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22 mai 2014 4 22 /05 /mai /2014 09:00

 

    879a1 Küçük Ayasofya, Istanbul

 

J’ai parlé dans mon article Istanbul 08 de ce monument incontournable et absolument remarquable qu’est la basilique mosquée Sainte-Sophie, Ayasofya en turc. En fait, c’est plutôt en grec, où [H]agia Sophia, prononcé avec un G très doux, signifie… Sainte Sophie. Mais l’orthographe du mot en turc est phonétique. Cette basilique, je l’avais dit, a été construite de 532 à 537 par Isidore de Milet et Anthémius de Tralles pour le compte de l’empereur Justinien. Mais tout près du parking aménagé (“sosta camper” comme disent les Italiens) où nous résidons, il y a une petite mosquée, église paléochrétienne. Pour aider à la trouver, j’en donne les coordonnées géographiques, N41°00'10,57" et E28°58'17,71". L’empereur Justin Premier (518-527) soupçonnait son neveu Justinien de conspirer un soulèvement contre lui et allait le faire arrêter quand saint Serge et saint Bacchus, deux officiers supérieurs de l’armée romaine en Syrie vers la fin du troisième siècle qui, dénoncés comme chrétiens, avaient subi le martyre, le premier décapité, le second flagellé à mort, lui ont apparu en songe, lui disant que Justinien n’était nullement coupable. Lorsque Justin est mort et que Justinien lui a succédé sur le trône en 527, reconnaissant à l’égard de ces saints il a fait construire cette jolie petite église (de 527 à 530), qu’il a dédiée à Saint-Serge et Saint-Bacchus. Or de façon très claire l’architecture de cette église a servi de modèle réduit pour la conception en immense de la basilique Sainte-Sophie quelques années plus tard. En 1505, au temps du sultan Bayezid II, un demi-siècle après la conquête ottomane de 1453, Hüseyin, aga (chef militaire) de Babussaade (“Porte de la Félicité” au palais de Topkapi, au débouché de la deuxième cour face à la Chambre des Requêtes), a transformé l’église en mosquée, faisant ouvrir de nombreuses fenêtres, en faisant murer d’autres, modifiant toute la décoration intérieure, ajoutant bien évidemment un minaret, mais la structure est toujours la même, elle a traversé tous ces siècles malgré les dommages causés par les tremblements de terre et surtout par la ligne de chemin de fer construite en 1870-1871 qui passe juste au ras des murs et qui a tant ébranlé l’édifice qu’il a fallu dès 1877 construire un mur de soutien.

 

Du fait de son architecture qui a servi de modèle à la grande basilique de Sainte-Sophie, les Ottomans ont nommé cette petite mosquée Küçük Ayasofya, la “Petite Sainte-Sophie” (prononcer Kutchuk).

 

    879a2 Medrese de Küçük Ayasofya (aujourd'hui artisanat) 

 

    879a3 Medrese de Küçük Ayasofya (aujourd'hui artisanat) 

 

Aux modifications faisant de l’église chrétienne une mosquée se sont ajoutées des constructions de petits logements destinés à des derviches autour de la cour. Plus tard, ces logements ont été convertis en une medrese, c’est-à-dire une école théologique musulmane. Aujourd’hui, alors que la mosquée est toujours destinée au culte musulman (à la différence de la grande Sainte-Sophie, transformée en monument-musée par la volonté d’Atatürk), les bâtiments de la medrese ont été convertis en centre d’artisanat de la Fondation Ahmet Yesevi.

 

    879b cimetière autour de Küçük Ayasofya 

 

Au pied de la mosquée a également été placée la tombe de Hüseyin Aga, puis d’autres tombes. Le petit cimetière est sur le flanc gauche de la mosquée. Parmi les autres usages de la mosquée, on peut ajouter que, pendant les Guerres des Balkans, elle a servi de lieu d’accueil pour les réfugiés.

 

    879c1 Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

    879c2 Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

    879c3 plafond du porche de Küçük Ayasofya 

 

    879c4 base du minaret de Küçük Ayasofya, à Istanbul 

 

Ci-dessus, le porche de la façade. Chacune des petites coupoles qui le couvrent est soigneusement décorée d’un dessin géométrique puisque la représentation humaine est interdite par l’Islam, et ma troisième photo montre un détail de cette décoration. Sur ma deuxième photo, on remarque quatre paires de chaussures. Bon, nous ne serons pas seuls pour la visite. La dernière photo montre la base du minaret. Mieux vaut se limiter à sa base, assez jolie, car la partie supérieure est plutôt banale.

