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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 23:20

Hier soir nous sommes allés pour la nuit à Tivoli, parce que nous souhaitions aujourd’hui voir la Villa Gregoriana, sa grande cascade de la rivière Aniene, sa grotte de la Sirène, sa cascade de la grotte de Neptune, son temple de Vesta du deuxième siècle avant Jésus-Christ…

 

Seulement voilà : la Villa Gregoriana avait réduit ses horaires à la seule matinée à la mi-octobre, et elle est complètement fermée de décembre à avril. Je sais bien que nous ne progressons pas vite dans notre voyage, mais en avril nous aurons sans doute quand même quitté Rome ! Par conséquent, puisque nous sommes à Tivoli, nous allons passer la journée à nous promener en ville.

 

 

Il est difficile de ne pas évoquer ce château massif qui trône à l’orée de la vieille ville, tout près de l’esplanade qui honore Garibaldi. C’est une forteresse bâtie sur la colline appelée Rocca Pia dans la seconde moitié du quinzième siècle, par le pape Pie II.

 

 

Juste derrière, on peut accéder à l’amphithéâtre du deuxième siècle de notre ère. Il n’en reste presque rien, les murs sont détruits à cinquante centimètres du sol, et parce que, je suppose, il sert à des représentations ou des concerts, il est envahi de sièges en plastique empilés qui font très peu "époque". Je préfère, dans ces conditions, ne pas publier les quelques photos inintéressantes que j’en ai faites. En revanche, ces ruines ont été pour moi une illustration de la méthode de construction que les Romains appelaient opus reticulatum, ce que l’on traduit en français par appareil réticulé. On voit ci-dessus que le mur est construit avec des pierres irrégulières tenues par du ciment (partie supérieure de la photo), mais en façade, pour être plus décoratif, on dispose en losange des briques cubiques.

 

 

J’ignore si la municipalité de Tivoli est de droite ou de gauche, et donc j’ignore si c’est elle qui a placé la plaque ci-dessus, si elle l’a vue apparaître avec satisfaction, ou si elle n’a pu s’opposer à sa mise en place sur une façade privée. La ville semblerait à première vue assez bourgeoise, mais il y a beaucoup de quartiers anciens mal entretenus où apparemment les loyers doivent être modérés, accueillant des populations modestes peut-être plus favorables à la gauche. Quoi qu’il en soit, le texte n’y va pas avec le dos de la cuiller. Pour le cas où il serait peu lisible en petit sur le blog, ou pour qui n’est pas trop familiarisé avec les langues latines autres que le français, je le traduis : "À Fabrizio Ceruso, révolutionnaire antifasciste de Tivoli tué le 8-9-1974 à 19 ans par la violence répressive de l’état bourgeois alors qu’il défendait les maisons occupées des travailleurs à San Basilio. Il restera toujours dans les luttes des ouvriers, dans la colère prolétarienne, une stimulation pour ceux qui luttent pour le communisme. Tivoli, le 8-9-1977".

 

 

Quand je parle de quartiers mal entretenus, je n’exagère pas. Ceci était un palais. Une plaque dit qu’il s’agit du Palazzo Bandini-Piccolomini, du seizième siècle. Or le 27 octobre dernier nous étions à Pienza, d’où était originaire un certain Eneo Silvio Piccolomini (1405-1464) devenu le pape Pie II dont je disais que c’était un humaniste distingué. Et puis aujourd'hui même, plus haut, je l'évoquais au sujet du château fort de Tivoli. Nous retrouvons ici le nom de sa famille, un siècle plus tard, près de la capitale des états pontificaux, sur un grand palais situé à 500 mètres du château fort. Mais aujourd’hui, dans quel état il est, ce palais !

 

 

 

Je termine avec deux photos (une église, une ruelle) prises en ville lors de notre longue balade. En effet, en cette période le jour a beau se lever tard et se coucher tôt, si les photos sont prises de nuit c’est que nous avons bien marché. Mais aussi le devoir nous appelle. Nous connaissons à Tivoli, pour l’avoir déjà fréquentée, une laverie libre-service qui ferme à 22h, et un bon sac de linge nous lance des appels. Lavage, séchage, et au moment où nous sortons de la laverie, la lumière s’éteint. 22 heures ? Déjà ? Vite, le plein d’eau au robinet de notre parking, et retour à Rome.

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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 21:01

Le 2 décembre, cela me rappelle 1804, le sacre de Napoléon, et 1805, Austerlitz et son soleil. Et aussi 1851, le coup d’état du Prince-Président qui devient Napoléon III. Après trois jours de sale temps, pluie et vent, le soleil brille de nouveau dans un ciel pur. Nous en profitons pour aller dans le centre de Rome, près de la fontaine de Trevi, au Palazzo Barberini qui présente des collections de peintures.

 

 

Le palais, qui a été construit par le cardinal Barberini, devenu le pape Urbain VIII en 1623, est en grands travaux. Il faut dire que certaines parties que l’on voit à travers les échafaudages sont en bien piteux état. La façade principale, celle qui est visible de la rue, est due au Bernin. Elle est complètement propre et restaurée.

 

 

La façade arrière, en revanche, a besoin d’un bon toilettage, mais une fois restaurée elle ne manquera pas de chic. En attendant, c’est l’intérieur, escaliers, nombreuses salles, qui est en cours de réfection. Seule, une petite partie des collections est exposée. Nous faisons d’abord un tour dans les jardins, où nous pouvons voir partout l’emblème de la famille Barberini, l’abeille.

 

 

Les jardins eux-mêmes sont assez pauvres en leur état actuel, d’autant plus que l’automne est déjà bien avancé. Mais on voit malgré tout que le climat est plus clément qu’en Île-de-France, parce qu’à Versailles il faut rentrer les orangers pour l’hiver alors qu’ici à Rome on les a laissés en plein air. Les statues, qui sont des copies de l’Antiquité et n’ont donc guère plus de quatre cents ans, sont mutilées, bras cassés, visages usés par les intempéries. Natacha pourtant a eu plaisir à se promener un peu dans ce parc. Moi, j’ai eu une impression de décrépitude qui m’a mis mal à l’aise.

 

 

Venons-en à l’intérieur. Hélas, avec ou sans flash, avec ou sans trépied, toute photo est interdite dans le musée. J’ai donc laissé mon appareil dans un casier du vestiaire. Je me limite ici à montrer le calicot fixé à la grille du domaine donnant sur la rue, au moins peut-on y distinguer l’un des fleurons de l’exposition : la Fornarina, de Raphaël. En italien, "il forno" c’est le four, "il fornaro" c’est le boulanger et ce nom peut signifier "la petite boulangère", "la fille du boulanger". En effet, cette Margherita Luti qui a été le modèle de Raphaël pour plusieurs tableaux (la Donna velata, Sainte Catherine d’Alexandrie, etc.) est fille de boulanger. Vasari, peintre et architecte, qui raconte la vie et l’œuvre de ses presque contemporains (il n’avait que 8 ans à la mort de Léonard de Vinci, 9 ans à celle de Raphaël), dit que le peintre et son modèle étaient amoureux l’un de l’autre, et que si la Fornarina est son dernier tableau c’est parce que Raphaël avait, une certaine nuit, abusé du sexe, et se sentant fatigué le lendemain, n’avait pas osé dire à son médecin la vraie cause de son état. D’où un remède inapproprié qui l’a tué. Allez, une fois n’est pas coutume : je cède à la tentation d’aller chercher sur Internet les deux images dont j’ai besoin et je les colle ensemble ci-dessous.

 

 

À gauche, c’est le célèbre tableau. À droite, un tableau d’Ingres qui se réfère à cette idylle et représente Raphaël et Margherita Luti. Est-ce vrai ou pas, peu importe. Mais on remarque le bracelet qui enserre le bras au point de faire des plis sur la peau. Il porte, très clairement lisible sur l’original, le nom de Raphaël Urbinas. Et puis il y a un anneau passé sur la seconde phalange de l’annulaire gauche, comme une promesse de mariage en cours de réalisation. La Femme voilée, Sainte Catherine, sont des tableaux où le modèle est très réservé. Ici, non seulement elle est largement dévoilée, elle montre sa poitrine en faisant semblant de (mal) retenir un voile, mais son regard est plutôt polisson.

 

Je ne commenterai pas les autres œuvres que nous avons vues, et surtout je m’abstiendrai d’aller piller Internet pour montrer ce que je n’ai pas pu photographier. Je me contenterai de citer deux œuvres, un Henri VIII d’Angleterre par Holbein qui est criant de vérité, mais qui est aussi très marquant parce que c’est lui que j’ai vu en reproduction dans tous mes livres d’histoire quand j’étais élève. Et puis Érasme par un certain Metsys que j’avoue ne pas connaître, mais ce tableau aussi exprime merveilleusement ce que je peux imaginer d’Érasme d’après ses œuvres.

