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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 01:36

376a Rome, cimetière Verano

 

Nous avons passé la nuit entre la gare centrale Termini et l’université La Sapienza. C’est donc l’occasion de nous rendre, tout près, au cimetière Verano ainsi qu’à la basilique San Lorenzo fuori le Mura (Saint Laurent hors les Murs) qui est entourée par le cimetière et que l’on appelle aussi San Lorenzo al Verano. Le nom vient d’un certain Lucius Verus, un chrétien qui avait mis son terrain (Ager Veranus, le Champ de Verus), situé en bordure de la via Tiburtina (Tibur, c’est la Tivoli d’aujourd’hui, et la via Tiburtina est la strada statale n°5 qui va vers la Villa Adriana, la Villa d’Este, etc.), à la disposition de l’Église pour y enterrer ses coreligionnaires dans une catacombe.

 

376b Rome, cimetière Verano

 

Ce cimetière est le grand cimetière de Rome, où toutes sortes de célébrités sont enterrées. C’est un peu le Père Lachaise à Paris. Politiciens, acteurs, cinéastes, écrivains, etc. ont ici leur tombe. Évidemment, personne ici n’est là pour empêcher de prendre des photos, mais c’est moi qui n’ai guère envie de violer leur dernière demeure à ces braves gens. Je préfère montrer ici deux des quatre pleureuses qui ornent le portique d’entrée.

 

 376c-Rome--tombe-de-Mameli.jpg

 

Je m’autorise aussi à montrer Goffredo Mameli parce que son monument funéraire ressemble plus à un monument public placé dans une grande avenue qu’à un tombeau. Son gisant de pierre est revêtu du drapeau national et des fleurs naturelles ont été renouvelées récemment. Ce poète né à Gênes d’un père Sarde (amiral de la flotte du royaume de Sardaigne) avait 13 ans quand il composa ses premiers poèmes. Enfant, il avait un précepteur soupçonné d’être un partisan de Mazzini. Entré à l’université, il se rapproche de plus en plus des idées libérales et progressistes de Mazzini. Lorsqu’interviennent en 1847 quelques timides réformes dans la voie du libéralisme, il a tout juste vingt ans et compose les paroles de l’hymne national italien Fratelli d’Italia. En 1848 il organise des manifestations puis, apprenant le soulèvement de Milan, il va s’y associer avec un groupe de 300 volontaires. De retour à Gênes, il devient l’un des plus actifs collaborateurs de Garibaldi. Pour rendre au pape Pie IX ses pouvoirs, les Français arrivent à Rome en 1849 ; Mameli s’y rend et prend une part active et efficace dans les combats contre les forces françaises. En juin un de ses camarades le blesse accidentellement à la jambe avec sa baïonnette, la blessure s’envenime, le 3 juillet on l’ampute de sa jambe gauche, et il meurt le 6 juillet à 22 ans. Il est regardé comme l’une des figures déterminantes du Risorgimento Italien. Son tombeau, ici, est devenu un cénotaphe en 1941 quand le pouvoir fasciste fit transférer ses restes au mont Janicule au pied d’un monument à ceux "qui sont tombés pour la cause de Rome italienne".

 

376d Rome, cimetière Verano

 

376e Rome, cimetière Verano

 

Et puis, sur des images où l’on ne peut lire les noms des personnes, voilà deux façons de placer les tombes (je ne peux employer le verbe "enterrer" puisque ce n’est pas en terre) que je n’ai jamais vues en France. Outre les tombes traditionnelles dans le sol avec une pierre tombale ou une grille, il y a des sarcophages placés dans une galerie, et dans un immense souterrain quadrillé d’allées à angle droit, les tombes sont placées dans les murs. En Espagne, j’ai souvent vu ces murs, où le petit côté du cercueil, derrière sa pierre, est face au passant, et en extérieur. Là, ce sont d’immenses rangées où les cercueils sont parallèles à l’allée. En réalité, c’est le système d’ensevelissement des catacombes qui est repris ici à l’identique, à part qu’il n’y a qu’un étage souterrain au lieu de s’enfoncer sur plusieurs niveaux.

