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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 00:05

438a Rome, via dei Condotti

 

 

Lorsque nous avons visité l’Ara Pacis Augustæ, nous avons vu deux églises qu’il nous a semblé intéressant de visiter. Nous y revenons donc aujourd’hui. Mais, descendus du métro à la station Spagna, je ne peux m’empêcher de prendre, du haut du célèbre escalier, cette photo de la via dei Condotti.

 

438b Rome, via della Croce, E. Vigée-Lebrun

 

438c Rome, via della Croce, E. Vigée-Lebrun

 

Passant par la via della Croce, nous nous étonnons que sur la façade de ce bâtiment, ou dans sa cour, ne figure aucune plaque. Pourtant, c’est là qu’a logé Élisabeth Vigée-Lebrun, qui est un peintre assez célèbre et une personnalité connue.

 

438d Rome, s. Rocco e S. Girolamo dei Croati

 

Nous y voici. Juste en face de l’Ara Pacis (qui est dissimulé par le bus et l’arbre, à l’extrême gauche), ces deux églises sont reliées par un mur percé d’arches. À gauche, San Rocco (Saint Roch) et à droite San Girolamo dei Croati (Saint Jérôme des Croates).

 

439a Rome, San Rocco ou Saint Roch

 

Nous allons commencer notre visite par San Rocco. Et, c’est essentiel, il faut d’abord dire qui est ce saint. À Montpellier, un couple de nobles propriétaires terriens –Jehan, le consul de la ville et son épouse Dame France Libère– eurent sur le tard un fils unique qui naquit en 1340, la peau de son flanc droit marquée d’une croix rouge. Ses parents l’appelèrent Roch. L’université de Montpellier comportait depuis 1141 une faculté de médecine réputée (c’est là qu’au seizième siècle étudiera Rabelais), et Roch y apprit entre autres à soigner les bubons d’un coup de lancette. Il était encore très jeune quand ses vieux parents moururent. Il vendit alors tous leurs biens, en distribua l’argent aux pauvres et partit en pèlerinage en Italie, accompagné de son chien fidèle. À cette époque, plusieurs villes d’Italie étaient frappées par la peste noire. Il y soigna les malades, et arriva à Rome. Là, il guérit aussi plusieurs personnes, dont un cardinal.

 

439b Rome, San Rocco ou Saint Roch

 

Reparti, il attrapa lui-même la peste à Plaisance au contact de malades. Pour ne contaminer personne, il se retira seul dans les bois avec son chien qui, quotidiennement, allait chercher un quignon de pain chipé chez un seigneur du coin et le lui apportait. Lequel seigneur remarqua le manège du chien, le suivit et trouva Roch. De ce jour, c’est lui qui apporta de la nourriture et qui soigna Roch. Guéri, il voulut rentrer à Montpellier, mais alors qu’il traversait Milan en proie à une guerre civile, on le prit pour un espion et on le jeta en prison, où il mourut cinq ans plus tard de misère, en 1379.

 

439c Rome, San Rocco ou Saint Roch

 

Lorsqu’on découvrit sur son corps la croix rouge, on l’identifia, car jamais il n’avait voulu dire qui il était. Sinon, vu sa réputation, on l’aurait sorti de sa prison. Depuis on le prie pour guérir les maladies de peau.

 

439d Rome, San Rocco ou Saint Roch

 

Ces quelques photos donnent une idée de la façon dont se présente cette église. La façade baroque œuvre de Giuseppe Valadier, la nef, un grand espace dans le transept et la chaire, le bas-côté avec ses fresques.

 

439e Rome, San Rocco ou Saint Roch

 

Dans cette chapelle latérale, une peinture moderne (1912) représente un sujet original. En effet, il n’est pas courant de représenter saint Joseph avec l’Enfant Jésus. Je ne peux pas dire que je raffole de ce tableau, mais je le trouve intéressant, et finalement pas désagréable à regarder.

 

439f Rome, San Rocco ou Saint Roch

 

Et puis voici une statue de saint Roch avec sa coquille de pèlerin de saint Jacques, même s’il n’est pas allé à Compostelle, et avec sa maladie de peau sur la jambe.