 

Les photos sont interdites dans le musée, mais pas dans le bâtiment avant que l’on se présente au contrôle ni dès lors que l’on a passé la sortie du vestiaire. Sous le nez d’un gardien, j’ai pris cette photo d’une statue qui orne le grand escalier sans qu’il y trouve à redire.

 

Les Grecs de l’Antiquité et les Romains ayant de très, très lointains ancêtres indo-européens communs, leurs dieux se ressemblent. Par exemple, malgré les apparences, Zeus et Jupiter portent le même nom (Zeus vient de Dyew-s, et Jupiter, Jov-pater, de Dyow-[père] où l’on reconnaît le mot jour, dies en latin). Aussi, les Romains dont la civilisation est postérieure à la civilisation grecque, ont assimilé leurs dieux aux dieux grecs et leur ont attribué les légendes nées en Grèce. Sur cette photo, on voit paraît-il Latone. Je connais la légende concernant son "correspondant" grec, Léto, à travers Homère et Hésiode. Désolé, c’est donc cette version que je vais raconter ici, avec les noms latins.

 

Latone a été séduite par Jupiter (Zeus) dont la femme, Junon (Héra), ne supporte pas les perpétuelles infidélités. Elle se venge de sa rivale en tentant de l’empêcher d’accoucher, mais Latone donne quand même le jour à ses jumeaux, Apollon et Diane (Artémis). Plus tard, alors qu’elle veut les laver dans le fleuve Xanthe, aussi appelé Scamandre dans l’Iliade (il coule près de Troie, c’est-à-dire en Turquie d’Asie, tout près de l’Hellespont), Junon donne aux paysans l’ordre d’agiter l’eau pour la rendre boueuse et qu’elle soit ainsi impropre à la toilette. Trop, c’est trop. Latone s’énerve, appelle des loups pour chasser les paysans, puis elle les transforme en grenouilles. Bien fait pour eux. Je pense que c’est cet épisode de Latone souhaitant baigner ses jumeaux que représente cette sculpture de Domenico Pieratti (1600-1656) seulement légendée "Latona e i figli", c’est-à-dire "Latone et ses enfants". Je n’ai pas en mémoire d’autre épisode mythologique au sujet de cette déesse. Elle est éplorée, se demande ce qu’elle va faire. La colère viendra ensuite.

 

Envisageant demain la visite de la Villa Gregoriana à Tivoli, nous nous rendons ce soir (tard, après avoir fait le plein de GPL) dans cette ville dont nous avons déjà visité la Villa Adriana le 15 novembre et la Villa d'Este le 17. Ainsi, nous éviterons les embouteillages du matin.

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 00:55

Sachant que nous pouvons très probablement nous garer sans problèmes près de la gare Termini, là où nous avions laissé le camping-car dimanche dernier pour aller aux Thermes de Dioclétien, nous retournons au même endroit et retrouvons exactement la même place le long du trottoir. Notre but est l’église Santa Maria Maggiore. 

 

 

Mais en face de l’église, nous nous trouvons devant à une manifestation. Évidemment, nous sommes assez badauds pour nous approcher et voir de quoi il s’agit. C’est une manifestation pour les droits des femmes. Certains panneaux ou calicots portent, avec des termes vengeurs, des noms que nous ne connaissons pas, peut-être concernent-ils des hommes politiques réactionnaires, ou bien des coupables de viols ou autres violences envers des femmes qui n’ont pas été châtiés ou pas assez sévèrement. Ici, on voit un panneau disant "Libre de circuler de jour et de nuit", et un autre "Quand une femme dit non, c’est non".

 

 

Et puis, toujours dans le cadre des droits des femmes, d’autres militent pour le droit à l’homosexualité. Sur ce calicot, il est dit "Coordination lesbiennes romaines" et pour les deux O ce sont deux symboles féminins qui ont été entrecroisés. Il y a aussi dans le cortège quelques hommes. L’un d’entre eux, en marge du cortège, colle sur les murs des petits papiers appelant à s’unir aux femmes. Un autre distribue un prospectus aux hommes qui, sur le trottoir, regardent. Il m’en donne un. Il y est dit que nous sommes tous concernés par les violences faites aux femmes, même si nous-mêmes ne les pratiquons pas, il faut les démasquer quand nous en avons connaissance, il faut prendre le parti des femmes.

 

 

 

Lorsque nous allons vers la basilique Santa Maria Maggiore, il est possible de profiter de ce que la circulation est coupée dans la rue pour se planter en plein milieu et prendre ses photos de l’église, mais sur la place la circulation reste intense. Elle est encadrée par deux palais, celui de droite date de 1605, et pour respecter l’unité celui de gauche, pourtant construit bien après, de 1721 à 1743, a repris le même dessin de façade.

 

L’église d’origine est un très vieil édifice du cinquième siècle qui remplace une église primitive dont la légende raconte que le pape Libère et Giovanni Patricio eurent simultanément le même songe. La Vierge leur apparut et leur demanda de construire en son honneur un sanctuaire là où le lendemain la neige tomberait. Or c’était l’été. Mais le lendemain, 5 août 356, la neige tomba sur l’Esquilin. Patricio dessina le plan de l’église, le pape finança la construction. Mais au cours des siècles l’édifice a été sans cesse agrandi et remanié. La façade date de 1743-1750, alors que le campanile date de 1377. Il n’empêche que la structure de base a près de 1600 ans.
 

 

 

Tout le long de la nef centrale, et sur le plafond de l’abside, les mosaïques sont d’origine. Avec leurs allures byzantines, elles datent du cinquième siècle. Incroyable et magnifique. Ma photo ci-dessus montre le motif central de l’abside, qui a été transformé au treizième siècle quand l’abside a été reconstruite. À l’origine, il n’y avait que des feuillages, des oiseaux, des rinceaux. Les personnages ont été ajoutés par Jacopo Torriti. Il s’agit visiblement du Couronnement de la Vierge. La photo ci-contre prise de la nef permet de voir le chœur et les mosaïques. On aperçoit, sur l’abside, le motif circulaire que je présente en plus gros plan ci-dessus.

 

En-dessous, un gros plan sur les anges qui se trouvent sous le cercle du Couronnement. Il est très difficile de les distinguer sur la photo ci-contre, que j’ai dû réduire en "poids" dans le cadre de ce blog, et même sur la photo originale. Tout cela ne s’éclaire qu’en mettant une pièce dans une machine qui se trouve tout dans le bas de l’église et l’illumination ne dure que deux minutes. Alors si l’on veut tout observer et admirer, non seulement cela coûte une (petite) fortune, mais de plus on ne cesse de courir de l’abside à l’entrée et de l’entrée à l’abside. Sauf si un autre amateur a mis une pièce.

 

 

 

 

Sur cette même photo prise de la nef, on aperçoit une sorte de crypte qui ne serait qu’à demi enterrée. Le terme de "crypte", qui signifie "caché" en grec, est donc totalement impropre. Pardon de l’avoir employé. C’est le Baldaquin avec ses colonnes de porphyre décorées de bronze qui, lui, date du dix-neuvième siècle et protège la prière dans cette chapelle semi-enterrée. D’en haut, par la balustrade, on voit de dos le pape Pie IX en prière devant une urne en argent qui contiendrait des fragments du berceau du Christ. Seul problème, je croyais que Jésus était né dans une étable, et que la mangeoire de l’âne et du bœuf lui avait servi de berceau. Ah, d’accord, ça doit être des fragments de la mangeoire… J’ajoute un gros plan sur le visage du pape en prière.

 

Natacha et moi étions en bas en contemplation quand un homme, d’un geste autoritaire, a fait signe aux quelques personnes qui se trouvaient là de remonter. Puis sans un mot d’explication il a fixé un cordon de velours sur des supports pour empêcher d’approcher du chœur. Pourquoi ? Ce n’était pas l’heure de fermeture de l’église. C’est désagréable et irritant, ce genre de chose.

 

 

Pour retourner au camping-car, nous avons traversé le hall de la gare Termini. Sachant que les trains italiens ne respectent pas les horaires, je me suis planté devant celui qui devait partir le premier, un train pour Naples prévu à 18h15. Sur ma photo on voit l’horaire prévu, et on voit aussi sur le même panneau indicateur, en plus petit, une montre qui indique qu’il est déjà 18h20. Sur le quai, une autre horloge indique la même heure. À la portière, le contrôleur discute calmement. Sur le quai, un voyageur va tranquillement chercher une voiture plus en tête. En réalité, le train est parti à 18h23. Plus loin, nous n’avons pas attendu le départ d’un train prévu pour 18h20 et qui, à 25, était toujours à quai. Comment arriveraient-ils à l’heure s’ils ne partent pas à temps ? Avec le lièvre et la tortue, La Fontaine est français.

 

Assez médit, je risque d’aller griller en enfer. Retour en banlieue pour la nuit.

