour le jeune visiteur qui, parfois, est contraint de suivre ses parents sans bien comprendre ce qu’il voit. C’est de la même façon que les élèves du professeur de grec ancien qui “sacrifie” une partie de son temps de classe au récit d’épisodes de la mythologie, à la projection d’images comme celle-ci, progressent finalement plus vite dans leur connaissance de la langue que les élèves de son collègue qui croit de son devoir de ne pas “perdre” de temps et de faire crouler ses élèves sous l’étude de la grammaire grecque, de l’usage de l’aoriste et de l’optatif oblique. Notions nécessaires (je me dois quand même de le préciser pour les non hellénistes), mais qui passent infiniment mieux enrobées de sauce de civilisation, d’histoire et de mythologie. Cela, c’était la minute du pédago à la retraite.

 

907f1 plan de maison d'Ambracie (selon le musée)

 

À l’appui des explications, le musée propose également un plan de maison d’Ambracie que j’ai juste rendu plus net que sur ma photo et dont j’ai remplacé les légendes bilingues grec anglais par des légendes en français. Les rues se coupent à angle droit et à l’intérieur de chaque bloc les maisons font environ 15x15m. sans grandes différences de taille de l’une à l’autre. Leur entrée est orientée vers le sud. Sur des fondations de pierre s’élèvent des murs de brique. Le sol des pièces est soit en terre battue, soit en galets, rarement en mosaïque. Au début, les maisons ne comportaient que deux ou trois pièces mais, à partir du quatrième siècle avant Jésus-Christ on a eu tendance à en rajouter, sans toutefois toucher aux dimensions des maisons: on prenait sur la surface de la cour.

 

La pièce à vivre est celle qui est appelée cuisine sur le plan. Au centre, ou rarement dans un angle, se trouve le foyer, source de chaleur et de lumière, et sur lequel on cuisine. On y fait quotidiennement des libations offertes à Hestia, la divinité du foyer. Par ailleurs, comme on le voit, les femmes ont une pièce où elles résident. Mais il ne faut surtout pas les imaginer reléguées là, car comme le dit Ménandre (vers 343-vers 292), auteur de comédies, “Γυνή δέ χρηστή πηδάλιον ἐστ’οἰκίας”, ce qui signifie “Une femme de valeur est le gouvernail de la maison”.

 

907f2 périrrhanterion hellénistique (usages divers)

 

Comme le montre l’image offerte par le musée, cet objet est le pied en marbre d’une vasque appelée périrrhantérion, que l’on a trouvée dans une maison privée d’Ambracie. Chaque maison disposait de ce type de bassin, qui servait à divers usages, toilette, lavage du linge, et aussi pour les ablutions rituelles des mains avant les célébrations religieuses domestiques.

 

907f3a baignoire de terre cuite (musée d'Arta)

 

907f3b selon le musée d'Arta, la baignoire antique

 

Toutes les maisons disposent d’une pièce avec arrivée d’eau et évacuation directe vers l’égout. À Rome, on fait ses besoins dans des latrines publiques, aligné sur une plaque de marbre, mais à Ambracie, plusieurs siècles avant l’époque classique romaine, chaque maison a ainsi ses toilettes privées. C’est aussi dans cette pièce que l’on peut faire une toilette complète, mais en général dans un simple baquet. Ce n’est que dans les maisons plus riches et plus confortables que l’on trouve des baignoires de terre cuite comme celle de ma photo. Elles sont du type baignoire-sabot, avec un petit bassin pour les pieds.

 

907f4 mosaïque de sol, musée d'Arta

 

Je disais tout à l’heure que les sols de mosaïque étaient rares, mais on en a cependant retrouvé quelques-uns, comme celui-ci que présente le musée.

 

907f5 Meule domestique, musée d'Arta

 

907f6 Mortier, musée d'Arta

 

On stocke le blé, comme d’autres graines, l’huile d’olive, le vin, etc. dans les pièces qui jouxtent la cuisine pièce à vivre avec le foyer. Afin que la farine destinée au pain soit toujours fraîche, on moud quotidiennement la quantité de blé nécessaire pour la consommation de la journée, pas plus. Aussi doit-on disposer à la maison d’une petite meule domestique comme celle de ma première photo ci-dessus. Petite, mais néanmoins déjà très lourde, or c’est à la main qu’il fallait la faire tourner autour de son axe, au moyen de poignées passées dans les trous près de l’extérieur du disque. Et ma deuxième photo montre un mortier, permettant d’autres opérations pour piler différents aliments.