 

    879d1 Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

    879d2 minbar de Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

Le moment est venu de nous déchausser et d’entrer. Certes ce n’est pas la “grande” Sainte-Sophie, mais cette “Küçük” donne quand même une bonne impression d’ampleur et surtout son adaptation en mosquée a fait dégager tout l’espace. Restent, dans ce qui était des chapelles périphériques, de superbes colonnes antiques, et puis il y a eu l’adjonction du minbar, c’est-à-dire la chaire qui n’a dans les mosquées rien à voir avec la chaire des églises chrétiennes. Le minbar a toujours cette architecture triangulaire, un simple escalier et l’imam prêche depuis l’étroit palier au sommet.

 

    879e1 galerie de Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

    879e2 galerie de Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

Un monsieur chargé de la surveillance et de la garde de la mosquée nous a très gentiment invités à monter un escalier. On arrive ainsi sur la galerie qui court autour de l’édifice. C’est un couloir qui s’élargit de place en place pour couvrir les chapelles périphériques.

 

    879f1 au fond, mihrab de Küçük Ayasofya 

 

    879f2 Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

    879f3 Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

    879f4 dikka de Küçük Ayasofya, Istanbul 

 

De là-haut, la vue est très intéressante et permet d’apprécier à la fois l’édifice dans son ensemble et sa disposition. Ma première photo regarde le mihrab, cet endroit tourné vers La Mecque en direction de quoi les fidèles doivent prier. Puis de nouveau on voit le minbar, et cela est normal puisque le prédicateur doit être visible de partout. Enfin, cette tribune, c’est la dikka, c'est-à-dire la loge de l'imam.

 

879f5 plafond de la dikka, Küçük Ayasofya, Istanbul

 

Redescendons, et levons le nez. Ici nous sommes sous la dikka, et l’on se rend compte que le plafond est extrêmement soigné, dessins compartimentés avec de fines baguettes de bois précieux.

 

879g1 Küçük Ayasofya, Istanbul

 

879g2 Küçük Ayasofya, Istanbul

 

Continuons notre petit tour. Finalement je suis remonté sur la galerie (dans la réalité, j’ai fait plusieurs allers retours, sans compter que nous sommes entrés plusieurs fois dans cette petite mosquée que nous aimons beaucoup, et qui se trouve sur notre chemin du camping-car vers l’hippodrome, la Mosquée Bleue, le tramway, notre épicier, notre boucher…) pour me trouver au même niveau que la partie haute du bâtiment, ce qui permet de mieux l’apprécier.

 

879g3 coupole de Küçük Ayasofya, Istanbul

 

879g4 coupole de Küçük Ayasofya, Istanbul

 

Et puis voilà la grande coupole centrale. Comme je l’ai montré plus haut pour les petites coupoles du porche, l’art islamique soigne particulièrement cet endroit. Chaque coupole, petite ou grande, a droit à sa décoration originale. Certes le style général est toujours le même, mais chaque dessin est différent de tous les autres. C’est pourquoi, après une vue de la coupole, j’ai cadré verticalement de bas en haut sur son centre.

 

879g5 un chapiteau de Küçük Ayasofya, Istanbul

 

879g6 entablement de Küçük Ayasofya et inscriptions

 

Encore deux détails. Les colonnes et leurs chapiteaux sont d’origine, ils datent donc du deuxième quart du sixième siècle de notre ère. Ce qui explique pourquoi certains entablements comme celui de ma seconde photo ci-dessus portent des inscriptions en caractères grecs byzantins (le Σ du grec classique, comme celui du grec moderne, est ici écrit C, comme la tradition s’en est conservée aujourd’hui dans la religion orthodoxe. C’est aussi pourquoi la lettre S s’écrit C en russe, puisque cet alphabet dit cyrillique a été créé par saints Cyrille et Méthode, deux frères grecs de Thessalonique du neuvième siècle, donc de l’époque byzantine).

 

879h1 dans la mosquée Küçük Ayasofya, à Istanbul

 

879h2 dans la mosquée Küçük Ayasofya, à Istanbul

 

En l’absence de toute explication donnée sur place ou trouvée dans mes livres, je ne peux que supposer que cette fontaine servait aux ablutions rituelles. Elle prend son eau dans le sous-sol, nappe phréatique ou citerne, je l’ignore.

 

879h3 tapis dans la mosquée Küçük Ayasofya

 

Et enfin, dans un coin, je suis tombé en admiration devant cette pile de tapis d’Orient. Je n’ai pu m’empêcher d’aller y regarder de plus près, la densité des points, la trame, de la très belle qualité.

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commentaires

J
Avec ce nombre considérable d'articles, tous plus intéressants les uns que les autres, vous devriez faire un ou plusieurs livres.<br /> Amicalement<br /> Jean-MArie
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