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 00:42

 

Puisque nous avons visité hier l’appartement de Goethe, ne nous arrêtons pas en si bon chemin littéraire. Aujourd’hui, nous retournons piazza di Spagna voir l’appartement où a vécu le grand poète anglais John Keats et où il est mort.

 

Né le 31 octobre 1795, orphelin de père à 9 ans et de mère à 15 ans, atteint de tuberculose, il a 24 ans lorsqu’une grave hémorragie fait décliner sa santé. Accompagné de son ami Joseph Severn, il s’embarque pour Naples où il débarque le 21 octobre 1820, et il arrive à Rome en novembre. Les deux amis emménagent dans cet appartement trouvé par le médecin de Keats. En Italie, le jeune malade n’écrit plus, mais il adore le spectacle des escaliers de la piazza et leur animation, ainsi que la fontaine de marbre en forme de bateau sculptée par le Bernin. Il n’en profitera guère, car bientôt son état ne lui permet plus de quitter son lit, et il meurt au bout de quelques mois, le 23 février 1821, à 25 ans. On enterre ce protestant dans le cimetière non catholique de Rome. Son ami Joseph Severn fera de lui ce portrait en 1822, de mémoire.

 

La photo ci-dessus montre le salon de l’appartement. On peut aussi visiter sa chambre, meublée comme de son temps, mais ce n’est qu’un ré-aménagement parce que la loi pontificale imposait de brûler, après la mort d’un tuberculeux, ses meubles, ses draps, son linge, ses tentures, les objets de sa chambre et jusqu’à son papier peint. De plus, en 1903, l’immeuble était promis à la démolition. Diplomates et écrivains anglais et américains lancèrent alors un appel international, et l’immeuble fut racheté et un musée "Keats and Shelley" y fut ouvert en 1909, quoique Shelley n’y eût jamais mis les pieds. Il était dans le nord de l’Italie au moment de la mort de Keats.

 

 

Puisque nous sommes dans un mémorial des poètes romantiques, je montre ici deux images concernant Shelley. Il s’est noyé sur la côte de Toscane en 1822. Le tableau ci-dessus, exécuté par un peintre non identifié, représente la découverte de son corps sur une plage auprès d’un bateau au mât brisé et à la voile flottante dans le vent.

 

 

Une fois découvert, Shelley a été brûlé. Le tableau ci-dessus, du Français Louis-Édouard Fournier, est censé représenter cette crémation. Les trois hommes représentés au premier plan sont Trelawny, Leigh Hunt et Byron, et tout à gauche, sur le bord du tableau, Mary Shelley est agenouillée. Le corps de Shelley est encore beau. En fait, ce tableau est de pure imagination. Le corps du poète était si décomposé qu’il était à peine identifiable et qu’on l’a immédiatement enterré dans le sable de la plage, très peu profondément. Le jour de la crémation, il a fallu le rechercher pendant une heure en faisant une tranchée d’une dizaine de mètres. Et Mary Shelley n’était pas là, Leigh Hunt était resté dans sa voiture et Byron a très vite regagné son bateau.

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 00:31

 

 

Hier, dans le parc de la Villa Borghese, nous avons vu le monument élevé à la mémoire de Goethe. Aujourd’hui, nous nous rendons Via del Corso où, au n°18, il a habité un appartement qui se visite et abrite un musée. Dans ce musée il y a quelques souvenirs de lui, par les fenêtres on peut voir, presque inchangées, les rues qu’il aimait observer (ci-dessus, la seconde image est une aquarelle de Johann Tischbein de 1787 intitulée Goethe à sa fenêtre), quelques gravures représentent des vues de Rome rapportées par son père qui, lui-même, avait visité l’Italie, avait publié un livre sur son voyage, et Goethe disait que les récits de son père ainsi que la vue de ces gravures avaient depuis son enfance éveillé en lui le désir de voir Rome et l’Italie.

 

Montrer ici des photos de livres, ou même des reproductions de gravures, ne me paraît pas le plus intéressant. Ce que j’ai le plus aimé, ce sont les dessins qui l’évoquent. Il y a quelques jours, j’avais ajouté à mes photos du Capitole un dessin fait par Goethe. Je venais de visiter cette Casa di Goethe au moment où je rédigeais, avec une semaine de retard, mon article de blog sur le Capitole. Ce que je montre aujourd’hui, ce ne sont pas des dessins faits par lui, mais des dessins qui le montrent dans sa vie Romaine. Ci-contre en train de lire par le même Tischbein, tout en haut Friedrich Bury a représenté Goethe et ses amis romains (1786-1788).

 

 

Il a raconté lui-même comment il avait fait ce voyage. À Weimar, il avait des fonctions officielles, il était ministre d’État, ce qui lui causait bien des obligations qui lui pesaient de plus en plus. Fin août 1786, venant de fêter son trente-septième anniversaire, il a formé dans le plus grand secret le projet de ce voyage tant souhaité. Sa confidente depuis des années, Charlotte von Stein, a été peinée et choquée de ne pas avoir été tenue au courant. Son "employeur", le duc Charles Auguste, n’a été prévenu que quelques jours avant son départ, sans aucune précision sur la destination ni la durée de ce voyage. Pourtant, généreux, il a offert à Goethe des "congés payés" avant la lettre. C’est ainsi que Goethe est parti pour deux ans, se faisant passer, durant le voyage, pour un homme d’affaires de Leipzig, du nom de Jean-Philippe Möller. Pendant tout ce temps, il a tenu un journal, destiné à être plus tard adressé à Charlotte. La Casa di Goethe présente plusieurs pages de ce journal, ainsi que des lettres manuscrites.

 

Avant de quitter Goethe, je ne dois pas oublier de donner le titre du dessin ci-dessus (1786-1787) : Le Maudit second oreiller. Goethe dans son appartement romain. La tête de femme, sur la planche à droite posée sur une pile de livres, est un plâtre qui est exposé dans le musée. Il est amusant de voir le chat de Goethe, et de le voir lui, sommairement installé, et dans des attitudes qui le sortent de l’image sérieuse que j’avais de lui jusqu’à ce jour.

 

 

En sortant de là, nous nous sommes dirigés vers la Piazza di Spagna, dont j’ai parlé au début de notre séjour à Rome. Nous avons cassé une croûte sur les marches qui montent vers l’église française Trinità dei Monti, au milieu de la foule des touristes amusants à observer. En bas, juste en face, partent deux rues s’éloignent en V. Celle de gauche est la Via dei Condotti. Là se trouve, sur le trottoir de droite, le Caffè Greco, ainsi nommé parce que fondé par un Grec en 1760. Parmi les personnages illustres qui l’ont fréquenté, je citerai Andersen, celui des contes, qui habitait au-dessus, et Stendhal qui habitait dans la rue, un peu plus loin. Et Goethe aussi, qui n’habitait pas loin. On cite aussi, toutes époques confondues, Liszt, Wagner, Berlioz, Mendelssohn ; Baudelaire, Gogol, Mark Twain, Anatole France, Schopenhauer…

 

Natacha et moi sommes allés y prendre un café, pour ajouter nos noms à la liste de célébrités (!), malgré le risque encouru. En effet, le pape Léon XII a interdit, en 1824, de se rendre au café sous peine de trois mois de galères. Cela a obligé le cafetier à barricader sa porte et à servir ses clients à travers une étroite fente. Précisons quand même que maintenant on ne va plus aux galères et que nous avons pu entrer par la porte.

 

 

Nous avons fini la journée en remontant l’escalier pour visiter l’église de la Sainte Trinité des Monts, mais il s’y célébrait une messe, nous n’avons donc pas joué les touristes qui distraient les fidèles, nous avons toutefois écouté de très belles voix interprétant des cantiques avant de nous éclipser et de diriger nos pas vers le Pincio où se trouve une entrée du parc de la Villa Borghese auprès de la Villa Médicis, siège de l’Académie de France (ci-dessus, la fontaine sur la place devant la Villa Médicis). C’est Colbert qui, à la demande de Louis XIV, créa cette académie, destinée à recevoir de jeunes talents français triés sur le volet qui pourraient approfondir leur connaissance de l’art antique, Renaissance, baroque. Cette sélection est à l’origine de la création du grand prix de Rome. Au dix-neuvième siècle, les peintres Vernet et Ingres en furent successivement les directeurs. Mon fidèle Bibendum dit que "Berlioz, élève original, passait souvent la nuit assis sur un banc du Pincio ou errant dans la Villa Borghese". Il ajoute que, de nos jours, aux 12 artistes de la première génération du temps de Louis XIV, succèdent environ 25 pensionnaires pour un ou deux ans.

 

Et voilà. Nous avons repris le métro pour regagner notre triste et sale parking de banlieue…

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 00:23

 

Mercredi 25 novembre. Nous allons, aujourd’hui, consacrer notre journée à la Villa Borghese, ce grand parc public du nord de Rome où se trouvent aussi des musées, dont la Galerie Borghese qui présente en ce moment une exposition Caravage / Bacon.

