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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 17:00

758a1 le ferry Aqua Jewel (Nel Lines) entre Folegandros et

 

Cette fois-ci, nous nous sommes embarqués sur le ferry Aqua Jewel, de la compagnie NEL Lines. Une vieille connaissance, qui nous avait emmenés, en août, de Syros à Kea. Nous avons quitté Folegandros pour nous rendre à Milos.

 

758a2 Lieu de découverte de la Vénus de Milo

 

Il s’agit de cette île, Milos en grec moderne mais que l’on a coutume d’appeler du nom ancien Milo en français, d’où provient la grande statue qui est actuellement au Louvre (non pas volée, mais légalement achetée. Une fois n’est pas coutume). Ici est signalé l’endroit de cette exceptionnelle découverte. La sculpture est antérieure à la romanisation du pays, et ce sont les Romains qui ont, les premiers, cherché des similitudes entre leurs dieux et les dieux des Grecs, et qui ont assimilé Jupiter à Zeus, Minerve à Athéna, etc. Et aussi Vénus à Aphrodite, cette Vénus dont la linguistique démontre de façon évidente que son nom était neutre à l’origine, une déesse de la fertilité de la terre, rien de commun avec Aphrodite qui a toujours été très féminine. Encore au dix-neuvième siècle, quand Leconte de Lisle traduit Homère, il "traduit" aussi les noms grecs des dieux en leur "équivalent" latin. Et l’on continue à lire aujourd’hui dans les guides et dans divers ouvrages "Héphaïstos ou Vulcain", "Arès ou Mars", "Héra ou Junon", les deux dieux du couple étant considérés comme ne faisant qu’un. Mais que, sur leur panneau, en Grèce, les Grecs disent "Lieu de découverte de la statue de l’Aphrodite de Milo" en langue grecque (caractères jaunes), et traduisent en anglais (caractères blancs) "site de la découverte de Vénus de Milo", cela c’est lamentable. Même si la coutume veut que nous, Français, appelions la statue par le nom que lui a donné l’ambassadeur de France à Istanbul quand il l’a achetée et donnée au Louvre, nom qu’a affiché le Louvre devant elle, je pense que les Grecs, dans leur pays, ne doivent pas se soumettre une seconde fois au joug romain.

 

Derrière le théâtre (que nous allons voir dans un instant), un paysan retourne son champ pour y trouver des pierres destinées à construire sa maison, en ce 8 avril 1820, où l’île est encore ottomane. Des pierres, une grotte (en fait, l’une des tribunes du stade), et dans la grotte une demi-statue de marbre et deux hermès. Or un navire français en mission cartographique attendait en rade de Milos les vents favorables et au moment de la découverte l’élève officier de marine Voutier se promenait par là. Il demande au paysan de lui réserver cette statue, informe à bord l’enseigne de vaisseau Dumont-d’Urville chargé d’histoire naturelle et de cartographie, lequel écrit au vice-consul de France à Milo, qui fait son rapport au consul général à Smyrne, qui fait son rapport au marquis de Rivière, ambassadeur de France à Constantinople. L’ambassadeur dépêche alors sur les lieux un secrétaire d’ambassade, le comte de Marcellus. Celui-ci arrive alors que le paysan a remis la statue à un prêtre mandaté par Nicolas Mourouzi, prince de Moldavie et interprète de l’armée turque. Il semble, d’après les rapports de Voutier, que la statue avait ses bras quand elle a été découverte, et d’après Marcellus elle ne les avait plus quand il l’a trouvée déjà embarquée sur un bateau. Les tractations ont été longues et difficiles, mais enfin le comte de Marcellus a pu prendre possession de la magnifique statue au nom de l’ambassadeur Rivière, qui en a fait cadeau au roi Louis XVIII afin qu’elle soit exposée au Louvre.

 

758a3 Milo, murs antiques

 

Presque en face de l’endroit de découverte de l’Aphrodite de Milos (hé oui, pas la Vénus de Milo, j’insiste lourdement) se dressent encore quelques vestiges des puissants remparts qui protégeaient la cité dans l’Antiquité.

 

758b1 Milo, chemin d'accès au théâtre antique

 

Et puis on suit encore sur quelques centaines de mètres un sentier bordé d’un mur de soutènement du terrain qui a été antique mais visiblement bien souvent réparé par la suite.

