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11 novembre 2016 5 11 /11 /novembre /2016 23:55
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Constantin Cavafis (1863-1933) est un grand poète grec contemporain de Charles Le Goffic (1863-1932) et de Paul Valéry (1871-1945). La Fondation Basile et Marina Théocharakis est un lieu culturel situé à Athènes sur le boulevard de la Reine Sophie, entre le sénat (place Syntagma) et l’ambassade de France, et cette fondation accueille actuellement une exposition concernant Cavafis. Comment manquer cela? D’abord, le voici représenté. Sur ma première photo c’est une toile peinte par Basile Théocharakis, le fondateur de l’organisme où nous sommes, et il n’est pas dit de quand elle date. Car ce peintre contemporain né au Pirée en 1930, dont le talent est reconnu (la mairie du sixième arrondissement de Paris lui a consacré une exposition en 2007), a pu être un mécène et un promoteur de l’art grâce à sa fortune. C’est en effet un entrepreneur qui a créé le réseau Nissan de Grèce, est actuellement à la tête du réseau d’importation et d’après-vente de Peugeot, et en dehors de l’industrie automobile il a également une main dans la banque, le transport maritime, la cosmétique et quelques autres domaines encore. Même si, donc, la date de ce tableau n’est pas indiquée, il n’a pu être réalisé d’après nature puisque son auteur n’avait que trois ans au moment de la mort de son sujet.

 

Sur ma seconde photo, c’est une double gravure dont l’auteur est Zacharias Arvanitis. Ici une date est donnée, 2011-2012, mais comme à ce moment-là notre poète était mort depuis presque quatre-vingts ans, c’est à l’évidence une œuvre réalisée à partir d’une photographie. Zacharias Arvanitis est un Athénien né en 1947, il a étudié les Beaux-Arts à Athènes de 1969 à 1973, peinture et décor de théâtre. En 1975 une bourse lui a été accordée pour aller à Paris étudier aux Arts Déco le décor et le costume design. Il a fait nombre d’expositions en Grèce, à Athènes ou à Thessalonique, mais aussi au Japon en 2010. C’est à Athènes qu’il poursuit aujourd’hui ses activités.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

La maison d’édition Okéanida a publié en 1990 un livre intitulé C. P. Cavafis. Cette illustration du livre est due à Christos Caras. Né en 1930, il a commencé par étudier les sciences politiques de 1948 à 1950, avant de se réorienter vers les beaux-arts de 1951 à 1955 (peinture, fresque, sculpture). Bénéficiaire d’une bourse d’état, il se rend à Paris pour se perfectionner dans l’art de la fresque à l’École des Beaux-Arts, de 1957 à 1960. Puis, de 1973 à 1975, on le retrouve à New-York grâce à la Fondation Ford. Aujourd’hui, il continue de travailler à Athènes.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Cavafis a été peint, il a aussi été sculpté. Ici, la création est plus évidente que dans la peinture, somme toute assez conventionnelle (même si je trouve extrêmement expressif le dessin de Caras). Le buste de la première photo, réalisé en 2013 par Apostolos Fanakidis, est en polyester avec lumière néon. Le visage, réaliste et plutôt classique est traversé par cette ligne de néon, et j’avoue ne pas en comprendre la signification ou l’intention.

 