 

Il y a aussi, tout comme dans les cimetières de France, des chapelles, mais certaines atteignent des dimensions qui en font des villas, des hôtels particuliers, presque de petits châteaux. Je n’en ai pas pris de photo parce que ce sont des constructions toutes différentes, donc très reconnaissables, et que je ne veux pas manquer de respect à ceux auxquels elles sont destinées, mais j’ai été ahuri de leur dimension et de leur splendeur.

 

377a San Lorenzo fuori le Mura

 

Lorsque nous sommes passés du cimetière à la basilique il faisait grand jour, mais je n’avais pas pris de vue générale de la place avec l’obélisque. Je la montre donc comme nous l’avons vue en ressortant.

 

377b1 San Lorenzo fuori le Mura

 

377b2 San Lorenzo fuori le Mura par Piranèse

 

Avant d’entrer, en voyant la basilique de loin, j’avais été tellement frappé par la beauté pure de ce portique que je n’avais eu envie que de photographier la façade du bâtiment –le portique de son porche date de 1220–, avec en arrière son campanile du douzième siècle. Le 19 juillet 1943 une bombe est tombée sur le toit, détruisant ce portique et le haut des murs. Heureusement, on a pu récupérer tous les éléments du portique de ce porche pour le reconstruire à l’identique. Nulle part, dans aucun de nos guides, aucun des deux livrets que nous avons achetés et qui traitent de la basilique, il n’est dit par qui a été lâchée cette bombe. Mais à cette date, les nazis de Hitler étaient dans Rome. Ce n’est qu’après mai 1944 que les Alliés, ayant pris Montecassino où les armées allemandes tenaient position pour protéger Rome par le sud, ont pu reprendre la capitale. Par conséquent, aucun doute n’est permis, c’est une bombe alliée qui a frappé San Lorenzo. Ma photo montre San Lorenzo après reconstruction, mais je joins une gravure du Piranèse datant du milieu du dix-huitième siècle. On se rend compte qu’au-delà du porche, sur le corps même de la basilique, la partie haute des murs n’est plus ce qu’elle était.

 

377c San Lorenzo fuori le Mura

 

Si la maçonnerie du porche a pu être reconstituée en très grande partie en réutilisant des éléments d’origine, en revanche les mosaïques qui le décoraient ont été très endommagées. Elles sont de la deuxième moitié du treizième siècle, soit peu antérieures à Cimabue ou Giotto. On y sent encore nettement une influence byzantine dans la position des personnages, dans les couleurs.

 

377d1 Rome, St-Laurent, bataille contre Slaves

 

Sous le porche, on est ébloui par les fresques qui recouvrent les trois murs et qui ont été épargnées par la bombe dont le souffle a abattu les colonnes et le toit du porche, mais pas les murs. Elles ont en fait souffert davantage des injures du temps qui en ont un peu flétri les couleurs, mais les scènes en sont cependant bien visibles et splendides. Ici, c’est la bataille contre les Slaves sous la protection de saint Georges que l’on voit sur son cheval.

 

377d2 San Lorenzo fuori le Mura

 

Tant pis pour qui n’aime pas les fresques du treizième siècle, il suffit de sauter à pieds joints par-dessus les photos suivantes, je ne peux résister au plaisir de montrer ici plusieurs images. Et encore, j’ai eu du mal à me limiter ! Ci-dessus, saint Laurent est flagellé sur ordre de l’empereur Valérien, avant d’être exécuté sur le gril. Quelques mots de rappel : Saint Laurent est né à Huesca, en Espagne, vers 230. À Rome, le collège des diacres compte sept personnes, et Laurent est désigné pour être l’un d’eux et pour administrer les biens de l’Église. Valérien ayant entendu dire de façon récurrente que Laurent était chargé de gérer beaucoup d’argent, un véritable trésor, il le convoque avec l’intention de se l’approprier. Nous sommes en 258. Sur les conseils du pape Sixte II, et se fiant à son instinct qui lui faisait pressentir cette spoliation, il s’empresse de tout distribuer aux pauvres avant de se rendre à la convocation. L’empereur alors prend cela pour un affront personnel, et condamne Laurent au supplice.