 

Le métro nous dépose à Flaminio, et nous accédons au parc par les escaliers, sur le côté gauche de la piazza del Popolo. De l’esplanade Napoleone I on a une très belle vue sur Rome, parsemée de dômes. Moi qui croyais que Napoléon avait laissé de mauvais souvenirs aux Italiens, je ne manque pas d’être étonne de voir que cette belle esplanade du célèbre parc porte son nom. Et puis, plus loin, une pléiade de bustes parsèment les bords des allées, pratiquement que des noms italiens, dont je confesse avec honte (pas trop de honte quand même) que j’en ignore 90%, mais parmi eux figure celui de notre empereur national.

 

Intéressante, à défaut d’être belle, cette curieuse horloge hydraulique. La plaque dit : "Hydrochronomètre imaginé et construit en 1867 par le Père Dominicain Jean-Baptiste Embriaco". Elle n’ajoute pas que cette ingénieuse horloge a été présentée à l’exposition universelle de Paris.

 

 

Plus loin, un immense monument célèbre Goethe, qui a vécu un temps à Rome. Je ne montre pas sa statue, qui est comme toutes les statues de grands hommes, mais je préfère cibler sur l’un des trois groupes beaucoup plus originaux et intéressants qui ornent la base du monument. Vu les visages, je suppose qu’il s’agit du Docteur Faust et de Méphistophélès.

 

 

Longtemps, nous nous promenons à travers les allées. Près du petit temple de Diane, construit en 1789 (tiens, cette date me dit quelque chose… sans rapport avec Diane…) mais qui abritait autrefois en son centre une statue antique de la déesse chasseresse, nous nous asseyons pour reprendre des forces en mangeant les sandwiches préparés par Natacha avec le bon "prosciutto" italien. Reprenant notre marche, nous passons devant cette fontaine dite des Chevaux Marins. De curieux sabots, des nageoires en forme d’ailes, une queue de poisson, ces chevaux ne manquent pas d’allure.

 

Et puis nous arrivons à la Galerie Borghese. Photo interdite, et il est même interdit d’avoir sur soi un appareil photo, il doit être déposé à la consigne. La réservation de la visite est obligatoire, il y a une entrée toutes les deux heures, et l’on n’a pas le droit de rester plus de deux heures. Nous aurons notre entrée à 17h, la dernière de la journée. Et toutes ces exigences pour un prix non négligeable. Pour Natacha, c’est 13,50€. Pour moi, entrée gratuite vu mon âge, mais frais de réservation 7,00€. Dingue !

 

Évidemment, Bacon, c’est de la peinture moderne, les visages seraient curieux si on les croisait tels quels dans la rue, mais je trouve ces œuvres intéressantes, elles expriment quelque chose. Et le Caravage est aussi un grand peintre, cette exposition présente des tas de choses qui valent le coup d’œil, mais ce que je ne comprends pas, c’est le pourquoi du rapprochement entre ces deux peintres si différents, sans un mot d’explication pour le profane que je suis et que sont, j’en suis convaincu, un bon nombre des visiteurs. On se contente de nous dire que "l’accueil de Bacon et du Caravage côte à côte signifie tisser une toile de potentielles références esthétiques croisées". Me voilà renseigné.

 

Francis Bacon était obsédé par Velasquez et son portrait du pape Innocent X. Aussi en a-t-il fait une représentation selon sa propre vision, qui est fort intéressante. Puisque je n’ai pu la photographier, si l’on est intéressé on peut la trouver, je pense, sur Internet. Ce tableau de Velasquez est à Rome, dans une galerie privée, mais elle n’a pas été placée en regard de son interprétation par Francis Bacon. On nous invite seulement à aller la voir sur place, disant qu’une réduction sera offerte sur présentation du billet de la galerie Borghese…

 

Quant au Caravaggio, j’ai été très diversement impressionné par ses œuvres. Il y a une Vierge à l’Enfant qui marche sur le serpent, avec près d’elle une sainte Anne âgée, ridée, merveilleusement expressive. C’est la Madone des Palefreniers, ainsi appelée parce que, commandée par le pape pour la basilique Saint-Pierre elle n’y resta que deux jours et fut reléguée dans l’église Santa Maria dei Palefrenieri avant de rejoindre la collection du cardinal Borghese. En effet, on estimait que Dieu seul pouvait venir à bout du démon, et Marie a beau être la mère de Dieu, elle a beau être sainte, elle ne peut écraser le serpent.

 

Il y a une Judith en train de trancher la gorge d’Holopherne. Lui il est à la fois surpris, effrayé, les yeux exorbités, mais ce que j’ai trouvé remarquable, c’est l’expression de Judith. On sent à la fois l’effort physique pour trancher cette gorge, mais il y a surtout dans ses yeux et dans tout son visage un mélange d’effroi et de volonté. Quant à la vieille, dans son dos, c’est la haine qu’elle exprime. On voit qu’elle voudrait être à la place de Judith, qu’elle n’aurait ni peur, ni répulsion, ni hésitation. Sa main est vide, mais elle est prête à faire le geste par substitution.

 

Autre tableau admirable, une Adoration dont je ne sais plus le nom. D’habitude, après avoir pris mes photos, je photographie aussi l’écriteau donnant titre, date, etc. Mais sans photo, je n’ai que ma mémoire. Elle est ici défaillante. Mais je me rappelle fort bien que la Vierge et l’Enfant Jésus ne m’ont pas enthousiasmé, étant très conventionnels. En revanche, en traçant une diagonale de l’ange supérieur droit à l’angle inférieur gauche, ce qui est à la droite du tableau, un homme et une femme, expriment une admiration humble, on voit la plante du pied sale de l’homme agenouillé… J’arrête là, il faut voir le tableau.

 

Hors de cette exposition temporaire, il y a bien sûr la partie permanente. Je citerai seulement, en passant, quelques sculptures marquantes : une Pauline Bonaparte, par Canova, étendue mollement sur un lit de repos, le fameux David du Bernin, et puis j’ai adoré l’Enlèvement de Proserpine, également par le Bernin.

 

Mais puisqu’on nous a jetés dehors un peu avant 19h afin d’être sûr que tout serait fermé à l’heure, je préfère arrêter là.

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 22:47

 

Avant-hier, nous n’avons pu voir tous les trésors que recèle le Palazzo Massimo. Je sais bien que notre billet pour les musées valable jusqu’à ce soir comporte encore le Palazzo Altemps et la Crypte Balbi, mais comment résister à la tentation de revoir la salle à manger de Livie, et de découvrir ce qui a été sauvé de la villa Farnèse, ainsi qu’une collection de mosaïques ? Natacha et moi décidons donc d’un commun accord qu’il n’est "absolument pas possible" de ne pas retourner au Palazzo Massimo.

 

Au lieudit Pietra Papa, sur les rives du Tibre, ont été découverts entre 1939 et 1940 les restes d’un établissement de bains (Rome en a compté jusqu’à près de 900 au quatrième siècle de notre ère) faisant partie d’une villa de banlieue –villa au sens romain du terme, c’est-à-dire ensemble de village. Ces bâtiments et leurs peintures ont été datés du second quart du deuxième siècle. Les briques, quant à elles, portent un sceau de 123 après Jésus-Christ. Elles ont donc été stockées quelque temps avant usage, probablement le temps de sécher. On voit ici un poulpe enserrant dans ses tentacules une murène et une langouste.

 

 

Lorsque, au dix-neuvième siècle, le gouvernement pontifical voulut construire à Rome une grande gare pour le chemin de fer, en face des Thermes de Dioclétien, les travaux ont mis au jour de nombreux objets et restes de constructions datant de l’époque impériale. Puis, de 1947 à 1949, les travaux pour la construction de la nouvelle gare et pour le creusement de la ligne B du métro ont fait de nouveau découvrir un extraordinaire complexe de bâtiments constituant un quartier à part entière daté de l’époque d’Hadrien (117-138 après Jésus-Christ), édifié selon un plan d’urbanisme homogène. Rues, maisons privées, bains publics, boutiques, entrepôts desservis par des allées spéciales, systèmes d’égouts, etc. Mais en ce vingtième siècle de l’après-guerre il fallait construire vite, alors on a détruit pas mal de choses et on a bâti à la va-vite, sans plan d’urbanisme, à la place de ces richesses archéologiques.

 

Dans la "Villa della Farnesina" on a par exemple mis au jour des chambres à coucher telles que celles-ci. Dans ce musée, trois chambres sont ainsi présentées dans leur intégralité, avec leurs peintures murales et leurs stucs de plafond.


 

 

 

Comme on le voit, ce sont des scènes intimes de la vie quotidienne qui sont représentées sur les murs. C’est également pour nous une source d’informations sur la vie à Rome sous l’Empire. Précisons toutefois que cette villa Farnesina logeait des membres de la famille impériale. Tout le monde à Rome ne disposait pas du même luxe.