La seconde sculpture, où le visage du poète disparaît derrière une rangée de fleurs est intitulée Sensation de Cavafis. Elle ne me convainc pas davantage. Est-ce à dire que la poésie de Cavafis est à l’eau de rose? Ce serait la preuve que le sculpteur n’y a rien compris, car au contraire sa poésie est forte. À moins que ce ne soit une allusion au poème intitulé Belles fleurs blanches. La sculpture est l’œuvre d’Angelos Papadimitriou, elle aussi datée 2013. Plusieurs de ces représentations de Cavafis, je l’ai dit, ne sont pas datées, mais celles qui le sont, on le voit, sont de cette année même, ou de l’an passé. Je me demande, dans ces conditions, s’il ne s’agit pas de commandes de la Fondation en vue de l’exposition, d’autant plus que toutes sont mentionnées “collection privée de l’artiste”, sauf le tableau de Théocharakis, qui est propriété… de sa fondation.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Il est bon de connaître le visage d’un auteur, il révèle souvent beaucoup de sa personnalité, et puis il fait partie de l’image que l’on a de lui. Par exemple, j’ai en mémoire bien des œuvres de Victor Hugo, en prose comme en vers, je sais par cœur plusieurs centaines de vers de lui, mais quand j’entends son nom j’ai immédiatement devant les yeux son portrait avec sa barbe blanche, la tête appuyée sur la main. Cependant un auteur n’est célèbre que pour ses œuvres. Passons donc à autre chose. Ici, une page de son poème Sur la route, avec une illustration de Nikos Chadzikyriakos-Guikas qui colle aux mots, à savoir une rencontre de hasard avec un homme.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Les dessins ci-dessus ont été réalisés autour de Cavafis. La première photo représente diverses études de Nikos Chadzikyriakos-Guikas pour les poèmes de Cavafis. Les deux autres photos montrent des œuvres du même artiste, d’abord le poète, ensuite une autre étude. À leur sujet, on nous dit –ce qui est un peu différent– qu’elles sont inspirées par les poèmes de Cavafis.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Giannis Tsarouchis est l’auteur de cette illustration, datée de 1964, pour le poème de Cavafis Belles fleurs blanches très bien assorties auquel je faisais allusion au sujet de la sculpture où son buste était caché par une rangée de fleurs. La reconnaissance de Cavafis n’a été que tardive, et cela pour plusieurs raisons. D’abord son style même. Il est né en Égypte, à Alexandrie, où depuis la fondation de la ville par Alexandre le Grand au quatrième siècle avant notre ère a toujours vécu une colonie grecque. Il a ensuite vécu en Angleterre après la mort de son père, alors qu’il était encore enfant, et d’ailleurs il paraît que sa prononciation du grec a toujours gardé une pointe d’accent anglais, il a vécu en France, il a vécu à Athènes, mais il est retourné finir sa vie à Alexandrie, et son style était marqué par cette ville. Ce n’est pas étonnant, chez nous Jean Giono ou Marcel Pagnol n’écrivent pas en provençal, mais leur style est fortement marqué par leur origine occitane. En outre, il introduit volontairement des termes adaptés d’Homère, mais aussi involontairement des mots qui ont depuis longtemps disparu de l’usage grec habituel mais qui se sont maintenus à Alexandrie, ou qui y ont été créés. Cette fois-ci, c’est avec la langue des Québécois que je vais faire ma comparaison. Cela, c’est la forme. Mais il y a surtout le fond, qui lui a nui encore bien plus. En effet, il était homosexuel, et ses poèmes sont, pour un grand nombre d’entre eux, explicitement orientés ainsi, à une époque où cela était considéré comme scandaleux (même aujourd’hui, la loi sur le mariage pour tous est loin d’être indifférente à un grand nombre). Cette orientation est aussi l’explication de très nombreux tableaux et dessins d’hommes nus dans cette exposition puisqu’il s’agissait d’illustrer ces poèmes.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Dans la même veine, et pour évoquer Cavafis, le même Giannis Tsarouchis a peint ces deux autres tableaux. Le premier, Nu étendu, est de 1957, et le second est un diptyque de 1956 intitulé Le Garde oublié.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

“Sans réflexion, sans pitié, sans honte, ils ont construit des murs solides et hauts où ils m’ont enfermé. [...] Pourquoi donc, quand ils construisaient, n’ai-je pas fait attention! […] Sans que je m’en rende compte, ils m’ont enfermé en dehors du monde”. Ma première photo représente le manuscrit du poème Τείχη, c’est-à-dire Murs, et ma seconde est une illustration de 2013 pour ce même poème par Télis Sofianopoulos.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

C’est Christos Bokoros qui, en 2012, a illustré le poème Τα Κεριά, Les Bougies, dont nous voyons ici le manuscrit: “Les jours du futur, ils se trouvent devant nous, comme une série de petites bougies allumées, –dorées, chaudes, et vivantes petites bougies. Les jours passés se tiennent par-derrière, une triste rangée de bougies éteintes. […] Je ne veux pas me retourner pour les voir, et je frissonne, si vite la sombre rangée s’allonge, si vite les bougies éteintes se multiplient”.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

