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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 23:55

655a Massafra, la gravina

 

 

Nous voici donc à Massafra, à quelque dix-sept kilomètres du centre de Tarente. Encore une ville construite sur une gravina, ces vallées profondes et abruptes constituées par l’effondrement du plafond qui recouvrait une rivière souterraine, les sables et les calcaires poreux et fracturés du terrain ne retenant pas les eaux de pluie en surface. Et bien sûr, là où l’eau stagnait, des grottes naturelles dans les parois, grottes qui dès les temps les plus reculés ont servi d’abri à des hommes. Certains archéologues pensent avoir retrouvé les traces d’un village fortifié datant de 754 avant Jésus-Christ. D’autres traces dateraient du sixième siècle. Puis, au troisième siècle, Hannibal aurait laissé là une garnison de soldats carthaginois qui se seraient installés et auraient fait souche. Ce qui est sûr c’est que le bourg, situé en bordure de la via Appia, s’est développé en raison du trafic, du moins jusqu’à ce que l’empereur Trajan ôte à Tarente son rôle de débouché principal vers l’Orient en détournant la voie à partir de Bénévent en direction de Brindisi. Saint Pierre et saint Marc sont passés par Tarente et Massafra en se rendant à Rome, faisant de la ville l’une des premières à compter des convertis au christianisme, mais c’est aux sixième et septième siècles que se produit le complet basculement du paganisme au christianisme. Puis avec la civilisation byzantine et l’émigration vers l’Italie du sud de ceux qui fuyaient l’iconoclase, s’est développée la vie rupestre, habitat, églises et monastères. Mais du fait de la proximité de Tarente Massafra n’a jamais joué un rôle prépondérant dans la vie politique, le catépan byzantin étant à Bari. Toutefois, au dixième siècle, avec les Lombards, elle a été le siège du castaldat, bureau d’administration des biens de la Couronne jouissant également du pouvoir de gouvernement local et de justice.

 

On s’est aussi interrogé sur l’origine du nom de Massafra. Comme on n’en trouve trace que relativement tardivement, les hypothèses peuvent se baser sur des explications plus ou moins anciennes. De tout ce que j’ai lu, rien ne me paraît satisfaisant parce que les méthodes n’ont, je trouve, rien de scientifique. On se base sur l’histoire de la ville, et on imagine quelque chose qui sonne un peu comme le nom de Massafra, mais sans s’appuyer sur aucun document, aucun objet, aucun témoignage qui puisse justifier l’hypothèse. Ce n’est pas comme cela que j’ai appris à travailler pour mes recherches quand je fréquentais la Sorbonne. Par conséquent, ce que je vais dire maintenant n’a que la valeur d’hypothèses issues de la fantaisie de ceux qui les proposent. Massa-Afrorum, un groupe d’Africains (de la Carthage d’Hannibal, ancêtre de Tunis). Massa-fracta, un bloc (rocheux) fracturé. Massa-fera, un espace sauvage (en latin, fera, en grec thêra, désignent une bête sauvage). Et du grec byzantin Man-sapros, auquel on donne la traduction de lieu rupestre pour ermites, ce qui est intéressant, mais ne repose sur aucune étymologie vraisemblable ; en effet, on ne peut associer le mot germanique Man, Mann et le mot grec sapros ; par ailleurs, l'on associe à une grotte, mais le mot grec n’a rien à voir avec une grotte. Il dérive du verbe sepô, je pourris (je deviens pourri ou je fais pourrir), d’où sapros signifie mauvais, pourri, corrompu. Il faut donc beaucoup d’imagination pour voir là un lieu inconfortable pour homme… Mais après tout mes divagations philologiques reposent sur mes très lointains souvenirs de mes études, et peut-être ce que j’écris est-il aussi fantaisiste que ce que je lis.

 

655b1 Massafra, habitat rupestre 

655b2 Massafra, habitat rupestre 

Quoi qu’il en soit de l’étymologie du nom, l’habitat rupestre y est une réalité et donne lieu à un paysage urbain intéressant. Dans une rue, plusieurs parois ont été creusées d’un couloir dans lequel a été aménagé un escalier menant à l’entrée d’une habitation troglodyte. Ainsi, en montant l’escalier, on a d’un côté la paroi de la falaise servant de mur extérieur à la maison, et de l’autre un mur épais de cinquante centimètres à un mètre constitué du reste de la paroi rocheuse. L’escalier lui-même est construit en ciment ou en bois, mais je suppose qu’à l’origine il était lui-même taillé dans la roche vive. Les passages répétés pendant des siècles sur cette roche tendre ont probablement nécessité le remplacement des marches naturelles par un escalier construit de main d’homme.

 

655c1 Massafra, chiesa e convento di Sant'Agostino 

655c2 Massafra, église et couvent Saint Augustin 

Montant à pied de la grand-route, la via Appia, vers la ville haute, nous passons devant cette belle église de Saint Augustin avec son couvent, aujourd’hui fermés au culte comme à la visite, mais l’acoustique de l’église, excellente paraît-il, permet de l’ouvrir pour y organiser des concerts. Ils ont été fondés en 1560 pour accueillir les malades pauvres. Cette façade baroque est très légèrement convexe, allusion timide et discrète au style de mon cher Borromini à Rome.

 

655d1 Massafra, chiesa rupestre della Candelora 

En ville, dans le centre historique, suivant les indications de mon Guide Vert Michelin Puglia (en italien), nous nous sommes rendus dans un commissariat de police qui a appelé une guide pour nous emmener voir deux sites particulièrement intéressants. Nous commençons par la crypte della Candelora. Il s’agit d’une église rupestre dont, hélas, ont été détruits la façade et le vestibule.

 

655d2 Massafra, église rupestre de la Candelora

 

655d3 Massafra, église rupestre de la Candelora 

Néanmoins, il reste l’intérieur où, comme on l’aperçoit sur ces photos, il subsiste des fresques. Cet intérieur de l’église, large de 8,50 mètres et profond de six mètres, comporte six salles dont chacune est couverte d'un plafond différent, dont je montre deux exemples ci-dessus. L’autel était situé dans le dernier espace, celui qui était couvert de la coupole de ma deuxième photo.

 

655d4 Massafra, église rupestre de la Candelora, Présenta 

Il reste treize fresques datant du treizième siècle. Mais évidemment, la façade ayant disparu, elles se trouvent en plein air. Protégées des intempéries, certes, puisque le toit taillé dans la roche est toujours là et que cette grotte est suffisamment profonde et renfoncée pour que la pluie et le vent n’atteignent pas les parois peintes, mais l’humidité de l’air en hiver, les variations de température, et même la pollution de l’air dans notre civilisation moderne ont bien endommagé ces fresques. L’humidité qui imprègne la roche s’infiltre derrière l’enduit portant la couleur, permet l’introduction d’une couche d’air, puis l’enduit décollé se détache et tombe. Par ailleurs, dans certaines églises, particulièrement celles qui sont situées à la campagne, parce qu’aucun service de surveillance ou système électronique n’est prévu, les vols sont fréquents : ce sont des gens possédant une technique bien au point pour détacher les plaques d’enduit et les coller sur des toiles afin de les transporter. Heureusement, dans cette Candelora on peut encore admirer cette Présentation de Jésus au temple, ou si l’on préfère, cette Purification de la Vierge, puisque les deux cérémonies rituelles se déroulaient traditionnellement simultanément. Les couleurs sont belles, les attitudes des personnages, et notamment Jésus tendant son petit bras, sont pleines de vie.

 

655d5a Massafra, chiesa rupestre della Candelora 

655d5b Massafra, chiesa rupestre della Candelora 

Rare est cette représentation de Marie menant Jésus par la main. Oui, oui, j’ai le droit de dire menant par la main sans commettre un pléonasme car, contrairement à ce que l’on a souvent prétendu, le verbe mener est sans aucun rapport étymologique avec le mot main, mais avec le verbe latin minari, menacer. Désolé, je passe mon temps à disserter de linguistique, l’une de mes (nombreuses) marottes. Je reviens à la fresque. Je trouve très intéressante cette représentation de la maman tenant non la main mais le poignet de son fils sur le chemin, comme s’il voulait vagabonder seul et qu’elle l’en empêche. Quant à Jésus, avec son crâne rasé d’écolier sage, avec son petit panier d’œufs qu’il va porter chez sa maîtresse d’école, il est craquant.

 

655d6 Massafra, église rupestre de la Candelora 

Voyons encore une fresque. Je n’ai pas besoin de me creuser la tête pour identifier ces deux saints, puisqu’ils sont accompagnés de légendes. Ce sont saint Nicolas Pèlerin, ce Grec mort à Trani en 1094 dont j’ai parlé le 22 octobre, et saint Stéphane (ou Étienne).

 

655e1 Massafra, cellule rupestre d'ermite 

655e2 Massafra, cellule rupestre d'ermite 

655e3 Massafra, cellule rupestre d'ermite 

Tout contre la crypte de la Candelora, on trouve l’entrée d’une grotte dont les parois n’ont pas été retaillées, et qui ne donne absolument pas l’impression d’avoir été un lieu habité. Et pourtant, cette grotte a été occupée pendant des années par un ermite. On y remarque un trou près de l’entrée, par où sans doute sortait la fumée du feu que l’homme faisait dans ce coin. Et au plafond, il a travaillé la pierre pour pouvoir passer un crochet auquel il accrochait sa lampe à huile.

 

655f1 Massafra, église hypogée Saint Antoine abbé (10e-1 

Après la crypte de la Candelora, notre guide nous emmène ailleurs dans la ville, et nous pénétrons dans l’hypogée de Sant’Antonio Abate, Saint Antoine Abbé. Il s’agit d’un vaste espace, souterrain comme le nom l’indique, et qui était aussi un lieu de culte. On distingue bien par la disposition qu’en réalité il y a deux espaces communicants, mais autrefois ils étaient séparés, l’un étant consacré au culte de rite latin, l’autre au culte de rite grec.

 

655f2 Massafra, chiesa ipogea di Sant'Antonio abate (X-XI s 

655f3 Massafra, église hypogée Saint Antoine abbé (10e-1 

L’excavation de cette crypte remonte au dixième siècle ou au plus tard au début du onzième. Les murs en étaient intégralement revêtus de fresques, mais ici elles sont réellement en très mauvais état. On peut néanmoins encore y distinguer des personnages, comme cette Vierge. Tous ou presque ont été identifiés, mais je me demande bien comment parce que parfois on ne voit qu’un visage, sans aucun attribut qui, à moi le non-spécialiste, aurait donné une clé d’identification.

 

655f4 Massafra, église hypogée Saint Antoine abbé (10e-1 

655f5 Massafra, chiesa ipogea gia ospedale (X-XI sec.) 

655f6 Massafra, église hypogée ancien hôpital (10e-11e s 

L’hypogée est situé sous un bâtiment qui a été utilisé comme hôpital jusqu’à une époque très récente. On voit ici une grande salle de l’hôpital, ainsi que des cuves à eau (pour blanchisserie, je crois) et des cuvettes servant pour les bains de siège. Tout ce que l’on voit là, et qui était encore en usage après la Seconde Guerre Mondiale semble plus obsolète que ce qui est montré dans les Hospices de Beaune qui, eux, datent du quinzième siècle.

 

Après cette visite, notre guide nous quitte et, après l’avoir remerciée, nous nous baladons assez longuement par les rues de la ville avant de regagner le camping-car.

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 22:36

 

654a1 Acquaviva delle Fonti, église Sainte Claire

 

654a2 Acquaviva delle Fonti, Santa Chiara 

Nous avons passé la nuit à Casamassima. Empruntant une petite route nous arrivons en moins de dix kilomètres à Acquaviva delle Fonti. Et, compte tenu du fait que nous sommes dans les Pouilles, que sommes-nous venus voir ? Une cathédrale, bien sûr. Mais auparavant, bref tour en ville. Nous passons devant cette vieille église Santa Chiara mais faute de la moindre information à son sujet, je ne m’attarde pas. Encore un mot. La région est très sèche puisque le terrain calcaire s’imbibe des eaux de pluie ou, fracturé, laisse s’écouler l’eau en profondeur. Mais cette ville a l’exceptionnel privilège d’être construite sur un terrain argileux qui retient une nappe d’eau à faible profondeur, justifiant ce nom d’Eau Vive des Fontaines. D’où une richesse fondée sur l’horticulture.

 

654a3 Acquaviva delle Fonti, Arco di Santa Chiara 

Tout près de l'église, cette rue pittoresque passe sous ce double arc qui, on peut s’en douter, porte le nom d’arc de Santa Chiara. Le second est visiblement un passage entre deux immeubles, mais le premier semble faire partie d’un mur de ville.

 

654b1 Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

654b2 Acquaviva delle Fonti, cattedrale 

654b3 Acquaviva delle Fonti, cattedrale 

La première pierre de cette église, qui tient le rang de l’une des quatre basiliques palatines des Pouilles (c'est-à-dire dépendant directement du palais de l'empereur –et du pape, bien sûr–, et d'aucun évêque ou cardinal), aurait été posée par Roger II (1095-1154) dans la première moitié du douzième siècle. Mais au seizième siècle, entre 1529 et 1594, l’église a été reconstruite, de sorte qu’il n’y reste que peu d’éléments de l’époque normande, et au contraire on peut la considérer comme l’une des très rares églises Renaissance des Pouilles. Si, d’un côté, elle est accolée à un autre bâtiment, son flanc et son abside sont au contraire dégagés, le flanc donnant sur une place et un certain recul pouvant être obtenu vers l’abside en s’enfonçant au fond d’une petite impasse. Les éléments romans qui subsistent sont les lions qui encadrent l’entrée (je vais en montrer un dans un instant), et l’un des campaniles de l’abside (qui, n’étant pas en face de l’impasse, n’a pas été accessible à mon objectif).

 

654b4 Acquaviva delle Fonti, rosace de la cathédrale 

654b5 Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

J’oppose ici la rosace, magnifique œuvre de la Renaissance, et l’un des deux lions dont j’ai parlé, typique des encadrements de portails du Moyen-Âge. Lui aussi est splendide, et tant sa tête et sa crinière que son corps sont d’une exécution beaucoup plus soignée que celle de bien des églises, mais ces lions stylophores ayant un corps assez long, la colonne ne repose pas sur leur croupe et leurs pattes postérieures, mais sur leur dos, et le poids aurait brisé la sculpture, aussi l’artiste a-t-il dû placer sous le ventre de l’animal et à l’aplomb de la colonne un bloc de soutien qui gâche un peu l’effet.

 

654b6 Acquaviva delle Fonti, cattedrale

 

Au-dessus du portail, dans le tympan, on peut voir un cavalier et, tout petit, en haut, un cerf avec une croix entre les cornes. C’est saint Eustache. Je ne trouve pas la sculpture tellement originale ni intéressante, et je préfère montrer celle qui se trouve encore au-dessus. Nulle part je n’ai trouvé de commentaire à son sujet mais je ne vois pas d’autre interprétation que Dieu le Père tenant la sphère du monde dans sa main.

 

654b7 Acquaviva delle Fonti, cathédrale

 

Enfin, tout en haut du fronton, nous voyons une intéressante Vierge à l’Enfant. Elle est couronnée et assise sur un trône, et elle tient Jésus nu et debout sur son genou. Elle est contemporaine de la reconstruction du seizième siècle, mais si le mouvement de son vêtement est bien caractéristique du style de la Renaissance, je lui trouve curieusement un visage qui ne surprendrait pas sur une statue du quatorzième siècle. Sur ma toute première photo de la cathédrale, celle de la façade principale avec la rosace, on distingue qu’au bas de chaque côté du fronton, des statues en pied entourent la Vierge. Ce sont deux apôtres, non définis.

 

654b8 Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

654b9a Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

654b9b Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

654b10 Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

Terminons notre tour de l’extérieur de l’église avec ces sculptures. Sur la première photo, on voit que comme au Moyen-Âge les colonnes encadrant la fenêtre reposent sur de petits lions, mais la forme de la fenêtre, située sur le flanc mais plus à droite que le bord de ma photo, n’a rien de normand. La deuxième photo représente une fenêtre visible sur ma photo du flanc, encadrée d’une figure féminine au buste nu et d’une figure masculine à la grande barbe . Les corps ne s’achevant pas par des jambes, on ne peut parler d’un couple cariatide / atlante, mais leur base n’est pas non plus celle, carrée, de ce qu’on appelle des hermès. Au bas de ce qui est encore un ventre et devant ce qui n’est déjà plus un corps humain, se développe une grande feuille de vigne. Quant à la frise sous la fenêtre (ma troisième photo), elle est une représentation de cariatides en bas-relief, tout à fait fantaisistes. Depuis l’Antiquité (Parthénon) et jusqu’à une époque relativement récente, vers le dix-huitième siècle, la position des cariatides est plutôt rigide, hiératique. Or nous sommes à la Renaissance, et celles des extrémités regardent sur le côté, une autre, fatiguée, ne porte l’entablement que d’une main et de l’autre se tient la tête, et surtout une autre encore remonte sa robe sur sa jambe nue et donne l’impression qu’elle se gratte. Tout cela relève d’une remarquable fantaisie. Enfin, ma dernière photo montre une colonne présentée comme une jambe habillée de braies resserrées à la cheville, mais qui se termine en patte griffue et qui repose sur une tête d’homme à la chevelure crépue mais au faciès de blanc. Je pense que, bien que le pays ne soit plus aux mains des Sarrasins depuis belle lurette, l’artiste a voulu se faire le continuateur de la tradition des églises normandes ou souabes où l’on donnait en sculpture un rôle d’esclave aux ennemis, et tout particulièrement aux Arabes.