 

377d3 San Lorenzo fuori le Mura

 

Dans sa prison, Laurent est gardé par un soldat du nom de Romanus (Romain). Ce soldat, au contact de Laurent, est touché par la grâce et se convertit. Apprenant que Laurent va être supplicié, il lui apporte une cruche d’eau et le supplie d’accepter de la baptiser. La fresque ci-dessus représente le baptême de Romain par Laurent. Il est bien évident que ce geste a exacerbé la colère de Valérien à l’égard de Laurent, d’où sans doute la cruauté du gril, car sans cela peut-être se serait-il contenté de la flagellation suivie d’une peine de prison. Quant à Romain, il a été décapité. Le Liber Pontificalis dit que "trois jours après la passion de saint Sixte, furent martyrisés l’archidiacre Laurent […] et le portier Romain".

 

377d4 San Lorenzo fuori le Mura

 

C’est le chrétien Hippolyte (qui sera lui aussi martyrisé) qui se charge de l’inhumation de Laurent. Ici, sur cette image, devant le corps du martyr il échange un signe de paix avec les serviteurs de sa maison. C’est dans la catacombe de l’Ager Veranus que saint Laurent a été enterré. Lorsqu’un premier sanctuaire a été construit pour accueillir les pèlerins de plus en plus nombreux, c’est sur l’emplacement même de sa tombe qu’il a été élevé par le premier empereur converti, Constantin, en 330. Et sur cette même place, pour le remplacer parce qu’il était en très mauvais état, le pape Pélage II (qui régna de 579 à 590) édifia la basilique actuelle. Ou du moins une partie de la basilique, nous en reparlerons quand nous serons à l’intérieur.

 

377d5 San Lorenzo fuori le Mura

 

Courage, je vais bientôt en finir avec mes fresques. Ici, ce n’est plus saint Laurent, mais saint Stéphane (ou Étienne. Stéphane est la forme grecque, Étienne la forme française du même nom). Il est question de lui dans les Actes des Apôtres. Il a été accusé par le sanhédrin (la Cour Suprême) d’avoir blasphémé contre Moïse et contre Dieu, d’avoir parlé contre le Temple et contre la Loi. Il leur dit : "Lequel des prophètes vos pères n’ont-ils pas persécutés, et ils ont mis à mort ceux qui prophétisaient la venue du Juste que, maintenant aussi, vous avez livré et que vous avez tué". Du coup, il a été lapidé à mort par une foule en furie. Et celui qui allait devenir saint Paul après les événements survenus sur le chemin de Damas, mais qui était encore Saul, de Tarse, ennemi juré des chrétiens, encourageait la foule. Par ailleurs, il paraît que le lieu de sa mort est inconnu. Ouf, je ne suis pas le seul à ne pas savoir. Toujours est-il que les empereurs Titus en 70, puis Hadrien en 135, ordonnèrent la destruction des Lieux Saints. Il faudra attendre le cinquième siècle pour que les reliques de saint Stéphane soient retrouvées et envoyées à Jérusalem le 26 décembre 415. Puis, parce qu’au sixième siècle on craignait l’invasion des Perses à Jérusalem et une profanation ou une destruction pure et simple desdites reliques, on les envoya à Constantinople et, sur requête de l’empereur Justinien (empereur de 527 à 565), on les transféra à Rome. En fait, ce n’étaient que des craintes, parce que les Perses ne prirent Jérusalem que beaucoup plus tard, en 614, où ils remplacèrent le pouvoir chrétien par un pouvoir juif éphémère puisqu’ils furent chassés par les Musulmans en 629, seulement sept ans après l’Hégire. L’image ci-dessus représente le transport du corps de saint Stéphane à Constantinople. J’adore cette représentation, le petit bateau avec ses cinq rameurs, le cercueil à côté d’eux (il doit donc y avoir cinq autres rameurs de l’autre côté), et puis le pêcheur à la ligne et les poissons que l’on aperçoit à travers la transparence de la mer, et la ville à l’arrière plan. Je ne sais s’il s’agit du départ de Jérusalem ou de l’arrivée à Constantinople, mais quelle beauté dans ce dessin naïf !