 

758b2 Milos, le théâtre antique

 

758b3 Milos, mur du théâtre antique

 

On arrive alors au théâtre. Comme presque tous les théâtres grecs, il est adossé à la colline, les gradins suivant la pente naturelle, ce qui évite d’avoir à construire des murs qui, pour être suffisamment solides, doivent être très épais. Toutefois, sur le côté, la colline a été creusée pour créer un chemin d’accès, et la coupe verticale dans la colline est garnie d’un beau mur de moellons réguliers (seconde photo). Le théâtre est en travaux. Je ne sais s’il va seulement être restauré ou si, pour lui donner un usage de nos jours, il va être reconstruit, ce que je ne souhaite pas parce que les belles pierres neuves bien blanches et brillantes que l’on ajoute sont dix fois plus nombreuses que les pierres antiques, ce qui constitue certes un beau théâtre, mais fait disparaître l’œuvre antique. On restaure des fresques de Giotto, on ne se permettrait pas de les repeindre, mais on respecte moins les vieilles pierres. Je m’emporte, alors que l’on va peut-être simplement remettre en place ce qui est tombé, sans dénaturer le théâtre antique… Du fait des travaux en cours, des panneaux interdisent l’accès, peut-être pour des raisons de sécurité, peut-être parce que l’on pense que le sol recèle encore des statues, des monnaies, diverses antiquités et que l’on se méfie des amateurs. Mais il est plus de dix-huit heures et le dernier ouvrier est parti depuis longtemps (dans ce pays chaud, on commence le travail tôt le matin pour ne pas trop souffrir de la chaleur, et l’on est donc libre plus tôt), mes intentions sont tout à fait honnêtes et si je trouvais quelque chose je n’y toucherais pas, et je ne m’approche pas des endroits d’où une pierre pourrait s’effondrer. Personne ne me voit, j’entre dans ce lieu interdit. Chut, ne le répétez à personne, cela doit rester entre nous.

 

758b4 Milos, élément du théâtre antique

 

Au sol, reposent de nombreux blocs de pierre superbement sculptés. Les archéologues doivent avoir une idée de la partie architecturale d’où ils proviennent. Ci-dessus, le détail de l’un d’entre eux. Un travail d’une finesse incroyable et, par chance, conservé en parfait état.

 

758c1 île de Milos (Cyclades), Plaka

 

Assez grande avec un peu plus de 150 kilomètres carrés, l’île de Milos comporte plusieurs agglomérations assez importantes dont Adamas, celle du port. Celle-ci, c’est Plaka, plus au nord. Nous nous y rendons plusieurs fois, parce qu’on doit la traverser pour aller au théâtre, aux catacombes (dont je vais parler tout à l’heure), parce qu’il s’y trouve le musée archéologique (dont je vais également parler).

 

758c2 Milos, en montant vers l'église du kastro

 

758c3 Milos, en montant vers l'église du kastro

 

758c4 Milos, le kastro

 

758c5 île de Milos, Plaka vue d'en haut

 

Le bourg de Plaka est dominé par son kastro. Évidemment, nous y sommes montés pour contempler le panorama (quatrième photo). En chemin nous avons traversé un hameau qui a l’originalité d’avoir peint en bleu cycladique le sol de sa rue. Les Cyclades, c’est blanc et bleu, mais il y a habituellement plus de blanc que de bleu. L’effet est intéressant.

 

758d1 Musée archéologique de Milos

 

Mais redescendons pour jeter un coup d’œil au musée archéologique, installé dans un beau bâtiment. Il contient nombre de très belles pièces, mais là encore, comme au musée archéologique (historique) de Santorin, il ne faut pas prendre trop de photos, il ne faut pas approcher l’appareil photo d’objets pourtant protégés par une vitre épaisse, on est surveillé sans utilité puisque même si l’on a de mauvaises intentions les vitres protègent les collections et rien n’échappe à l’œil des caméras. Il est vrai que ce ne sont pas de vulgaires sardines à l’huile (cf. Jacques Prévert : "Poissons morts protégés par les boîtes / boîtes protégées par les vitres / vitres protégées par les flics / flics protégés par la crainte / que de barricades pour six malheureuses sardines...").

 

758d2 Musée de Milos

 

Disposés selon une muséographie archaïque, bien des objets sont cependant très intéressants, comme ce petit taureau de terre cuite datant de la fin de l’helladique IIIC ( qui s’étend de 1190 à 1060 avant Jésus-Christ) que je montre de face et de trois-quarts dos.

 

758d3 Musée de Milos

 

J’aime beaucoup aussi cette amusante figurine d’homme datant de la même période. Pour ceux qui, par ailleurs, imaginent l’art de cette période très reculée comme nécessairement imparfait, cette statuette est un bon démenti. En effet, si nul soit-on en sculpture, on ne peut pas ne pas se rendre compte que la proportion entre buste et jambes n’est pas réaliste. Il y a donc un travail artistique très abouti, au contraire, une recherche esthétique telle qu’elle a été reprise au vingtième siècle de notre ère, avec peut-être (je devrais plutôt dire "sans doute") une signification philosophique ou métaphysique.