J’ai encore beaucoup, beaucoup de progrès à faire en grec moderne, les petits bouts de traduction qui précèdent m’ont échauffé le cerveau, je m’arrête là. Le musée présente des textes avec leur traduction en anglais, en voilà un exemple. Le tableau représentant Cavafis assis devant une fenêtre, une esquisse pour ce poème, Le Soleil de l’après-midi, est d’Alekos Levidis. Personne n’osera me dire que ce Levidis n’est pas un tout jeune homme, puisqu’il est mon contemporain né en… 1944. On le trouve à Paris en 1963-1964, étudiant la mise en scène à l’Université du Théâtre des Nations, puis l’architecture à Genève. Il revient à Athènes pour étudier la peinture. Ayant de nombreuses flèches à son arc, il traduit du latin et édite le livre 35 de l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien. En 1994, il reçoit un prix pour la publication d’une étude sur la peinture grecque antique. En 2007, il a été admis comme artiste en résidence à Princeton. Il a été souvent exposé à Athènes, mais aussi en Crète et dans diverses villes grecques. Notons aussi en 2004 une exposition à Caen. Ajoutons qu’il a réalisé des décors de théâtre et des fresques dans des maisons, et qu’il a publié de nombreux livres et articles.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Je ne parlerai pas de nouveau de Basile Théocharakis, puisque j’ai eu l’occasion de le faire plus haut. Il est l’auteur de ce tableau de 2012, créé pour illustrer le poème Mer du matin, que je présente lui aussi avec sa traduction anglaise, en reproduisant le panneau du musée.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Quoique “sans titre”, il est clair que cette lithographie représente Cavafis jeune. Elle a été réalisée par Panagiotis Tetsis. Ce peintre et graveur né en 1925 a bien vite quitté les études de droit qu’il avait entreprises après le lycée, pour étudier les Beaux-Arts à Athènes. Une bourse lui permettra de se rendre à Paris et d’y suivre de 1953 à 1956 les cours de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts où il s’initie à la gravure. Professeur à l’École des Beaux-Arts d’Athènes de 1976 à 1991, il est admis en 1993 membre de l’Académie d’Athènes.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

Cavafis a composé un poème intitulé Τα άλογα του Αχιλλέως, c’est-à-dire Les Chevaux d’Achille. En 2009, Vassilis Papasaikas a sculpté en bronze cette illustration du poème. Je ne peux rien dire de lui, car ni au musée, ni à la librairie, ni sur Internet (même en grec) je n’ai trouvé la moindre information sur lui ou sur sa carrière.

Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013
Exposition Cavafis. Lundi 7 octobre 2013

En approchant de cette œuvre datée 2013, on se rend compte qu’elle est constituée de manuscrits. D’ailleurs c’est son titre, Manuscrits (Χειρόγραφα). Je ne connais pas de poème de Cavafis portant ce titre, aussi je suppose que c’est une évocation de ses œuvres à travers les manuscrits. L’auteur en est Alexandra Athanassiadi. Je ne sais rien de cette artiste non plus, et je le regrette parce que je trouve cette création originale et intéressante…

 

Tout cela n’est qu’une petite partie de l’exposition, pour en donner une idée. Car en réalité, quarante artistes étaient amenés à exprimer leur perception de Cavafis. C’est ce qui explique que cette exposition ne présente, de façon peu conventionnelle, aucun objet ayant appartenu au poète, rien qui se rapporte à sa biographie, mais des œuvres “autour” de sa personne et de ses poèmes.

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commentaires

M
je vais vous emprunter une photo je suis en train de rédiger un article sur le livre d'Ersi Sotiropoulos : Ce qui reste de la nuit. Si vous voyez un inconvénient prévenez moi et je retirerai la photo. De toutes les façons je vais mettre un lien vers votre article
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M
Quel plaisir de vous lire à nouveau! Figurez vous que je viens de commencer la lecture d'un roman grec mettant en scène Cavafy à Paris : ce qui reste de la nuit d'Ersi Sotiropoulos
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