Dans mon premier article sur Recanati, j’ai montré la maison natale du compositeur Giuseppe Persiani (1799-1869). Ce musicien a donné son nom au théâtre de la ville.
Ce théâtre héberge aussi un musée du grand ténor Beniamino Gigli, et une dame extrêmement aimable donne la possibilité de visiter la très belle salle (dans une petite ville de province je ne m’attendais pas à voir une salle aussi belle) et le musée.
Le musée étant hébergé dans ce théâtre, je ne peux plus désormais m’étonner que les salles en soient belles, comme en témoigne ce plafond.
Nous faisons d’abord connaissance avec la famille de Beniamino Gigli. Ses parents Domenico et Ester, sa femme Costanza, ses enfants Rina et Enzo. Il naît en 1890, sixième et dernier enfant d’une famille modeste. Son père est cordonnier. À sept ans, le voilà déjà enrôlé dans la chorale de la cathédrale mais bien vite il doit penser à gagner sa vie pour aider ses parents. On le retrouve employé chez un menuisier, apprenti tailleur, vendeur dans une pharmacie. Mais je ne sache pas qu’il ait jamais travaillé comme coiffeur, pour concurrencer le Barbier de Belleville cher à Reggiani!
En revanche, ses goûts musicaux trouvent satisfaction lorsque, pour gagner quelques sous de plus, il se fait embaucher dans la fanfare municipale, où il joue du saxophone. Tout cela fait remarquer ses exceptionnels talents musicaux et surtout vocaux, et il est pris comme élève de Lazzerini, l’organiste de la cathédrale, et de Guzzini, le directeur de la chorale. Tant et si bien qu’à tout juste dix-sept ans il a un vrai contrat professionnel comme… soprano, habillé en femme, jouant le rôle d’Angélique dans l’opérette La Fuga di Angelica, d’Alessandro Billi (sur un livret de Wolfango Valsecchi et Momo Giovannelli) au théâtre de Macerata, autre petite ville de la région. Quoique ses parents ne croient pas en une carrière musicale et s’opposent à cette vocation, il part pour Rome où il est admis au lycée musical Santa Cecilia à l’âge de vingt-et-un ans. En 1914, à Parme, il remporte sur cent cinq candidats le premier prix du concours de jeunes chanteurs. “Nous avons enfin trouvé un ténor”, s’exclame le président du jury.
Et voilà, sa carrière est lancée. Il chantera sous la direction de 199 chefs d’orchestre, pour environ 4000 représentations dans plus de 800 villes de 30 pays du monde entier. Il a eu pour partenaires 352 soprane, 128 mezzo soprane et contralto, 8 ténors, 214 barytons et 127 basses. Son répertoire était composé de 62 œuvres lyriques et oratorios. Il a en outre interprété d’innombrables chansons en dialecte napolitain, en italien, en anglais, en allemand, en espagnol.
Le célèbre ténor Enrico Caruso (ci-dessus, première photo) était titulaire du Metropolitan Opera de New-York quand il mourut, en 1921. Au terme de discussions passionnées pour sa succession, c’est Beniamino Gigli qui a été choisi pour le remplacer à une très large majorité. Il y avait, l’année précédente, remporté un immense succès en interprétant Faust dans le Méphistophélès d’Arrigo Boito (ci-dessus deuxième photo, dans le costume de Faust en 1915 au grand théâtre de Palerme). Durant treize saisons, il y apparaîtra dans 30 rôles.
Sa carrière de chanteur, Gigli l’a aussi accomplie devant l’objectif de caméras, jouant dans 18 films entre 1935 et 1950. Comme on le voit, c’est à un immense artiste qu’a donné naissance la ville de Recanati.
Sa dernière tournée de concerts a été pour l’Angleterre en 1956. De retour dans son pays, il est mort à Rome en 1957. Il aura ainsi chanté depuis son plus jeune âge et presque jusqu’à sa mort.
Après sa mort, le corps de Beniamino Gigli a été ramené à Recanati. Il est enterré dans le petit monument funéraire de sa famille, dans le cimetière aux portes de la ville. Pour ce grand homme, ce monument est très modeste, comparé aux véritables maisons que les Italiens ont l’habitude de construire dès qu’ils en ont les moyens.