 

 

 

Ici, nous voyons un panneau mural du quatrième siècle représentant l’enlèvement d’Hylas par les Nymphes, avec un gros plan sur l’expression de deux personnages. Héraklès, lors de sa guerre contre les Dryades, avait tué leur roi et, remarquant la grande beauté de son fils Hylas, il en était tombé amoureux et l’avait enlevé. Au cours de l’expédition des Argonautes, lors d’une escale en Mysie, il était allé couper un arbre pour remplacer une rame cassée et avait chargé Hylas d’aller puiser de l’eau à une source dans la forêt. Là, les nymphes le trouvèrent, elles aussi, si beau qu’elles l’enlevèrent à leur tour, pour lui donner l’immortalité. C’est cet enlèvement qui est représenté ici. La mosaïque n’est pas composée comme d’habitude de petits cubes de pierre de taille régulière, mais la technique évoque plutôt pour moi l’art du vitrail, avec des fragments taillés en fonction des formes et des couleurs du dessin.

 

 

 

Cette fois-ci, la technique de cette mosaïque de sol est plus traditionnelle. Elle se trouvait sans doute dans un établissement de bains de la première moitié du deuxième siècle, sur une rive du Tibre. C’est une scène située dans un paysage du Nil, avec ses crocodiles et ses hippopotames. Nous sommes à l’époque d’Hadrien, qui a passé la moitié de son règne à parcourir son empire, des confins de l’Écosse à la province du Pont et à la Syrie, en Asie, de l’Espagne à l’actuelle Algérie, de Germanie en Égypte. Dans sa villa de Tivoli, nous avons vu une sculpture de crocodile sur les bords d’une pièce d’eau. Ces sujets exotiques sont donc à la mode à cette époque.

 

 

Au sous-sol du Palazzo Massimo, sont regroupés des objets antiques. Aussi bien des objets de la vie quotidienne que des objets précieux ou des insignes du pouvoir. Par exemple des cuillères, des poteries, mais aussi un sceptre.

 

Et puis il y a cette petite poupée articulée qui a été trouvée dans la tombe de cette enfant de huit ans environ dont le corps s’est trouvée momifiée par les conditions naturelles du sol, non par une intervention technique comme c’était le cas pour les Égyptiens. À la fois émouvant et terrible, ce corps noirci, ces dents blanches qui ressortent, ce reste de cheveux, cette paupière fermée et cet autre œil creux mais qui donne l’impression de vous regarder sous son sourcil levé. Pour l’émotion, on y ajoute sa poupée, et quelques bibelots et bijoux qui se trouvaient aussi dans sa tombe.

 

À la sortie du musée, sur les marches, un couple nous demande en anglais si ce musée vaut le coup. On peut imaginer notre réponse enthousiaste ! Nous restons quelques minutes à discuter avec eux. Il est uruguayen, elle est péruvienne et ils vivent aux environs de Washington. Il était logique qu’ils rencontrent une Biélorusse et un Français en Italie… Ce sont des gens charmants et intéressants, on aurait plaisir à les revoir plus longtemps, hélas nos routes divergent. Mais nous avons leur adresse e-mail, alors, qui sait, peut-être un jour…

 

 

 

Il fait beau, alors pourquoi prendre le métro ? Pour gagner du temps, d’accord, mais nous préférons aller à pied, pour prendre le pouls de la ville. Notre but est le Palazzo Altemps, qui est recommandé par nos guides et qui fait partie des lieux compris dans le billet que nous avons pris dimanche aux Thermes de Dioclétien.

 

Un coup d’œil au plan de Rome permet de voir que la distance est raisonnable, mais surtout que l’itinéraire fait passer à proximité de la Fontaine de Trevi. Là encore, foule. Or aujourd’hui, aussi bien en fin de matinée qu’à l’heure du déjeuner ou en début d’après-midi, le fabuleux Palazzo Massimo était presque désert, tout comme dimanche après-midi et soir. Or, franchement, cette célèbre fontaine ne casse pas des briques. Elle a pour elle d’être monumentale, puisqu’elle est aussi grande que le palais contre lequel elle s’appuie. Je crois que sa réputation est en grande partie due au bain en robe du soir qu’y prend Anita Ekberg dans la Dolce Vita de Fellini. Ici, tout le monde se fait photographier le dos à la fontaine, lançant par-dessus son épaule une pièce de monnaie dans le bassin. Ne cédant pas à cette tradition, nous nous sommes contentés de nous asseoir quelques minutes pour croquer des gâteaux secs que nous avions emportés. Nous avons quand même remarqué que l’église qui apparaît dans le dos des touristes, dédiée aux saints Vincent et Anastase, a été construite par le cardinal de Mazarin, selon l’inscription gravée sur son fronton.

 

 

Nous voici arrivés au Palazzo Altemps. Beau bâtiment, organisé autour d’une cour. Je préfère ma photo faite le soir à la lumière artificielle à celle faite à notre arrivée, elle met mieux en valeur les galeries.

 

Il se trouve dans ce musée de très nombreuses sculptures, agréablement présentées de manière aérée, je veux dire dans de grandes et belles salles. Ce n’est pas un entassement d’œuvres d’art accumulées au hasard. Là encore, je ne peux pas tout montrer, d’autant plus qu’à part quelques très belle pièces j’ai été moins séduit que par le Massimo. Ci-contre, j’ai choisi un buste d’Antinous, parce que nous avons visité la Villa Adriana, or on sait qu’Hadrien était homosexuel et qu’Antinous avait suscité chez lui un très grand amour. Lorsqu’il avait été retrouvé noyé en Égypte, l’empereur était resté inconsolable. Alors puisque nous sommes depuis quelques jours entrés dans l’intimité d’Hadrien, je me devais de placer ici Antinous, d’autant plus que je trouve ce marbre très beau.

 

Je me dispense aussi de montrer un Zeus splendide et quelques sculptures représentant des scènes de la mythologie.

 

 

De même, je ne montre pas cette belle représentation d’Électre adulte avec son frère Oreste encore enfant, plus petit qu’elle. Mais je place ici ce gros plan de la main de la grande sœur sur le bras de son petit frère. C’est lui qui, plus tard, l’aidera à venger son père, et je trouve qu’on voit dans ce geste à la fois de la tendresse et de la confiance, en plus du beau dessin de la main.

 

 

Le palais lui-même est très intéressant. Peintures murales, fresques aux plafonds, grandes cheminées sculptées, et aussi cette chapelle toute décorée de fresques.

 

 

Certaines représentations me rappellent une anecdote. La peinture impressionniste a beau vouloir reproduire des "impressions" plutôt que la réalité photographique, elle s’est attachée à ce que les tableaux, à travers ces impressions, évoquent une réalité. Regardant les tableaux de la Renaissance représentant les apôtres, il critiquait sévèrement ces interprétations du Nouveau Testament. Il disait que les apôtres étaient des hommes rudes, des pêcheurs, et qu’ils ne faisaient "sûrement pas ces yeux de merlan frit". Comment ne pas me rappeler ces paroles devant ce saint que je ne sais pas identifier ?

 

Laissons là le saint aux yeux de merlan frit, la chapelle et le Palazzo Altemps. Il est un peu tard, mais nous avons encore le temps de jeter un coup d’œil à la crypte Balbi, qui n’est pas bien loin.

 

Mais en arrivant, nous apprenons que l’on ne peut y descendre seul, il faut attendre la visite dans 45 minutes. En attendant, il y a en étages une exposition d’objets du Moyen-Âge romain. Or c’est assez rare, car qui pense à Rome évoque instantanément l’Antiquité, ou le Vatican et la cité des papes, et l’on fait alors un énorme bond dans le temps pour se retrouver à l’époque de la chapelle Sixtine. Mais entre la chute de l’empire et la Renaissance, rien. Ce musée comble cette lacune.

 

On y voit un fauteuil tout en contre-plaqué sur lequel sont fixés de tout petits fragments d’ivoire. Difficile de se représenter le siège complet à partir de cet objet. Il y a aussi des décorations de harnachement de cheval, dont on peut comprendre la place et l’usage par leur représentation sur un dessin de cheval.

 

Il y a toute une collection de lampes à huile en terre cuite comme celles de l’Antiquité, mais je préfère montrer celle-ci qui est plus particulière, et qui est datée entre le sixième et le huitième siècle.

 

 

 

 

Enfin, nous sommes introduits dans la crypte avec un petit groupe de touristes de langue anglaise. Notre guide n’est pas trop aimable, elle autorise les photos mais sans flash. Pour des peintures, c’est une évidence. Pour des pierres et des briques humides, c’est absurde. DE plus, elle n’est pas capable de donner la moindre explication. Tout ce qu’elle dit, en nous guidant au pas de charge, c’est "Ici, nous sommes du côté de la rue des Botteghe oscure", "là, nous sommes tournés vers la rue parallèle". Passionnant. Alors, nous regardons sans comprendre. Pour ma seconde photo, elle a dit que c’était un égout. Ah bon.