 

377d6 San Lorenzo fuori le Mura

 

Et voilà, c’est la dernière. Toutes les autres fresques sont des petites scènes séparées par un épais trait brun qui leur sert de cadre, et elles se suivent à l’exacte manière d’une bande dessinée, à la seule différence qu’il ne s’y trouve pas de bulles pour les dialogues. Mais sur l’un des panneaux, à la droite des cadres, a été peinte une grande Vierge qui occupe un espace équivalent à plusieurs cadres. Et je trouve son visage si ravissant que j'ai eu envie de le montrer ici en gros plan. Non, peut-être, que la femme soit exceptionnellement jolie elle-même, mais c’est la finesse du dessin, l’expressivité des traits que j’aime particulièrement.

 

377e San Lorenzo fuori le Mura

 

Lorsque, le 7 janvier, il y a dix jours, nous avions visité l’église de San Lorenzo in Lucina, dans le centre ville, près du Corso, nous avions été frappés par deux lions du douzième siècle encadrant le portail central sous le porche, l’un tenant entre ses pattes un enfant, et l’autre un animal. J’avais cherché une explication que je n’avais pas trouvée. Et ici, sous le porche d’une autre église consacrée au même saint Laurent, revoilà deux lions, l’un avec un enfant, et l’autre avec un animal très différent par sa forme, mais la coïncidence est frappante. Rien dans nos guides, bien sûr. Mais nous avons acheté deux livrets sur cette basilique, dont un extrêmement détaillé et écrit par un spécialiste. C’est ce dernier qui donne la clé de l’interprétation de chacune des fresques du porche, mais rien d’autre au sujet de mes lions que le fait qu’ils sont d’origine. Alors je me suis rabattu sur Internet. En vain. Si l’un de mes lecteurs connaît l’explication…

 

377f San Lorenzo fuori le Mura

 

Sous le porche (décidément, il y en a, des choses à voir, sous ce porche) il y a trois sarcophages, dont hélas deux sont cachés derrière des palissades de travaux. Reste celui dit des Vendanges qui aurait été le sarcophage du pape Sixte III (432-440). Sa décoration d’enfants ailés, peut-être des angelots, ou sans doute plutôt des Amours, cueillant des grappes de raisin ou les disputant à des oiseaux, se roulant sur le sol, chevauchant des animaux, est vivante, amusante, très ornementale.

 

377g San Lorenzo fuori le Mura

 

Nous voici dans l’église. J’ai dit que le pape Pélage II, à la fin du sixième siècle, avait bâti la basilique. L’un de ses successeurs, Honorius III (pape de 1216 à 1227), voulut l’agrandir, et même presque tripler sa longueur. Pour cela, il en ouvrit l’abside et prolongea l’édifice de ce côté-là, ce qui fait que le chœur et l’autel changèrent d’orientation. Puis cette extension étant plus haute que le bâtiment de Pélage, tout en conservant les colonnes anciennes un sol a été posé à mi-hauteur sur d’autres colonnes plus courtes, faisant de la basilique primitive une crypte de la nouvelle, le chœur de la nouvelle recouvrant la totalité de l’ancienne. C’est très complexe, et donc difficile à expliquer. J’ai essayé d’être clair, mais je suis conscient de n’y être pas vraiment parvenu. J’espère quand même que l’on pourra me comprendre, parce que c’est une histoire architecturale intéressante. Sur cette photo de la nef, on voit en avant de l’autel l’arche qui limitait l’ancienne abside de Pélage II.