 

654c1 Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

Mais entrons dans l’église. On voit dès le premier coup d’œil que l’on n’est pas dans une église normande, mais typiquement Renaissance. Il y a, certes, trois nefs comme dans les basiliques d’autrefois, mais elles sont presque fondues en une seule, l’église est aérée, et les dorures abondent. Néanmoins, ce n’est pas encore le baroque, avec ses sculptures, en stuc ou en pierre, partout sur les murs, les colonnes, les autels.

 

654c2 Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

654c3 Acquaviva delle Fonti, cathédrale 

Ce que je viens de dire n’exclut pas quelques sculptures intéressantes. Comme on le voit sur ma première photo, une tête d’ange –puisque deux ailes lui servent de fond– tient des tiges de fleurs dans sa bouche. Et il n’est pas souriant, on dirait qu’il les vomit, ses fleurs. Ma seconde photo montre deux sculptures qui se font pendant en se regardant. C’est une Annonciation. À gauche, l’archange Gabriel est animé d’un beau dynamisme, sa robe et ses cheveux volent en arrière dans le mouvement de ses ailes tandis qu’à droite Marie, en mouvement elle aussi, mais en mouvement statique, c’est-à-dire sans se déplacer, ouvre ses bras en geste de surprise et donne l’impression de tomber à la renverse sous le choc de la nouvelle.

 

654d1 Acquaviva delle Fonti, palazzo de Mari (sec. XII) 

654d2 Acquaviva delle Fonti, palazzo de Mari (sec. XII) 

654d3 Acquaviva delle Fonti, palazzo de Mari (sec. XII) 

Laissons là cette cathédrale. Tout près se dresse le beau palazzo de Mari où la Municipalité s’est établie. Au cinquième siècle il y avait ici un système de défense transformé en un puissant château de près de 5000 mètres carrés par le comte normand Robert Surguglione, feudataire de la cité à partir de 1122. Mais de ce château il reste bien peu de chose aujourd’hui, car il a été l’objet de modifications et restructurations tellement profondes que l’on pourrait parler de reconstruction, et aujourd’hui il a une apparence clairement baroque.

 

654d4 Acquaviva delle Fonti, palazzo de Mari (sec. XII) 

654d5 Acquaviva delle Fonti, palazzo de Mari (sec. XII) 

Autour de la cour intérieure, et sur les différents niveaux, on compte un total de trois cent soixante pièces. Les photos ci-dessus sont prises l’une de l’entrée, l’autre depuis la loggia que l’on voit sur la première. On peut voir sur la loggia la porte qui donne sur ce que l’on appelle l’étage noble, surmontée de l’inscription “Carolus de Mari, Aquavivæ princeps”, soit “Charles de Mari, prince d’Acquaviva”. Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée émue pour la pauvre princesse d’Acquaviva qui, pendant que son mari chassait le lapin dans la garenne ou tapait le carton avec ses copains à l’auberge, donnant une claque sur les fesses de la serveuse, était obligée de passer l’aspirateur dans les 360 pièces et d’y faire les carreaux. Comme quoi ceux que l’on appelle les déshérités qui vivent à dix dans une pièce ne connaissent pas leur bonheur, de n’avoir qu’une fenêtre à nettoyer et un dixième de pièce à aspirer…

 

654e1 Gioia del Colle 

654e2 Gioia del Colle

 

Retournant vers la grand-route de Bari à Tarente, nous nous rendons ensuite à Gioia del Colle. Nous garons notre gros véhicule sur un parking hors les murs et nous dirigeons vers cette noble entrée de la ville. La seconde photo montre un détail à peine discernable sur la précédente : cette tête est en quatre exemplaires au-dessus des cintres de la loggia du premier étage, juste en dessous des quatre fenêtres rectangulaires murées. Au milieu, il y a aussi une tête, mais elle n’est pas aussi originale parce qu’elle ne tire pas la langue. Dans cette ville, nous souhaitons voir un important château construit au onzième siècle par le Normand Richard Siniscalco –frère de Robert Guiscard– sur un ancien bâtiment byzantin, et restructuré par Frédéric II vers 1230 à son retour de croisade. Mais, situé en pleine ville alors qu’en général ces châteaux sont situés sur une colline un peu à l’écart, il est caché par les murs des immeubles qui l’entourent et n’est pas visible de loin. Aussi, ne disposant pas de plan de la ville, je m’approche d’une jeune fille d’environ vingt-cinq ans, pas une gamine, et, poliment, m’adresse à elle : “Buona sera. Prego, dov’è il castello normanno ?” Sans doute m’a-t-elle pris pour un satyre (je précise quand même que Natacha marchait à côté de moi) car j’étais sans cravate, et mes chaussures Salamander pouvaient fort bien cacher mes éventuels sabots de bouc, car sans me répondre elle a pris ses jambes à son cou et a fui à toute vitesse à une cinquantaine de mètres. Sans doute cette question était-elle choquante mais lorsque je l’ai réitérée deux minutes plus tard auprès d’un policier, il ne m’a pas passé les menottes et nous a aimablement indiqué le chemin. Avis important aux touristes : Si vous vous rendez à Gioia del Colle, ne demandez surtout pas votre chemin aux jeunes filles, sous peine de les effrayer.

 

654f1 Gioia del Colle 

654f2 Gioia del Colle 

654f3 Gioia del Colle 

C’est le château, que nous cherchions ; mais sur l’itinéraire qui nous était indiqué nous passons devant cette église dont j’ignore le nom et sur laquelle je n’ai pas d’informations mais qui est de style Renaissance. Sur la façade, j’aime particulièrement cette statue de la Vierge, toute jeunette, et qui regarde son bébé avec une tendresse touchante.

 

654g1 Gioia del Colle, château souabe 

Le voici enfin, ce château, avec ses grands murs, hauts, longs, massifs, d’autant plus imposants sans doute que l’on n’a pas de recul pour les voir, et qu’ils surgissent soudain au détour d’une rue. Et puis ses bossages de pierre sur les murs, ses meurtrières, ses rares petites fenêtres, tout cela lui donne un aspect impressionnant.

 

654g2 Gioia del Colle, château souabe

 

654g3 Gioia del Colle, château souabe 

654g4 Gioia del Colle, castello svevo 

Lorsque nous sommes dans la cour du château (la première de ces photos est prise de l’intérieur, en étage) ce que nous voyons est purement frédéricien, il ne reste rien ici du château normand. Les Angevins puis les Aragonais ont apporté des modifications, puis le château a été consacré à divers usages qui l’ont défiguré. Mais les travaux récents de restauration ont rendu leur aspect d’origine à la plus grande partie des bâtiments, et ici nous sommes dans l’un de ces endroits qui ont retrouvé leur aspect du treizième siècle. Les lions sont l’emblème de Frédéric II.

 

654h1 Gioia del Colle, château souabe 

654h2 Gioia del Colle, château souabe

 

Ceci est la salle du trône. C’est beau, c’est noble. Le style est celui du Moyen-Âge, mais il s’agit d’une reconstitution récente. Impossible de savoir si le trône et son emplacement sont authentiques, simple restauration et remise en place, ou s’ils sont des copies destinées à rendre au château l’aspect qu’il était présumé avoir.

 

654h3 Gioia del Colle, castello svevo 

Cette sculpture au-dessus d’une porte fait l’objet de discussions quant à sa signification. Certains y voient les clés de saint Pierre, d’autres les éléments de la croix démontés, il y a encore d’autres interprétations, mais à vrai dire je n’ai guère été convaincu par aucune d’entre elles.

 

654h4 Gioia del Colle, castello svevo 

Nous voici dans ce que l’on appelle la Tour de l’Impératrice. On se rend compte, en voyant des ouvertures sur trois niveaux ainsi que des corbeaux en face de trous dans la paroi, qu’il existait autrefois des poutres reposant sur ces corbeaux et dans les trous du mur, et donc des planchers. Il y avait là un rez-de-chaussée et deux étages.

 

654h5 Gioia del Colle, château souabe, prison

 

654h6 Gioia del Colle, château souabe, toilettes (WC) 

Cette salle souterraine est une prison. Mais, installation exceptionnelle dans un bâtiment de cette époque, il y a été aménagé des toilettes en pierre comme on peut le voir sur la deuxième photo. Cela laisse penser que la personne ici recluse méritait un minimum de respect pour ne pas séjourner indéfiniment dans ses excréments accumulés. Et cette salle se trouve dans le sous-sol de la tour dite de l’Impératrice dont j’ai montré une photo il y a un instant. Cette appellation demande une explication. L’empereur Frédéric II était l’époux de Yolande de Brienne quand il rencontra Bianca Lancia et le coup de foudre fut réciproque, et pourtant on sait que le cœur de l’empereur était difficile à conquérir. Puis, veuf, il épousa Isabelle d’Angleterre, et poursuivit sa liaison avec Bianca. De ces amours est née Constance, puis Bianca a été enceinte de Manfred. La légende veut que, se croyant trompé par sa maîtresse, Frédéric jaloux l’ait enfermée dans cette salle souterraine du château de Gioia del Colle, pour l’empêcher de rencontrer le prétendu amant et la punir de son infidélité. Manfred eut beau être le vivant portrait de son père, l’empereur la maintint prisonnière. À présent, il s’agit de tenter de discerner, sur la photo du cachot, une pierre particulière. Elle se trouve sur l’avant-dernière rangée des pierres taillées de forme régulière, à la base de la voûte, et c’est la seconde à partir de la gauche. Malgré la très basse définition de la photo, on arrive, je crois, à distinguer vaguement deux demi-sphères sculptées.

 

654h7 Gioia del Colle, château souabe, seins de Bianca Lan 

Voici un gros plan sur cette pierre. Nous avons donc vu que Frédéric II, selon la légende, aurait retenu prisonnière sa maîtresse Bianca Lancia, même après la naissance de leur fils Manfred qui, ressemblant comme deux gouttes d’eau à l’empereur, aurait dû lever tout doute sur la fidélité de Bianca. Aussi, lorsque le bébé fut assez grand pour ne plus avoir besoin de sa mère pour survivre, elle se coupa les seins et avec l’enfant elle les envoya sur un plateau à Frédéric, puis mourut peu après. Ses seins auraient alors été sculptés dans le mur de sa geôle en souvenir d’elle. Cela donne une explication pour cette bizarre sculpture, mais en fait après la mort d’Isabelle Frédéric II, qui résidait à Foggia, se rendit à Gioia del Colle où se trouvait Bianca, très malade ou, selon un autre témoignage, feignant d’être très malade. Elle le supplia alors, pour le salut de son âme et pour assurer le salut de leurs enfants, de l’épouser pour les légitimer, ce à quoi l’empereur aurait consenti en secret. Il n’empêche, même en secret, elle serait devenue impératrice, et c’est ce qui justifie l’appellation de cette tour, mêlant légende, histoire réelle et suppositions.

 

654i1 Gioia del Colle, château souabe, terres cuites (fin 

Mais c’est assez disserté sur la poitrine de cette dame, si je continue on va finir par penser que la jeune fille interrogée dans la rue a eu bien raison de me fuir. Plusieurs salles de ce château hébergent une belle collection archéologique. Une dame bien documentée est là pour donner des explications, répondre aux questions, mais lorsque l’on veut regarder tout seul tranquillement elle laisse sa totale liberté au visiteur. C’est la solution idéale à mon goût. Ces figurines de terre cuite représentant des femmes et ce grelot en forme de ballon se trouvaient dans la tombe d’une fillette décédée à la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ, découverte en 2001 à Canosa (où nous sommes passés le 28 octobre).

 

654i2 Gioia del Colle, château souabe, acteur (vers 150 av

 

654i3 Gioia del Colle, château souabe, Zeus en taureau (ve 

Dans cette tombe de peu après 150 avant Jésus-Christ explorée en 1990 à Tarente, a été ensevelie une très jeune femme qui avait été incinérée. À Tarente, on trouve à la fois des personnes enterrées et d’autres incinérées, mais l’incinération a généralement lieu dans la tombe. Dans le cas présent, le corps a été incinéré ailleurs. Dans la tombe ont été trouvées de nombreuses figurines de terre cuite représentant tous types de personnages, la plupart féminins, femme sur dauphin, femme ailée sur triton, femme nue, femme en manteau, mais aussi un Éros, des satyres, des acteurs en masque, ainsi que des animaux, une colombe, un taureau peint en blanc. Tout cela fait penser aux archéologues aux éléments d’une mise en scène de théâtre. J’ai choisi ici un acteur et le taureau parce que ce sont deux éléments déterminants de cette thèse. Pour l’acteur, la relation avec le théâtre est évidente, et le taureau blanc fait penser au mythe d’Europe qui, voyant un splendide taureau blanc comme la neige (malgré la fresque que nous avons vue à Naples où il est brun) le caresse, monte sur son dos, mais c’est Zeus qui, séduit par sa beauté, a pris cette apparence pour l’approcher et part avec Europe sur son dos, traverse la mer jusqu’en Crète où il s’unit à elle. Tel serait donc le sujet de cette pièce. De là on conclut que cette très jeune femme était mariée et liée de quelque façon au monde du théâtre.

 

654i4 Gioia del Colle, château souabe, sanglier (4e s. avt

 

Ce sanglier de terre cuite portant sur son dos un petit guerrier avec son bouclier est un grelot du quatrième siècle avant Jésus-Christ trouvé dans une tombe de Gioia del Colle en 1959.

 

654i5 Gioia del Colle, Eros sur oie, (4e s. avt JC)

 

Cette Oinochoé (vase à vin) à figure rouge du quatrième siècle avant Jésus-Christ représente un Éros enfant chevauchant une oie. Elle a été trouvée à Canosa, en zone urbaine, en 2006.

 

654i6 Gioia del Colle, château souabe, défunt et esclave

 

Ce cratère apulien (c’est-à-dire des Pouilles) à figures rouges, datant de 340-330 avant Jésus-Christ, a été trouvé en 1933 dans la province de Tarente. Le bâtiment qu’il représente est un petit temple funéraire, et donc l’homme qui y est représenté est le mort. Mais il n’est pas seul, un jeune garçon l’accompagne, qui le regarde d’un air triste et lui tend un coffret. C’est probablement un petit esclave qu’il aimait bien, et il lui rend un regard affectueux en lui caressant doucement la tête. Il y a beaucoup de sensibilité dans cette représentation.

 

Il y a encore beaucoup d’objets intéressants dans ce musée, mais j’ai déjà présenté trop de photos aujourd’hui, mon choix n’a pas été assez sévère, aussi vais-je arrêter là. Parce que nous souhaitons visiter Massafra, peu avant Tarente, que nous avons manquée lors de nos précédents passages, nous nous rendons à la sosta camper où nous avons déjà séjourné pour y passer la nuit et être à pied d’œuvre demain matin. 

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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 01:25

653a Giovinazzo

 

 

 

 

Giovinazzo, c’est une ville à seulement six kilomètres de Molfetta, sur la côte au sud-est en allant vers Bari, et Bari elle-même n’est qu’à une vingtaine de kilomètres. Qu’à cela ne tienne, chacune de ces villes a sa cathédrale à l’italienne.

 

653b1 Giovinazzo 

653b2 Giovinazzo 

653b3 Giovinazzo 

Évidemment, à la dimension de la page de ce blog, mon panoramique n’est guère lisible, et la courbure qu’il engendre fait un peu bizarre, mais il permet de situer la cathédrale au bout de la ville à l’écart du port, et néanmoins marine, si je puis dire, quoiqu’un peu moins marine que la cathédrale de Molfetta.

 

653c1 Giovinazzo, cattedrale di Santa Maria Assunta 

653c2 Giovinazzo, cattedrale di Santa Maria Assunta 

On a trace de financements accordés par les Normands, ce qui fait que l’on est sûr que la construction a été entreprise au début du douzième siècle : La princesse Constance de France d’Attigny (1077-1125), fille du roi Philippe Premier de France et veuve de Bohémond Premier de Hauteville, prince d’Antioche et de Calabre (1057-1111), fils de Robert Guiscard, à la date du 6 décembre 1113 fait don au clergé de Giovinazzo de la somme nécessaire pour construire une cathédrale, dans le but d’honorer la mémoire de son mari. Par ailleurs un document laisse penser que la construction était achevée en 1180, mais sans aucun doute les travaux n’étaient pas achevés, finition et décoration, car la consécration n’est intervenue qu’en 1283. Dans les années 1980, lors d’importants travaux de restauration, on a découvert près du maître-autel de grands fragments de mosaïques de sol datables du douzième siècle, ce qui signifie que comme à Otrante la cathédrale en était entièrement décorée, mais ce sont très probablement les orientations du concile de Trente (1545-1563) et de la Contre-Réforme qui ont motivé la suppression de cette mosaïque par destruction pour la plus grande partie, par recouvrement pour le reste. Ce même concile a également entraîné de profondes modifications des espaces liturgiques. Mais c’est le dix-huitième siècle qui a le plus profondément modifié la cathédrale en abattant les murs de la nef pour reconstruire le tout en style baroque. Il ne reste désormais que peu d’éléments des douzième et treizième siècles, parmi lesquels l’abside, c’est-à-dire le côté des tours campaniles. Par conséquent les arcatures de ce mur datent de l’origine. La tour de gauche (celle que l’on voit mieux sur ma photo) est d’origine en style roman des Pouilles, tandis que le campanile de droite, moins haut, a été reconstruit au dix-huitième siècle, mais c’est lui qui a l’honneur de porter la Bombaun (ainsi nommée en raison de sa sonorité grave et solennelle), la grosse cloche ancienne de la cathédrale.