 

Alors, au revoir Crypte Balbi. Nous prenons l’air en faisant un bon bout de chemin à pied vers une station de métro, histoire de voir la ville de nuit. Notamment, nous traversons le Tibre vers l’île par le vieux Ponte Fabricio, puis vers l’autre rive, le Trastevere, par le Ponte Cestio. Et nous le retraversons un peu plus loin parce que notre métro est de l’autre côté. Voilà une journée bien remplie, qui nous a ravis.

 


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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 17:59

 

Comme je l’ai expliqué dans l’article précédent de mon blog, nous avons une foule de musées à voir, entre ce soir dimanche et après-demain mardi, sachant qu’ils sont fermés le lundi. Le plus riche, le plus beau, d’après tous les guides, est le Palazzo Massimo alle Terme, situé comme son nom l’indique auprès des thermes, alors que les autres sont disséminés loin de là. Nous décidons donc de nous y rendre dès ce soir.

 

Là, dès l’entrée, nous sommes accueillis par une statue de déesse (ci-contre), traitée de diverses couleurs, rappelant les statues chryséléphantines (or et ivoire) du grec Phidias. Parce qu’elle porte sur la poitrine une tête de Méduse, comme il en était représenté sur les cuirasses des soldats pour effrayer l’ennemi en l’hypnotisant, on peut voir en elle une déesse guerrière, c’est-à-dire Minerve, assimilée par les Romains à la grecque Athéna. Mais alors qu’Athéna porte un casque, Minerve est plus féminine. Elle porte pourtant des vêtements grecs, le chiton et l’himation. Cette statue impressionnante date de l’époque d’Auguste.

 

La photo ci-dessus représente quelqu’un qui a laissé une empreinte terrible dans l’histoire. C’est Agrippine, la mère de Néron, qui l’a fait assassiner à l’âge de 44 ans, en 59 de notre ère. Dix ans auparavant, elle avait épousé l’empereur Claude. Son nez autoritaire, sa bouche serrée, son regard ne sont pas ceux de n’importe qui, on sent une volonté de fer. Elle est pourtant belle.

 

 

Tout autre est cette tête en bronze. D’après le texte explicatif du musée, cette sculpture qui peut être du seizième ou du dix-huitième siècle (c’est peu précis) pourrait être une copie d’un modèle antique, ou bien une œuvre authentiquement antique, mais fortement retravaillée et repolie. Bref, contentons-nous de la contempler, sans chercher à savoir quoi que ce soit de son âge ou de son histoire. En revanche, sa coiffure (que je ne montre pas ici, parce que j’ai privilégié le gros plan) permet de l’identifier sans risque d’erreur à Sapho (612-580 avant Jésus-Christ), la poétesse grecque de Mytilène, sur l’île de Lesbos. Ce visage est beau, alors qu’un papyrus tardif (deuxième siècle après Jésus-Christ) disait qu’elle était sans intérêt physiquement et, probablement parce qu’elle a écrit d’elle-même qu’elle était petite et mate, ajoutait qu’elle était plutôt laide, trop brune de peau et très petite. Quelques vers d’elle :

          Heureux! qui près de toi, pour toi seule soupire,

          Qui jouit du plaisir de t'entendre parler,

          Qui te voit quelquefois doucement lui sourire.

          Les Dieux dans son bonheur peuvent-ils l'égaler ?

 

 

Après nos visites de musées, Natacha et moi discutons de ce que nous avons vu, et de ce qui nous a frappés. Dans la salle où est présenté ce pugiliste (ci-dessus et ci-contre), nous étions ensemble, et sommes longtemps restés en admiration. De toutes les statues vues ici, c’est peut-être celle qui m’a le plus frappé. C’est une œuvre de l’athénien Apollodore, au premier siècle avant Jésus-Christ. Les boxeurs se bandaient les avant-bras et s’entouraient les mains de lanières de cuir renforcées de métal dont le rôle était aussi bien de protéger la main que de rendre les coups plus violents. Ici, l’athlète est au repos après le combat, il porte la marque des coups reçus, ainsi que la marque des combats antérieurs : nez cassé, cicatrices. Beauté, réalisme, sensibilité humaniste. Comment ne resterait-on pas en contemplation devant une telle œuvre ?

 

Dans la même salle, un autre bronze représentant un prince hellénistique (deuxième siècle avant Jésus-Christ), debout, appuyé sur sa lance, est également très beau. Les rares visiteurs du musée semblent d’ailleurs davantage attirés par lui. Comme je ne peux pas tout montrer ici, je fais l’impasse sur lui parce que je le trouve moins original, sa position rappelle celle d’une Athéna que j’ai vue en photo et qui doit se trouver dans l’un des musées de Grèce que nous visiterons dans la suite de notre voyage, et la beauté très lisse de son visage, de son corps, de ses muscles me touchent moins que le rude réalisme de cet homme qui se repose après une épreuve violente et douloureuse.

 

 

Moins impressionnante, mais également expressive, est cette tête qu’au premier abord on prendrait pour Méduse, avec ses cheveux ébouriffés, mais ces cheveux ne sont pas des serpents et deux ailes apparaissent au sommet du crâne. Il s’agit donc sans doute du Soleil, quoique je m’interroge sur ce que l’on voit sur le cou. On dirait bien des écailles, mais plutôt des écailles de poisson, avec une queue de poisson sur la gauche. Je reste donc un peu perplexe. Ce que j’espère sûr, c’est ce que dit le musée, à savoir que c’est un bronze de l’époque de l’empereur Caligula le fou, 37-41 après Jésus-Christ), retrouvé dans l’épave d’un bateau qui gisait au fond du lac de Némi (ce lac est situé plein sud-est de Rome, à une trentaine de kilomètres du centre historique).

 

La tête que je présente maintenant, nous l’avons vue au début de notre visite, mais je n’en parle que maintenant parce qu’il va s’agir ensuite du cadre de vie de la personne représentée. Ce marbre a été retrouvé lors de travaux dans Rome, sur la boucle du Tibre. Il représente Livie (née en 58 avant Jésus-Christ et morte en 29 de notre ère à 87 ans si je calcule bien). Elle a épousé en 38, à 20 ans, un certain Octave qui allait devenir l’empereur Auguste en 27 au terme de la guerre qu’il a menée contre Antoine pendant plus de dix ans.

 

L’impératrice Livie disposait, à Prima Porta, d’une villa. À une époque située entre son mariage et le début de l’an 37, elle était assise là quand soudain elle reçut sur les genoux une poule blanche qu’un aigle volant au-dessus d’elle avait laissé tomber saine et sauve. Elle portait dans son bec une branche d’olivier chargée de fruits. Considérant ce prodige comme un signe, Livie planta la branche qui prit racine et donna un arbre vigoureux, et garda la poule qu’elle éleva. Depuis, on appela ce lieu "Ad Gallinas Albas", soit "Aux poules Blanches". C’est là qu’elle fit construire sa villa dont les siècles suivants ont réutilisé bien des matériaux, et qui fut redécouverte en 1863 mis pas sauvée pour autant. Ce n’est qu’en 1982 qu’enfin l’État put acquérir le terrain et récupérer la villa dont une salle à manger d’été a été retrouvée et transférée intacte dans ce musée. Les murs en sont intégralement peints et représentent un jardin. L’état de conservation est excellent, sauf dans la partie supérieure. Lorsque l’on entre dans la pièce reconstituée là, l’effet est saisissant.

 

 

Je n’ai pas été capable de rendre sur ma photo l’impression vécue. L’importance du plafond et du sol n’apparaît pas telle au naturel, on ne voit que les murs, on est ébahi. Nous étions dans la pièce avec un Japonais venu de Kyoto. Il riait de plaisir, admirait chaque détail. Comme nous. Nous sommes (lui et nous) restés longtemps, longtemps. Je ne saurais dire combien de temps, nous ne pouvions nous arracher à ce spectacle, à cette atmosphère. Je ne comprends pas : même en cette saison, le Colisée, le forum, la piazza di Spagna sont noirs de monde, alors que ce merveilleux Massimo est presque vide. La faute aux tour opérators, aux agences de voyages ? Toujours est-il que le Guide Vert Michelin lui attribue trois étoiles et lui consacre sept pages.

 

 

 

J’ai peur, avec mes photos, qui pour moi rappellent les originaux mais qui, ainsi présentées, risquent de ne plus être aussi significatives, de dégoûter les futurs visiteurs éventuels. Mais je ne résiste pas au plaisir de mettre ici deux images des oiseaux qui enchantent ce jardin.

 

 

Et puis il y a les arbres, les plantes, les fleurs, les fruits. Le réalisme est absolu. Les botanistes modernes ont ainsi pu lister les espèces plantées dans ce jardin. On ressort dans le couloir pour consulter ce tableau, et puis on retourne dans la pièce pour y chercher la plante décrite, parce que la peinture est à la fois un enchantement pour l’œil et un sujet d’étude intéressant.