 

439g Rome, San Rocco ou Saint Roch

 

Enfin, pour finir avec cette église, cette jolie statue de l’Enfant Jésus dans un grand manteau rouge. Et puis toutes ces croix, une sur son globe terrestre, une sur une chaîne à son cou, et celle qui couronne son immense couvre-chef. En fait, je trouve amusante cette représentation.

 

440a Rome, San Girolamo dei Croati

 

Ensuite, nous nous rendons à San Girolamo dei Croati. Sur un plan de Rome plus ancien, elle figure sous le nom de San Girolamo dei Illirici. L’Illyrie, qui occupait dans l’Antiquité ce qui est aujourd’hui l’ouest de la Croatie, la Slovénie et l’Albanie, a été peuplée dès le vingtième siècle avant Jésus-Christ par des peuples indo-européens, les Dalmates et les Pannoniens. Du temps où la Yougoslavie était un unique pays, l'église était donc attribuée aux Illyriens, et aujourd’hui où il n’est pas question de mettre dans le même panier les Croates, les Serbes, les Monténégrins et autres, elle est attribuée aux Croates.

 

440b Rome, San Girolamo dei Croati

 

Eusebius Sophronius Hieronymus de son nom latin, appelé Jérôme en français ou Girolamo en italien, est né en 340 à Stridon (en Dalmatie, actuellement en Slovénie, près de Ljubljana) de parents chrétiens. À vingt ans il part étudier à Rome la rhétorique et la philosophie, apprend le grec, puis séjourne en Gaule, à Trèves, à Aquilée (en Vénétie) et, en 373, va traverser la Thrace et l’Asie Mineure pour aller vivre en ermite à quelque distance d’Antioche. Il est ordonné prêtre dans cette ville par l’évêque Paulin en 378. C’est un lettré, il a appris l’hébreu, il part pour Constantinople travailler avec Grégoire de Nazianze, puis se rend à Rome. Le pape saint Damase I (366-384) l’appelle auprès de lui en 383, le prend pour secrétaire et lui demande de traduire la bible en latin. Mais le pape meurt l’année suivante et Jérôme repart pour la Terre Sainte, séjourne en Égypte, et fin 388 il rentre en Palestine, se retire dans une cellule d’un monastère à Bethléem, et passe les dernières années de sa vie à traduire l’Ancien Testament (Vulgate) et à rédiger des commentaires de la Bible, jusqu’à sa mort le 30 septembre 419. On l’enterre d’abord à Jérusalem, puis on transporte ses restes à Rome, dans la basilique Sainte Marie Majeure. C’est l’un des Pères de l’Église, généralement représenté avec un chapeau de cardinal, et il est considéré comme le saint patron des traducteurs et des bibliothécaires.

 

440c Rome, San Girolamo dei Croati

 

Le chœur est décoré de cette grande peinture (on l’aperçoit déjà sur ma première photo de la nef) qui représente l’ordination de Jérôme par l’évêque Paulin. Au premier plan à droite, le lion traditionnellement présent dans les tableaux de saint Jérôme. Puisqu’il a mené pendant un temps une vie d’ermite, on le figure dans le désert, et là on lui attribue la même aventure qu’avec le lion d’Androclès (dont j’ai parlé le 27 décembre), à savoir qu’il aurait soigné la patte d’un lion où s’était fichée une épine. Guéri, le lion l’aurait accompagné partout.

 

440d1 Rome, San Girolamo dei Croati

 

440d2 Rome, San Girolamo dei Croati

 

Dans cette chapelle figurait une icône du treizième siècle, œuvre de Filippo Bracci, représentant la Madone, salut du peuple romain, mais hélas l’humidité l’a gravement endommagée, si bien qu’au dix-huitième siècle (en 1745) elle a été remplacée par la copie que l’on peut voir aujourd’hui, intitulée la Vierge à l’étoile. Rien ne dit où ni comment Bracci a pris son inspiration, mais je trouve cette Vierge fortement marquée par l’Arménie.