 

653c3a Giovinazzo, cattedrale di Santa Maria Assunta 

653c3b Giovinazzo, cathédrale de l'Assomption 

Une grande rosace orne le transept sud. Six sculptures qui évoquent les œuvres du Moyen-Âge l’encadrent, celle du bas étant une amusante représentation d’un homme qui semble habillé en centurion romain, et qui porte la rosace sur ses épaules. Mais si je dis que c’est une évocation du Moyen-Âge, c’est parce que cette rosace date de la fin du dix-neuvième siècle : en 1893 la façade de ce transept est refaite à l’imitation de l’ancienne.

 

653d Giovinazzo, cattedrale di Santa Maria Assunta 

Parce que nous ne pouvons entrer, je montre une dernière sculpture extérieure qui, elle, est à coup sûr authentique. Elle orne une demi-colonne des arcatures. Bien qu’elle soit en mauvais état, on voit qu’elle a quelque chose de byzantin.

 

653e Casamassima, Cimetière polonais

 

653f1 Casamassima, Cimetière polonais 

À présent, après avoir bien profité d’une longue promenade sur le port de Giovinazzo et le front de mer, nous quittons la ville et après avoir contourné Bari nous piquons plein sud sur la route de Tarente. Le but de ce soir est d’atteindre Casamassima. Les parents de Natacha sont tous deux originaires d’Ukraine, elle est née et a vécu en Biélorussie, dans une région du nord-ouest qui a longtemps été partie du Grand-duché de Lituanie et où, de plus, se trouvait la capitale de ce Grand-duché, mais cette région a aussi été sous dépendance polonaise, elle a donc un large choix pour se définir une identité. Mais elle parle polonais et aime la Pologne, et elle est tout naturellement intéressée, à la fois pour cette raison et parce qu’elle travaille sur les liens entre Europe occidentale et Europe centrale et orientale à travers l’histoire, sur ce qui concerne les Polonais en Italie.

 

653f2 Casamassima, Cimetière polonais 

653f3 Casamassima, Cimetière polonais 

Dès 1939 la Pologne avait été envahie par les armées de l’Allemagne alors gouvernée par le nazisme de Hitler. Elle était donc entrée dans la guerre à la fois pour défendre son autonomie d’État récemment ressuscité et pour lutter contre une idéologie qu’elle ne pouvait admettre. Elle s’est engagée aux côtés des Alliés et, en 1944, elle a participé à la meurtrière opération de Montecassino (mon article du 22 avril 2010). Or le débarquement anglo-américain, qui comptait de nombreux effectifs polonais, avait eu lieu peu auparavant dans le sud de l’Italie entre Tarente et Bari et pour cette raison les Alliés avaient établi près de cette dernière ville, à Casamassima, un hôpital militaire pour soigner les blessés polonais, avec des médecins polonais. Après Montecassino, les blessés polonais ont été transportés dans cet hôpital, mais beaucoup n’ont pas survécu. Les Alliés ont alors réquisitionné ce terrain à la limite de la ville pour y ensevelir les soldats morts dans cet hôpital des suites de leurs blessures, ou morts dans les environs immédiats du fait de leur participation à la guerre. Ce cimetière militaire polonais était fermé, nous n’avons pu y pénétrer. 431 soldats y sont inhumés. Et c’est sur cette triste visite que nous terminons notre journée.

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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 00:28

Il y a tout juste un mois, le 21 octobre, nous sommes allés directement de Bari à Trani, négligeant en chemin Giovinazzo, Molfetta et Bisceglie. Puisqu’hier, pour raccompagner à l’aéroport de Bari notre ami Angelo, nous sommes revenus dans le secteur, nous allons réparer cette (grave) lacune. Nous avons trouvé hier soir un parking accueillant à Molfetta où nous avons passé la nuit, nous allons donc commencer nos visites par la cathédrale de cette ville. Mais nous avions lu que l’intérieur était très intéressant, or elle est fermée toute la journée, n’ouvrant que le soir. Qu’à cela ne tienne, nous faisons nos photos de l’extérieur au jour, nous allons voir Bisceglie ensuite et revenons à Molfetta le soir pour pouvoir pénétrer dans le duomo. Et Giovinazzo sera pour un autre jour.

 

652a1 Molfetta

 

652a2 Molfetta, duomo 

652a3 Molfetta, duomo 

Cette cathédrale a été bâtie pour la foule des pèlerins qui sillonnaient la côte adriatique pour se rendre à un port d’embarquement vers la Terre Sainte ou pour se rendre dans un lieu de pèlerinage de la côte, tel Bari avec les reliques de saint Nicolas. Mais à l’époque des Croisades, avec ses hôpitaux et refuges, Molfetta a encore accru son rôle d’étape importante, voire incontournable. De plus, c’était un port de commerce actif vers la Grèce, la Dalmatie, Venise. On voit quel lien indéfectible avec la mer a entretenu Molfetta. Cette cathédrale que l’on peut qualifier d’église marine tant elle est près de la mer, tout au bout de la vieille ville alors que d’habitude les cathédrales sont centrales, a en outre toujours servi de repère aux marins. Faute de documents, on ne peut donner avec précision une date pour sa construction mais l’étude des bâtiments permet néanmoins deux constatations : d’une part, l’essentiel de la construction a dû se situer vers la seconde moitié du douzième siècle ou le début du treizième, et d’autre part plusieurs étapes marquées par des styles différents signifient que la construction et des restructurations se sont étalées sur plusieurs siècles.

 

L’une des caractéristiques de cette église ce sont ses deux tours carrées très hautes et situées du côté de l’abside. La municipalité n’avait pas de tour ni de beffroi sur l’hôtel de ville, et ne souhaitait pas cohabiter avec l’autorité religieuse, ni être encombrée de cloches pour l’usage de sa tour, aussi deux tours ont-elles été érigées. Celle qui est du côté de la mer appartenait à la municipalité qui y plaçait des sentinelles chargées de donner l’alerte en cas de danger, arrivée de bateaux pirates venant opérer une razzia, ennemis venant attaquer. L’autre tour, côté terre, avait une fonction normale de campanile. En trois circonstances, toutes trois au seizième siècle, ces tours eurent à souffrir. Deux fois, en 1516 et en 1544, c’est la foudre qui les a frappées. Et en 1529, lors du sac de la ville par les Français (eh oui, hélas) et les Vénitiens. De l’une des tours surtout, des pierres se détachaient, créant un vrai risque pour les passants, et la tour entière menaçait de s’effondrer. Mais ce n’est qu’en 1616 que les autorités civiles et le chapitre ont réussi à se mettre d’accord pour financer les travaux.

 

652b1 Molfetta, duomo 

652b2 Molfetta, duomo 

652b3 Molfetta, duomo 

Ici encore, comme dans tant et tant de ces églises des Pouilles, il y a de quoi s’occuper en regardant les sculptures. Les arcatures s’achèvent sur des médaillons formant des chapiteaux renversés, qui représentent des masques humains insolites, comme sur la première de ces photos. L’abside donne sur une ruelle si étroite (sur ma photo du flanc de l’église, elle n’est qu’une raie noire verticale) que toute photo de cette façade est strictement impossible, mais j’y ai fait la photo de ce masque bouche ouverte, et yeux figurés par des trous. Certains pensent qu’il s’agissait de donner un minimum de lumière dans le couloir qui relie les deux tours, mais d’autres pensent que c’était un point d’observation discret sans être vu. Quoi qu’il en soit, ce visage est bien amusant. J’y joins l’une de ces sculptures d’animaux qui, si fréquemment, encadrent portes et fenêtres. Peut-être est-ce un lion, comme d’habitude, mais lion ou pas, aucun zoologiste ne trouvera cet animal conforme à une bête réelle.

 

652b4 Molfetta, duomo 

Des artistes arabes ont travaillé ici de même que dans d’autres églises des Pouilles. Les motifs ci-dessus, caractéristiques de l’art des pays de culture musulmane, en sont la preuve.

 

652c1 Molfetta, duomo 

652c2 Molfetta, duomo 

La rue qui part sur le côté droit de la façade tourne à gauche et s’achève en impasse en une sorte de courette devant cette porte qui de nos jours est l’habituelle entrée de l’église. Au-dessus, tout en haut du mur, on trouve cette sculpture. En haut, le Christ sur un trône est visiblement très ancien et de style roman, ce qui a conduit à penser que la sculpture ornait l’église antérieure qui a été démolie pour construire l’actuelle cathédrale. Dessous, un emblème et une inscription qui dit INNOCEN CIBO GENUEN PPA VIII EPS MELPHIT A.D. 1488. Je ne suis pas sûr de pouvoir correctement compléter les abréviations, je me contente donc de traduire Innocent Cibo de Gênes pape VIII évêque Melphit l’an du Seigneur 1488. En effet, le pape Innocent VIII, né à Gênes, s’appelait de son vrai nom Giovanni Battista Cibo et a été pape de 1484 à 1492 et donc à l’époque de l’apposition de ce blason. Mais je ne connais pas la liste des évêques de Molfetta et je ne peux rien dire de ce Melphit, sinon que c’est un nom qui apparaît de temps à autre dans les Pouilles au Moyen-Âge.

 

652d1 Molfetta, duomo

 

652d2 Molfetta, duomo 

L’architecture du toit de cette église est originale mais n’est pas unique dans les Pouilles, notamment dans les églises bénédictines. Il s’agit de coupoles alignées. Du chœur vers le bas de l’église, trois coupoles sont alignées, mais à l’extérieur elles sont revêtues de pyramides, ce qui crée un effet différent. Une particularité, ici les coupoles ont été construites chacune à une époque différente, ce qui fait que la façon dont elles se raccordent aux piliers n’est pas la même. De plus, elles ne sont pas identiques, la seconde étant légèrement parabolique et un peu plus grande, créant un effet dynamique.

 

652d3 Molfetta, duomo 

La coupole du chœur repose sur une corniche ornée de cinquante-six sculptures. C’est particulièrement surprenant… sur les photos de mon livre. Car dans la réalité, c’était là-haut l’obscurité complète. Même en accoutumant mes yeux je n’ai pas vu grand chose. Alors j’ai choisi la sensibilité maximum, le flash, une mise au point approximative et j’ai déclenché. Puis dans Photoshop j’ai poussé l’image. On voit quelque chose sur cette photo que je publie, mais c’est horrible. Rien de commun avec les photos des professionnels qui ont dû venir ici bardés de lampes flood et de réflecteurs et ont peut-être en outre escaladé des échelles ou des échafaudages. Dommage. Je suis désolé.

 

652d4 Molfetta, duomo 

652d5 Molfetta, duomo 

Heureusement, cette église comporte encore bien d’autres sculptures intéressantes, sous les arcatures comme sur la première de ces photos, sur les chapiteaux comme sur la seconde. La tête d’animal fabuleux, et qui n’est même pas vraiment monstrueux, est très expressive, quant à cet ange en longue robe et aux ailes immenses, ce qu’il a à ses pieds semble bien être un dragon, et c’est donc l’archange saint Michel.

 

652e1 Molfetta, duomo, San Corrado 

Lorsque l’église a été construite, c’était la cathédrale et à ce titre on y a déposé les reliques de saint Corrado, patron de Molfetta et c’est à lui que l’on a consacré l’église. Mais en 1785 la population de Molfetta s’était tellement accrue que l’on a transféré le titre de cathédrale en même temps que les reliques dans la grande église que les Jésuites, chassés, avaient dû abandonner, et l’ex-cathédrale a conservé le nom de San Corrado. Ce saint Conrad est un Souabe né à Ravensburg vers 1105 du duc Henri IX de Bavière et de Wulfhilde de Saxe. Il est l’oncle de l’empereur Frédéric Barberousse (fils de sa sœur aînée). Après des études littéraires et de droit canon et civil, étant le troisième fils il a été destiné à la carrière ecclésiastique avec en ligne de mire l’évêché de Cologne. Très jeune, il a été admiré pour ses vertus et, ayant été ému par une prédication du Cistercien Arnold, il a décidé de se détourner des honneurs et de choisir la vie monacale chez les Cisterciens à l’abbaye de Morimond (dans ce qui est aujourd’hui le département de Haute-Marne). Or voilà qu’Arnold, partant fonder un monastère en Terre Sainte, plaide pour l'envoi de moines plutôt que de soldats, en quoi quelques moines –dont Conrad– le suivent, au grand mécontentement de saint Bernard de Clairvaux. En 1125, Arnold meurt, mais Conrad décide de poursuivre seul le pèlerinage en Terre Sainte, et fait étape à Saint Nicolas de Bari. Mais il tombe malade et se retire chez les Bénédictins de Santa Maria ad Cryptam qui se trouve non loin. Là, il mène une vie d’ermite, dormant sur la roche nue, suscitant l’admiration. C’est là qu’il meurt, dans l’hiver 1125-1126, et on l’inhume dans la chapelle du couvent. Sa tombe devient but de pèlerinages, on lui attribue des miracles. Bien plus tard, en 1309, les Bénédictins quittent le monastère de Santa Maria ad Cryptam, à la suite de quoi (mais on ne sait pas exactement en quelle année) les habitants de Molfetta vont y chercher les restes de saint Conrad et les inhument dans leur cathédrale toute neuve qu’ils lui dédient et, de ce fait, il devient le saint patron de la ville. J’ai dit qu’en 1529, la ville avait été mise à sac par les Français. Néanmoins, lors d’une tentative d’attaque surprise de nuit, la population a été alertée d’un danger par un guerrier battant le rappel. Puis, sous les yeux effarés des assaillants, au milieu d’une mystérieuse lueur sur les murs de la ville, sont apparus la Madone des Martyrs, saint Nicolas et saint Conrad en qui les citoyens reconnurent le guerrier qui les avait avertis. Les Français, effrayés de cette vision, s’enfuirent. Je l’appelle saint lors de tous ces épisodes, mais en fait ce n’est qu’en 1832 que le pape Grégoire XVI a prononcé sa canonisation.

 

652e2 Molfetta, duomo 

Étonnante est cette pietà toute de noir vêtue, son mouchoir de dentelle à la main, le nez rouge d’avoir trop pleuré et qui se tourne vers le Ciel, devant le corps de Jésus mort, étendu sur son linceul. C’est loin d’être une œuvre d’art impérissable, mais cette représentation très réaliste est intéressante.

 

652f1 Molfetta, duomo 

Dans la lueur miraculeuse de 1529 apparaît, ai-je dit, la Madone des Martyrs, sans plus commenter parce que je me réservais pour cette sculpture qui la représente. C’est un sculpteur de la ville voisine de Giovinazzo, Carlo Giacinto Altieri qui l’a exécutée en 1717. Il y avait eu à Molfetta une église paléochrétienne rupestre, premier sanctuaire chrétien de la ville, dédiée à Santa Maria. Au motif de célébrations et diverses festivités chrétiennes, le pape Boniface IV (608-615) a suscité l’ajout de cette relation aux martyrs morts pour leur foi. La sculpture du dix-huitième siècle que l’on voit ici était initialement située sur la porte donnant accès à la vieille ville puis, jusqu’en 1945, elle a été dans l’avant-corps du côté ouest de ce Duomo. Elle est maintenant située dans l’église.

 

652f2 Molfetta, duomo 

Avant l’an Mil, les prêtres de l’Église romaine et les patriarches de l’Église grecque luttaient avec âpreté pour la domination du diocèse. Par la suite, dans la cathédrale précédente, il est probable que les deux rites ont coexisté. Est exposé dans ce Duomo le bas-relief que je montre ici et qui, des années 1100 semble-t-il, doit provenir du mur d’enceinte de l’ancien presbytère démoli depuis. Certains y voient Jésus avec les apôtres et divers saints qu’ils n’identifient pas, mais d’autres pensent, en considérant habits et attitude, que c’est plutôt la représentation d’une célébration de rite grec. Si tel est le cas, c’est un exceptionnel document témoin de la pratique orientale dans cette église originelle.

 

652f3 Molfetta, duomo

 

La chapelle de sainte Catherine qui contient cette stèle abrite également les fonts baptismaux. Faisons l’impasse sur cette sculpture clinquante pour admirer cette belle vasque de basalte du seizième siècle sur les bords de laquelle, entre les inscriptions, sont sculptées des images de la Vierge, qu’il est évidemment impossible de discerner sur ma photo, non seulement petite, non seulement réduite, mais en très basse résolution.