 

 

 

Après mes exemplaires d’oiseaux, voici deux exemplaires de fleurs. Le premier figure sur le tableau, sous le nom de Rosa centifolia. Lorsque nous nous sommes enfin arrachés à cette villa de Livie, il était déjà tard et nous n’avons pu voir tout ce que le musée présente.

 

 

 

Nous avons quand même eu le temps de voir quelques mosaïques remarquables, comme ce sol de chambre à coucher, daté de la première moitié du troisième siècle après Jésus-Christ, trouvé dans la villa des Sévères, dans la localité de Baccano, sur la via Cassia. La mosaïque représente des auriges (conducteurs de chars) du cirque. J’y ajoute un gros plan ciblé sur le quart inférieur gauche. La seule façon pour moi de ne pas user, ici encore, de superlatifs est de me dispenser de tout commentaire.

 

Nous sommes partis rechercher notre camping-car dans sa rue près de la gare, et sommes allés passer la nuit sur un parking d’une zone résidentielle. Impossible, avec tout cela dans les yeux, d’aller sur le parking infesté de papiers, cartons, bouteilles, immondices en tous genres, du McDo.

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 01:37

Ce matin, nous nous dirigeons à pied vers la gare de Tivoli dans l’intention de prendre un train pour Rome. Mais là, quelle n’est pas notre surprise de constater qu’il n’y a pas de train le dimanche avant 12h45. Si l’on ajoute le retard habituel de dix minutes ou un quart d’heure, l’heure de trajet vers la gare de Rome, puis le métro, notre journée va être pas mal entamée. Nous retournons donc au camping-car et affrontons les importants embouteillages, tant sur la route que dans Rome. Heureusement, nous trouvons sans mal un stationnement gratuit à faible distance de la gare Termini. Un coup d’œil au plan de Rome pour savoir ce que nous pouvons voir dans ce coin : les Thermes de Dioclétien.

 

L’église Santa Maria degli Angeli e dei Martiri, représentée ci-dessus, a une histoire. L’empereur Dioclétien commanda la construction de ces bains, dont les travaux durèrent de 295 à 305 de notre ère. Et comme sa tendresse pour les chrétiens était limitée, il condamna quarante mille d’entre eux aux travaux forcés et les utilisa pour cette construction. Quarante mille chrétiens ! Rien que ce chiffre donne une idée de l’immensité de ces thermes, qui restèrent en usage jusqu’au sixième siècle. Mais les Goths, autres gens fort sympathiques, arrivèrent alors et détruisirent les aqueducs romains. Plus d’eau, plus de bains. Il faut dire que ces nomades ayant parcouru des distances considérables ne devaient pas être très habitués aux bains confortables.

 

 

Considérant ce gros édifice construit pour un païen par des chrétiens maltraités, le pape Pie IV décida, au milieu de seizième siècle, de racheter cette impiété et confia à Michel-Ange le soin de réutiliser ce qu’il pouvait, ou voulait, des thermes pour édifier une église. À l’époque (1561), l’artiste avait 86 ans, âge plus que respectable pour ce siècle. Il avait au maximum respecté le bâtiment de Dioclétien, mais il est mort en 1564, et ses successeurs ont été moins respectueux. Il n’empêche que le mur de façade concave en brique est celui des thermes. La photo ci-dessus montre l’un des bras de cette monumentale église en forme de croix grecque, c’est-à-dire dont le transept coupe la nef par son milieu. Les colonnes ont été conservées de l’antiquité, ce transept occupant la grande salle centrale du bâtiment de Dioclétien.

 

À droite, cet ange portant un bénitier est une sculpture baroque du dix-huitième siècle. J’aime particulièrement son visage. Il y a aussi bien d’autres choses à admirer dans cette église, et notamment d’immenses tableaux provenant du Vatican, lorsqu’à Saint-Pierre ils ont été remplacés par des mosaïques. Mais si je les mettais ici je n’en finirais plus : cette journée a été si riche que non seulement je dois en faire deux articles de blog, mais même ainsi j’ai eu un mal fou à décider de mon choix d’images, j’avais envie de tout mettre.

 

 

Malgré tout, je ne peux résister à montrer au moins l’une des curiosités de cette église. Au sol du bras droit du transept le dallage représente, sur une immense diagonale, le déroulement de l’année, avec des images des signes du zodiaque. Au début de cette diagonale, la représentation ci-dessus. Et puis, dans le plafond, un trou très petit laisse passer un rayon de soleil. Il s’agit d’une méridienne construite par Francesco Bianchini et inaugurée par le pape Clément XI le 6 octobre 1702. Selon l’endroit du sol que frappe le rayon de soleil à telle ou telle date, on peut déterminer l’heure exacte. On a utilisé ce système dans le passé pour régler les horloges de Rome.

 

 

J’en finirai avec Santa Maria degli Angeli e dei Martiri en montrant l’une des sculptures modernes décorant les portes de l’église. C’est sobre, original, évocateur. Je ne sais si mon jugement est personnel ou s’il est partagé…

 

 

Lorsque nous sommes arrivés devant cette église, nous n’avions absolument pas prévu qu’une estrade serait dressée sur son parvis, et qu’une femme réciterait des Ave Maria dans un micro, sur des haut-parleurs à puissance maximum. Nous nous approchons. Un grand calicot tendu par deux personnes informe qu’il s’agit d’honorer la "Santísima Virgen del Quinche", et que s’est rassemblée là l’Association des Familles Équatoriennes Résidant à Rome. Les familles équatoriennes ! Je me suis alors approché de l’homme qui tenait l'une des extrémités du calicot et, rassemblant mes souvenirs de langue espagnole en essayant de ne pas y mêler des mots de cet italien dont depuis près d’un mois j’essaie de m’imprégner, je lui ai dit que mon fils Raphaël avait vécu quelque temps en Équateur, que son amie Vanessa était de cette nationalité et qu’elle était très sympa, mais il n’était guère intéressé par mes propos. Je lui ai dit être étonné de voir ici tant d’Équatoriens, alors que l’on s’attendrait plutôt de leur part à une émigration vers l’Espagne, dont ils parlent la langue. Il m’a répondu que l’Italie était numériquement leur second pays d’émigration. Et comme sa réponse était laconique, j’en suis resté là de ma conversation.

 

Nous sommes restés après la fin des prières récitées sur le parvis, et avons vu l’entrée en procession dans l’église. Puis de très nombreux prêtres sont arrivés de la sacristie pour concélébrer une messe. Ils avançaient solennellement en rang par deux. Toutefois, l’un d’entre eux a sorti un petit appareil photo et a pris quelques images souvenir tout en s’avançant.

 

 

C’est dommage, je n’ai pas compris l’origine de cette cérémonie. Lors de son homélie, le prêtre l’a expliquée, mais à plusieurs reprises un larsen à vous arracher les oreilles a rétro alimenté le micro, et même sans larsen le son était si puissant que les haut-parleurs vibraient de toutes leurs membranes, rendant incompréhensible ce qui se disait. D’ailleurs, la foule était partagée entre une grande dévotion des uns, et pour d’autres, discutant à voix haute, se faisant des signes, ne cherchant nullement à écouter ou à participer, leur présence semblait plus folklorique qu’empreinte de foi.

 

 

Cette fois je quitte l’église Santa Maria degli Angeli. Elle a beau être immense, les thermes de Dioclétien étaient si gigantesques qu’elle laisse encore un espace lui aussi immense, et même bien plus, pour un musée. On peut y voir toutes sortes d’antiquités, dont cette Déméter d’argile reconnaissable aux épis de blé qu’elle tient négligemment dans sa main droite, et à sa couronne également en épis de blé. En effet, Déméter est la déesse maternelle de la Terre cultivée et du blé. À son sujet, la légende dit que sa fille Perséphone jouait avec les nymphes sans penser au mariage quand son oncle Hadès (elle a pour père Zeus, frère d’Hadès, dieu des Enfers) tomba amoureux d’elle et l’enleva. Déméter décida alors que tant que sa fille ne lui serait pas rendue elle ne retournerait pas sur l’Olympe, privant les hommes de récolte de blé. À la fin Zeus céda, et un compromis fut accepté. Perséphone serait rendue à sa mère six mois par an, et depuis elle revient au printemps, faisant apparaître les pousses de blé en même temps qu’elle remonte à la surface de la terre, mais retourne aux Enfers les six autres mois, laissant la terre improductive de blé.

 

 

Le sarcophage de Julius Achilleus (environ 270 après Jésus-Christ) porte la dédicace de sa femme Aurélia Maxima qui le qualifie de "vir perfectissimus", homme absolument parfait. Il a exercé des fonctions à la chancellerie de l’empereur, puis a été superintendant de la caserne des gladiateurs de Rome. Mais son sarcophage représente des scènes beaucoup plus paisibles et champêtres. Des bœufs, des chevaux, tout plein de moutons, deux chèvres, un pâtre qui rêvasse, un autre, son chien à côté de lui, qui coupe une branche avec sa faucille, je trouve cette scène sympa.

