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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 22:47

 

Avant-hier, nous n’avons pu voir tous les trésors que recèle le Palazzo Massimo. Je sais bien que notre billet pour les musées valable jusqu’à ce soir comporte encore le Palazzo Altemps et la Crypte Balbi, mais comment résister à la tentation de revoir la salle à manger de Livie, et de découvrir ce qui a été sauvé de la villa Farnèse, ainsi qu’une collection de mosaïques ? Natacha et moi décidons donc d’un commun accord qu’il n’est "absolument pas possible" de ne pas retourner au Palazzo Massimo.

 

Au lieudit Pietra Papa, sur les rives du Tibre, ont été découverts entre 1939 et 1940 les restes d’un établissement de bains (Rome en a compté jusqu’à près de 900 au quatrième siècle de notre ère) faisant partie d’une villa de banlieue –villa au sens romain du terme, c’est-à-dire ensemble de village. Ces bâtiments et leurs peintures ont été datés du second quart du deuxième siècle. Les briques, quant à elles, portent un sceau de 123 après Jésus-Christ. Elles ont donc été stockées quelque temps avant usage, probablement le temps de sécher. On voit ici un poulpe enserrant dans ses tentacules une murène et une langouste.

 

 

Lorsque, au dix-neuvième siècle, le gouvernement pontifical voulut construire à Rome une grande gare pour le chemin de fer, en face des Thermes de Dioclétien, les travaux ont mis au jour de nombreux objets et restes de constructions datant de l’époque impériale. Puis, de 1947 à 1949, les travaux pour la construction de la nouvelle gare et pour le creusement de la ligne B du métro ont fait de nouveau découvrir un extraordinaire complexe de bâtiments constituant un quartier à part entière daté de l’époque d’Hadrien (117-138 après Jésus-Christ), édifié selon un plan d’urbanisme homogène. Rues, maisons privées, bains publics, boutiques, entrepôts desservis par des allées spéciales, systèmes d’égouts, etc. Mais en ce vingtième siècle de l’après-guerre il fallait construire vite, alors on a détruit pas mal de choses et on a bâti à la va-vite, sans plan d’urbanisme, à la place de ces richesses archéologiques.

 

Dans la "Villa della Farnesina" on a par exemple mis au jour des chambres à coucher telles que celles-ci. Dans ce musée, trois chambres sont ainsi présentées dans leur intégralité, avec leurs peintures murales et leurs stucs de plafond.


 

 

 

Comme on le voit, ce sont des scènes intimes de la vie quotidienne qui sont représentées sur les murs. C’est également pour nous une source d’informations sur la vie à Rome sous l’Empire. Précisons toutefois que cette villa Farnesina logeait des membres de la famille impériale. Tout le monde à Rome ne disposait pas du même luxe.

 

 

 

Ici, nous voyons un panneau mural du quatrième siècle représentant l’enlèvement d’Hylas par les Nymphes, avec un gros plan sur l’expression de deux personnages. Héraklès, lors de sa guerre contre les Dryades, avait tué leur roi et, remarquant la grande beauté de son fils Hylas, il en était tombé amoureux et l’avait enlevé. Au cours de l’expédition des Argonautes, lors d’une escale en Mysie, il était allé couper un arbre pour remplacer une rame cassée et avait chargé Hylas d’aller puiser de l’eau à une source dans la forêt. Là, les nymphes le trouvèrent, elles aussi, si beau qu’elles l’enlevèrent à leur tour, pour lui donner l’immortalité. C’est cet enlèvement qui est représenté ici. La mosaïque n’est pas composée comme d’habitude de petits cubes de pierre de taille régulière, mais la technique évoque plutôt pour moi l’art du vitrail, avec des fragments taillés en fonction des formes et des couleurs du dessin.