 

652f4a Molfetta, duomo 

652f4b Molfetta, duomo 

Avant de quitter Molfetta et sa cathédrale, je voudrais encore montrer ce bénitier original. On l’appelle communément le bénitier du Sarrasin, et ce pour deux raisons. D’une part, on trouve à la sculpture de l’homme qui le soutient un faciès arabe. Cela, à vrai dire, ne me saute pas aux yeux. Je lui trouve un faciès particulier, mais je serais bien en peine de dire de quelle ethnie. Enfin, je veux bien. D’autre part, cet homme est chargé du lourd poids de la vasque qui repose sur ses genoux et qu’il soutient des deux mains en l’appliquant contre son corps. C’est le rôle d’un esclave. Or on aimait bien représenter en situation de serviteur, d’esclave, ceux qui étaient des ennemis, et tel est bien le cas des Sarrasins à l’époque, car cette époque est, semble-t-il, entre le dixième et le onzième siècle. Telle est l’appellation commune, mais en se basant sur son vêtement, une sorte de veste aux manches mi-longues et au col rigide d’où émerge le plissé d’une chemise, le reste de la statue étant représenté de façon très sommaire, sans vêtement identifiable, un chercheur a pensé qu’il ne s’agissait nullement d’un Sarrasin (ah bon, comme moi il pense que ce faciès peut être européen, mais tout simplement particulier), mais d’un jeune clerc ayant revêtu les habits convenant à une célébration particulière. Au fond de la vasque ondule un poisson. Cela, c’est clair, est le symbole du Christ. En effet, en grec les mots Jésus Christ fils de Dieu, sauveur sont IESOS KHRISTOS THEOU HUIOS SOTER, dont les initiales sont I-KH-TH-HU-S. Or le mot grec IKHTHUS veut dire POISSON. D’où le symbolisme du poisson pour évoquer Jésus-Christ. Et puisqu’il s’agit d’un bénitier, s’il est normalement rempli d’eau bénite (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), le poisson sculpté au fond apparaît toujours dans l’eau.

 

652g1 Bisceglie 

652g2 Bisceglie 

Nous arrivons maintenant à la voisine de Molfetta, Bisceglie. La ville est ancienne, elle a gardé son cachet d’autrefois. Il y a deux façons de regarder cette ville. On peut, si l’on est le touriste des grandes villes propres, modernes, avec éventuellement de vieux bâtiments, mais dûment signalés comme tels et décrits dans les guides, alors on ne peut que critiquer le mauvais état de ce que l’on voit sur ces deux photos, et déplorer que l’on ne rénove pas tout ce fatras crasseux. Et puis il y a des visiteurs qui se laissent charmer par ce qui n’est certes pas bien entretenu, par ce qui pourrait certes être plus propre, restauré, blanchi à la chaux, mais avouerai-je que l’on perdrait 100% du charme du lieu car rénové il ne serait qu’un amas de vieux bâtiments sans cachet aucun. Peut-être, visitant cette ville il y a un an, sans m’être fait l’œil à cette ambiance, aurais-je fait partie de la première catégorie. Que ceux qui en font partie le sachent : ils perdent beaucoup et, s’ils ont la possibilité de s’y accoutumer, ils ne le regretteront pas.

 

652g3a Bisceglie, bâtiment bombardé 

652g3b Bisceglie, œuvre d'un canon turc 

Lorsque nous nous promenions en ville, un homme très aimable nous a abordés pour nous signaler cet immeuble. Lors de la lutte contre les Turcs pour obtenir l’indépendance, un canon turc tirant d’un bateau dans le port a fait ce trou dans la façade. En souvenir des batailles et de l’indépendance retrouvée, le trou n’a jamais été comblé. J’ai demandé ce qu’hébergeait ce bâtiment à l’époque, ce monsieur ne savait pas, sans doute les services municipaux. Mais je pense qu’en fait le tir était si haut qu’il devait viser un autre objectif situé plus loin et que le coup est passé un peu trop bas, ou un peu trop à gauche.

 

652h1 Bisceglie, duomo 

652h2 Bisceglie, duomo 

652h3 Bisceglie, duomo 

652h4a Bisceglie, duomo

 

Malgré le charme de certaines places, malgré l’intérêt historique de ce coup de canon, c’est pour la cathédrale que nous sommes venus dans cette ville, dont on n’a pas trace avant la moitié du onzième siècle, tandis que la cathédrale a été construite par volonté des rois Normands dans la seconde moitié du même siècle. Sa construction s’étant étalée sur une période longue, plus de deux siècles, elle n’a été consacrée (à saint Pierre) qu’en 1295. Voici comment elle se présente sur chacune de ses faces. La façade principale porte une grande fenêtre Renaissance qui remplace une ancienne rosace.

 

652h4b Bisceglie, duomo 

Cette dernière façade donne sur une ruelle si étroite que je n’ai pu la photographier autrement que de travers et partiellement. Pourtant, il y a autour de cette fenêtre des sculptures qui valent la peine d’être mieux vues, comme cet homme qui porte un bélier plus gros que lui. Jésus, le Bon Pasteur, est quelquefois représenté portant sur ses épaules la brebis égarée qu’il est allé chercher ; lui-même est parfois représenté comme l’Agneau de Dieu, et comme saint Christophe l’a porté sur ses épaules on peut imaginer une représentation du saint avec un agneau représentant Jésus. Mais dans l’une comme l’autre de ces hypothèses, il ne peut s’agir d’un bélier adulte avec une tête plus grande que celle de l’homme, avec deux belles cornes roulées. Je suppose plutôt qu’il s’agit d’une représentation du mal qui pèse lourdement sur les épaules du pécheur. Je dis bien je suppose, parce que nulle part je n’ai lu d’explication de cette sculpture et que je suis loin d’être sûr de ma proposition.

 

652h5a Bisceglie, duomo 

652h5b Bisceglie, duomo 

Les murs de l’église portent également des fresques, dont une très grande datée de l’an 1800 et qui représente précisément ce saint Christophe dont je parlais il y a un instant et qui porte Jésus sur ses épaules. Mais il n’y a que quelques centimètres d’eau et je me suis toujours imaginé la scène dans un fleuve un peu plus profond. Peut-être ne sont-ce que les premiers pas depuis la rive… Quant à l’autre fresque, j’avoue ne pas savoir à quoi elle fait allusion. Un évêque à la barbe blanche, en mitre et portant un étendard harangue en tendant le bras un cavalier de part et d’autre. Ces cavaliers ne tiennent pas les rênes de leurs chevaux, celui de droite a les mains jointes, l’autre a une main sur le cœur et au-dessus, dans un nuage, apparaît la Vierge avec l’Enfant Jésus dans les bras. Un crépi qui recouvrait mur et fresque a été ôté, mais imparfaitement, et une petite surface reste recouverte d’une couche de plâtre ou de ciment de quelques centimètres d’épaisseur, et précisément sur l’inscription, en bas, qui aurait peut-être pu m’éclairer. On n’en voit que “A divozione di Pietro”.

 

652h6 Bisceglie, duomo 

652h7 Bisceglie, duomo

 

652h8 Bisceglie, duomo 

Nous achèverons cette visite de Bisceglie avec ces quelques sculptures, avant de retourner pour admirer l’intérieur du duomo de Molfetta que j’ai montré tout à l’heure, puis d’aller passer la nuit au parking équipé pour camping-cars à Bari où nous avons déjà longuement séjourné.

 

Trois photos. Je ne peux parler de tympan pour la première photo, mais plutôt de dessus de porte. Je reconnais à gauche saint Pierre avec ses clés, à droite saint Paul avec son épée. En revanche, qui sont cet évêque au centre et ces deux cavaliers autour de lui, je n’en sais rien. Et je le regrette d’autant plus que ce sont probablement les mêmes personnages que dans la fresque dont je parlais il y a un instant. Mais nulle part je n’ai trouvé de livre détaillé sur ce duomo, ni aucun site Internet qui donne des détails. Même le site officiel de la cathédrale. Je ne comprends pas davantage ce que représente la pierre de la deuxième photo, mais j’aime ces religieux en capuchon et cet animal parmi eux. C’est la raison pour laquelle je publie cette image. Quant au chapiteau de la dernière photo, je le trouve intéressant et original, avec ces trois visages. Sur la gauche, derrière, on voit aussi combien est riche la sculpture qui décore le portail principal. Hélas, nous ne pourrons pénétrer dans cette église, fermée toute la journée.

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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 00:05

651a1 Ostuni

 

651a2 Ostuni 

651a3 Ostuni 

Notre ami de Palerme Angelo est venu nous rejoindre vendredi soir à Brindisi. Aussi, hier, avons-nous visité la ville tous les trois, Natacha, Angelo et moi. Et ce matin, parce que son hôtel est dans une petite rue étroite d’accès difficile avec notre camping-car, c’est lui qui est venu vers notre "appartement" garé juste face à la mer. Vue imprenable. Et comme son avion pour rentrer ce soir partait de Bari (ou plutôt de l’aéroport de Bari Palese, au-delà de Bari, à environ 120 kilomètres de Brindisi), nous l’embarquons et partons ensemble vers Ostuni, qu’il ne connaît pas quoique sa mère soit née dans les Pouilles, et qui nous a tellement plu que nous souhaitons le lui montrer.

 

651b1 Ostuni, chiesa San Giacomo di Compostela 

651b2 Ostuni, église Saint Jacques de Compostelle (15e s.) 

Dans le mur de la ville, aujourd’hui occupé par des appartements (la dernière des trois photos, au début de cet article), en un endroit on peut voir cette ogive et ces fenêtres. La semaine dernière, lundi 15, à l’intérieur de la ville, dans une ruelle, sous un pont, nous avions vu une porte toute simple, avec seulement deux sculptures de part et d’autre, et il s’agissait de la façade de l’église San Giacomo di Compostela, Saint Jacques de Compostelle, du quinzième siècle. Or ce jour-là, je ne m’étais pas orienté de façon à comprendre que l’abside de l’église, où nous n’avons pu pénétrer, donnait dans le rempart. Sur les photos ci-dessus, c’est cette abside que nous voyons. Sur le blanc de ce grand mur, la pierre rose ressort bien. Un vers de Mallarmé me vient à l’esprit, un vers que j’aime, il parle de sa feuille de papier mais qu’importe, j’y adapte le rempart : “Sur la vide muraille que sa blancheur défend…”

 

651c1 Ostuni, chiesa del Carmine 

Hors les murs, mais tout près, cette grande église Del Carmine produit à une autre échelle un peu le même effet, rose sur un fond de décor blanc. Elle date du dix-septième siècle (1615), construite sur un terrain donné par une famille d’Ostuni pour que les Pères Carmélites, déjà installés en cet endroit sur un espace très restreint, soient plus à leur aise, et à son flanc se trouve ce qui fut leur monastère. La façade que nous voyons aujourd’hui a été réalisée en 1891 en style néoclassique à l’occasion de grands travaux de restauration.

 

651c2 Ostuni, Hôtellerie du Temps Perdu

 

Poursuivons notre promenade en ville. Je ne peux manquer de montrer cette référence à un grand auteur français, notre Marcel National, Proust et sa Recherche du Temps Perdu. C’est ici l’hôtellerie du Temps Perdu.

 

651c3 Ostuni 

651c4 Ostuni, pavage de rue 

Quand je dis qu’Ostuni est une ville sympathique… En voici un exemple : dans cette petite ruelle étroite et typique, où fort heureusement les voitures n’ont pas accès, une modeste taverne dispose dans la rue, le long du mur près de sa porte, deux petites tables, quatre sièges. Et quand on considère le beau pavement de la rue, on se rend compte que l’ensemble est très plaisant.

 

651c5 Ostuni, palais du Séminaire 

Nous retournons à présent sur la place de la cathédrale. Lundi dernier, la cathédrale était fermée à l’heure de notre passage. Aujourd’hui, avec Angelo, nous essayons de la trouver ouverte, ce qui nous amène sur cette belle place fermée par le Palazzo del Seminario et son arche.

 

651d1 Ostuni, cathédrale 

651d2 Ostuni, cattedrale 

Nous avons beau déjà la connaître, cette église continue de nous surprendre par son originalité. Cette cathédrale est du quinzième siècle, sa façade n’a pas été profondément modifiée au cours des siècles, mais l’intérieur tel que nous le voyons aujourd’hui est le fait d’une réfection menée de 1896 à 1898.

 

651d3 Ostuni, cathédrale, plafond 

Cependant, le plafond de 1720 peint de plusieurs fresques encadrées de stucs dorés a heureusement été conservé. Il représente des scènes de la vie du Christ. Ici, Jésus chasse les marchands du temple.

 

651d4a Ostuni, cathédrale

 

651d4b Ostuni, cattedrale

 

La grande restauration de la fin du dix-neuvième siècle a aussi épargné cet autel dont de toute évidence le style est plus ancien. Je ne sais qui sont ces personnages, des évêques armés de leur crosse, mais j’aime beaucoup ces représentations amusantes, ces hommes dans leurs niches. Et puis quelle profusion dans la décoration, dans les couleurs !

 

651d5 Ostuni, cathédrale 

Ce grand Christ Ressuscité, j’ai lu dans l’un de mes livres qu’il était en bois peint. Moi qui le croyais en marbre… Il a été sculpté au seizième siècle, c’est l’une des rares sculptures que l’on peut voir dans cette cathédrale. Je ne suis pas enthousiasmé par les têtes d’angelots tout autour, ni par le soleil et la lune, ni par le petit ciboire par terre avec son hostie qui tient en l’air toute seule, mais ce Christ est splendide, son mouvement, son vêtement.

 

651e1 Oliveraie près d'Ostuni 

651e2 Oliveraie près d'Ostuni 

651e3 Oliveraie près d'Ostuni 

Mais nous devons être avant 16h à l’aéroport, et il y a de la route à faire. Beaucoup d’autoroute, mais un peu de route normale avant d’arriver à un accès. Aussi, nous faisons une halte dans une oliveraie avant de partir vers des paysages d’où la nature a disparu. Et j’aime particulièrement les vieux oliviers et leurs troncs tordus. J’ai remarqué, et j’ai lu, que ces troncs s’enroulaient plus ou moins sur eux-mêmes, mais toujours dans le sens des aiguilles d’une montre. Cela se voit sur la dernière de ces photos. Mais cela suscite immédiatement en moi une question, moi qui ai vécu quelques années au Chili. Si parmi ceux qui me font l’honneur de lire mon blog il se trouve quelqu’un qui connaisse la réponse, je serais ravi de la connaître. Voici la question : Dans l’hémisphère sud, les troncs d’oliviers s’enroulent-ils dans le même sens qu’en Italie (ou en France), ou bien dans le sens contraire ? En effet, le tourbillon qui se produit dans l’eau qui s’écoule par la bonde du lavabo ne tourne pas dans le même sens selon l’hémisphère, ce qui m’amène à penser qu’il n’est pas exclu qu’il en soit de même, à un autre rythme évidemment, pour les troncs d’arbres.

 

651f1 Aéroport de Bari Palese 

Nous arrivons bien à l’heure à l’aéroport. Ici à Bari Palese nous voyons, de même que dans l’aéroport de Brindisi vendredi soir, un panneau d’information signalant les vertus de l’énergie solaire. Car ces deux aéroports, très modernes, splendides, dus à un conseil régional dynamique, sont alimentés à l’énergie solaire. On peut voir ainsi que 89 tonnes de fuel ont été économisées, ce qui a évité le rejet dans l’atmosphère de 207 tonnes de dioxyde de carbone. Ce qui est loin d’être négligeable.

 

651f2 Angelo s'envole par Ryanair de Bari Palese 

L’avion d’Angelo s’envole vers Palerme dans le soleil couchant. À bientôt, l’ami. Nous allons bientôt passer en Grèce, mais c’est un pays de Schengen où tu peux entrer sans visa, et par avion ce n’est guère plus loin que les Pouilles. Nous t’y attendrons.

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 01:21

650a0 Brindisi gravure de Des Prés dans Voyage de Saint-No

 

Comme je le disais dans mon dernier article, après notre visite brève de Lecce et quelques jours d’activités que j’appellerai "techniques", nous sommes allés hier soir accueillir à l’aéroport de Brindisi notre ami palermitain Angelo venu passer le week-end avec nous. Et après l’avoir laissé à l’hôtel où il a retenu une chambre, nous avons passé la nuit au bord d’un quai, devant la mer, et nous allons aujourd’hui découvrir tous les trois la ville de Brindisi. La visite sera incomplète, mais nous reviendrons à coup sûr, parce que c’est de ce port que nous nous embarquerons vers la Grèce. En attendant, cette gravure est extraite du Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et de Sicile, de Saint-Non, dessinée par Des Prez, architecte pensionné du Roi à l’Académie de France à Rome, et elle est titrée Vue de la ville de Brindes ou Brendisi anciennement Brundusium, port célèbre des Romains sur la Mer Adriatique. Mais la ville que nous découvrons n’a pas grand chose à voir avec celle qui est représentée ici telle que l’a vue Saint-Non (la gravure est extraite du tome III publié en 1783).