 

Au douzième siècle, un certain Cosma (non, non, pas Vladimir Cosma, ce n’est pas lui l’auteur de la musique des Feuilles Mortes, il n’est pas si vieux) était un marbrier qui a donné naissance à cette corporations de marbriers, les Cosmates, lesquels jusqu’au quatorzième siècle ont œuvré à Rome, jouant sur différentes couleurs, utilisant le rouge du porphyre et le vert de la serpentine rehaussés par le marbre blanc. Ici, ils ont laissé leur marque un peu partout, et pas seulement sur ce sol (mais on reconnaît sur ce dallage leur marque, comme dans un très grand nombre des églises que nous avons visitées).

 

Les colonnes de granit, elles, ont été récupérées sur des monuments antiques divers, ce qui fait que leur pierre n’est pas exactement la même d’une colonne à l’autre, ni leur diamètre absolument identique.

 

377h1 San Lorenzo fuori le Mura

 

377h2 San Lorenzo fuori le Mura

 

Dans le bas-côté droit on peut voir un monument à un certain Giuseppe Rondinino, mort en 1649 dans une bataille contre les Turcs. Mais si je montre ce monument funéraire, c’est surtout pour le détail, en-dessous. Cette tête de Méduse, assez remarquable à mon goût, est inspirée d’un dessin du Bernin (mais n’a pas été réalisée par lui).

 

377i1 San Lorenzo fuori le Mura

 

Les Cosmates ont réalisé deux chaires ou, pour employer le mot juste, deux ambons. Celui de droite (ici) est celui où est lu l’évangile. Sur ma photo, ce n’est que si je le dis qu’on pourra deviner, au centre, l’aigle de saint Jean.

 

377i2 San Lorenzo fuori le Mura

 

L’ambon de gauche est celui de la lecture de l’épître. Parce que le christianisme dit que l’évangile est directement inspiré aux évangélistes par Dieu et qu’il rapporte les faits et les dits de Jésus, il est plus respectable et supérieur aux épîtres qui sont des écrits "humains", et pour cela il importait que l’ambon de l’épître soit plus modeste que celui de l’évangile. Pour cela cette sobriété monochrome.

 

377j San Lorenzo fuori le Mura

 

Ici, nous arrivons au chœur de l’église, c’est-à-dire à la basilique de Pélage II. L’arrondi des deux marches au sol suit l’abside de l’ancienne église. Les colonnes cannelées sur les côtés sont les anciennes colonnes dont on ne voit plus que la partie supérieure, la base étant au niveau de ce qui est devenu la crypte. Du coup, le plafond était trop bas, d’où ce deuxième étage de colonnes au-dessus d’un entablement. De part et d’autre, des marches : le nouveau chœur est à un demi-étage au-dessus de la basilique d’Honorius III, et la crypte se trouve à un demi-étage en-dessous. Les escaliers qui y descendent sont situés de part et d’autre, dans les bas-côtés.

 

377k1 San Lorenzo fuori le Mura

 

Si l’on se retourne, tout au fond de l’église on voit un grand monument funéraire en l’honneur du cardinal Fieschi, neveu du pape Innocent V, et mort en 1256. Le sarcophage est antique, il date du troisième siècle et il est illustré sur son grand panneau frontal d’une scène de rite nuptial.