 

 

 

Cette fois-ci, la technique de cette mosaïque de sol est plus traditionnelle. Elle se trouvait sans doute dans un établissement de bains de la première moitié du deuxième siècle, sur une rive du Tibre. C’est une scène située dans un paysage du Nil, avec ses crocodiles et ses hippopotames. Nous sommes à l’époque d’Hadrien, qui a passé la moitié de son règne à parcourir son empire, des confins de l’Écosse à la province du Pont et à la Syrie, en Asie, de l’Espagne à l’actuelle Algérie, de Germanie en Égypte. Dans sa villa de Tivoli, nous avons vu une sculpture de crocodile sur les bords d’une pièce d’eau. Ces sujets exotiques sont donc à la mode à cette époque.

 

 

Au sous-sol du Palazzo Massimo, sont regroupés des objets antiques. Aussi bien des objets de la vie quotidienne que des objets précieux ou des insignes du pouvoir. Par exemple des cuillères, des poteries, mais aussi un sceptre.

 

Et puis il y a cette petite poupée articulée qui a été trouvée dans la tombe de cette enfant de huit ans environ dont le corps s’est trouvée momifiée par les conditions naturelles du sol, non par une intervention technique comme c’était le cas pour les Égyptiens. À la fois émouvant et terrible, ce corps noirci, ces dents blanches qui ressortent, ce reste de cheveux, cette paupière fermée et cet autre œil creux mais qui donne l’impression de vous regarder sous son sourcil levé. Pour l’émotion, on y ajoute sa poupée, et quelques bibelots et bijoux qui se trouvaient aussi dans sa tombe.

 

À la sortie du musée, sur les marches, un couple nous demande en anglais si ce musée vaut le coup. On peut imaginer notre réponse enthousiaste ! Nous restons quelques minutes à discuter avec eux. Il est uruguayen, elle est péruvienne et ils vivent aux environs de Washington. Il était logique qu’ils rencontrent une Biélorusse et un Français en Italie… Ce sont des gens charmants et intéressants, on aurait plaisir à les revoir plus longtemps, hélas nos routes divergent. Mais nous avons leur adresse e-mail, alors, qui sait, peut-être un jour…

 

 

 

Il fait beau, alors pourquoi prendre le métro ? Pour gagner du temps, d’accord, mais nous préférons aller à pied, pour prendre le pouls de la ville. Notre but est le Palazzo Altemps, qui est recommandé par nos guides et qui fait partie des lieux compris dans le billet que nous avons pris dimanche aux Thermes de Dioclétien.

 

Un coup d’œil au plan de Rome permet de voir que la distance est raisonnable, mais surtout que l’itinéraire fait passer à proximité de la Fontaine de Trevi. Là encore, foule. Or aujourd’hui, aussi bien en fin de matinée qu’à l’heure du déjeuner ou en début d’après-midi, le fabuleux Palazzo Massimo était presque désert, tout comme dimanche après-midi et soir. Or, franchement, cette célèbre fontaine ne casse pas des briques. Elle a pour elle d’être monumentale, puisqu’elle est aussi grande que le palais contre lequel elle s’appuie. Je crois que sa réputation est en grande partie due au bain en robe du soir qu’y prend Anita Ekberg dans la Dolce Vita de Fellini. Ici, tout le monde se fait photographier le dos à la fontaine, lançant par-dessus son épaule une pièce de monnaie dans le bassin. Ne cédant pas à cette tradition, nous nous sommes contentés de nous asseoir quelques minutes pour croquer des gâteaux secs que nous avions emportés. Nous avons quand même remarqué que l’église qui apparaît dans le dos des touristes, dédiée aux saints Vincent et Anastase, a été construite par le cardinal de Mazarin, selon l’inscription gravée sur son fronton.

 

 

Nous voici arrivés au Palazzo Altemps. Beau bâtiment, organisé autour d’une cour. Je préfère ma photo faite le soir à la lumière artificielle à celle faite à notre arrivée, elle met mieux en valeur les galeries.

 

Il se trouve dans ce musée de très nombreuses sculptures, agréablement présentées de manière aérée, je veux dire dans de grandes et belles salles. Ce n’est pas un entassement d’œuvres d’art accumulées au hasard. Là encore, je ne peux pas tout montrer, d’autant plus qu’à part quelques très belle pièces j’ai été moins séduit que par le Massimo. Ci-contre, j’ai choisi un buste d’Antinous, parce que nous avons visité la Villa Adriana, or on sait qu’Hadrien était homosexuel et qu’Antinous avait suscité chez lui un très grand amour. Lorsqu’il avait été retrouvé noyé en Égypte, l’empereur était resté inconsolable. Alors puisque nous sommes depuis quelques jours entrés dans l’intimité d’Hadrien, je me devais de placer ici Antinous, d’autant plus que je trouve ce marbre très beau.