 

650a1 Brindisi, cathédrale 

650a2 Brindisi, cathédrale, sainte Catherine de Sienne 

Voici tout d’abord la cathédrale. En 1742 il a été constaté que la cathédrale devait être réparée et consolidée, mais les travaux n’ont pas commencé immédiatement et dès le 20 février 1743, un tremblement de terre a nécessité la reconstruction, achevée dès 1746 (mais le campanile attendra sa reconstruction jusqu’à 1780-1793), de l’église romane effondrée, qui avait été édifiée de 1089 à 1143 par les Normands soucieux de romaniser cet ouest conquis sur les Byzantins et que Frédéric II avait choisie pour célébrer ses noces, en 1225, avec Yolande de Brienne, reine de Jérusalem, âgée de quatorze ans. Cette cathédrale antérieure avait vu s’agenouiller la foule des pèlerins sur le point de s’embarquer vers la Terre Sainte, tout comme les armées de Croisés dont c’était le dernier contact avec l’Europe avant d’aller guerroyer à Constantinople ou à Jérusalem. Cette façade du dix-huitième siècle, ornée de statues dont, ci-dessus, sainte Catherine de Sienne, n’a rien qui rappelle cette grande période. Seul un tout petit fragment de mosaïque de sol retrouvé au dix-neuvième siècle et que l’on ne peut voir parce qu’il se trouve dans une partie du chœur non accessible au public permet de penser que tout le sol de la cathédrale était revêtu d’une somptueuse mosaïque comme à Otrante. Le 17 novembre 1941, un bombardement aérien a partiellement détruit le campanile, réparé en 1957 conformément à l’original.

 

650b1 Brindisi, cathédrale 

650b2 Brindisi, cathédrale 

Au fond du chœur et sur les côtés, de superbes stalles du seizième siècle (1594) en bois sculpté forment un fond sombre dans cette église d’un blanc lumineux. Mais vu de près et non plus en opposition avec les murs, ce bois de noyer n’est pas si sombre, son ton doré est particulièrement chaud et décoratif. Quant aux sculptures, elles sont très fines et délicates. Physiquement, on ne peut s’en approcher, je suis sûr que si l’on y laissait accès des crétins les dégraderaient, et le bois est si brillant, si poli qu’il serait tentant d’y porter une douce caresse. Mais des milliers de douces caresses équivalent à une violente agression. Que l’on pense aux douces lèvres qui, à force de se porter sur saint Pierre, au Vatican, ont usé son pied de bronze.

 

650b3 Brindisi, cathédrale 

Faisant un petit tour dans l’église, je remarque ce grand crucifix, et le visage de douleur du Christ. Je n’aime pas les représentations gore, pleines de sang partout, mais ici les sourcils un peu froncés, le mouvement de la bouche, les yeux mi-clos et quelques gouttes de sang qui coulent sur la joue, le cou, les épaules suffisent à exprimer toute la souffrance du supplicié.

 

650b4 Brindisi, cathédrale

 

Enfermée dans une vitrine, cette Vierge vue dans son ensemble n’aurait rien de particulièrement intéressant si ce n’était ce visage que je montre en gros plan. Jeune, aux traits doux, au regard attentif, je la trouve particulièrement agréable à regarder, même si je ne vois en cette sculpture aucun génie créateur artistique particulier. Quant à la matière dont elle est faite, en la regardant de près j’ai bien l’impression que c’est de la cartapesta, c’est-à-dire du papier mâché, la spécialité de Lecce, mais que l’on peut trouver dans des villes proches comme Brindisi.

 

650b5a Brindisi, cathédrale 

650b5b Brindisi, cathédrale 

650b5c Brindisi, cathédrale 

650b5d Brindisi, cathédrale 

Cette Cène peinte au dix-huitième siècle est pleine de détails qui méritent d’être découverts en regardant attentivement le tableau. J’en montre trois en gros plan, mais ce ne sont pas les seuls qui valent la peine d’être remarqués. Sur la table, il n’y a pas que le pain et le vin que Jésus va utiliser en présentant Ceci est mon corps, et Ceci est mon sang, le vin c’est un serviteur, à l’extrême gauche, qui le sert directement de la cruche, le pain est sur la table, mais il y a également un plat de viande rôtie, un animal que je ne suis pas sûr d’identifier, peut-être un agneau, peu importe. Outre Jésus, debout, et le serviteur qui verse le vin, il y a treize personnages, ce qui, pour les douze apôtres, veut dire qu’un autre personnage n’est pas l’un des convives. Il s’agit de ce garçon sur la droite, beaucoup plus jeune que les apôtres, et qui dépose sur la table un plat recouvert d’une assiette retournée, autre serviteur. Parmi les apôtres, on repère Judas, qui tient à la main et cache soigneusement à la vue des autres la bourse de trente deniers qu’il a reçue en échange de la promesse de livrer Jésus demain matin à l’aube. Et puis dans les tableaux des siècles passés, que ce soit au seizième siècle ou au dix-neuvième, les peintres ont souvent aimé introduire dans leurs scènes d’intérieur un chat ou un chien, et ici, sortant de sous la table avec la nappe qui lui pend sur le dos, un petit chien est en train de boire de l’eau dans une bassine plate qui a été préparée pour lui, ou qui a été déposée là après avoir servi aux ablutions rituelles, tranquille et discret, pendant qu’autour de lui se déroule l’événement fondateur de la religion chrétienne, puisqu’il s’agit de l’anticipation de la mort du Christ, le pain de sa chair et le vin de son sang livrés par Judas pour le rachat des péchés du monde. Je trouve particulièrement intéressante cette opposition entre le quotidien des serviteurs, du chien, du repas préparé, la quotidienneté de la vie qui pourtant tourne autour de cette Cène, et la gravité de cette religion naissante. Naissante, parce que jusqu’à ce jour Jésus prêchait une doctrine qui dépoussiérait l’Ancien Testament, le réformait, mais c’est la Bible que lui-même lisait et commentait à la synagogue, c’était encore la religion juive.

 

650c1a Brindisi, colonne place cathédrale

 

650c1b Brindisi, colonne place cathédrale 

650c1c Brindisi, colonne place cathédrale 

650c1d Brindisi, colonne place cathédrale 

Sur la place de la cathédrale se dresse cette colonne supportant une grande statue de la Vierge. Ni mon guide Michelin des Pouilles (édition italienne), ni mon livre sur la cathédrale, ni mon livre sur Brindisi, ni aucun des innombrables sites Internet consultés ne parle de cette colonne et de cette statue de la Vierge. Pourtant, je crois comprendre qu’il y a là une histoire intéressante. La dictature fasciste du Duce Mussolini était du côté de Hitler. Les bombardements qui ont gravement endommagé le clocher étaient des bombardements de la part des Alliés, je ne sais pas –et peu importe– si les avions et les pilotes étaient américains, britanniques ou autres. Puis, en 1943, le pouvoir change, Mussolini est déboussolé, l’Italie change de camp. De même qu’en France quelques années plus tôt, avant que l’État Français du maréchal Pétain s’établisse à Vichy / Cusset, le Gouvernement de la Troisième République était allé s’installer en Zone Libre à Bordeaux, de la même façon le Gouvernement libre de l’Italie antifasciste a choisi comme capitale temporaire la ville de Brindisi où a résidé le roi Victor-Emmanuel III, situation qui a duré cinq mois à cheval sur 1943-1944.

 

Et puis je vois, en tournant autour de la base de cette colonne, des plaques de bronze fort instructives. L’une montre la cathédrale, au-dessus à gauche un homme a les mains liées dans le dos et un autre se lavant les mains, c’est évidemment Jésus devant Ponce Pilate qui se lave les mains du sang de ce juste ; au-dessus à droite, un calvaire ; à gauche, une accouchée dans un lit et un bébé auréolé, c’est sainte Anne et la naissance de Marie ; et à droite, une personne allongée sur un lit et des gens tout autour, c’est la Dormition de la Vierge, toutes scènes en relation avec la grande statue de Madone au sommet de la colonne. L’inscription au-dessous dit Archidiocèse de Brindisi, Pie XII souverain pontife, Nicola Margiotta archevêque. Or Pie XII était le pape de l’époque de la Seconde Guerre Mondiale.

 

Une autre plaque montre un avion bimoteur à hélices, la statue de la Vierge à laquelle un homme adapte son auréole, quelques civils et quelques militaires. Mais ensuite, sur une troisième plaque, une grande foule est rassemblée. On voit des enfants, au fond grimpés sur je ne sais quoi des badauds observent la scène, il y a un homme qui offre ses médailles à la Madone, au premier plan un invalide est assis sur une chaise sa béquille à la main, à droite je distingue un prêtre, et au milieu, au pied de la statue, un évêque, sa mitre sur la tête et sa crosse dans la main gauche que l’on imagine éloignée du corps comme l’est la main droite étant donné l’emplacement de la crosse, en geste de célébration ou d’accueil.

 

De cela je tire des conclusions, mais je peux fort bien me tromper, et si un de mes lecteurs détecte une erreur ou connaît la vraie explication, je suis preneur et je reviendrai sur mon article pour le corriger. Je pense qu’après la guerre, en reconnaissance pour la paix, la victoire, le retour de la démocratie, cette statue a été apportée par avion, puis érigée sur la place lors d’une grande cérémonie religieuse et populaire. Mais ne s’agissant pas d’un monument ancien, d’un monument qui s’inscrit dans l’histoire de l’art, ni guides touristiques ni sites Internet, pas même le propre site municipal, ne jugent intéressant d’en parler. Et moi, précisément, ça m’intéresse.

 

650c2 Brindisi, palais archiépiscopal

 

Sur le flanc droit de la place en regardant la cathédrale se dresse le palais épiscopal, que le précepteur et conseiller de l’empereur Frédéric II, le métropolite Pellegrino d’Asti, a fait construire au treizième siècle. Mais par la suite le palais a subi bien des transformations, notamment au dix-huitième siècle, après le tremblement de terre de 1743, quand l’architecte célèbre à Lecce et à Brindisi, Mauro Manieri, en a reconstruit la façade avec les huit grandes statues représentant les doctrines.

 

650c3 Brindisi, loggia Balsamo (14e siècle) 

Sur cette même place, ou plus précisément à son débouché, se trouve un palazzo vraisemblablement construit pour être le siège de l’administration civile, orné de ce célèbre balcon, la loggia Balsamo, du quatorzième siècle. Ces intéressantes figures sont, je trouve, comme une sorte de préfiguration de ces figures qui vont se multiplier avec le baroque, bien plus tard.

 

650d1 Brindisi, respect des panneaux 

Et maintenant, par les rues de Brindisi, quelques images typiques de la vie italienne. Sur le photo ci-dessus, on voit un panneau de signalisation, une plaque indiquant qu’il est valable de 0h à 24h, et une grue tractant une voiture. Comme sous ce panneau il n’y a pas une seule place de stationnement libre, je l’interprète comme signifiant Stationnement obligatoire à toute heure du jour et de la nuit. Si vous n’y allez pas, on vous y tractera.

 

650d2 Brindisi, présence de Dieu 

Cet écriteau est fixé à une grille à une vingtaine de mètres d’une église. Il dit Ne pas jeter d’ordures. Dieu te regarde. Sûr, si Dieu est embusqué dans un coin avec son carnet de PV à la main, mieux vaut être écolo.

 

650d3 Brindisi, refus de l'amour 

Ici, c’est un drame de l’amour. Un garçon fait une déclaration enflammée : Hélène, je te veux tout plein de bonnes choses. Sois mienne. Et à côté, la réponse, sèche : J’suis lesbienne.

 

650d4 Brindisi, critique d'art 

Encore une. Sur la pierre d’un banc public, quelqu’un a représenté une femme nue du style des déesses cycladiques, c’est-à-dire pas vraiment conforme aux canons de la mode des mannequins anorexiques. De plus, avouons-le, le dessin n’est guère réussi. En cachant la tête de la femme, son corps ressemble même vaguement à une tête de chien. Et à côté, un critique d’art avisé a écrit Che merda di disegno, soit Quelle merde de dessin. J’adore l’humour typiquement italien de ces panneaux et graffiti, c’est pourquoi dans mon petit tour de Brindisi je les ai introduits. Mais revenons aux choses sérieuses.

 

650e1 Brindisi, castella svevo 

650e2 Brindisi gravure de Des Prés dans Voyage de Saint-No 

Il y a à Brindisi un château souabe, le Castello di Terra, construit par Frédéric II en 1227 et où il a résidé avec sa toute jeune femme Yolande de Brienne, mais que l’on ne peut visiter parce qu’il est occupé par le commandement de la Marine Nationale. La photo même est strictement interdite, sauf pour cette tour isolée que je montre ci-dessus, qui se trouve sur la rue un peu plus loin. C’est au temps de Ferdinand d’Aragon qu’un fossé a été creusé et cette tour construite, plus tard le fossé a été non pas comblé mais recouvert pour créer un souterrain, et la tour s’est retrouvée isolée en surface du corps du château. Évidemment, du temps de Saint-Non, le château était accessible, sinon nous n’aurions pas sa représentation comme ci-dessus, parce que si l’on peut, éventuellement, avec un petit appareil numérique très discret, faire vite fait, bien fait, une photo en se cachant, il est beaucoup plus difficile de ne pas se faire remarquer avec son bloc de papier Canson et ses crayons même le temps d’un croquis rapide. Un autre château, le Château Rouge (pour la couleur de sa pierre) ou Alfonsino (parce que créé par Alphonse d’Aragon) est bâti sur un îlot proche et constitue donc le Castello a Mare opposé au Castello di Terra. Lui aussi est occupé par la marine nationale qui l’a reçu en mauvais état et qui, de plus, ne l’a pas entretenu, mais heureusement il a été récemment confié aux soins du service des Biens Culturels. Néanmoins il n’est toujours pas visitable puisque encore militaire et, comme il est difficile d’accès et que nous ne pourrions même pas le prendre en photo, nous décidons de ne pas aller vers lui.

 

650f1 Brindisi, église Sainte Lucia 

650f2 Brindisi, chiesa di Santa Lucia 

Notre promenade nous a menés devant cette église Santa Lucia. Lorsque nous sommes arrivés, il s’y célébrait une messe. Pas question, bien sûr, de distraire les gens en nous déplaçant et prenant des photos. Nous avons donc attendu dehors que les fidèles commencent à sortir, mais à peine étions-nous entrés qu’une dame nous a flanqués dehors parce qu’il lui fallait fermer l’église et qu’elle n’avait pas le temps d’attendre. Même cinq minutes. Nous n’avons donc pu descendre voir l’église inférieure du douzième siècle sur une base du huitième siècle avec ses fresques des douzième et treizième siècles, et n’avons pu admirer que quelques instants, en courant, les quelques fresques du treizième siècle qui subsistent dans l’église supérieure qui, construite aux quinzième et seizième siècles, a partiellement réutilisé ces murs. Mais les travaux de restauration de l’église au cours des siècles, la couverture de plâtre qui a nécessité le désastreux piquetage des murs, ont fortement endommagé les peintures. Ensuite, nous sommes restés un peu à l’extérieur, ce qui nous a permis de constater que cette dame qui nous avait fait sortir était vraiment pressée, puisqu’elle est restée vingt-cinq minutes discutant avec le prêtre et deux autres personnes. Bref, passons.

 

650f3a Brindisi, colonne via Appia

 

650f3b Brindisi, colonne via Appia

 

650f3c Brindisi, colonne via Appia 

650f3d Brindisi, colonne via Appia 

Nous voici devant un monument fondamental de Brindisi puisqu’il manifeste le début de l’expansion de la ville. En effet (je suis conscient de me répéter de nombreuses fois au fil de mes articles) la via Appia qui, de Rome, passait par Bénévent et piquait sur Tarente, a été déviée par l’empereur Trajan au début du deuxième siècle après Jésus-Christ pour, à partir de Bénévent, se diriger vers Brindisi qui, désormais, sera le principal port d’embarquement des Romains vers la Grèce et vers l’Orient. On dit que deux colonnes ont été construites pour marquer face au port (le seul et unique port naturel de toute la côte des Pouilles) l’aboutissement de la via Appia, en fait elles ont été dressées sur une grande place publique face au port, sans coïncider précisément avec le débouché de la route, mais répondant au désir de manifester la grandeur et l’importance de la ville en tant que grand port au bout de la route, lien entre Rome et l’Orient. Ci-dessus, on voit qu’il reste l’une de ces colonnes (première, seconde et dernière photos), en marbre cipolin d’Afrique, haute de dix-neuf mètres, tandis que l’autre colonne (troisième photo) s’est écroulée en 1528. Cela a été interprété par la population comme un mauvais présage, aussi n’a-t-elle pas été relevée. Et puis, longtemps après, en 1657, les parties qui pouvaient être récupérées ont été données à la ville de Lecce qui y a placé son saint patron protecteur, saint Oronzo. Après tout, si cette colonne est de mauvais présage, la générosité, la charité, justifient pleinement de la refiler à la ville voisine qui, par-dessus le marché, est contente et pleine de reconnaissance. Cependant, la base a été conservée en place. Le chapiteau que je montre au téléobjectif est une copie de l’original, qui est conservé dans un musée. Il est de forme carrée entre les blocs cylindriques de la colonne, et sur chacune de ses faces est sculptée une figure divine, dont je lis qu’elles sont Jupiter, Neptune, Pallas et Mars. Pour ma photo, choisissant parmi les trois figures masculines, j’aurais aimé voir un casque, un aigle, un trident pour identifier les dieux. Mais tous trois sont chevelus et barbus, sans casque et sans accessoire. Ma première impression qu’il s’agissait de Neptune est bien affaiblie par mon examen de ses collègues.