 

377k2 San Lorenzo fuori le Mura

 

Le bandeau supérieur est décoré de Jupiter, au centre, entouré de Diane chasseresse et de Cérès mais, de chaque côté, il représente la course du soleil, les chevaux entraînant son char vers le ciel sur la partie gauche. Le détail ci-dessus, qui est l’extrémité droite du bandeau, n’est pas censé montrer un accident, mais les chevaux tombent pour représenter la chute du soleil derrière l’horizon. JUIN 2012 : une internaute, Michèle, pense que je me suis trompé. À la lecture de ses arguments et en regardant de nouveau ma photo, je me rends compte que c’est elle qui a raison. Si, à gauche, c’est bien le char du soleil qui s’élance vers le ciel, à droite en revanche c’est une femme avec de grands voiles, il s’agit bien sûr, me dit-elle, de Luna, la lune. Le bandeau ne représente donc pas la course du soleil au long de la journée, mais la montée du soleil d’un côté de l’horizon et la descente de la lune, simultanément, de l’autre. Pardon à mes lecteurs pour cette erreur, et un grand merci à Michèle car je m’efforce de réaliser un blog correct, et ce type de remarque m’y aide.

 

377L San Lorenzo fuori le Mura

 

Au fond du chœur se trouve ce magnifique siège, épiscopal selon certains, pontifical selon d’autres commentaires. Il me semble évident que ces derniers ont raison, la basilique (du grec basileus, le roi) dépendant directement du pape, toutes les autres de l’évêque, qui a son siège épiscopal, sa cathèdre, dans l’église maîtresse du diocèse, l’église cathédrale, l’adjectif se libérant de son substantif pour devenir autonome, une cathédrale, comme un officier général devient un général et des pommes de terre frites deviennent des frites. Un évêque, ou un cardinal, est désigné pour administrer la basilique au nom du pape, mais puisqu’il représente le pape son siège doit être un siège pontifical. Bref, peu importe, c’est un beau siège cosmatesque. Quand je disais qu’ici les Cosmates avaient réalisé beaucoup plus que le sol…

 

377m San Lorenzo fuori le Mura

 

Tout à l’heure, nous avons vu, depuis le bas de la grande nef, l’arc triomphal qui limitait l’abside de la basilique de Pélage. Ici, c’est le même arc, mais vu depuis le chœur (pour prendre ma photo, je suis presque assis sur le siège pontifical. Presque…), qui porte cette mosaïque du sixième siècle et qui, donc, était à la vue des fidèles dans l’église initiale. À la droite du Christ bénissant, se tiennent saint Pierre et saint Laurent, accompagnés du pape Pélage II offrant son église. Il est vivant, il n’est pas saint, humblement il s’est fait représenter en plus petit et bien sûr il n’a pas d’auréole. À la gauche du Christ sont les saints Paul, Étienne (Stéphane) et Hippolyte. Le style est clairement romain, il n’a pas encore été influencé par les œuvres byzantines.

 

377n San Lorenzo fuori le Mura

 

Puis après avoir descendu l’escalier latéral, me voici dans la crypte, c’est-à-dire dans l’ancienne basilique du sixième siècle. À l’emplacement de l’autel –sur la photo, c’est dans mon dos– se trouve la sépulture de saint Laurent, de saint Stéphane, de saint Justin. Et en face, derrière cette grille, c’était le narthex, et actuellement c’est la chapelle funéraire du pape Pie IX (1846-1878). Selon sa volonté, une pierre a été scellée dans le sol, avec l’inscription "Ossa et cineres Pii – Papæ IX", soit "Les os et les cendres de Pie – Pape IX". Lorsque, quatre-vingts ans après sa mort, cette chapelle a été aménagée, contre sa volonté à lui qui voulait être enterré très simplement et humblement, mais avec les dons des cinq continents, on a ouvert sa tombe pour le transférer ici, et on a trouvé son corps fort bien conservé, non corrompu. Il est exposé dans cette chapelle dans un cercueil de verre. Comme Lénine. Je n’aime pas cette mise en scène des morts, mais ce n’est pas lui qui l’a voulue.

 

377o San Lorenzo fuori le Mura

 

Juste au milieu de cette chapelle funéraire, et sur ma photo cachée par le crucifix, est une belle mosaïque du Bon Pasteur. Elle est moderne, du dix-neuvième siècle, ce qui ne m’empêche pas de la trouver très intéressante.