 

440e1 Rome, San Girolamo dei Croati

 

440e2 Rome, San Girolamo dei Croati

 

Dans cette même chapelle de la Vierge à l’étoile, cette fresque du milieu du dix-neuvième siècle, mais de facture très classique, représente la Nativité de Marie. Le couple de Joachim et Anne était âgé et n’espérait plus cette naissance. Joachim pouvait rendre grâce à Dieu lorsqu’il a appris la grossesse de sa femme, puis lorsqu’il a vu que la naissance s’était bien passée, mais je le préférerais ici en admiration devant son bébé. En revanche, j’aime beaucoup cette femme âgée tenant tendrement le bébé sur ses genoux, tout étonnée encore de ce qui arrive, et puis ces femmes qui s’activent autour d’elle avec leurs cruches, leurs serviettes, et cette Marie en bébé rayonnant, elle est potelée, elle est craquante. Je voudrais que la femme qui tient Marie sur ses genoux soit Anne, tout porterait à le croire dans cette scène du premier plan, mais en fond on aperçoit une femme étendue qui joint les mains en prière, et je pense que c’est plutôt elle que le peintre a représentée en accouchée, tandis que des femmes, plutôt amies que servantes vu leur habillement, prennent en charge le petit bébé.

 

440f1 Rome, San Girolamo dei Croati

 

440f2 Rome, San Girolamo dei Croati

 

Nous sommes dans une église de Croates. La langue serbo-croate est slave (les Serbes et les Croates d’aujourd’hui démontrent que leurs langues sont différentes, qu’elles présentent chacune leurs particularités et, de part et d’autre, que leur langue est infiniment supérieure à celle des autres), et par conséquent il est logique que l’on trouve ici des représentations des deux grands saints qui ont créé l’écriture utilisée pour nombre de langues slaves. Sous leurs portraits, réalisés en 1589-1590, AREPS figure "archiepiscopus", archevêque.

 

440g Rome, le Tibre

 

Lorsque nous finissons nos visites de ces églises, la lumière sur le Tibre est si belle que je ne peux résister au plaisir de le photographier.

 

440h1 Rome, Locanda dell'Orso

 

440h2 Rome, Locanda dell'Orso

 

Non loin de là se trouve l’hôtel qui a pris la succession de la Locanda dell’Orso dont j’ai parlé le 7 janvier, mais à l’époque ma photo était défigurée par des guirlandes de Noël et Nouvel An. Si je montre cette vieille hôtellerie, c’est parce que Rabelais avec le cardinal Du Bellay en 1534, Montaigne en 1580, y ont séjourné.

 

440h3 Rome, Locanda dell'Orso par Roesler

 

Sans remonter si loin, on peut voir cette même hôtellerie sur l’aquarelle de Roesler au dix-neuvième siècle.

 

441a Rome, musée Napoléon

 

Nous décidons de finir la journée en visitant le musée Napoléon, tout proche. C’est un musée municipal, et à ce titre les Parisiens jouissent de l’entrée gratuite. Ce musée est très riche, ma moisson de photos est abondante, je dois donc n’en choisir que quelques unes. Et ce choix se doit de commencer par Napoléon lui-même, avec ce marbre de David d’Angers (1788-1856).

 

441b Rome, musée Napoléon, Letizia Ramolino

 

441c Rome, musée Napoléon, Letizia Ramolino

 

La mère de Napoléon, Letizia Ramolino (qui, dans ma mémoire, est liée à son "Pourrrvou qué ça dourrre !") est allée vivre à Rome quand… ça n’a plus duré pour son fiston (je montrerai dans quelques jours le palazzo Bonaparte où elle a vécu alors jusqu’à sa mort en 1836. J’en ai parlé le 21 février au sujet de sa sépulture dans l’église Santa Maria in Via Lata). Il me faut donc la montrer elle aussi, sur ce tableau de 1813 par Robert Lefèvre (1756-1830) et dans ce marbre exécuté en 1805 d’après Antonio Canova (1757-1822).

 

441d Rome, musée Napoléon, les Français à Rome

 

Sur cette gravure on voit l’armée française faisant son entrée à Rome en 1798. L’arrivée sur Rome par le nord se faisait par la piazza del Popolo (j’emploie l’imparfait parce que maintenant la ville s’est amplement développée dans toutes les directions, et quand on arrive piazza del Popolo on a déjà traversé plusieurs quartiers de la ville), et l’on reconnaît parfaitement ici l’obélisque au centre de cette vaste place, et en face on voit le Trident, ces trois rues qui partent en patte d’oie, séparées par ces deux églises symétriques. À gauche, cette statue sur un toit trahit la présence d’une autre église, c’est la grande Santa Maria del Popolo.