 

758d4 Musée de Milos, Aphrodite et Eros

 

Puisque nous sommes dans l’île de "la Vénus de Milo", je ne peux manquer de montrer une statuette représentant Aphrodite qui retient de la main son vêtement qui tombe. Elle a près d’elle un petit Éros, son fils. Il s’agit de toute évidence d’une statuette votive.

 

758d5 Musée de Milos, prêtre de Dionysos (2nd s. après J

 

Le niveau de définition de ma photo réduite ne donnera pas aux hellénistes le plaisir de déchiffrer eux-mêmes l’inscription gravée sur la base de cet hermès. Qui, d’ailleurs, n’est pas réellement ce que l’on appelle un hermès, fondu dans sa base depuis le torse, et généralement nu, avec des organes génitaux bien apparents sur ce qui n’est déjà plus le corps. L’inscription nous informe que cet homme est Marios Trophimos, prêtre de Dionysos. Si le nom est bien grec, le prénom est clairement une hellénisation du latin Marius. En effet, cette statue date du deuxième siècle après Jésus-Christ, soit quelque trois cents ans après la conquête romaine.

 

758d6 Musée de Milos, suite de Dionysos avec satyre et Sil

 

Puisque j’ai évoqué Dionysos au sujet de son prêtre, voici une plaque d’époque hellénistique (de la mort d’Alexandre le Grand en 323 à celle de Cléopâtre en 30 avant Jésus-Christ) qui représente le cortège de ce dieu, avec en tête un satyre, puis un Silène entre deux hommes, et une femme qui ferme la marche.

 

758d7 Musée de Milos, figurine hellénistique en terre cui

 

Également d’époque hellénistique cette statuette de femme, malheureusement acéphale, mais à l’élégant drapé qu’elle retient de la main, et qui a conservé une bonne part de ses couleurs vives. C’est sur cette image que nous allons quitter le musée archéologique.

 

758e Klima, sur l'île de Milos (Cyclades)

 

À quelques kilomètres de là, une ruelle très étroite descend vers la mer. Là, coincées entre la colline et la mer, s’alignent de typiques maisons de pêcheurs aux huisseries de couleurs vives qui brillent sur les murs blancs. Ces maisons ont vraiment les pieds dans l’eau, et leur garage, dont la porte ouvre sur la façade, héberge un bateau, non une voiture. Cette bourgade, c’est Klima. Dans le musée, parce que je ne fais pas ici œuvre d’archéologue, je ne signale pas à chaque fois d’où vient tel ou tel objet, car pour qui ne connaît pas à fond l’île, le nom d’un lieudit ne signifie rien. Mais ici, je peux dire que c’est de Klima que provenait la jolie petite Aphrodite que j’ai montrée tout à l’heure.

 

758f1 île de Milos, catacombe

 

758f2 île de Milos, catacombe

 

Tout à l’heure, j’ai évoqué des catacombes. Nous y voici. La visite est limitée à quelques personnes à la fois. Pendant que nous attendons notre tour, je vois ici, en extérieur, quelques traces de tombes. Ces catacombes, dans leur ensemble, ont été utilisées du milieu du premier siècle de notre ère jusqu’au sixième siècle.

 

758f3 île de Milos, catacombes

 

758f4 île de Milos, catacombes

 

758f5 île de Milos, catacombes

 

Plusieurs galeries ont été percées, bordées de tombes. On peut y voir divers types de tombes, voûtées en arches, ou horizontales dans le mur, ou encore creusées dans le sol. Certaines sont des chambres hébergeant plusieurs sépultures de membres d’une même famille.

 

758f6 île de Milos, catacombe

 

758f7 île de Milos, catacombe

 

758f8 île de Milos, catacombe

 

Pour terminer cette visite, voici quelques exemples de tombes en voûte. Sur la première de ces photos, on voit un seul caveau creusé sous la voûte dans le mur. Les voûtes juxtaposées de la deuxième photo, plus profondes, hébergent chacune plusieurs tombes. Enfin, comme le montre la troisième photo, parfois le mur comporte plusieurs tombes superposées.

 

Si j’arrête là cet article, ce n’est pas parce que nous quittons Milos. En effet, nous avons vu sur ces trois jours tant de choses que je préfère les partager en deux articles, non pas chronologiques, mais thématiques. Ici, c’étaient plutôt les constructions et les œuvres de l’homme, tandis que mon prochain article portera sur des sites naturels à couper le souffle, et aussi sur les mines qui sont une exploitation humaine de sites naturels. Certes, cette classification a quelque chose d’un peu arbitraire, mais, pour moi, elle me permet de mieux ranger dans les petites cases de ma mémoire tout ce que j’ai vu sur cette île.

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