 

377p1 San Lorenzo fuori le Mura

 

377p2 San Lorenzo fuori le Mura

 

Lorsqu’a été aménagée cette chapelle, le mur du fond a également été décoré de mosaïques représentant les saints enterrés ici, ainsi que saint Pierre et saint Paul. Ici, j’ai choisi Laurent et Pierre. Autant j’aimais bien l’air pensif du Bon Pasteur et la netteté du trait, autant je trouve quelconques ces images de saints. Je n’y trouve pas d’expressivité, de spiritualité, de profondeur. Ce sont de belles mosaïques, notamment dans le drapé du costume de saint Pierre, et même dans celui du bas de la robe blanche de saint Laurent, mais elles ne me touchent pas.

 

377q San Lorenzo fuori le Mura

 

Face à cette chapelle de Pie IX, devant la tombe de saint Laurent est fixé ce marbre. Tout de suite après le supplice, les chrétiens auraient déposé le corps brûlé, grillé, du saint sur cette dalle, et le corps aurait laissé cette marque. Une inscription antique, maintenant perdue mais qui a longtemps été conservée, disait : "Hic est lapis super quem positum fuit corpus assatum S. Laurentii martyris", soit "Ceci est la pierre sur laquelle a été déposé le corps brûlé de saint Laurent martyr".

 

377r San Lorenzo fuori le Mura, cloître

 

En passant par la sacristie où un prêtre se tient devant quelques cartes postales et deux petits livres, les deux que nous avons achetés et qui ne m’ont pas renseigné sur les lions du porche, on accède au cloître du douzième siècle, contemporain du campanile. Le monastère dont dépend ce cloître est très ancien. Succédant aux moines de San Cassiano, il fut remis par le pape Léon IV, en 795, à des moines grecs. Or, pendant le transport à Constantinople, des moines grecs, dit-on, tentèrent de voler les reliques de saint Stéphane (le nom de Stéphane, "Couronné", est clairement grec), mais ils devinrent soudainement aveugles et ne purent réaliser leur forfait. Eh bien les voilà entrés en possession de l’objet de leur convoitise, plusieurs siècles après. Mais en 950 le monastère a été remis aux moines de Cluny, et c'est eux qui donnèrent à ce cloître son aspect actuel. Au seizième siècle leur ont succédé les chanoines du Latran puis, en 1857, les Capucins qui y sont encore. Sur certains murs, ont été fixés des fragments de pierres dont plusieurs portent de belles sculptures anciennes.

 

377s San Lorenzo fuori le Mura, bombe

 

Là est conservé, sous ce crucifix, un morceau de la bombe qui a causé tant de dégâts désastreux dans cette basilique. Heureusement bien des choses ont été réparées, mais comme je le disais l’autre jour, le 12 janvier, au sujet de San Giorgio in Velabro, ce n’est plus vraiment la même chose. Bombes de guerres, voitures piégées de terroristes, ce ne sont que destructions, et lorsqu’il s’agit du patrimoine artistique et historique de l’humanité c’est dramatique et irréparable (sans parler, évidemment, de l'aspect humain, qui est primordial).

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commentaires

D
Je connais assez bien ce genre de lions, que j'étudie depuis plusieurs années (et l'iconographie du lion en général). Un petit commentaire ne suffirait pas pour les expliquer (il faut aussi, pour<br /> les comprendre, l'historique, qui remonte à l'antiquité ! donc tout un programme)...<br /> Par contre, si vous êtes toujours intéressé par ce thème, des contacts par mail seront les bienvenus, je me ferais un plaisir de vous informer sur cette question qui semble vous turlupiner !
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M
<br /> En guise de réponse à votre question sur la signification des 2 lions à l'entrée de San Lorenzo in Lucina, une interprétation entendue lors d'un colloque : il arrive que le lion gardien de l'entrée<br /> soit également porteur d'une symbolique christique, celle de la résurrection; dans ce cas il est représenté protégeant un lionceau et/ou un bébé.<br /> Très beau votre blog.<br /> <br /> <br />
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