 

907g1 musée archéologique d'Arta

 

907g2 au musée archéologique d'Arta, une lopas

 

907g3 accessoire de cuisine, 2e moitié 4e siècle

 

Les ustensiles de cuisine utilisés ressemblent beaucoup à ceux que nous utilisons aujourd’hui. Seules les matières diffèrent.  Ce n’était pas le savoir-faire qui empêchait les habitants d’Ambracie de créer des casseroles métalliques, mais ne disposant ni de cuisinières à induction, ni de plaques halogènes on cuisine aussi bien dans la terre. La première photo met en situation une marmite au centre d’un foyer, la seconde photo présente une marmite très moderne qu’on appelait une lopade (en grec λοπάς, λοπάδος), mais je serais bien embarrassé de dire à quoi servait le récipient à quatre compartiments de ma troisième photo, tout ce que j’en sais c’est qu’il est de la deuxième moitié du quatrième siècle avant Jésus-Christ.

 

907g4 petite louche d'Ambrakia, musée d'Arta

 

907g5 village de Pistiana, situle double à anse mobile, 3e

 

Encore deux accessoires de la cuisine, cette petite louche en bronze et, provenant de Pistiana, un village dans la montagne au nord d’Arta, ce remarquable seau à double anse mobile. Noter la décoration représentant un cœur sous l’attache des anses.

 

907h1 production locale, 4e s. avant JC

 

Je ne sais ce que se racontent ces deux jeunes femmes. Je ne leur vois aucun attribut permettant d’identifier des déesses ou les héroïnes de quelque légende, c’est peut-être tout simplement une scène de la vie quotidienne. Aujourd’hui, quand on veut se dire des choses de la plus haute importance, “je suis à tel endroit, et toi ?” ou “ras le bol de la pluie”, on expédie vite fait, bien fait un petit texto en style télégraphique et orthographe phonétique, que l’on soit dans le métro ou dans la queue devant la caisse du supermarché. Dans ce quatrième siècle avant Jésus-Christ où a été réalisée cette poterie à figures rouges, on communiquait encore par la parole. Ce qui contraignait à une vie sociale, puisque l’on devait se rencontrer. On était bien malheureux, en ce temps-là.

 

907h2 provenant d'Ambracie (musée d'Arta)

 

907h3 provient d'Ambracie (musée d'Arta)

 

Aucune indication de quelque nature que ce soit pour ces deux objets, ni date ni origine, mais je tiens cependant à les montrer, parce que je trouve amusant ce hérisson, mais surtout le suis impressionné par la beauté de cette tête.

 

907h4 village de Pistiana, 3e s. avt JC, Artémis Agrotera

 

Avant de clore cet article, quelques sculptures. Celle-ci, que j’ai pu photographier de face et de dos parce qu’elle se trouvait dans une vitrine de milieu, et non contre un mur, est une Artémis chasseresse (Agrotera) du troisième siècle avant Jésus-Christ qui provient de ce même village de Pistiana dont je viens de parler. Elle est court vêtue et porte des bottes de cuir souple pour pouvoir courir vite dans les bois, et l’on peut imaginer qu’elle tenait un arc à la main. C’est plein de mouvement, de vie, de naturel.

 

907h5 figurine féminité, Arta, 4e-2e s. avt JC

 

Cette petite terre cuite a été datée entre le quatrième et le deuxième siècle avant Jésus-Christ. Dans ce mouvement pour tendre son vêtement, je ne sais si cette jeune femme est en train de s’y enrouler ou si, au contraire, elle se dévêt, mais qu’il y a donc de grâce et d’élégance dans ce geste! Et puis, en façonnant sa figurine, l’artiste a trouvé le moyen, à la fois, d’exalter le corps féminin et de travailler le drapé du tissu. Dommage que des systèmes électroniques protègent si efficacement les objets exposés, parce que je l’imagine bien sur mon bureau, cette statuette…

 

907h6 Aphrodite hellénistique, musée d'Arta

 

907h7 Musée archéologique d'Arta

 

Et enfin ces deux statuettes. La première, nous dit-on, est une Aphrodite hellénistique. Sur la seconde, pas un mot. Une autre Aphrodite, ou une simple mortelle? D’époque hellénistique elle aussi? Mais ces deux sculptures sont si pures de ligne, si élégantes, si jolies, que je ne résiste pas au désir de les montrer ici.

 

Et voilà. Il ne nous reste plus qu’à filer vers Igoumenitsa pour nous embarquer vers Ancône, et ensuite direction la France. Mais nous reviendrons très bientôt vers cette Grèce qui nous est si chère.

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