 

650g1 Brindisi, San Giovanni al Sepolcro

 

650g2 Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

Cette église est très intéressante. Elle a été édifiée au sixième siècle lors de la campagne d’évangélisation de la région, mais détruite par les Lombards elle a été reconstruite entre le onzième et le douzième siècles sur le modèle de l’église du Saint Sépulcre de Jérusalem, comme bien d’autres à cette époque, mais c’était, paraît-il, la plus ressemblante. Il y avait à Brindisi en ce temps-là un établissement des chanoines réguliers du Saint Sépulcre, et c’est eux qui ont construit cette église qui, tout naturellement, prend le nom de San Giovanni al Sepolcro. Croisés et pèlerins, avant de s’embarquer, pouvaient se recueillir ici, c’était un peu comme un avant-goût de leur arrivée en Terre Sainte, mais également, pour les nombreux pèlerins qui n’avaient pas les moyens de se rendre jusqu’en Palestine, faute d’argent, faute d’une santé assez solide, ou pour toute autre raison, l’usage était de se rendre en un lieu de pèlerinage de substitution, si je puis dire, dans une église figurant les Lieux Saints et, partis avec les autres pèlerins, ils achevaient là le voyage.

 

650g3 Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

650g4 Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

C’est donc un bâtiment circulaire dont la voûte repose sur huit colonnes de réemploi, d’origine géographique parfois lointaine. Des fouilles ont mis au jour, sous l’église paléochrétienne, des traces d’une domus romaine du premier siècle avant Jésus-Christ avec de beaux fragments de mosaïque de sol.

 

650g5a Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

650g5b Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

La comparaison de ces deux chapiteaux et de la pierre des deux colonnes suffira à démontrer que l’église a été construite avec des éléments provenant d’édifices antérieurs, car il n’y a rien de commun entre les matériaux, entre les styles.

 

650g6a Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

650g6b Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

Les murs de l’église étaient intégralement revêtus de fresques des treizième et quatorzième siècles. Elles ont hélas beaucoup souffert, et notamment, ici comme dans bien d’autres endroits, du piquetage pour les recouvrir d’une couche de plâtre. Malgré cela, il en reste encore de grandes surfaces et elles sont souvent très belles. Ci-dessus, je montre un Christ en croix et une Descente de croix. Le premier est beau, expressif, émouvant, mais j’aime encore plus le second. Au centre, on voit Joseph d’Arimathie, celui qui a offert pour ensevelir Jésus le sépulcre qu’il avait fait creuser pour lui-même et qui, selon la légende, a recueilli le sang du Christ dans un vase, qui est le Saint Graal du cycle arthurien. Alors que les clous ont déjà été ôtés des mains de Jésus, il soutient le corps qui penche en avant, tandis qu’en bas, hors du cadre de ma photo, saint Nicodème, agenouillé, est occupé à arracher les clous des pieds de Jésus. Marie, à gauche, prend dans ses mains la main droite de Jésus et pleure en l’embrassant. Le regard de Marie brisée de douleur, le visage de Joseph d’Arimathie tourné vers Jésus avec amour et chagrin tout à la fois, mais sévère dans l’effort pour soutenir ce corps qui s’abandonne dans la mort, et le Christ lui-même, ses sourcils, ses yeux fermés, sa bouche, le corps qui s’affaisse, tout cela est d’une incroyable expressivité, plein d’une émotion intense. C’est une œuvre merveilleuse, si merveilleuse que l’on en oublie à quel point elle est dégradée.

 

650g7 Brindisi, San Giovanni al Sepolcro 

Près de l’entrée, assis derrière une table, un homme est chargé de garder l’église aux heures d’ouverture. Mais c’est merveilleux de voir qu’il ne se contente pas de garder pour justifier je ne sais quel salaire. Il aime son église, il est partie prenante, il accueille le visiteur et voyant notre intérêt il est venu nous faire remarquer ce dessin gravé dans la pierre d’une colonne. Ce n’est pas le graffito d’un vandale contemporain, c’est le plan du temple de Jérusalem gravé par on ne sait qui, on ne sait quand, mais il y a bien longtemps, peut-être lorsque cette colonne appartenait à un édifice antérieur.

 

650h1 Brindisi, San Paolo dei Francescani 

650h2 Brindisi, San Paolo dei Francescani 

Ce sont les rois de la maison d’Anjou, Charles Premier et Robert Premier qui ont voulu cette église Saint Paul pour la destiner aux Frères Mineurs Franciscains, d’où son nom, en italien, de San Paolo dei Francescani. C’est donc de la fin du treizième siècle à la première moitié du quatorzième que s’est déroulée la construction, mais au dix-huitième siècle on a procédé à bien des modifications, par exemple en créant cet arc triomphal qui sépare la nef unique et le chœur, et en ajoutant des décorations baroques, notamment des autels.

 

650h3 Brindisi, San Paolo dei Francescani 

Datant de l’origine, les poutres sont toutes décorées de peintures, et toutes sont différentes. En voici ci-dessus deux exemples. Certaines portent les lys de France, puisque la dynastie des Anjou qui régnait sur le royaume de Naples est issue du frère de Saint Louis IX de France.

 

650h4 Brindisi, San Paolo dei Francescani 

Je disais il y a un instant que le dix-huitième siècle avait vu ajouter des autels latéraux baroques. Voici un détail de l’un d’entre eux. Des chapelles latérales n’ont pas été créées comme c’est d’habitude le cas, et les autels ont simplement été plaqués sur les murs existants.

 

650h5a Brindisi, San Paolo dei Francescani 

650h5b Brindisi, San Paolo dei Francescani 

Lorsqu’elle a été inaugurée, les murs intérieurs de l’église étaient intégralement revêtus de fresques dont il ne reste malheureusement que quelques fragments. Ils sont si restreints qu’il est difficile de déterminer quelles scènes étaient représentées, et quand on voit, par exemple, ces deux personnages en train de discuter, pris sur le vif, ou la vie qu’il y a dans le visage de ce saint que je n’identifie pas, on regrette vivement que les fresques soient si lacunaires.

 

Nous avons encore vu quelques autres endroits, le couvent de Sainte Thérèse, l’église San Benedetto, etc., mais ce sont des endroits que j’ai trouvés un peu moins intéressants et, puisqu’il faut être raisonnable et faire des choix, je vais cesser là.

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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 00:32

649a Lecce, amphithéâtre

 

Nous sommes arrivés hier soir à Lecce et nous avons trouvé à stationner en plein centre de la ville, aussi sommes-nous à pied d’œuvre pour découvrir celle qui se dit la capitale du baroque. Mais le premier monument que nous rencontrons est largement antérieur au baroque puisqu’il s’agit de l’amphithéâtre romain.

 

 

 

649b1 Lecce 

649b2 Lecce 

En fait de baroque, très vite nous trouvons, disséminés un peu partout par les rues, des édifices surchargés de sculptures et d’ornements en pierre. Voici deux exemples, sur un coin de bâtiment qui ne fait pas particulièrement dans la sobriété et sous un balcon avec ces amusants chevaux qui ont l’air de sourire en se regardant.

 

649c1 Lecce, chiesa di Sant'Irene 

649c2 sainte Irène sur son église à Lecce 

649c3 Lecce, église Sainte Irène 

Ceci est l’église Sainte Irène (chiesa di Sant’Irene), du nom de cette sainte née au troisième siècle à Salonique (aujourd’hui Thessalonique). Elle était encore toute jeune quand éclatèrent les persécutions de Dioclétien. Ses deux sœurs et elle s’étaient converties au christianisme et ses sœurs subirent le supplice. Irène alors alla se cacher dans la montagne mais, se trouvant lâche, elle retourna en ville. Prise, elle fut sommée de dénoncer ses complices chrétiens, ce qu’elle refusa. Le préfet lui offrit la vie sauve et la liberté si elle sacrifiait aux dieux païens. Nouveau refus, bien sûr. En conséquence, le préfet commença par la faire exposer nue au bordel, puis il la fit jeter vive dans un brasier. Sainte Irène partage avec sant’Oronzo le patronage de Lecce. Son église a été construite entre 1591 et 1639, et c’est en 1656 que sant’Oronzo est venu lui faire concurrence en étant intronisé patron de la ville. C’est sa statue qui se trouve au-dessus du portail. Encore plus haut, cet animal qui a la tête d’une brave brebis et six mamelles pendantes est une louve. Quant au beau bouquet de brocoli en arrière-plan, c’est un chêne vert couronné, l’ensemble étant l’emblème de la ville, ici placé et l’honneur de sa sainte patronne.

 

649d Lecce 

Pour symboliser le lien qui unit deux époux il a été imaginé l’alliance, cet anneau qui est le premier maillon d’une chaîne. En Italie, les amoureux se promettent fidélité en refermant un cadenas, en certains lieux dont j’ignore comment ils sont déterminés. Mais en certains endroits, une balustrade de pont, une grille de monument ou, comme ici, la tige d’un réverbère, l’accumulation des promesses est impressionnante. Hélas, je n’aurai jamais l’information pourtant fort intéressante sociologiquement du pourcentage de cadenas fermés qui ont été trahis…

 

649e Lecce 

En nous promenant, nous tombons sur ce magasin qui résulte d’une idée originale et intéressante : on y achète une caisse en carton portant la marque de l’établissement, dans un choix de différentes tailles. Le magasin est constitué de deux parties bien distinctes, à gauche une librairie, à droite une œnothèque épicerie fine. Et l’on fait son choix pour remplir le carton, au moins un produit de chaque côté. Si l’on fait un cadeau à un étranger, il y a un grand choix de guides touristiques sur Lecce et sur les Pouilles, des livres de photographies, des livres de cuisine locale ; si le cadeau est pour un Italien des environs le livre peut être un roman, un ouvrage de politique ou autre. Côté vins, il y en a à tous les prix et l’épicerie propose des confitures de piment ou d’oignon, des huiles d’olive parfumées, diverses spécialités locales en gâteaux secs sucrés ou salés, bref, un grand choix. Et des pâtes, puisque nous sommes en Italie.

 

649f1 Lecce, place de la cathédrale 

649f2 Lecce, piazza della cattedrale 

On chemine dans une petite rue très animée et bordée de boutiques et soudain, sur le côté, on trouve une ouverture qui donne sur la très vaste place de la cathédrale. Curieusement, aucune rue ne traverse la place, elle est isolée, formant un complexe religieux avec l’évêché et le séminaire. Entre la rue et la place un court passage de quelques mètres, un propylée, bordé de part et d’autre d’un balcon de statues. La photo ci-dessus a été prise de l’entrée de la place en direction de la rue (où l’on aperçoit une devanture).

 

649f3 Lecce, évêché 

649f4a Lecce, séminaire (musée diocésain)

 

649f4b Lecce, seminario (museo diocesano) 

Sur ma photo générale de la place, précédemment, on voyait en premier plan le passage large et très court d’accès à la place, avec ses bornes de pierre et sa chaîne pour clore éventuellement la place, au fond à gauche la cathédrale et, accolé à l’église, faisant l’angle du fond à droite, l’évêché. C’est ce bâtiment que je montre sur la première des trois photos ci-dessus. Le palais initial du quinzième siècle a subi une reconstruction de 1591 à 1639. Les souverains de Naples y ont logé en 1797. Sur ce même côté droit, faisant suite à l’évêché, se dresse le séminaire qui aujourd’hui héberge dans ce bel édifice baroque construit de 1694 à 1729 le musée diocésain au premier étage, tandis que le rez-de-chaussée recèle une merveilleuse bibliothèque de plus de dix mille volumes, des incunables, des ouvrages du seizième siècle tant italiens qu’étrangers. Une ancienne restauration a fait disparaître deux grandes statues qui encadraient l’entrée.

 

649g1 Lecce, campanile

 

649g2 Lecce, cathédrale de l'Assunta 

Les photos ci-dessus montrent le campanile qui se dresse sur le flanc gauche de la piazza, près de la cathédrale. Sur la seconde de ces photos, c’est la base du campanile que l’on aperçoit sur le côté gauche, tandis que la cathédrale montre à la fois à gauche sa façade principale tournée vers la place et à droite le côté tourné vers le palais épiscopal. Ce campanile remplace une ancienne tour abattue en 1574 et il a été construit de 1661 à 1682. Haut de 70,72 mètres, il domine la ville et par la vue étendue qu’il offre sur les deux rives de la péninsule du Salento, sur la mer Ionienne et sur l’Adriatique, il a assumé les trois fonctions de campanile proprement dit avec ses cloches, de manifestation de l’hégémonie de l’évêque sur la cité et sur tout le territoire, et de construction défensive en tant que tour de guet.

 

649g3 Lecce, cathédrale de l'Assunta

 

649g4 Lecce, cathédrale de l'Assunta, saint Paul 

649g5 Lecce, cattedrale dell'Assunta 

Le duomo, cathédrale de l’Assunta, a été marqué par trois époques : sa construction à l’époque normande en 1114, sa reconstruction à l’époque souabe en 1230 et sa nouvelle reconstruction et décoration baroque en 1659. À l’origine, il s’agissait de latiniser un territoire conquis sur les Byzantins, aussi un évêque latin fut-il nommé, qui construisit cette église de rite romain. Mais lorsqu’en 1230 on abattit la toiture pour restructurer la cathédrale, une grande partie de l’édifice s’écroula parce que son architecture était telle que la verticalité des murs était assurée par les poutres du toit, et l’on dut procéder à une reconstruction sur le même plan conservant ce qui pouvait l’être. Une gravure du treizième siècle montre l’aspect de l’église avant sa reconstruction, c’était une traditionnelle basilique latine à trois nefs séparées par des colonnes, avec un transept peu saillant. Un tout petit bout de mosaïque, découvert au dix-neuvième siècle, suggère que le sol était entièrement revêtu de mosaïque comme à Otrante. Sans doute le sol avait-il pu être conservé dans la cathédrale souabe mais le désir de modernisme a poussé l’évêque, en 1658, à abattre la cathédrale et à la reconstruire en style baroque l’année suivante. Un peu comme si l’on abattait Notre-Dame de Paris pour la rebâtir plus en harmonie avec le Centre Pompidou. Mes photos ci-dessus montrent le portail daté de l’an 2000 sur le côté qui regarde le palais épiscopal, la statue de saint Paul à la droite de ce portail (à gauche, il y a saint Pierre), et le tympan en arc de cercle (un peu moins de 180°) de la façade principale.

 

649h1 Lecce, cattedrale dell'Assunta 

649h2 Lecce, cattedrale dell'Assunta 

L’intérieur ne peut renier son appartenance à l’art baroque. Il ne donne pas vraiment dans la sobriété. Et si la nef, par son ampleur, laisse un grand volume vide, dès que l’on s’approche des parois –celle de l’abside, celles du transept, les murs latéraux– on est assailli par la profusion de la décoration.

 

649h3 Lecce, cathédrale de l'Assunta, saint Paul

 

Intéressants sont ces fonts baptismaux avec cette représentation du baptême de Jésus par saint Jean Baptiste dans les eaux du Jourdain, avec ces anges qui accompagnent Jésus en volant derrière lui, tandis qu’un autre ange, plus jeune, nu, joue accroupi avec l’eau de la rivière.

 

649i Lecce, séminaire, cloître 

Après la visite de la cathédrale, nous nous sommes rendus en face, non que j’aie eu l’intention d’entrer au séminaire même si je suis déjà pourvu d’une très ample tonsure naturelle, mais pour voir le musée diocésain. Beaucoup d’œuvres intéressantes, mais NO PHOTO. Et la visite a lieu sous l’accompagnement d’une guide… En revanche, la visite du cloître (ci-dessus) et des bâtiments est libre et la photo ne pose aucun problème.

 

649j1 Lecce, séminaire, chapelle Saint Grégoire Thaumatur 

Sur la cour du cloître ouvre une petite chapelle dédiée à saint Grégoire Thaumaturge. Nu, le bas abrite temporairement quelques sculptures contemporaines, mais en avançant dans la nef ce n’est plus nu du tout et l’on se retrouve dans un univers baroque.

 

649j2 Lecce, séminaire, chapelle Saint Grégoire Thaumatur 

649j3 Lecce, seminario, cappella S. Gregorio Taumaturgo 

Les murs, les autels, tout est recouvert de sculptures. Angelots ou putti, avec leurs visages aux traits pas spécialement fins ni jolis sont très amusants. Tout cela, ailleurs réalisé en marbre si l’on en a les moyens financiers, ou en plâtre sinon, à Lecce est réalisé en ce que l’on appelle la cartapesta, le papier mâché, c’est la spécialité du lieu. L’armature est en fil de fer, la forme est partiellement donnée avec de la paille, et sur cette structure est appliquée cette pâte laissée ici blanche pour donner l’impression d’un stuc mais qui, en statues, est souvent revêtue de couleurs. Nous avons vu à Bari, à la galerie du conseil régional, une très belle Vierge réalisée en papier mâché.