 

441e Rome, musée Napoléon, œuvres d'art envoyées en Fr

 

Cette gravure n’est pas à l’honneur de la France. Cette longue caravane de voitures chargées, c’est le départ des œuvres d’art de Rome pour le Musée National de Paris. Certaines, au temps de la Restauration ou encore plus tard sont retournées à Rome, mais aujourd’hui encore le Louvre en comporte un bon nombre. Pour être politique et historique, un vol n’en est pas moins un vol. Le fait de ne pas être le seul voleur (les nazis lors de la Seconde Guerre Mondiale ont volé non seulement les Juifs, mais bien des œuvres d’art de musées français, les Soviétiques ont aussi enrichi l’Ermitage de Léningrad) ne rend pas l’acte plus moral.

 

441f Rome, musée Napoléon, Zénaïde et Charlotte

 

Parce que, le même jour que pour Letizia Ramolino, j’ai parlé de Zénaïde Bonaparte enterrée avec elle, je profite de cette occasion pour montrer le tableau qu’en a fait David (1748-1825) en 1821 en compagnie de sa sœur Charlotte.

 

441g Rome, musée Napoléon, Chateaubriand

 

Le 29 avril 1829, alors qu’il est ambassadeur de France à Rome, Chateaubriand reçoit dans les jardins de la villa Médicis, Institut de France, la grande duchesse Hélène de Russie. La fête est grandiose, et il dira que c’est la réception la plus grandiose et la plus réussie qu’il ait eu l’occasion d’organiser. Le tableau est de Louis Dupré (1789-1837).

 

441h Rome, musée Napoléon, Eugénie de Montijo

 

Pour finir, je fais un bond dans le temps. Louis-Napoléon Bonaparte, le Prince Président élu en 1848 contre Lamartine, a proclamé le Second Empire le 2 décembre 1851. Il est marié à Eugénie de Montijo. C’est cette impératrice qui est représentée à une date postérieure à 1854 sur cette gravure de Friedrich Weber (1813-1882) réalisée d’après un tableau de Winterhalter (1805-1837).

 

Et voilà. Notre programme du jour est terminé. Nous ressortons du musée et nous dirigeons vers la piazza del Popolo (dont je parlais tout à l’heure et qui était en gravure) pour prendre notre métro. Mais parce que l’église Santa Maria qui est sur cette place contient deux magnifiques Caravaggio, nous décidons d’entrer leur jeter un coup d’œil en passant, juste cinq minutes. Mais…

 

442a Rome, S. Maria del Popolo, concert

 

…mais devant le chœur il y a un piano, et une pianiste se fait les doigts. Un concert gratuit, sans réservation, se prépare. Nous ne pouvons pas rentrer dans notre banlieue comme ça, comment manquer un concert dans un tel cadre ? On nous prie de passer derrière le chœur, là où en tant que visiteur on n’a pas accès.

 

442b Rome, S. Maria del Popolo, concert

 

442c Rome, S. Maria del Popolo, concert

 

Nous ne comprenons pas grand chose parce que c’est en italien, mais il y a une représentation guitare et jeu théâtral d’un épisode biblique, par cette jeune femme et ce jeune homme. Le jeu est intéressant, visiblement de qualité.

 

442d Rome, S. Maria del Popolo, concert

 

Quand la représentation est finie, nous sommes invités à repasser côté nef pour la suite, mais nous tardons un peu et partons dans les derniers, pour avoir le temps de bien contempler et de prendre quelques photos.

 

442e Rome, S. Maria del Popolo

 

Par exemple, à la base de la voûte, je tombe en admiration devant cette représentation de saint Ambroise. La finesse du dessin, la richesse des ors et la somptuosité du décor qui joue sur le bleu et le rouge, accordés au vêtement du saint, cela est merveilleux.

 

442f Rome, S. Maria del Popolo, concert

 

Mais il nous faut bien repasser vers la nef et laisser se refermer cette partie réservée. C’est maintenant le concert de piano. À parler franchement, j’ai joui du décor de cette église transformée en salle de concert plus que des morceaux joués par cette pianiste. Et je n’ai pas regretté, loin de là, d’avoir prolongé notre programme de la journée de cette façon inattendue.

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commentaires

G
Bravo! C'est très amusant et intéressant ton site. On se détends ici. Tes commentaires sont aussi enjouant que ces photos tellement bien pris. Merci Monsieur Thierry!
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