 

Je me dispense aussi de montrer un Zeus splendide et quelques sculptures représentant des scènes de la mythologie.

 

 

De même, je ne montre pas cette belle représentation d’Électre adulte avec son frère Oreste encore enfant, plus petit qu’elle. Mais je place ici ce gros plan de la main de la grande sœur sur le bras de son petit frère. C’est lui qui, plus tard, l’aidera à venger son père, et je trouve qu’on voit dans ce geste à la fois de la tendresse et de la confiance, en plus du beau dessin de la main.

 

 

Le palais lui-même est très intéressant. Peintures murales, fresques aux plafonds, grandes cheminées sculptées, et aussi cette chapelle toute décorée de fresques.

 

 

Certaines représentations me rappellent une anecdote. La peinture impressionniste a beau vouloir reproduire des "impressions" plutôt que la réalité photographique, elle s’est attachée à ce que les tableaux, à travers ces impressions, évoquent une réalité. Regardant les tableaux de la Renaissance représentant les apôtres, il critiquait sévèrement ces interprétations du Nouveau Testament. Il disait que les apôtres étaient des hommes rudes, des pêcheurs, et qu’ils ne faisaient "sûrement pas ces yeux de merlan frit". Comment ne pas me rappeler ces paroles devant ce saint que je ne sais pas identifier ?

 

Laissons là le saint aux yeux de merlan frit, la chapelle et le Palazzo Altemps. Il est un peu tard, mais nous avons encore le temps de jeter un coup d’œil à la crypte Balbi, qui n’est pas bien loin.

 

Mais en arrivant, nous apprenons que l’on ne peut y descendre seul, il faut attendre la visite dans 45 minutes. En attendant, il y a en étages une exposition d’objets du Moyen-Âge romain. Or c’est assez rare, car qui pense à Rome évoque instantanément l’Antiquité, ou le Vatican et la cité des papes, et l’on fait alors un énorme bond dans le temps pour se retrouver à l’époque de la chapelle Sixtine. Mais entre la chute de l’empire et la Renaissance, rien. Ce musée comble cette lacune.

 

On y voit un fauteuil tout en contre-plaqué sur lequel sont fixés de tout petits fragments d’ivoire. Difficile de se représenter le siège complet à partir de cet objet. Il y a aussi des décorations de harnachement de cheval, dont on peut comprendre la place et l’usage par leur représentation sur un dessin de cheval.

 

Il y a toute une collection de lampes à huile en terre cuite comme celles de l’Antiquité, mais je préfère montrer celle-ci qui est plus particulière, et qui est datée entre le sixième et le huitième siècle.

 

 

 

 

Enfin, nous sommes introduits dans la crypte avec un petit groupe de touristes de langue anglaise. Notre guide n’est pas trop aimable, elle autorise les photos mais sans flash. Pour des peintures, c’est une évidence. Pour des pierres et des briques humides, c’est absurde. DE plus, elle n’est pas capable de donner la moindre explication. Tout ce qu’elle dit, en nous guidant au pas de charge, c’est "Ici, nous sommes du côté de la rue des Botteghe oscure", "là, nous sommes tournés vers la rue parallèle". Passionnant. Alors, nous regardons sans comprendre. Pour ma seconde photo, elle a dit que c’était un égout. Ah bon.

 

Alors, au revoir Crypte Balbi. Nous prenons l’air en faisant un bon bout de chemin à pied vers une station de métro, histoire de voir la ville de nuit. Notamment, nous traversons le Tibre vers l’île par le vieux Ponte Fabricio, puis vers l’autre rive, le Trastevere, par le Ponte Cestio. Et nous le retraversons un peu plus loin parce que notre métro est de l’autre côté. Voilà une journée bien remplie, qui nous a ravis.

 


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