 

649k Lecce, cloître des Dominicains (Voyage de Saint-Non) 

Basés dans une ‘sosta camper’, à quelques kilomètres du centre, nous n’allons pas quitter Lecce immédiatement, mais notre ami sicilien Angelo va venir passer le week-end avec nous, et son avion arrivera à Brindisi. Aussi avons-nous décidé de stopper là nos visites de Lecce, de mettre à profit notre installation pour effectuer des travaux d’entretien, d’aller faire des achats pas seulement alimentaires, de faire la queue quelques heures à la poste, etc. Et après le départ d’Angelo, nous reviendrons pour compléter notre connaissance de la ville. Alors en attendant je montre le cloître des Dominicains d’après une gravure extraite du Voyage de Saint-Non, ouvrage dont j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de parler et dont j’ai déjà, ici ou là, montré des gravures.

 

Avant de finir, un mot de la sosta. Elle s’appelle Picnic et se trouve largement à l’écart de la route de Lecce à San Cataldo (sur la mer). C’est un vaste espace avec des arbres et une connexion électrique, où nous avons été reçus chaleureusement, le patron nous offrant de façon très sympathique de déguster des produits de sa ferme. Et pas seulement lors de notre arrivée, mais à deux autres reprises. Il nous a dit considérer cela comme une marque d’hospitalité et agir de même avec tous. En d’autres saisons, il y a aussi un barbecue. C’est donc une adresse à retenir et à conseiller.

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 22:29

648a1 Ostuni

 

648a2 Ostuni

 

L’origine d’Ostuni se perd dans la nuit des temps. On y a retrouvé des traces de vie humaine, pierres, objets, extrêmement anciens, des populations ayant migré d’Anatolie vers ce site au néolithique, sans doute vers la fin du septième millénaire avant Jésus-Christ. Mais encore plus ancien, en 1991 on a retrouvé dans une grotte un squelette du paléolithique. Une jeune femme que l’on appelle Delia, âgée de vingt ans environ et sur le point d’accoucher, y a été ensevelie il y a vingt-cinq mille ans. Elle était en position fœtale, coiffée d’un casque de coquillages. De quoi donner le vertige. Des époques suivantes, on a retrouvé des vestiges de cabanes, mais le premier établissement urbanistique date du quatrième ou du troisième siècle avant Jésus-Christ. Puis les Romains sont arrivés, la ville a été détruite par Hannibal, les Grecs l’ont reconstruite mais elle est restée sous domination romaine jusqu’en 488 de notre ère.

 

De cette époque date probablement son nom. En effet, Ostuni serait la déformation du grec Asty-Néon. En grec, polis est plutôt la cité (le politès est un citoyen), tandis qu’asty est la ville (le nom d’Astyanax signifie le Maître de la Ville) et néos (masculin), néa (féminin), néon (neutre) est l’adjectif nouveau (je viens de parler du néolithique, l’ère nouvelle de la pierre). On pourrait donc jumeler étymologiquement Naples (Néa-Polis) et Ostuni (Asty-Néon) avec la ville nouvelle de Marne-la Vallée et avec Novgorod en Russie et Novogrudok en Biélorussie (c’est près de cette ville qu’est né Domeyko, géologue célèbre au Chili dont une sierra et plusieurs villes portent le nom), qui ont la même signification étymologique.

 

Puis vinrent les Ostrogoths, les Lombards, les Byzantins, les Normands qui ont bâti un château au sommet de la colline où s’est construite la ville. La suite est commune à tout le royaume de Naples, les Souabes, les Anjou qui ont bâti les murailles de la ville, les Aragon, les Bourbons (d’Espagne) incluant l’intermède napoléonien (Joseph Bonaparte, puis Joachim Murat). Le 26 juin 1860, c’est la population d’Ostuni qui a été la première de la région des Pouilles à battre les Bourbons pour aboutir à l’unité italienne et à la démocratie.

 

En 1743, un fort tremblement de terre avait détruit bon nombre de bâtiments anciens. Et sous leurs murs écroulés, on a pu retrouver des fondations de l’époque romaine, les époques suivantes ayant construit sur les restes de villas antiques.

 

648b1 Ostuni 

648b2 Ostuni 

648b3 Ostuni 

648b4 Ostuni 

Ostuni est une ville fascinante. Toute blanche, avec ses ruelles qui serpentent, ses escaliers, ses passages sous voûtes. En Provence, en Italie, nous avons déjà vu bien des villes aux petites rues étroites, mais Ostuni a une personnalité bien à elle. Selon certains, elle évoque certaines îles grecques (Cyclades, Dodécanèse). Je n’y ai jamais mis ne fût-ce que le bout de mon gros orteil droit, nous verrons bien lorsque nous y serons (quoique ce modèle de camping-car ait le gros défaut de n’être pas amphibie), mais parmi tout ce que j’ai déjà vu je reconnaîtrais immédiatement Ostuni si j’y étais parachuté après un vol les yeux bandés.

 

648c1 Ostuni, hôtel de ville 

On n’en est que plus surpris quand soudain on débouche sur une immense place, et qui de plus n’est pas blanche. La Place de la Liberté a été projetée en 1861 et décidée en 1870. Au fond se dresse l’imposante façade avec un haut fronton où l’horloge est soutenue par deux statues de géants, de ce qui a été le couvent des Franciscains bâti au quatorzième siècle après le don du terrain à cet ordre par Philippe d’Anjou le 12 juin 1304 et qui après la sécularisation des ordres religieux dans les années 1860 a connu une période d’utilisations diverses avant de devenir en 1887 le siège de l’hôtel de ville.

 

648c2 Ostuni, chiesa dello Spirito Santo 

Et maintenant, quelques images de bâtiments anciens qui, comme l’hôtel de ville, ne sont pas dans le style blanc de la ville. Ceci est le dessus du portail de l’église de l’Esprit Saint (chiesa dello Spirito Santo) construite entre 1629 et 1637, mais la lunette du tympan que je montre ici, ainsi que tout le portail, datent de 1450 et proviennent d’une autre église. Ce bas-relief représente la Dormition de la Vierge, veillée par les apôtres et entourée d’anges. Mais on remarque que les apôtres aussi bien que les anges portent des auréoles, tandis qu’au premier plan, agenouillé, sans auréole et sans ailes, il y a un petit personnage. C’est Monseigneur Arpone, l’évêque qui a fait placer ce portail au quinzième siècle sur une église médiévale, et qui exprime ainsi sa dévotion à la Vierge (et son désir de ne pas être oublié !).

 

648c3 Ostuni, palazzo del Seminario 

En face de la cathédrale cette arche –l’Arco Scoppa– ferme la place, tandis que sur la gauche on a le palazzo del Seminario. Ces deux monuments ont été reconstruits après le tremblement de terre de 1793, par l’évêque qui a donné son nom, monseigneur Scoppa. Ils n’avaient pas été complètement détruits, mais fortement ébranlés et ils avaient subi de gros dommages. Le séminaire étant considéré par l’évêque comme d’utilité publique, tout a été rasé jusqu’au sol et intégralement reconstruit en l’espace d’une seule année.

 

648c4 Ostuni, chiesa di San Giacomo di Compostela 

648c5 Ostuni, église Saint Jacques de Compostelle 

Ici nous sommes de retour dans le cœur de la Ville Blanche avec la chiesa di San Giacomo di Compostela (même sans savoir un seul mot d’italien, on devine que Giacomo c’est Jacques). En dehors de son tympan décoré, rien ne laisse penser que c’est une église car elle est insérée dans l’alignement de la rue, sans statues, sans colonnes, sans clocher. Mais c’en est bien une, construite en 1432 sur la commande d’un noble de Brindisi. Les animaux qui se trouvent à chacune des bases de l’architrave sont clairement du style de l’époque frédéricienne.

 

648d1 Ostuni, cattedrale di Santa Maria Assunta 

648d2 Ostuni, cattedrale di Santa Maria Assunta 

648d3 Ostuni, cattedrale di Santa Maria Assunta 

Avant de quitter Ostuni, nous allons voir sa magnifique cathédrale, si originale, avec ses lignes concaves et convexes alternées. Non pas dessinées sur un plan horizontal comme le faisait à Rome Borromini, mais sur un plan vertical plaqué sur la façade. Construite entre la fin du quinzième siècle et le tout début du seizième, elle a été classée monument national en 1902.

 

648e Ostuni, cathédrale 

D’un dessin très original également est la grande rosace centrale, la façade comportant une plus petite rose sur chacune des ailes du bâtiment. Elle est composée de trois cercles concentriques. Au centre du plus petit cercle figure le Christ parce qu’il est le centre de l’univers. Sur le cercle lui-même figurent sept têtes d’angelots aux grandes ailes. La tête de Jésus est aussi sur le cercle et ses pieds reposent sur l’une des têtes. Puis douze très courtes colonnettes aux imposants chapiteaux relient ce cercle au suivant, et vingt-quatre rayons soutiennent sur de fines et élégantes ogives le cercle extérieur où la figuration des douze apôtres alterne avec des décors végétaux. L’ensemble est du plus bel effet.

 

648f1a Cathédrale d'Ostuni 

648f1b Ostuni, cathédrale 

Au-dessus du portail principal, le tympan représente une Vierge en majesté, sur un trône, tenant l’Enfant Jésus dans ses bras. Quatre anges volent autour d’elle. Et puis on remarque sur la gauche, agenouillé et coiffé d’une mitre d’évêque, un petit personnage à la grosse tête et au profil ovin. C’est quelqu’un que nous connaissons déjà mais qui, à vrai dire, ne se ressemble absolument pas. En effet, c’est le même Monseigneur Arpone que nous avons vu barbu et avec des traits réguliers auprès de la Vierge endormie sur le tympan de l’église dello Spirito Santo.

 

648f2 Ostuni, cathédrale 

Avant de quitter la cathédrale et Ostuni, encore une image, celle de ce saint Jean Baptiste qui orne le tympan de droite, parce que je trouve beaucoup de personnalité dans cette statue.

 

648g Galatina 

Et puis nous nous embarquons et roulons jusqu’à Galatina. D’Ostuni à Galatina, ce n’est pas le bout du monde, c’est la même région des Pouilles, mais dans ce coin on est tellement habitué à trouver une cathédrale ou un château de Frédéric II à chaque tour de roue ou presque, que parcourir ces quelque quatre-vingt-dix kilomètres donne l’impression de traverser un pays entier. Nous sommes dans une ville aux nombreux bâtiments baroques, comme le palazzo ci-dessus. Oui, c’est le bâtiment qu’il faut regarder, et non le panneau de défense de stationner placardé sur le portail, là précisément où une voiture est garée, car il n’y a rien de plus banal dans un pays où l’on s’arrête où l’on a envie de s’arrêter…

 

648h1 Galatina, Ste Catherine d'Alexandrie 

648h2 Galatina, Ste Catherine d'Alexandrie 

648h3 Galatina, Ste Catherine d'Alexandrie

 

Ce que nous sommes venus voir ici, c’est essentiellement Sainte Catherine d’Alexandrie, une église dont les murs sont couverts de fresques magnifiques. Mais la photo est interdite, et un vigile nous suit pas à pas. Il est dans une église, que diable. Il ferait mieux de prier un peu. Et même sans photographier, cela gâche le plaisir d’être épié par quelqu’un qui se penche pour vérifier que l’appareil que vous ne mettez pas en face de votre nez n’est pas déclenché en cachette devant votre ventre. Alors nous admirons un peu et ressortons en courant. À l’extérieur, c’est peut-être parce que je suis mécontent de ce qui s’est passé à l’intérieur que je suis plus critique, mais je trouve que ce Christ, représenté en plus grand puisqu’il est Dieu, et entouré de ses douze petits apôtres a l’air d’un maître d’école faisant une sortie avec ses jeunes élèves.

 

648i1 Galatina, chiesa dei Santi Pietro e Paolo Apostoli 

648i2 Galatina, chiesa dei Santi Pietro e Paolo Apostoli 

Allez, juste deux photos pour terminer et me consoler de ma déception. Cette église est dédiée aux Saints Pierre et Paul Apôtres (chiesa dei Santi Pietro e Paolo Apostoli). Je trouve intéressante cette architecture avec ses lourdes colonnes très espacées et qui laissent presque sans séparation la nef centrale et les bas-côtés, donnant une remarquable sensation d’espace.

 

Cela dit, il est tard, le camping-car est garé un peu loin, nous savons que nous voulons gagner Lecce toute proche (vingt et quelques kilomètres) mais où nous ne savons pas s’il y a un espace pour nous accueillir pour la nuit (en fait, nous trouverons facilement un grand parking en plein centre), par conséquent nous préférons repartir sans prolonger ni multiplier les visites.

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 20:41

Ce matin, nous étions au musée d’Alberobello. À présent nous avons quitté cette ville des trulli et avons visité les deux villes voisines de Locorotondo et de Martina Franca avant d’aller dormir à Ostuni pour être à pied d’œuvre demain matin.

 

Locorotondo tient son nom de la forme ronde de la ville bâtie sur une colline derrière ses remparts, les rues à l’intérieur des murs formant des cercles concentriques jusqu’au sommet. Le centre ancien est intéressant à voir. Comme il n’y a pas d’eau de surface, les toitures de toutes les maisons ont un toit en pente très accusée et sont construites sur des citernes pour recueillir le maximum d’eau de pluie.

 

647a1 Locorotondo, San Giorgio

 

647a2 Locorotondo, San Giorgio 

En ville, nous nous arrêtons devant l’église néoclassique de San Giorgio (1780-1825) et son beau saint Georges. Il s’agit d’une reconstruction d’un édifice précédent car il existe un document de 1195 dans lequel le roi de Naples souabe Henri VI confirme la possession par le monastère bénédictin Santo Stefano de Monopoli (localité proche, voir mon article de mercredi et vendredi derniers 10 et 12 novembre) d’un “lieu appelé rond” garni d’oliviers, de vignes, de puits et d’une église dédiée à saint Georges.

 

647b Locorotondo, San Rocco 

Plus loin, nous passons devant une autre église, c’est San Rocco, puisque l’on reconnaît saint Roch avec son bâton de pèlerin, le chien qui lui apportait quotidiennement un quignon de pain chapardé quand, malade, il s’était retiré du monde, et le geste par lequel il montre sa jambe atteinte d’un bubon de peste. San Rocco est le patron de la ville de Locorotondo.

 

647c1 Locorotondo, Madonna della Greca 

647c2 Locorotondo, Madonna della Greca 

Nous sommes ici devant la très belle église Madonna della Greca. On ignore la date de sa construction mais d’après le style et divers éléments architecturaux il est très probable qu’elle date du douzième siècle, même si le document le plus ancien la concernant ne date que de 1558. N’ayant, évidemment, rencontré aucun témoin des années antérieures à 1893, je ne sais que penser, parce que j’ai lu, au sujet de la rosace qui orne sa façade, deux données contradictoires. Ce qui est sûr, c’est qu’en 1981 un artisan local a réalisé la remarquable rosace que l’on peut admirer aujourd’hui, alors qu’auparavant il n’y avait là qu’une fenêtre. Mais alors que l’un de mes documents laisse entendre que depuis les origines il n’y avait que du verre pour fermer cette fenêtre, et pour appuyer cette affirmation il se réfère à une gravure française du dix-huitième siècle à laquelle faute d’indications je ne peux demander de trancher, l’autre document fait état d’une ancienne rosace que les travaux de restructuration menés en 1893 ont détruite, sans préciser si cette destruction faisait partie de la restructuration ou était accidentelle. Quoi qu’il en soit, la rosace de 1981 est, paraît-il, la réplique exacte de cette d’Acquaviva où nous avons l’intention de nous rendre dans quelques jours. Évidemment, il eût été préférable d’avoir une photo de l’original sous les yeux pour écrire l’article d’aujourd’hui, mais tel n’était pas l’ordre de notre itinéraire… Nous verrons !

 

647c3 Locorotondo, Madonna della Greca

 

647c4 Locorotondo, Madonna della Greca 

À l’intérieur, derrière l’autel principal se trouve un intéressant polyptyque de la seconde moitié du seizième siècle, œuvre d’un artiste local, dont le style se retrouve dans d’autres statues, quoique l’on puisse discerner une autre main à travers une même inspiration.

 

647c5 Locorotondo, Madonna della Greca

 

Étant dans l’église de la Madonna della Greca, je ne peux manquer de montrer la statue dont elle est l’éponyme. Je me suis demandé pourquoi cette Vierge et cette église se référaient à une Grecque, et quelle Grecque. Nulle part je n’ai trouvé de réponse à ma question. Alors j’ai consulté Internet et suis tombé sur le blog (de mai 2008) d’une prof française qui a débarqué dans le coin, habitant à Locorotondo et enseignant à Noci, blog très vivant et amusant, qui m’a fait perdre beaucoup de temps parce que j’en ai lu bon nombre d’articles, par pur intérêt, sans utilité, et qui n’a pas trouvé de réponse à ma question malgré des recherches beaucoup plus poussées que les miennes. Pour qui veut avoir des détails (et passer un moment agréable), voici le lien vers la page concernant cette église. Et de là on peut naviguer vers tous les autres articles.

 

 http://marie-vagabonda.blogspot.com/2008/05/santa-maria-della-greca.html

 

Comme c’était l’usage dans la région, la statue était revêtue d’un émail polychrome. Elle se trouvait dans une autre église, la Chiesa Madre, l’église mère. Lorsqu’elle a été transférée ici, elle a subi une énergique restauration qui lui a coûté ce revêtement d’émail. Dommage.