 

 

Après la visite de cette partie assez conventionnelle du musée, je veux dire des salles ou des allées avec des œuvres alignées le long des murs ou au centre des pièces, on ressort dans la cour et l’on pénètre dans une très vaste salle au plafond d’une hauteur vertigineuse, autre salle des bains, et là sont reconstituées trois chambres funéraires telles qu’elles ont été trouvées en 1951 lors de travaux d’urbanisme. Des photos d’époque permettent de les voir sur site, mais elles ont été transportées dans ce musée des thermes dans leur intégralité. L’une d’entre elles comporte de nombreuses niches destinées à recevoir les cendres de membres de la famille, mais au sol ont aussi été enterrées des personnes, et les murs sont recouverts de peintures. Une autre tombe, en face, comporte ce plafond décoré de stucs (ci-dessus).

 

Quant à la troisième tombe, plus vaste, elle a été décorée de statues des membres de la famille enterrés là. Le buste représenté ici serait celui d’une certaine Minatia Polla enterrée en 40 après Jésus-Christ. Je trouve émouvante cette tête de jeune fille, qui paraît tellement vivante dans sa tombe… Pour moi, ce genre de rencontre me plonge dans l’Antiquité comme s’il s’agissait de mon présent et comme si j’avais connu cette jeune fille. Mais je débloque sans doute !

 

Passons. Notre ticket regroupe le musée des thermes de Dioclétien dont je viens de parler, le Palazzo Massimo alle Terme –dont je vais parler dans mon prochain article de ce blog–, l’Aula Ottagona –planétarium des thermes, fermé pour travaux, mais dont les œuvres principales ont été transférées au Massimo–, la Palazzo Altemps ainsi que la Crypta Balbi –dont je parlerai plus tard encore. Nous avons théoriquement trois jours pour toutes ces visites, mais ces musées étant tous fermés le lundi, nous n’aurons qu’après-demain mardi pour voir ce que nous n’avons pas visité aujourd’hui. Rude programme.

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 22:35

 

 

 

Après une nuit de plus sur notre parking de Tivoli, nous prenons de nouveau le train pour Rome, puis le métro vers le Colisée. Nous avons prévu aujourd’hui de visiter le Marché de Trajan. Le forum républicain étant devenu trop petit, César, puis Auguste, puis Trajan ont chacun leur tour créé des extensions. De cette dernière il reste un champ de fûts de colonnes, des soubassements de murs, mais surtout cette immense colonne dont j’ai parlé précédemment et un remarquable ensemble de bâtiments appelé généralement "Marché de Trajan", mais comportant en réalité beaucoup plus qu’un marché. Il est constitué en bas d’un immense hémicycle de boutiques sur deux niveaux (photo 1), sur lequel court une rue pavée, la Via Biberatica, elle-même bordée de boutiques (photo 2). La photo ci-contre a été prise dans l’allée couverte du niveau haut du premier hémicycle.

 

Le modernisme de ce marché est surprenant. De nos jours, avec les moyens de transport modernes, on offre du poisson frais dans les poissonneries, c’est-à-dire pêché la veille, objet d’une criée sur le port le soir, transporté la nuit et arrivé à Paris le matin. Mais les Romains de l’antiquité mangeaient du poisson encore plus frais, parce qu’on le transportait vivant dans des jarres emplies d’eau de mer, et on le conservait dans des viviers de la poissonnerie. Il frétillait encore dans le panier de la ménagère.

 

 

Et il y avait de tout. Je parle des poissonneries parce que l’on y vend des produits qui ne supportent pas d’être défraîchis, mais il était possible d’y trouver des produits exotiques. Les fouilles ont permis d’identifier, par exemple, des traces de fruits et de légumes de pays tropicaux.

 

Assez pour la qualité de ce que l’on peut acheter. Sur le plan architectural aussi, ces bâtiments sont remarquables. On a vu plus haut l’allée couverte qui permettait d’aller d’un local à l’autre sans souffrir des intempéries en hiver ou du soleil d’été. Dans cette série de locaux ont été retrouvées des jarres ayant contenu du vin et de l’huile. Les boutiques du niveau bas étaient petites et fraîches, on y vendait fruits, légumes, fleurs. En bordure de la Via Biberatica, sur l’hémicycle supérieur, on vendait des épices. Puis le grand bâtiment (deuxième photo, au premier plan) comportait les grains et céréales. Au dernier étage, tout en haut, avaient lieu les distributions gratuites de blé pour les plus pauvres. Générosité sociale (socialiste ?) ou exploitation capitaliste pour s’assurer la fidélité des masses ? Chacun peut avoir son interprétation. Les deux sans doute se partagent la vérité parce que cette pratique, bien antérieure à Trajan et à son marché, était soutenue autant par les aristocrates que par les candidats populaires à l’époque républicaine. Mais évidemment, lorsqu’est venu le temps des empereurs, il n’y avait plus d’élections et par conséquent plus de candidats.

 

 

Nous sommes restés longtemps, tant pour visiter que pour paresser un peu au soleil. Mais nous avons aussi profité des quelques objets exposés dans la grande galerie, dont cette tête du philosophe Chrysippe, un bronze de 75 après Jésus-Christ découvert lors de fouilles dans le Temple de la Paix effectuées en 1998-2000. Hé oui, on trouve encore bien des choses de nos jours dans le sous-sol de Rome.

 

 

Après ce Marché de Trajan, nous sommes allés dans le bâtiment gigantesque (mais qu’est-ce qui n’est pas gigantesque à Rome ?) du Vittoriano, occupé par la Municipalité, qui y a installé des musées en entrée libre. Nous sommes passés assez rapidement au Musée National du Risorgimento, ce renouveau de l’esprit national italien au dix-neuvième siècle, qui a mené à la réunification et à l’indépendance de l’Italie. Dehors, les Autrichiens (avec l’aide de Napoléon III, aide prodiguée en échange de Nice et de la Savoie), et réduit au Vatican, le Pape. Cela, c’est l’œuvre de Cavour le diplomate et de Garibaldi le soldat.

 

Parmi tous les documents et le matériel présentés, j’ai choisi cet extrait de journal de l’époque, peu lisible sur ma photo parce que c’est trop petit, mais je ne peux résister au plaisir de le publier ici. Pour la France : Intelligence, courage, rapidité, élégance, spontanéité, explosivité, désinvolture. Pour l’Italie : Toutes les forces, toutes les faiblesses du GÉNIE. Pour l’Allemagne, la liste est longue, je choisis : Esprit grégaire, pesanteur, ruse, brutalité, pédantisme professionnel… et je finis, en italien parce que les mots sont savoureux, avec costipazione di camelote industriale. Gâtés, nos amis allemands.

 

 

 

Ensuite, nous sommes passés à une exposition temporaire sur Catherine de Médicis. Une présentation adroite, montrant son portrait (ici à deux âges différents), des témoignages de différents personnages sur son physique et sur son tempérament, des objets de son temps.

 

 

Également figurent dans cette exposition des livres et plusieurs lettres d’elle, manuscrites, ou des lettres adressées à elle. Cette lettre en italien traite de problèmes techniques, d’autres sont plus personnelles, comme une lettre en français s’inquiétant de la santé de ses enfants.

 

À un autre étage encore se trouve un Musée National de l’Émigration Italienne. On y voit de très nombreux documents depuis l’unité en 1870 jusqu’à 2005, journaux d’époque, livres, photos, affiches, statistiques. Pour attirer de la main d’œuvre dans des pays qui en manquaient, toutes sortes de pratiques ont été utilisées, notamment le mensonge publicitaire.

 

 

 

Les deux photos ci-dessus représentent des cartes postales envoyées des États-Unis présentés comme un pays de cocagne où les cornichons sont à la dimension d’un wagon de marchandises et où, dans l’Ohio, des saumons d’un mètre de long se pêchent par cinq en un coup de filet. On pourrait penser qu’il s’agit d’humour Mais il paraît que pas du tout, c’était fait pour tromper les candidats à l’émigration, et ça marchait parfois, la pauvreté rendant crédule.

 

De 1876 à 2005, 5 800 706 migrations vers les États-Unis ont été recensées, 4 436 965 vers la France, 3 007 361 vers l’Argentine, etc. 11 173 865 venaient du sud, Rome, Naples, Pouilles, Calabre, Sicile. J’arrête avec les chiffres, mais je les trouve faramineux.

 

Avant de conclure avec notre retour en train vers notre parking de Tivoli, j’ajoute encore une photo. Elle reproduit un dessin publié dans une revue du dix-neuvième siècle. C’est la représentation des locaux où la police des frontières entassait pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, les candidats à l’émigration. Cette page me rappelle des images de Sangatte montrées à la télévision française Ou les Africains parqués à Ceuta. Les années passent, mais les choses ne changent pas forcément radicalement.


 

 

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