 

647d Martina Franca

 

647e Martina Franca 

647f2 Martina Franca 

De Locorotondo à Martina Franca il n’y a que quelques kilomètres. Je ne sais ce que recouvre cette plaque de fonte, écoulement des eaux de pluie, regard vers une connexion électrique, téléphonique, un branchement d’eau, de gaz, que sais-je encore, mais elle représente fièrement la ville qui l’a mise en place. Je montre deux vues de cette ville, la Porta Santo Stefano sur la première et avec sur la seconde un petit bout de l’abside de la cathédrale.

 

647f1 Martina Franca 

La photo ci-dessus montre le palais de l’Université et la tour de l’Horloge. Là œuvrait l’administration royale. Quand, au quinzième siècle, le roi Ferdinand d’Aragon a concédé l’autonomie administrative à Martina Franca, la ville y a installé son nouveau parlement. Puis, en 1734, on construit la tour et on donne un air baroque à la façade pour l’harmoniser à la tour. Puis au dix-neuvième siècle on surélève le bâtiment pour héberger les services municipaux et une prison de la circonscription judiciaire. C’est du moins ce que je lis, mais je ne vois pas très bien comment peut être sûre une prison située à l’étage d’un bâtiment administratif. Aujourd’hui, le bâtiment est le siège de l’association des artisans de Martina Franca. Et dans tout cela je ne vois pas ce que vient faire l’université qui donne son nom au palazzo…

 

647g1 Martina Franca, palazzo Ducale 

647g2 Martina Franca, palazzo Ducale

 

En revanche, le palais ducal a bien été la propriété de ducs auxquels la cité était inféodée. C’est la famille Caracciolo qui en a été feudataire de 1506 à 1827. Le palais actuel, construit peu à peu sur trois siècles, de 1668 aux années 1960, occupe la place du château du treizième siècle des Orsini, princes de Tarente. C’est aujourd’hui le siège de la municipalité. Nous avons pu monter pour voir à quoi ressemblent les bâtiments à l’intérieur. Et lorsque nous sommes arrivés dans ce grand salon, des employés installaient des sièges en salle de concert, et nous avons eu le plaisir de pouvoir assister pendant quelques minutes à un mini-concert, le pianiste étant occupé à répéter.

 

647h1 Martina Franca, collégiale San Martino 

647h2 Martina Franca, jumelage collégiale avec Nazareth 

Nous voici devant la collégiale dédiée à saint Martin, le nôtre, saint Martin de Tours, et jumelée avec la basilique de l’Annonciation à Nazareth. C’est sans aucun doute un grand honneur, car je suppose que ne sont pas légion les églises catholiques de Nazareth, Bethléem, Jérusalem susceptibles de jumelages avec les centaines de milliers d’églises catholiques dans le monde, même si les églises des Lieux Saints sont jumelées plusieurs fois. Cette collégiale remplace un édifice antérieur datant du quatorzième siècle et abattu en 1747. Dès 1763, les travaux étaient suffisamment avancés pour que l’on puisse ouvrir l’église au culte, et c’est en 1775 qu’elle a été consacrée. Au-dessus du portail, la monumentale sculpture en haut-relief, presque en ronde-bosse, représente saint Martin partageant son manteau avec le pauvre.

 

647h3 Martina Franca, collégiale San Martino 

647h4 Martina Franca, collégiale San Martino 

647h5 Martina Franca, collégiale San Martino 

Le moins que l’on puisse dire, en pénétrant dans l’église, est qu’elle n’est pas un lieu de recueillement. Vaste, haute, très ornée, avec des chapelles latérales et de multiples voies de passage, elle n’a rien de ces églises anciennes recueillies. Partout, en plus des stucs, il y a des statues de marbre, d’argent, il y a des toiles dans de riches cadres.

 

647h6 Martina Franca, collégiale San Martino 

Parmi toutes ces œuvres, je n’en choisirai qu’une, c’est la statue de bois de ce Christ à la colonne du tout début du seizième siècle. Attaché à une colonne (l’église Santa Prassede de Rome possède une colonne censée être celle du palais de Ponce Pilate où Jésus a été attaché, que nous avons vue le 12 février dernier) pour être flagellé avant la montée au Calvaire, Jésus est couvert de sang, son vêtement est également maculé, les traces des coups de fouet ont entamé sa chair, tout cela est d’un réalisme extrême et sans doute un peu trop accentué. Jusqu’au regard tourné sur le côté, sans doute vers ses bourreaux.

 

Comme je le disais au début, après cette visite nous sommes allés à Ostuni où nous allons passer la nuit. Nous avons juste jeté un coup d’œil à la ville, je préfère n’en parler que demain quand nous aurons mieux visité, et de jour.

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 19:57

646a1 Alberobello 

646a2 Alberobello 

646a3 Alberobello 

Et nous voici à Alberobello, la capitale du trullo, cette curieuse construction au toit pointu. Mais pour comprendre la raison de cette architecture et le pourquoi de la création de cette ville relativement récente, il faut d’abord éclairer quelques points de l’histoire locale.

 

Le nom d’Alberobello n’existait pas, et il n’y avait ici qu’un lieu totalement inhabité et inculte appelé La Selva, mot italien du latin silva, la forêt, qui désigne une vaste forêt touffue, inextricable. On y a retrouvé des pointes de flèches et autres objets montrant que dans un lointain passé préhistorique avaient vécu là des populations venues du Moyen-Orient qui élevaient un tumulus conique sur les sépultures de leurs morts, mais les habitants avaient complètement disparu depuis longtemps quand, au quinzième siècle, un certain Giuliantonio Acquaviva reçoit du roi de Naples Ferrante le comté de Conversano où se trouve La Selva, en remerciement des services militaires rendus. En visitant Otrante, les 4 et 5 octobre derniers, nous avons vu qu’en 1480 le sultan Mehmet II avait débarqué pour réaliser la jonction entre la Turquie convertie à l’Islam et l’Espagne musulmane, espérant ainsi éviter la reconquête chrétienne de ce pays, reconquête qui sera néanmoins achevée peu après, en 1492, avec le siège et la prise de Grenade. Otrante résiste courageusement, mais est prise par les Turcs qui massacrent douze mille des vingt-deux mille habitants, réduisent les autres en esclavage, tandis que le maire et huit cents habitants qui avaient refusé de renier leur foi sont torturés et décapités. Le roi Ferrante demande à Giuliantonio Acquaviva d’intervenir mais alors qu’il effectue en compagnie d’une dizaine de chevaliers une reconnaissance le 6 février 1481, des chevaliers turcs l’attaquent. Ses compagnons sont tués et il réussit, blessé, à s’échapper, mais il est rattrapé, les Turcs lui coupent la tête d’un coup de leur grand sabre, la plantent sur une lance et l’exposent sur les créneaux du château d’Otrante.

 

À sa mort glorieuse pour la défense de la foi chrétienne, le roi décide que son fils Andrea Matteo Acquaviva (1457-1529) recevra tous les titres et privilèges obtenus par Giuliantonio. Pour peupler La Selva, Andrea Matteo va accorder des libertés à quiconque viendra s’y installer. Puis au cours des années, les Acquaviva comtes de Conversano vont autoriser la culture de champs si l’on défriche la superficie, réaliser une grande citerne pour stocker les eaux de pluie dans cette région sans rivières, etc. Mais en 1616 Giangirolamo II, dit Le Loucheur des Pouilles (1600-1665), hérite du domaine. Sa cruauté et celle de sa femme sont restées tristement célèbres. Les impôts qu’il perçoit sont extrêmement lourds et il les recouvre avec violence. Les pendaisons et les scalps sont multiples. Il assiège une ville qui s’était rebellée et, l’ayant prise, en fait torturer puis exécuter les nobles et les chanoines. En revanche, pour accélérer le peuplement de La Selva, il accorde des terres et l’exemption d’impôts aux paysans de feudataires voisins qui abandonneraient leur seigneur, ce qui n’est pas du goût desdits seigneurs, mais malgré sa sombre réputation il réussit ainsi à attirer bon nombre d’habitants.

 

646b Alberobello 

646c1 Alberobello 

De plus, il les autorise à se construire des maisons ; mais parce que les seigneurs doivent payer au roi des impôts sur toutes les constructions élevées sur leurs terres et qu’il entend frauder le fisc, il ordonne que les maisons soient construites sans mortier, avec un toit conique sur une base carrée, ce qui les rend destructibles en fort peu de temps, et il profère les menaces les plus terribles contre ceux qui, en cas d’inspection royale, n’abattraient pas leur maison. D’où l’origine des trulli.

 

646c2 Alberobello 

646c3 Alberobello 

Les feudataires voisins furieux de voir leurs paysans les fuir, choqués des violences de Giangirolamo II, de sa malhonnêteté, de ses jugements arbitraires, envoient au roi d’Espagne et au vice-roi de Naples des dénonciations accompagnées de documents détaillés et de preuves. Immédiatement, des inspections ont lieu, et Giangirolamo est emprisonné à Madrid en 1649. Dans le siècle et demi qui a suivi les seigneurs qui ont régné sur La Selva ont parfois été cruels et injustes, parfois éclairés et bienveillants, mais peu à peu une classe cultivée s’était développée, la population n’était plus seulement paysanne mais des artisans et des commerçants avaient vu le jour. En 1797, dans le vent de l’Histoire (la Révolution française avait conquis des libertés), sept représentants de l’agglomération profitent d’une visite du roi Ferdinand IV à Tarente le 11 mai pour, sur intercession de l’archevêque, le rencontrer. Apprenant toutes les violences et les injustices subies, le roi promet un décret libérant la ville de tout lien féodal, mais tarde un peu à le promulguer.

 

646c4 Alberobello 

646c5 Alberobello

 

Deux semaines après l’entrevue de Tarente, le 25 mai, le roi est de nouveau dans les Pouilles, à Foggia, pour le mariage du prince Francesco. Une délégation de La Selva se rend alors à Foggia pour insister, et le 27 mai 1797 le roi fait de La Selva une commune libre par décret royal. La nouvelle commune élit son premier maire le 22 juin et se choisit un blason : devant un grand chêne symbolisant la forêt d’origine, un chevalier repousse de sa lance un lion qui représente le pouvoir féodal. Et la ville, considérant son blason, se donne le nom de Bel Arbre, en italien Alberobello.

 

646d Alberobello 

646e Alberobello 

La construction commence par le creusement dans la roche d’une salle de trois mètres de diamètre et cinq mètres de profondeur que l’on recouvre d’une voûte. Ce sera la citerne indispensable pour recueillir les eaux de pluie puisque la citerne collective providentielle pour quelques dizaines de familles est notoirement insuffisante pour une ville de plusieurs milliers d’habitants. Ensuite, autour de cette citerne, on creuse des fondations selon un carré et, avec des pierres de ce calcaire gris qui s’est formé en plaques peu épaisses et qu’il suffit de ramasser, on monte des murs sans mortier jusqu’à deux mètres du sol environ. Ces murs sont ensuite blanchis à la chaux. Tout cela coûte beaucoup de sueur mais pas un centime. Puis en posant une grosse pierre sur chaque angle, on monte le toit conique en superposant des cercles concentriques et de diamètre de plus en plus étroit, de sorte que la gravité en même temps que les poussées latérales maintiennent le tout en place. Au sommet, on place une grosse pierre, la clé de voûte, et au-dessus un pinacle à signification propitiatoire. De même, on peint à la chaux sur le toit conique, et toujours en direction du soleil, un signe lui aussi propitiatoire. La signification en vient d’une lointaine antiquité païenne plus ou moins christianisée ou, plus rarement, il s’agit d’une simple croix chrétienne, mais dans tous les cas une très grande part de la population, aujourd’hui encore, y attache une foi superstitieuse. Sur une photo précédente, on a vu des croix, mais ci-dessus cette croix en arbre unit trois mondes, le paradis, la terre et l’enfer. Tout au début de cet article, sur la deuxième photo où l’on voit de nombreux toits, apparaît une croix aux quatre bras égaux inscrite dans un cercle, c’est le symbole du Soleil-Christ. La plupart du temps il est fait référence au soleil, qui était la divinité majeure des peuples anciens de ce lieu. Notons que ces formes rondes sont très anciennes, pour des sépultures d’abord (que l’on pense au tombeau d’Agamemnon à Mycènes, que nous verrons on jour… si nous parvenons à nous arracher à l’Italie), puis pour des habitations. Aujourd’hui encore, sur le territoire de l’Assyrie historique (nord-ouest de l’actuel Irak) existent des habitations à coupoles coniques, avec pinacles et signes peints mythologiques.

 

Ma dernière photo, ci-dessus, montre le détail d’une toiture brute, mais traditionnellement, pour faire s’écouler l’eau de pluie et boucher les interstices entre les pierres, on recouvre la toiture de pierres bien plates et beaucoup plus fines appelées chiancarelle provenant des couches de calcaire les plus minces, disposées en écailles. C’est ce que l’on voit sur la plupart des autres photos. À noter que parce que ces maisons ne sont pas construites pour durer, le plus ancien trullo est de 1559. À noter également que le mot trullo est entré dans la langue italienne seulement au vingtième siècle, mais que certains le mettent en relation avec le mot grec d’époque byzantine torullos désignant le hall en forme de dôme du palais de Constantinople, d’autres avec le grec tholos désignant un monument circulaire, mais si la première explication peut paraître douteuse (comment le mot serait-il passé de ce palais aux modestes constructions sans mortier), la seconde me semble complètement fantaisiste, car inexplicable selon les lois de la phonétique. Il me semble plus vraisemblable de faire dériver le mot de la turris latine (la tour), diminutif turulla ou trulla. Si cette dernière explication est une imbécillité, je précise que je prends sur moi la responsabilité de la proposer ici.

 

646f1 Alberobello, chiesa a trulli

 

646f2 Alberobello, chiesa a trulli 

Cette église à trulli dédiée à saint Antoine (Sant’Antonio) date du vingtième siècle, sa construction a commencé en 1926, mais quoiqu’elle soit moderne son architecture allie le roman des Pouilles à la technique du trullo, avec une voûte principale de vingt-cinq mètres de haut.

 

646f3 Alberobello, chiesa a trulli 

646f4 Alberobello, chiesa a trulli 

646f5 Alberobello, chiesa a trulli 

Cependant, dès la libération de la ville du joug féodal et l’annexion administrative au royaume de Naples comme commune libre en 1797, on s’affranchit des règles imposées par les feudataires et on utilisa brique et mortier, sauf dans le centre ancien que l’on conserva, et à la campagne pour les animaux. Cette église a donc utilisé ces matériaux non traditionnels.

 

646g Alberobello, musée des trulli 

Il existe aussi à Alberobello un intéressant musée du trullo. Bien entendu, il est lui-même installé dans un trullo authentique, ce qui permet de comprendre, outre l’architecture générale, l’architecture de composition. En effet, toute la famille ne vivait pas (ne vit pas, puisque les trulli traditionnels sont encore de nos jours habités normalement) dans une seule petite pièce. Une maison est normalement constituée de plusieurs trulli accolés entre lesquels des portes permettent le passage d’une pièce à l’autre comme dans une maison conventionnelle.

 

646h1 Alberobello, musée des trulli 

646h2 Alberobello, musée des trulli 

Pour que le visiteur comprenne mieux ce qu’il voit, une maquette éclatée montre une maison de trulli. Lorsque la ville a évolué et qu’une bourgeoisie s’est dégagée, des familles aisées ont apparu, un médecin a édifié un trullo à deux étages, le curé en exercice en 1797 a construit sa maison autour d’une cour.

 

La maquette de ma seconde photo a l’ambition de montrer la vie dans le passé à Alberobello, avec des maisons de plusieurs types et des accessoires et des personnages en action. Le souci du détail vrai est très poussé.

 

646i1 Alberobello, musée des trulli

 

646i2 Alberobello, musée des trulli 

On peut voir aussi différents modèles de pinacles qui ont été récupérés sur des ruines de trulli et qui montrent la variété des formes. Je choisis de montrer ici un exemple de modèle purement ornemental et un autre à valeur religieuse en forme de croix.

 

646j1 Alberobello, musée des trulli 

646j2 Alberobello, musée des trulli 

Dans une autre partie, le musée montre l’agencement des pièces, avec une pièce à vivre meublée. Par ailleurs, on voit que sous le cône du trullo, au sommet des murs est posé un plancher. Au-dessus, ce n’est pas un étage à proprement parler, mais un espace de rangement ou de stockage, vêtements et linge de maison, outils, objets divers, réserves de nourriture, etc., auquel on accède par une échelle à travers une trappe.

 

646k1 Alberobello, musée des trulli, pot de chambre 

646k2 Alberobello, musée des trulli, pot de chambre 

646k3 Alberobello, musée des trulli, vase de nuit 

Le choix des images qui vont clore le présent article peut paraître curieux, mais le musée possède une si belle collection de ces objets de faïence que je ne peux manquer de le signaler. Ce sont des pots de chambre, ou des vases de nuit si l’on préfère ce terme. Le premier est un modèle pour enfant, dit l’étiquette. Pour les deux autres, dont l’étiquette ne dit rien, on peut en déduire qu’ils sont pour adultes. Je ne pense pas que ce soit la forme, fort différente, qui permette de les distinguer. Je suppose que c’est une question de volume, ou surtout de diamètre de l’assise. Et sur ces graves considérations techniques, nous allons quitter Alberobello pour Locorotondo.

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